"Un jour viendra où nous, les Haïtiens, nous serons les héros du monde. Ce jour-là, ce sera l'apocalypse. Pour la fin du monde, c'est nous qui missionnerons des experts partout. C'est nous qui enverrons, cette fois, nos ONG et nos 4x4 dans tous les pays riches. Pensez, l'apocalypse, ça nous connaît! Finalement, on est peut-être simplement en avance sur l'humanité..." Ces quelques mots de l'écrivain haïtien Gary Victor, au caractère ironique plus que particulier, sont tirés d'un article du journal en ligne "slate.fr" qui en tire une analyse pertinente !...

Commentaire de "les2ailes.com"

L’infortune semble, effectivement, une fois de plus s’être abattue à Haïti, l’un des pays les plus pauvres de la planète. Après les cyclones Hanna, Gustav et Ike aux Gonaïves en 2008, les émeutes de la faim qui avaient frappé le pays de plein fouet, c’est au tour d’un séisme brutal de marquer le pays au fer rouge. Bilan : entre 50 000 et 100 000 morts estimés, près de 3 millions de blessés ou sans abri, sans parler des infrastructures et innombrables bâtiments détruits…

Et si ce bilan n'avait rien d'une fatalité ? N'est-ce pas le résultat de plus de vingt années de politiques économiques inadaptées, qui concernent en particulier l’agriculture? Un éditorial de MOMAGRI montre bien combien l’ampleur des dommages prend, avant tout, sa source dans la promiscuité et l’insalubrité des conditions de vie des 2 millions d’habitants de la capitale, la plus touchée, qui, avec plus de 350 bidonvilles, fait partie de ce que le sociologue américain Mike Davis appelle les 30 «mega-slums» de la planète, les méga-bidonvilles. Un phénomène qui prend sa source dans l’exode rural, alors que les barrières protégeant l’agriculture du pays tombent une à une, pour faire droit « à la loi du marché ». Les institutions internationales, Banque mondiale et FMI en tête, accélèrent le processus, en conditionnant leurs aides à une baisse drastique des droits de douanes, favorisant l’entrée massive de produits agricoles internationaux moins chers (notamment américains) sur le marché haïtien. Non compétitifs, obligés de s’aligner sur les prix pour pouvoir vendre, les agriculteurs haïtiens quittent petit à petit leurs campagnes pour rejoindre la ville. Ce à quoi s’ajoutent aujourd’hui la déforestation, l’érosion et la désertification, qui contribuent à ruiner les quelques agriculteurs restants…

Un comble pour ce pays qui il y a encore vingt ans nourrissait 95% de sa population. Aujourd’hui, plus de 60% de la consommation alimentaire du pays dépend des importations et de l’aide alimentaire internationale. Même si ce n’est à l’évidence pas l’unique facteur de la pauvreté et l’entassement de la population haïtienne, il n’est pas interdit de penser qu’avec une population mieux répartie sur le territoire, une agriculture saine qui assure la sécurité alimentaire de tous et initie le développement économique du pays, les conséquences des catastrophes naturelles auraient été réduites. L’exemple d’Haïti, pour bon nombre d’experts, souligne et doit souligner l’urgence radicale qu’il y a à assurer le développement équilibré de l’agriculture d’un pays avant de chercher à mettre l’accent sur d’autres secteurs économiques. A Haïti, les erreurs des politiques économiques du passé se paient désormais en milliers de décès à chaque catastrophe naturelle.