Le rapport de la mission parlementaire sur la bioéthique est rendu public aujourd'hui.
Une modification notable concerne les recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires :
En 2004, l'interdiction était accompagnée d'une autorisation dérogatoire valable cinq ans et soumise à conditions. Le rapport propose qu'elles demeurent interdites avec dérogations, mais les dérogations seraient vidées de leur substance...

Commentaire "les2ailes.com"

En effet, les dérogations seraient différentes de celles de 2004, et non encadrées par des délais. La nécessité de poursuivre une "finalité thérapeutique" est remplacée par une "finalité médicale", moins restrictive, et la mise en oeuvre de ces recherches devra "'se conformer aux principes éthiques'" et leur pertinence scientifique devra être établie.

Les conséquences de l'utilisation des cellules souches embryonnaires seraient évaluées par l'Agence de la Biomédecine qui exercerait une "veille éthique".

Au fil des lois de bioéthiques successives, les élus délèguent leur devoir de veille éthique.

Avec la création du Comité Consultatif national d'Ethique, ils s'en remettaient, en fait, à l'avis d'une commission de 40 membres, appartenant aux « principales familles philosophiques et spirituelles » (courants philosophiques et religions catholique, protestante, juive et musulmane), choisies pour « leur compétence et leur intérêt pour les problèmes éthiques », dont certaines appartenant au « secteur de la recherche » (Inserm, CNRS, Institut Pasteur…). Malheureusement, cette composition disparate permet de moins en moins à ce comité d'émettre des avis clair. A l'approche de la revision actuelle des lois de bioéthique, ce comité s'est contenté d'un n° 105 du 9.10.2008 intitulé "questionnement pour les Etats Généraux de la Bioéthique" dans lequel il conclut que, "Finalement, le présent mémoire a cherché à faire émerger le fondement et le sens des options débattues et des réponses proposées" pendant lesdits états généraux. Autrement dit, le comité a tendance à ne plus se prononcer mais souhaite que se multiplie " les occasions de rencontre et d’échanges collectifs" de ce type.

Face à cette difficulté, les élus proposent maintenant de déléguer ce devoir de veille éthique à un autre comité, "l'Agence de la Biomédecine". Or son conseil d'administration est composé de 33 membres, représentants des différents ministères et établissements publics à caractère sanitaire et personnalités qualifiées dans les domaines de compétences de l’Agence. Ces personnes qualifiées sont toutes des médecins, des pharmaciens, des spécialistes de  greffe d’organes, de tissus et de cellules, des biologistes, généticiens, hospitaliers.

Autrement dit, ce seront des médecins qui seront chargés de la veille éthique concernant la mission des médecins!

Qu’en penser ?

Malheureusement, aujourd’hui, certains scientifiques cherchent à acquérir un statut d’autonomie complète. On parle de la « liberté de la science » ! Or il n'y a pas de liberté sans "contre pouvoir". Les trois pouvoirs politiques sont bien connus : le pouvoir judiciaire, le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif. Chacun de ses "pouvoirs" est sensé agir en "liberté" de conscience : le député est libre -théoriquement- de son vote, le juge de son jugement, et le fonctionnaire est libre de signer ou non un  décret. Or, en démocratie, chacun de ces pouvoirs est le contre pouvoir de chacun des deux autres.

On a vu se développer une première exception avec la "liberté de la presse" présentée par les medias comme un absolu supérieur.... refusant le vocabulaire de "pouvoir de la presse", ce qu’elle est pourtant, ne serait-ce que par son "pouvoir d’influence". La presse a été suffisamment habile pour repousser tous les "contre pouvoirs" au nom de cette "liberté de la presse".

Les chercheurs scientifiques sont en train de gagner une bataille du même type: la liberté étant devenue une valeur sacrée, la "liberté de la recherche" devient un absolu, alors que les scientifiques devraient, eux aussi, accepter des "contre pouvoirs". La bioéthique est un de ces contre-pouvoirs, étant supérieure à cette "liberté de la Recherche".

Comment concilier un « pouvoir » et son « contre-pouvoir »?

On est à nouveau face à ce rêve post moderne du consensus: on voudrait que les "pouvoirs" et les "contre-pouvoirs" soient consensuellement d'accord!!  C'est un non sens contraire à tous les principes de la raison pure: on ne peut pas à la fois "être" et "ne pas être" disent les philosophes. On ne peut pas être un "pouvoir" et être en même temps son propre "contre pouvoir".

Il est regrettable que les élus ne comprennent pas que le contre pouvoir de la science est indispensable pour orienter la science, que l'éthique est ce contre pouvoir, et qu'eux seuls doivent garder ce droit d'alerte. Se contenetr de lire un rapport annuel, rédigé par l'agence de biomédecine, ne permettra de soulever que les problèmes que les médecins daigneront soulever. Ce n'est pas cela qui constitue ni un contrôle des élus, ni un contre pouvoir garant de la démocratie!