Les commentateurs du 1er tour des présidentielles se sont désintéressés des résultats du vote écologiste ! Et pourtant, une analyse montre que les régions les plus sensibles au programme d’Eva Joly sont à la fois à Paris et dans les zones de petite production laitière. A Paris, on trouve cette sensibilité à la fois dans les quartiers dits « bobos » et dans les 10ème et  11ème. Comment cela peut-il se faire ?

Sources : Ministère de l’intérieur

Commentaire « les2ailes.com »

Les résultats du 1er tour de la présidentielle de 2012 sont clairs : Eva Joly n’a réuni que 2.31 %.

1- Un vote urbain

Mais ce qui est moins connu, c’est que les dix premières villes françaises[1], à elles seules, ont donné en moyenne un taux de suffrage de 3.74 % à Eva Joly. Le vote écologique est donc un vote essentiellement urbain.
Le record est parisien puisque Eva Joly a obtenu 4.18% de suffrage à Paris.
Il est donc intéressant d’analyser ce qui s’est passé à Paris.

a. Des quartiers « populaires »

Les arrondissements dont le score s’écarte de plus de 30 % à 45% au dessus de la moyenne parisienne se retrouvent dans  les 10ème et  11ème : ce sont des quartiers populaires. Ce sont d’ailleurs des arrondissements dans lesquels la la proportion de vote en faveur de Hollande ou contre Sarkozy ce sont le plus écartés de la moyenne parisienne. On devine qu’il peut donc s’agir d’un vote protestataire assis en particulier sur les conditions d’habitats.

On comprend alors que le programme politique d’EELV ait consacré une large place à la question de l’environnement urbain : « Un logement pour chacun »  « Face à la pénurie de logements, construisons plus et mieux ! »…  « Garantir un meilleur accès au parc social ».. « Réguler le parc locatif privé, faire baisser les prix »…
Ce type d’affirmation est louable, mais les solutions proposées ne relèvent ni de la subsidiarité, ni de la responsabilisation des acteurs, mais au contraire de l’interdiction, et de l’expropriation : « interdiction des expulsions sans relogement, …captation [sic ?] de logements dans le parc privé,… loi de réquisition,… ». D’autres mesures risquent de décourager l’investissement privé locatif : «  renforcer la taxation des plus-values, en intégrant la taxe d’habitation dans le calcul de l’impôt sur le revenu, … Limiter la durée des crédits immobiliers à vingt-cinq ans ».

b. Des quartiers  « bobos »

Les arrondissements dont le score s’écarte de plus de 25 % à 35% au dessus de la moyenne parisienne se retrouvent dans  les 2nd et 3ème arrondissement : ce sont des quartiers réputés sociologiquement « bobos ». On devine que Mgr 23 avait peut-être raison de rappeler qu’il faut éviter que "le souci de l'environnement [soit] un esthétisme de luxe pour pays développés" !

On comprend alors que le programme d’Europe-écologie-les-verts reprenne :

  • toutes les idéologies pseudo-intellectuelles décrites dans notre ouvrage « les contrevérités de l’écologisme » et qui concernent :
    • L’empreinte écologique et la surpopulation : « réduire notre empreinte écologique … notre empreinte écologique augmente régulièrement. Si nous devions généraliser notre modèle de développement à la population mondiale, cinq planètes y suffiraient à peine »
    • La biodiversité : « un plan de préservation de la biodiversité, … une fiscalité et des mécanismes financiers favorables à la biodiversité, création d’une Agence nationale de la nature, véritable vitrine de la biodiversité »,
    • Les gaz à effet de serre et le climat : « lutte contre le réchauffement climatique…  mise en place d’une contribution climat énergie »
    • Les énergies : « l’arrêt progressif mais définitif des 58 réacteurs nucléaires français, … fermeture des centrales à charbon,… Le développement de l’éolien doit pouvoir s’appuyer sur un réseau de PMI… »
    • L’agriculture « bio » : « « soutien à l’agriculture biologique, …  mise à l’écart des biotechnologies et des produits phytosanitaires, moratoire sur les OGM, … redevances fortes sur les pesticides, … incitation à l’usage d’aliments AB dans la restauration scolaire »
    • Tout ce qui peut être contraire à l’ « écologie de l’homme » est également repris :
      • La contraception : « développer l’information et  faciliter l’accès à la contraception… »
      • La drogue : «  pour le cannabis et ses dérivés : la dépénalisation de la Consommation »
      • La sexualité permissive : « le développement de l’éducation à la sexualité dans les programmes scolaires, y compris le plaisir »
      • Le mariage pour les couples de même sexe : «  la lutte contre la pénalisation de l’homosexualité et de la trans-identité dans le monde » et « l’ouverture du mariage et de tous les droits attenants aux couples de même sexe, et un alignement des droits liés au PACS sur ceux liés au mariage ;  la lutte contre l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie dans toute la vie scolaire, le monde sportif et le monde du travail, par la sensibilisation de tous les acteurs et toutes les actrices ;  l’accès égalitaire pour toutes et tous à l’adoption et aux techniques d’assistance à la procréation, et la reconnaissance légale de l’autorité des parents sociaux sur les enfants de couples homoparentaux »
      • L’euthanasie : « organiser … la possibilité de mourir dans la dignité : chaque personne doit pouvoir mourir dans la dignité là et au moment où elle le souhaite »
      • Le gender : «  la création d’un ministère d’État de l’égalité entre les femmes et les hommes. … prendre en compte le genre dans tous les domaines ; une politique éducative et de prévention ambitieuse passe par la formation initiale et continue aux inégalités de genre des acteurs et actrices de l’éducation, de la petite enfance à l’université, ainsi que par la garantie de matériel pédagogique et de manuels scolaires non sexistes ».
      • Et d’autres idées floues, mais dont on peut craindre qu’elles limitent les libertés religieuses
        • « La promotion de l’éducation à la laïcité ».

2- En province, un vote de petits éleveurs laitiers

En province, on voit que les habitants des départements très ruraux ne sont pas aussi sensibles au discours écologiste. On habite pas loin de la campagne et on sait très bien que la planète n’est pas aussi dégradée que ce que racontent les idéologues. Ainsi, dans l’Aisne, la Somme, la Corrèze, la Haute Marne ou l’Aube, le vote écologique n’atteint pas 1,5% !

A contrario, les cinq départements qui ont, hormis Paris, les meilleurs scores écologistes sont les Hautes Alpes (3.63%), la Haute Savoie (3.59%), la Savoie (3.42%), l’Ille et Vilaine  (3.17%) et la Loire Atlantique (3.15%)[2]. Or, c’est dans ces régions de production laitière que la Confédération paysanne est très bien implantée et qu’elle y défend l’amélioration du système des « quotas laitiers ». Aux élections pour les chambres d’Agriculture de 2007, ce sont des régions qui ont voté à plus de 27% pour ce syndicat, alors que la moyenne française n’était que de 19.6%. La confédération paysanne a même eu, pendant un temps, le contrôle de la Chambre de Loire Atlantique. Il ne faut donc pas s’étonner de trouver dans ce département, un score élevé en faveur d’EELV.

On comprend alors que le programme d’EELV fasse des propositions pour favoriser la Confédération paysanne dans les chambres d’agriculture : « Le gouvernement garantira le pluralisme  syndical et l’ouverture à la société civile dans les interprofessions, et repensera la gouvernance de l’ensemble des institutions agricoles dans ce sens : enseignement, recherche, ministères, chambres, SAFER, CDOA, etc ».

En revanche, concernant la remise en place de douanes pour protéger les importations, c’est peut-être le point du programme d’EELV que nous pourrions reconnaître comme soutenable, même si, malheureusement, le politiquement correct actuel donne peu de chance d’avancer dans ce sens : «  Au niveau international, il faut reconstruire l’accord sur l’agriculture de l’OMC sur le droit inaliénable des peuples à produire leur propre alimentation, donc sur la souveraineté alimentaire,  par une protection efficace à l’importation. Cela  stabilisera les prix à un niveau rémunérateur pour les agriculteurs familiaux, avec une régulation internationale interdisant la spéculation ».
Malheureusement, le programme ne précise pas quels sont les pays à protéger : la France ou les pays pauvres d’Afrique en particulier ? La confédération paysanne, comme tous les syndicats agricoles, souhaite surtout protéger les productions de ses adhérents ! On est donc loin de l’analyse et des recommandations du prix Nobel de l’économie, Joseph Stiglitz (voir notre ouvrage « les contrevérités de l’écologisme ».

3- Conclusion

Pourquoi donc un si faible score de la candidate écologique ?
Pour nous, il va de soi que les problèmes sont mal posés.

  • Sur la forme :
    Une sémantique fourre tout qui déconstruit les esprits et les prépare à accepter toutes les idéologies, en particulier tout ce qui contribue à imaginer une décroissance pour cacher une volonté de réduire la population mondiale. En ce sens, l’écologie est un formidable alibi pour les tenants d’une gouvernance mondiale fonctionnant sans subsidiarité ! Les opinions publiques sont conscientes, plus qu’il n’y parait, qu’on leur agite des menaces pour faire peur, les paralyser et leur imposer des programmes qu’ils ressentent comme contraire à la vie.
  • Sur le fond : il faudrait se projeter dans le futur, avec une plus grande confiance dans l’avenir. Il faut savoir peser les bénéfices et les risques de nos actions, au lieu de se draper dans un principe de précaution qui pousse à nous retourner vers les techniques du passé. Nourrir une planète à 9 milliards d’habitants est parfaitement accessible, y compris en prenant en compte les contraintes environnementales, à condition de revoir les règles internationales d'échange (OMC). Pour être crédible, nos programmes ne doivent pas confondre ce qui relève de l'écologique et de l'économique.

Ces deux erreurs de positionnement conduisent, malheureusement de nombreux chrétiens, sensibles à l’écologiquement correct, à accepter une forme de syncrétisme : avec des fêtes de la création qui dérivent vers un culte à la déesse Gaïa, l’introduction du label « bio » dans l’eucharistie, …

 

Il y a donc urgence à former les responsables chrétiens, par exemple:
  • Une véritable catéchèse de la création doit aider à ne pas faire croire qu'Adam a été appelé à « garder » le paradis dans un écomusée, mais à « garder » la terre contre celui qui rode, le Malin… Le mal contre la terre commence par le mal que fait l'homme à l'homme
  • Former les communautés à une véritable écologie de l'homme, c'est à dire placer la défense de la famille et de la vie, de la conception à la mort, au centre de l'ordre naturel des choses qu'il faut défendre.
  • ne pas attendre de l'Eglise qu'elle tranche les débats scientifiques
  • comprendre le sens de la création initiale, mais aussi la seconde création pascale qui nous appelle à regarder vers une terre nouvelle…
  • Se rappeler le sens de la fête des rogations. Il s’agissait d’une fête de la « demande exaucée »  (rogarer): à l’époque des pénuries, la prière pour les récoltes était intense. Aujourd’hui où on ne peut pas vraiment parler de pénuries, il faudrait probablement prier pour que la nature de l’homme soit protégée.
  • Ne pas oublier que l'ascèse et la frugalité sont des valeurs qui n'ont pas pour objet de sauver la planète, mais de nous tourner vers Dieu et de nous éduquer à écouter les besoins de notre prochain.

[1] Vote EELV dans les grandes villes françaises
75-Paris                                              4.18     (2 590 milliers d’habitants)
13-Marseille                                        2.15     (889 milliers d’habitants)
69-Lyon                                              4.09     (527 milliers d’habitants)
31-Toulouse                                       4.32     (371 milliers d’habitants)
06-Nice                                               1.97     (322 milliers d’habitants)
44-Nantes                                           4.61     (260 milliers d’habitants)
67-Strasbourg                                     4.19     (249 milliers d’habitants)
34-Montpellier                                     3.90     (162 milliers d’habitants)
33- Bordeaux                                      4.00     (267 milliers d’habitants)
59- Lille                                               3.90 (238 milliers d’habitants)
Total 10 + grandes villes de France   3.74    (5 875 milliers d’habitants)
Source : http://www.linternaute.com/ville/ville/elections-presidentielles/21605/lille.shtml

[2] Vote aux élections dans les chambres d'agriculture de 2007

Organisations

Part des suffrages en 2007

44

35

73

74

05

Confédération Paysanne

19,6%

32.82

21.22

19.18

38.71

29.23

Coordination rurale

18,7%

22.90

20.18

14.08

0

0

FNSEA/JA

54,9%

 

 

 

 

 

MODEF

2,6%

 

 

 

 

 

Liste Union CP/MODEF

0,8%

 

 

 

 

 

Apparentés FNSEA

1,9%

 

 

 

 

 

Divers

1,4%