Les penseurs et théologiens orthodoxes russes, peuvent nous aider à réfléchir aux thématiques écologiques. Leur regard sur la Genèse s’inspire des textes des pères de l'Église.
Nous reprenons ici quelques réflexions de Nicolas Berdiaev et Vladimir Lossky, Olivier Clément[2] et, plus  récemment, d’Annick de Souzenelle.

Illustré par un triptyque imaginaire[1]

Analyse "Les2ailes.com"

 

Regards orthodoxes sur l’écologie. 
1- Une création corrompue par un désordre originel ?.
1.1- Que qualifie le mot « préternaturel » ?.
1.2- De la matérialité préternaturelle à la matière naturelle ?.
1.3- De l’intemporalité au temporel ?. 
1.4- De l’ordre préternaturel à l’espace naturel 
1.5- Une rupture radicale entre monde préternaturel et monde naturel 5

2- Ne pas chercher Adam dans l’archéologie. 
2.1- Entre la corporalité d’Adam et notre corps d’homme, un véritable Big-bang !
2.2- La chair d’Adam et Ève: leur masculinité et féminité avant la chute. 
2.3- Qu’est-il advenu de la mission humaine de co-créateur?. 
i  L’homme Co-créateur ?.
ii  Co-créateur jusqu’où ?. 
2.4- La vocation royale de l’homme ? L’homme soumis à l’évolution ! 

3- Les risques de confusion dans la pastorale écologique contemporaine. 
3.1-  Le risque de déifier la nature. 
3.2-  Le risque de rêver d’un passé idyllique.
3.3-  Le risque de s’identifier inconsciemment au créateur 
3.4- Le risque de remplacer Dieu tout puissant, par un homme tout puissant. 
3.5-  Le risque de confusion entre "sauvegarder la création", et "respecter la nature". 
3.6- Les risques théologiques. 
3.7- Le risque méthodologique. 

1- Une création corrompue par un désordre originel ?

On ne peut éviter de se poser la question : Dieu créateur a-t-il voulu, ou ne serait-ce qu’accepté, le mal qu’on croise dans ce monde naturel dans lequel nous vivons ? Le paradis que toute l’iconographie chrétienne représente de manière idyllique, n’évoque jamais des tsunamis  ni des bêtes en dévorant d’autres ! Force est donc d’imaginer que le paradis a été victime d’un désordre.
Ne faut-il pas, dès lors, distinguer création divine et monde naturel dans lequel nous vivons. Les pères de l'Église parlait d’un monde préternaturel, (du latin praeter, "au-delà de"), créé par Dieu, hors du temps et de l’espace. Il convient donc de chercher à discerner ce qui le distingue du monde naturel dans lequel nous a plongé le péché originel. Reste encore à définir ce que signifie ce mot « préternaturel ».
Dans une théologie du début des temps, peut-on imaginer que la chute originelle soit en réalité l’introduction du temps et de l’espace dans un véritable Big-Bang ! Comment serait-on passé d’un monde intemporel à l’irréversibilité du temps ? Mais comment se référer à une chronologie, avec un avant et un après la chute, dans un paradis où n’aurait existé ni temps ni espace ? C’est le genre d’approximation nécessaire pour approcher le mystère de la création. 

1.1- Que qualifie le mot « préternaturel » ?

Il faut beaucoup de modestie pour aborder ce type de question.  Il est, en effet, difficile de décrire l’état d’innocence perdu par Adam et Ève, sur lequel on trouve peu d’affirmations dans la Genèse (cf. Gn 1, 26-31 ; 2, 7-8.15-25).
C’est pourquoi la tradition chrétienne[3] ne caractérise cet état d’innocence qu’indirectement, remontant, à partir des conséquences du péché raconté en Gn 3, aux dons reçus par nos premiers parents pour les transmettre à leurs descendants. On affirme ainsi qu’ils avaient reçu les dons naturels correspondant à leur condition normale de créatures. Ils avaient encore reçu les dons surnaturels : la Grâce sanctifiante, un destin supérieur de divination, la vision de Dieu. En outre, la tradition chrétienne reconnaît l’existence, dans le paradis, des dons préternaturels c’est-à-dire des dons qui n’étaient pas requis par la nature mais qui lui convenaient, la perfectionnant dans la ligne naturelle et manifestant la grâce. Ces dons étaient :
- l’immortalité- L’homme ne devait pas mourir (cf. Gn 2, 17 ; 3, 19) . Il faut comprendre l’immortalité, comme le fait saint Augustin, non comme ne pas pouvoir mourir (non posse mori), mais comme pouvoir ne pas mourir (posse non mori). Il est légitime d’interpréter cela comme une situation dans laquelle le passage à un état définitif ne comporterait pas le dramatisme propre à la mort que l’homme ressent après le péché. Certains théologiens  expriment cette contradiction en disant que ce n’est ni mortel qu’Adam a été créé, ni immortel, mais capable des deux.
- l’impassibilité ou exemption de la douleur - La souffrance étant le signe et l’anticipation de la mort, l’immortalité impliquait, en une certaine façon, l’absence de douleur : l’homme ne devait ...pas souffrir (cf. Gn 3, 16).
- l’intégrité ou la domination de la triple concupiscence citée dans la lettre de Saint-Jean « la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, l’arrogance de la richesse » (§ 16,1). Dans cet état d’intégrité, l’homme dominait sans difficulté ses passions : L’harmonie intérieure de la personne humaine, l’harmonie entre l’homme et la femme (cf. Gn 2, 25), enfin l’harmonie entre le premier couple et toute la création constituait l’état appelé "justice originelle" ... L’homme était intact et ordonné dans tout son être, parce que libre de la triple concupiscence qui le soumet aux plaisirs des sens, à la convoitise des biens terrestres et à l’affirmation de soi contre les impératifs de la raison..
- Le don de science, quatrième don traditionnellement ajouté, convenant à l’état dans lequel se trouvaient Adam et Ève, ... au sens d’un état d’amitié avec son Créateur et d’une harmonie avec lui-même et avec la création autour de lui telles qu’elles ne seront dépassées que par la gloire de la nouvelle création dans le Christ... un état "de sainteté et de justice originelle" (Cc. Trente : DS 1511). Cette grâce de la sainteté originelle était une "participation à la vie divine" (LG 2).  

Saint-Augustin[4] explique que ces quatre dons préternaturels "ne changeaient pas essentiellement la nature de l’homme et n’empêchaient pas son corps d’être psychique, d’avoir besoin d’un antidote périodique contre la mort"[5].
L’utilisation du qualificatif «  préternaturel » pour qualifier les dons accordés par Dieu à Adam et Ève lors de leur création, peut-il être étendu pour qualifier toute la création ? Peut-on alors parler de « monde préternaturel ».... au sens de la création dans son premier état ?
Cette difficulté à décrire le cosmos et l’homme que nous qualifierons de préternaturels aux sens ci-dessus, s’amplifie aujourd’hui du fait de l’influence d’une vision en terme d’évolutionnisme de la totalité de l’être humain. D’un tel point de vue, la réalité évolue toujours de moins à plus, alors que la Révélation nous enseigne qu’il y a eu, au début de l’histoire, une chute d’un état supérieur à un état inférieur. Ceci n’exclut pas qu’il ait pu y avoir un processus d’ « hominisation », à distinguer de l’« humanisation », ni que le second ait précédé le premier.

1.2- De la matérialité préternaturelle à la matière naturelle ?

Si les lois naturelles du monde corrompu étaient différentes des lois voulues par le créateur, c’est donc qu’on peut imaginer une forme de matérialité du monde préternaturel ne correspondant pas à la matière telle que la science nous la fait découvrir.
Le Cosmos, depuis et à travers le Big-bang, aurait-il été livré à des lois naturelles qui ne seraient que la forme dégradée de lois préternaturelles ?
Comment concilier la science avec cette idée que le Big-bang puisse être une conséquence du péché ?  Si le péché a infecté la totalité du temps et de l’Espace, cela traverserait le Big-bang lui-même qui pourrait être inclus dans ces lois naturelles consécutives au péché d’origine. C'est ce qu'écrit Olivier Clément:

« la théorie de la relativité, la conception einsteinienne de l'espace-temps, permet de comprendre que la chute, peut-être incluse dans le Big-bang originel, soit en réalité permanente, comme est devenue permanente la résurrection. Le devenir cosmique se fait par l'apparition de "systèmes" de plus en plus complexes qui transforment en genèse "nég-entropique" l'universelle tendance au chaos, à la désintégration, à l'entropie: le théologien voit ici la sagesse de Dieu sauvegarder et faire évoluer positivement la création que la chute a comme retournée vers le néant. Ces "systèmes" sont de purs intelligibles et Lossky justement avait attiré l'attention sur la "théorie dynamique de la matière" que l'on trouve chez Grégoire de Nysse et Maxime le Confesseur et qui "permet de concevoir des degrés différents de matérialité"[6]. Quant à l'évolution, on pourrait dire qu'elle s'accomplit à l'intérieur de l'Homme, de sa chute, de sa recomposition, pour s'accomplir dans la résurrection du Christ qui permet l'ultime mutation de l'humain, l'apparition de "ressuscités"»[7].

La condition présente du monde et de l'homme ne serait donc pas constitutive de la création, elle serait le résultat d'une chute. Les lois naturelles du monde corrompu ne seraient donc pas les lois naturelles du monde originel (lois préternaturelles pour éviter toute confusion).
Dès lors, la réalité du monde naturel se manifeste par la possibilité de l'expérience scientifique s'accomplissant dans le temps et dans l'espace. Cette réalité est distincte de l'aspect cosmogonique du monde qui ne s'appréhende que par l'esprit.
Il faut bien entendu inclure l’homme dans cet réalité cosmique. Crée à l'image de Dieu et à sa ressemblance l'homme récapitule en soi toute harmonie mystérieuse de l'univers. Le péché est un désordre qui, non seulement lèse celui qui le commet, mais atteint toute l'harmonie du plan divin de la Création. 

1.3- De l’intemporalité au temporel ?

Le Paradis n’aurait donc été situé ni dans notre espace ni dans le temps de notre histoire. Le péché d'Adam, est un péché d'orgueil de l'homme qui veut devenir Dieu lui-même, qui aurait été commis réellement, mais dans un monde qui ne coïnciderait pas avec le nôtre, un monde préternaturel réel mais métahistorique.
Comment pourrait-on expliquer cela alors que toute la Genèse nous décrit la création échelonnée en six jours ?
Le théologien orthodoxe, Nicolas Berdiaev, distingue, plus ou moins précisément, trois sortes de temps[8]. Tout d’abord le temps historique, qui est le temps de notre monde déchu. Puis le temps cosmique, qui est le temps du cosmos dans son entier. Et enfin le temps existentiel qui est le temps de l’acte créateur. Cependant, indépendamment de ces différences, ces trois types de temps[9] sont induits par une succession de changements qui affectent, d’une manière ou d’une autre, le déroulement de la vie du cosmos et donc du monde.
Pour Nicolas Berdiaev, ce ne serait pas le temps qui permet à une succession de changements de se produire[10]. Ce seraient, au contraire, les changements qui se produisent au sein de la création qui induisent l’écoulement du temps. Néanmoins, si le changement était à la base de l’écoulement de ces trois formes de temps, il demeurerait que ces temps seraient fondamentalement différents en raison du type d’activité qui les génère.

1.4- De l’ordre préternaturel à l’espace naturel

Le premier péché n'aurait pas été commis par les premiers hominisés de l'évolution biologique. Ces premiers hominisés se situeraient à l'intérieur d'un monde déjà déchu, tandis qu'Adam et Ève seraient à l'origine de cette déchéance. La paléontologie ne peut pas les atteindre, ni eux ni leur péché.
« La chute de l'homme, écrit Berdiaev, s'est produite hors de ce monde des phénomènes et hors de ce temps. Ce monde et ce temps sont au contraire produits de la déchéance[11]. La chute ne put s'accomplir dans le monde naturel parce que ce monde lui-même est le résultat de la chute. La chute est un événement du monde spirituel; en ce sens elle est antérieure au monde, eut lieu avant le temps et engendra notre temps[12] ».
Comme il ne faut pas chercher Adam du côté des néanderthaliens ou de Cro-Magnon, il ne faudrait pas chercher, non plus, le « paradis » dans les espaces éthiopiens.

1.5- Une rupture radicale entre monde préternaturel et monde naturel

Il serait vain d’imaginer que le monde préternaturel puisse encore exister, un peu comme coexistent le monde naturel et le monde surnaturel dans lequel Dieu vit depuis des éternités et auquel il a toujours voulu nous intégrer. Mais pour comprendre la gravité de la rupture , on peut se demander quelle pourrait être alors la nature du monde préternaturel[13].
On peut aussi s’appuyer sur Gen 3,23-24 : « Et Yahvé Dieu le renvoya du jardin d'Eden ... et il posta devant le jardin d'Éden les chérubins et la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l'arbre de vie ». Les chérubins ne gardent donc pas l’entrée d’un paradis définitivement perdu, mais désignent un nouveau chemin de vie, la Croix qui sera dressée au centre du monde naturel. C’est en chassant Adam du paradis que Dieu a sauvé Adam une première fois : en lui imposant l’éloignement de l’arbre de vie (Gn 3,24), il permet à Adam de ne pas être victime d’une forme d’addiction au fruit de l’arbre de vie, et en lui montrant un autre chemin de vie, une sorte de « plan B », Dieu a évité à Adam une mort éternelle, c'est-à-dire l’enfer.
En tout état de cause, s’il y a une continuité réelle entre le monde d'avant la chute et le monde d'après la chute, il y a entre ces deux états de la Création une discontinuité qualitative tout aussi réelle.
Le monde dans lequel nous vivons est à la fois merveilleux et cassé, merveilleux de par la création, cassé par suite du péché, et appelé à être restauré et transfiguré dans le Christ ressuscité, vainqueur du péché et de la mort.
Le théologien russe Nicolas Berdiaeff explique qu’il y a une destinée tragique qui résulte de cette discontinuité, celle « du heurt entre le fini et l'infini, le temporel et l'éternel »[14].
Et, si le monde fini et le monde éternel continuent de s'interpénétrer l'un l'autre, tout en demeurant fondamentalement différenciés, ce serait en raison d'un acte non-historique, la chute. Nicolas Berdiaev explique cet apparent paradoxe de la manière suivante : « La chute est un événement du monde spirituel; en ce sens elle est antérieure au monde (naturel, tel que nous pouvons le connaître par l’expérience), eut lieu avant le temps, et engendra notre temps »[15]

Sommes-nous face à des "passerelles" entre deux mondes distincts ? Ou alors le Paradis aurait-il été tout simplement créé sur terre?
  - Pour Origène, père de l'Église (182-254), "le récit de Gn 2-3 ne peut pas correspondre à la description d'un événement terrestre puisque le péché d'Adam se déroule alors que la matière n'existe pas encore"[16]. Saint-Ephrem le Syrien (306-373) serait dans cette ligne d'un paradis "hors sol" "Même si, par les mots, l'Eden semble terrestre, il est en son essence pur et spirituel"[17]
  - Hippolyte de Rome (170-235), au contraire, conclut que le Paradis "n'est pas au ciel mais dans la création. C'est un lieu de l'Orient et une région choisie"[18]
  - C'est saint Augustin qui réconcilie les deux thèses: "Il y a, sur ce point, trois grandes opinions. La première est celle de ceux qui ne veulent voir dans le Paradis qu'une réalité corporelle; la seconde, celle de ceux qui n'y voient qu'une réalité spirituelle; la troisième, celle de ceux pour lesquels le paradis est, à la fois réalité corporelle et réalité spirituelle. J'avoue que cette troisième a ma faveur"[19].   

2- Ne pas chercher Adam dans l’archéologie

Si, avant la chute, il existait une matérialité différente de la matière dans laquelle nous vivons,  que penser de l’idée d’un homme préternaturel que la tradition juive a décrit dans le personnage d’Adam ? Aurait-il eu une corporalité différente du corps que nous montre l’évolution qu’elle soit darwinienne ou autre ?

2.1- Entre la corporalité d’Adam et notre corps d’homme, un véritable Big-bang !

Quel que soit le point de vue adopté, historique ou cosmique, le sens et la destination du monde ne peuvent être compris sans que soit posée, en même temps, la question de la corporalité d’Adam et Ève. Comme le pensait saint Augustin, leur « corporalité [était] différente de la nôtre »[20]. Que cela peut-il nous inspirer ?
Nous ne reviendrons pas ici sur l’exégèse bien connue de la Genèse au sujet de la création de l’homme. Il est toutefois tentant de s’interroger : quelle pouvait être la nature - et même, si on peut le dire la préternature- des corps d’Adam et Ève.
Auraient-ils pu avoir un corps glorieux empreint d’une lumière divine qui se serait dégagée d’eux? Certes, le premier homme et la première femme étaient un avec Dieu, partageant l’essence divine.
Mais l’aspect glorieux[21] des corps est une qualité qui évoque le monde surnaturel plus que le monde préternaturel. La tradition veut en effet que le corps glorieux ait, en sus des dons préternaturels recouvrés, les qualités de subtilité (parfaite subordination du corps aux opérations de l'âme, sans soumission aux contraintes matérielles), l'agilité (tout changement de lieu sera quasi instantané) et la clarté (corps revêtu de splendeur lumineuse). 
Sans aller jusqu’à parler de « corps glorieux » d’Adam, on notera que la tradition orthodoxe parle volontiers de « corps mystique d’Adam ». Ainsi, Olivier Clément, dans un texte[22]  intitulé « L’homme et le cosmos », écrit : « Le monde cesse d’être le "corps mystique" d’Adam pour s’effondrer dans la séparation et la mort où Dieu le stabilise, le sauvegarde, l’oriente vers l’incarnation du Christ, nouvel Adam ». Par corps mystique du Christ, on entend l'Église "et ses membres, chacun personnellement » (1 Cor. 12;27), ainsi que la définition qu'en donne saint Paul : "tous les membres du corps, si nombreux soient-ils, ne forment qu'un seul corps, ainsi en est-il du Christ". (1 Cor. 12;12-13). Olivier Clément extrapole-t-il à Adam l'idée que toute l'humanité, si nombreuse soit-elle, était "contenue" en Adam?  
Si donc la corporalité d'Adam était différente de notre corps actuel, se pose une question subsidiaire : comment Adam et Ève pouvaient-ils suivre l'instruction divine reçue "Croissez et multipliez"? 
Il est bien mystérieux d’imaginer comment Adam et Ève se seraient « multipliés » comme ils en reçurent l’ordre, comment ils auraient « généré » l’humanité. Comment imaginer une capacité procréatrice d’Adam et Ève se réalisant dans cette extase de l’un pour l’autre et en communion avec le cœur de Dieu qui s’ouvre à la vie ? L’idée d’Olivier Clément qui parle de « corps mystique » serait-elle une piste de méditation ? Ce concept de « corps mystique » d’Adam , serait-il à comparer à notre appartenance, depuis Pâques, au corps mystique du Christ, nouvel Adam ?
Toutefois, de la même manière qu’il y aurait des « passerelles » entre le cosmos préternaturel et notre monde naturel, il reste, dans la sexualité naturelle de l’homme, des réalités qui rappellent celle de nos premiers parents. 

2.2- La chair d’Adam et Ève: leur masculinité et féminité avant la chute.

Quelle était donc cette corporalité d’Adam et Ève dont ils auraient perdu la connaissance originelle après le péché ?
Le thème de la masculinité et de la féminité originelles est développé par Annick de Souzenelle.

« Lorsque l’Adam [l’être humain] est créé, il est différencié de son intériorité, que nous appelons aujourd’hui l’inconscient, et cet inconscient est appelé Ishah, en hébreu. Nous avons fait de Ishah la femme biologique d’Adam, qui, lui, serait l’homme biologique. Dans ma lecture, il s’agit du « féminin intérieur » à tout être humain, qui n’a rien à voir avec la femme biologique. Il s’agit de l’être humain qui découvre l’autre côté [et non la côte] de lui-même, sa part inconsciente, qui est un potentiel infini d’énergies appelées « énergies animales ». Elles sont en chacun de nous . On en retrouve le symbole au Moyen-Âge, dans les représentations sculpturales : le lion de la vanité, de l’autoritarisme, la vipère de la médisance, toutes ces caractéristiques animales extrêmement intéressantes qui renvoient à des parties de nous, que nous avons à transformer. La Bible ne parle pas du tout des animaux extérieurs, biologiques, que nous avons à aimer, à protéger. Elle parle de cette richesse d’énergie fantastique à l’intérieur de l’Homme qui, lorsqu’elle n’est pas travaillée, est plus forte que lui, et lui fait faire toutes les bêtises possibles. Ce n’est alors plus lui qui décide, qui « gouverne » en lui-même.
Il est extrêmement important de bien comprendre que cet Adam que nous sommes a en lui un potentiel qui est appelé « féminin » — que l’on va retrouver dans le mythe de la boîte de Pandore chez les Grecs et dans d’autres cultures — et que ce potentiel est d’une très grande richesse à condition que nous le connaissions, que ce ne soit plus lui qui soit le maître, mais que chaque animal soit nommé et transformé »[23].

Le péché originel a en quelque sorte opposé ces deux dimensions avec une dualité des sexes qui a dédoublé cette dimension globale de l‘amour de Dieu. 

2.3- Qu’est-il advenu de la mission humaine de co-créateur?

Cette perte de connaissance de leur nature d’origine a des conséquences dans la manière dont l’homme et la femme vont être appelés à exercer leur sexualité.
L’homme et la femme, selon la Bible sont créés à l’image de Dieu (Gn 1,27), dans leur spécificité même d’homme et de femme. L’homme est image de Dieu dans sa masculinité. Il représente l’amour de Dieu pour autant que celui-ci est force, vigueur et fidélité. La femme aussi, dans sa féminité, est l’image de l’amour de Dieu. Mais elle représente plutôt sa bonté et sa tendresse. Dieu est les deux en même temps.
Homme et femme, ils sont appelés à monter vers Dieu lui-même, moyennant cette « moitié » de l’image de Dieu dans l’autre.
C’est très probablement là qu’il faut chercher le sens du théologique de l’homme co-créateur. Mais la question se pose : jusqu’où ?

i  L’homme Co-créateur ?

La Genèse (2,15) dit que «  Le Seigneur prit l'homme qu'il avait formé, et il le plaça dans le paradis ». Or, le diacre orthodoxe Dominique Beaufils[24] explique que, dans la septante grecque, le mot « prit »[25] est exprimé par élaben qui signifie (verbe Lambano) prendre dans ses mains, prendre avec soi, mais également, sens que l’on retrouve en particulier chez Sophocle  et Xenophon  « prendre comme assistant ».
Le mot « le Seigneur le plaça »[26] est exprimé par étheto qui signifie (verbe títhēmi) poser, placer, instituer, mais également de consacrer. Ainsi, Dieu crée l’homme auquel il confer la royauté pour qu’il l’exerce sur toute la création et le consacre comme co-créateur pour l’amener vers son accomplissement.

ii  Co-créateur jusqu’où ?

Mais vers quel accomplissement l’homme est-il appeler à participer ? Cela veut-il dire que la création n’est pas achevée ? La Genèse (2.3) dit que « Dieu bénit le 7ème jour et le consacra parce qu’en ces jours il s’était reposé de toutes ses œuvres, celles que Dieu avait entrepris de faire » (traduction mot à mot de « hō̃n ḗrxato ho theòs poiē̃sai » dans le texte grec). La création ne fait que commencer. Adam reçoit la mission de « travailler le paradis »[27] pour la mener vers son accomplissement. L’orthodoxe Vladimir Lovsky écrit que « le monde est fait parfait par Dieu, afin d’être parfait par l’homme ».
Le texte hébreux de la Genèse (2.3), se termine d'ailleurs par le verbe faire "l·oshuth" [לַ עֲשׂת] comme si Dieu appelait l'homme à continuer ce qu'il a fait.  Dans leurs commentaires, les rabbins Ibn Ezra et Abrabanel  (Jose Bonifacio, "Berechith - les secrets initiatiques de la création" Chap. II, 4.) expliquent aux 12ème et 15ème siècles que

le terme "l·oshuth" [לַ עֲשׂת] signifie la permanence créatrice. La création continue à agir et à produire, grâce aux lois divines qu'elle porte en elle. "Le créateur renouvelle sans cesse, dans sa bonté, l'oeuvre de la création". Cette opinion est basée sur l'interprétation donnée par R. Yitzcahk, dans le Zohar Hadach (17 a), alors que R. Papa et R. Ochiya rapportent le terme [לַ עֲשׂת] à l'achèvement de la création, qui est confié à l'action des hommes (Gen. raba c. 11). Les hommes ont le glorieux privilège de pouvoir contribuer à sa perfection. Ainsi, le dernier mot ouvre la perspective sur l'histoire de l'humanité qui commence à présent. A l'action de l'homme, il appartient désormais de sceller l'oeuvre de Dieu. Les destinées de la création sont remises entre les mains des hommes et son véritable achèvement n'aura lieu que lorsque ceux-ci auront fondé les assises du Royaume de Dieu sur terre. Cette idée est exprimée par le Midrach qui décrit l'achèvement du Temple de Jérusalem comme le couronnement de la création du monde (Pesikta rabbati VI): "Tous les travaux pour la maison du Seigneur étaient achevés" (1 Rois, VII, 51), voici la perfection apportée à la simple terminaison des travaux des six jours de la création. C'est pourquoi l'auteur du Temple est appelé le roi Salomon, car il mena à la perfection l'oeuvre de la création. (Cf. Comm Ex. XXV, 31)

Rappelons le texte de la création « faisons l’homme à notre image comme à notre ressemblance ».  Quel accomplissement l’homme a-t-il donc mission de parfaire ? L’objectif de l’homme est d’accomplir cette ressemblance jusqu’à, librement, consentir à être divinisé.
Le destin de l’homme est non seulement d’être immortel, mais bel et bien d’être divinisé. 
Le nouveau testament confirme ce plan divin. Saint-Paul affirme au début de sa lettre aux Éphésiens : « C‘est ainsi que [Dieu] nous a choisis en [Jésus Christ], avant la fondation du monde, … prédestinés à être pour lui des fils adoptifs par Jésus-Christ » (Eph 1, 4-5). Il le rappelle également aux Romains : « Car ceux que d’avance Il a connus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, pour qu’il soit un premier-né parmi de nombreux frères » (Rom 8, 29).
Ce rôle de co-créateur se termine-t-il avec la chute et l’exil du Paradis, ou se prolonge-t-il dans son nouveau statut de mortalité ? 
L’objectif est toujours le même : nous sommes appelés accomplir notre ressemblance avec Dieu, à être divinisés, au sens de St-Irénée : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ». Notre mission de co-créateur consiste-t-elle depuis la chute à restaurer le paradis perdu ? Il faudrait beaucoup de prudence avant d'affirmer ce qui appartient au christ: récapituler toute la création lors de son retour. 

2.4- La vocation royale de l’homme ? L’homme soumis à l’évolution !

La chute originelle conduit à un bouleversement qui advient dans la vocation royale de l’homme sur l’univers. C’est une véritable préhistoire théologique qu’il faut envisager. Si l’évolution est la conséquence du péché, comment intégrer théologie et biologie face aux théories de Darwin ? 
Olivier Clément écrivait en 1972 que

« la pensée chrétienne devrait envisager le problème de l’évolution. Les découvertes de la géologie et de la paléontologie s’arrêtent nécessairement aux portes du Paradis, puisque celui-ci constituait une autre modalité de l’être. La science ne peut remonter en deçà de la chute puisqu’elle est incluse dans les conditions d’existences provoquées par celle-ci. Ce que la science appelle « évolution » représente spirituellement le processus d’objectivation, d’extériorisation de l’existence cosmique abandonnée par le premier Adam. Le monde cesse d’être le « corps mystique » d’Adam pour s’effondrer dans la séparation et la mort où Dieu le stabilise, le sauvegarde, l’oriente vers l’incarnation du Christ, nouvel Adam ... Avant la phase actuelle d’évolution (de l’esprit hors de la matière), se placerait une phase d’involution (de l’esprit dans la matière), phase évidemment in-expérimentale puisqu’elle se serait développée dans une autre dimension du Réel ».

L’homme, après le péché, se retrouve comme un pauvre animal raisonnable

3- Les risques de confusion dans la pastorale écologique contemporaine

Ce questionnement n’est pas qu’un exercice sémantique. Une meilleure compréhension théologique de la création est fondamentale dans toute réflexion sur l’écologie.
Dès lors, il peut-être légitime de nous interroger : faut- il « garder la création »  ou « protéger la nature » ? Voilà des expressions qui sont sources de confusion si la nature n’est, en définitive, qu’un état dégradé de la création ? L’essentiel ne serait-il pas plutôt de se protéger du mal, du malin qui a précipité et précipite encore toute la création dans une nature corrompue ?
Certes, il ne s’agit pas de conclure que la nature, corrompue par le péché, ne serait plus digne d’admiration.
Quels sont les risques pastoraux qui nous guettent ?

3.1-  Le risque de déifier la nature.

Le seul fait de parler de "notre mère la terre" fait penser à la déesse Gaïa.

3.2-  Le risque de rêver d’un passé idyllique

Une éducation écologique ne doit pas être fondée sur le désir vague d’un retour au "paradis perdu" comme le raconte Jean-Christophe Rufin dans son roman « Le parfum d’Adam : ne jeune militante écologiste, fragile et idéaliste. Elle participe à une opération commando pour libérer des animaux de laboratoire. Mais son action, apparemment innocente, va l'entraîner au coeur d'un complot sans précédent qui, au nom de la planète, prend ni plus ni moins pour cible l'espèce humaine.   La recherche d'un Paradis perdu, la nostalgie d'un temps où l'homme était en harmonie avec la nature peuvent conduire au fanatisme le plus meurtrier.

3.3-  Le risque de s’identifier inconsciemment au créateur

A la fois en pensant que l’homme pourrait avoir la capacité de provoquer l’apocalypse, et que c’est l’homme qui, dès lors, permettrait à la planète d’être sauvée d’une apocalypse. Seul Dieu aura l’initiative de la seule véritable Apocalypse qui sera le signe de sa manifestation. Il faut comprendre les cataclysmes évoqués dans saint Jean non comme des catastrophes naturelles, mais des signes qui accompagnent les sons de trompette, comme pour nous réveiller et nous dire que "Dieu arrive" !  

3.4- Le risque de remplacer Dieu tout puissant, par un homme tout puissant.

L’homme aurait la capacité de réparer la planète. Certes, si Dieu cherche à réformer ce monde, a fortiori l’homme doit-il s’attacher à la même tâche. Mais, ne donnons pas trop d’importance à nos programmes écologiques comme s’ils pouvaient restaurer le monde dans son premier état même. Ne ménageons pas nos efforts pour "contribuer  à une meilleure organisation de la société humaine".
Annick de Souzenelle aime à dire qu’elle a «  été émerveillée par la Bible hébraïque : je me suis consacrée à écrire ce que je découvrais — des découvertes qui libèrent du poids de la culpabilisation qui a abîmé tant de générations ». Or l’écologie est en train de devenir un thème de culpabilisation aussi aberrent qu’a pu être celui de la sexualité, au siècle dernier.
Annick de Souzenelle se déclare « très respectueuse des actions qui sont faites dans le sens de l’équilibre écologique, et pense qu’il faut les faire mais c’est une goutte d’eau dans une mer immense. … Les efforts actuellement déployés, …sont très minimes par rapport à ce qui se joue. S’il n’y a pas en même temps que cette lame de fond un travail spirituel, cela ne suffira pas ». 

3.5-  Le risque de confusion entre "sauvegarder la création", et "respecter la nature"

Le sens étymologique du terme respecter est donner le poids (res-pect) que mérite chacun de ses éléments. Au demeurant, la Genèse ne parle pas de "sauvegarder la création", mais de "garder la création", comme si elle était en perdition. Il est des sémantiques qui sont porteuses de sens.
Annick de Souzenelle remarque que le mot "garder", en hébreu shamar, a plusieurs sens. Celui d’« être responsable » pourrait sembler pertinent. Mais, concrètement, qu’en conclure ? Dans son ouvrage « L’Égypte intérieure- ou les dix plaies de l’âme », Annick de Souzenelle fait de la Genèse une double lecture. Quand « Adam a reçu, dit elle, l’ordre de "garder et cultiver sa terre", il s’agit essentiellement d’un retournement de nos terres intérieures »[28]. Elle montre comment les hébreux, observant les signes des dix plaies d’Égypte, prennent progressivement conscience de ce que signifient ces "terres intérieures".
Cette exégèse est très éclairante pour en tirer une compréhension du sens profond de ce commandement reçu de "cultiver et garder la terre". Celui de participer à la création en entrant en relation avec Dieu, les autres et toute la création. 
Aujourd’hui, écrit Annick de Souzenelle, « la façon dont nous traitons ce monde à l’intérieur de nous va se répercuter à l’extérieur. Or, à l’intérieur de nous, nous sommes en train de tout fausser, nous n’obéissons plus aux lois qui fondent la Création. Je ne parle pas des lois morales, civiques, religieuses. Je parle des lois qui fondent le monde, …. Nous transgressons les lois ontologiques [du grec ontos = être]. Elles aussi sont dites dans la Bible et on n’a pas su les lire. … Il est difficile d’entrer dans le détail de ces lois ici, mais j’ai essayé d’exprimer cette idée dans mon livre L’Égypte intérieure ou les dix plaies de l’âme. Avant que les Hébreux quittent leur esclavage en Égypte pour partir à la recherche de la Terre promise, une série de plaies s’est abattue sur l’Égypte. Chacune de ces plaies renvoie à une loi ontologique transgressée ».

3.6- Les risques théologiques

Le risque eschatologique consiste à se focaliser sur le début des temps. Non seulement il y a un risque de confusion entre création et monde naturel, mais on fait passer au second plan la vocation eschatologique de l’homme, celle de notre déification au sens où l’entend saint Irénée. Vouloir une écologie de la nature sans respecter la nature de l’homme est une illusion. Mais la vraie nature de l’homme est une nature appelée à être divinisée. Parler d’écologie humaine, sans parler d’écologie divine est donc une lacune. 

3.7- Le risque méthodologique

La question centrale est de savoir si, avant la chute, l’homme pouvait ne pas mourir. Si la réponse est oui, toute la réflexion théologique relative à la création en découle. En effet, la création est un sacrement, c'est-à-dire une réalité distincte de Dieu, mais dont Dieu n’est pas distinct et qui rend renvoie à Dieu sur le mode réel et symbolique. Toute démarche qui voudrait réconcilier les sciences de la nature et la théologie est vouée à l’échec si elle veut partir de la science pour interpréter les réalités divines. En effet, la science est elle-même corrompue par le péché et que le péché a rendu la création illisible parce que l’homme l’a voulu ainsi.
Il serait naïf de croire que les lois de la nature ont été voulues par Dieu.


[1] Illustration: triptyque inspiré de:
- la Création, de Giovanni di Paolo di Grazzia ou Giovanni dal Poggio, (1445), conservé au Metropolitan Museum of Art à  New York
- Adam et Ève chassés d'Eden, de Maître Bertram von Binden, triptyque (v. 1380), Musée de la Kunsthalle à Hambourg
- Représentation conceptuelle du Big Bang par Mark-A. Garlick, de la Galerie d'art astronomique Space-art.co (UK) 

[2] Olivier Clément dans « Questions sur l’homme » Paris Stock- 1972, p. 155 

[3] La tradition remonte à de nombreux pères de l’Église :
- Saint Augustin, dans sa lutte contre le pélagisme, hérésie condamnée par le concile de Carthage en 418 (source : F. J. Thonnard « la notion de nature chez Saint Augustin » (p.  245)
- Saint Jean Damascene, (Cf. art Saint Jean Damascene dans le Dict.de théol. cath.tt. VIÏI A, col. 724, .a. 9; De duabus voluntatibus,'P. ά, t; XCV, col. 168 B; De fide orth., 1. II, c. xii, -P. G., t. XCIV, col. 981 A). « Adam était à l'image de Dieu non seulement comme en tenant son être raisonnable et immortel, mais encore parce qu'il jouissait de te το εύ είναι qui désigne souvent, chez les Byzantins, nos dons préternaturels »(source : « la spiritualité de St-Maxime le Confesseur » de M. Th. Disdier, Échos d'Orient  Année 1930  Volume 29  Numéro 159, , p. 301)
- Saint-Ambroise (Amb. lib.,' P. G., t.-XCI, col. r32O A-B.) (source : theologica)
- Saint-Thomas d’Aquin ( Sum. theol. I, 97, 2) : « Adam, lui, n'a pas le surnaturel proprement dit, et cependant il est immortel, ce qui n'est pas conforme à la nature humaine. Alors ça oblige Thomas d'Aquin à créer un autre concept qui est le concept de préternaturel (praeter veut dire outre ou au-delà) : c'est donné en plus, mais ce n'est pas le surnaturel proprement dit, le surnaturel proprement dit étant ce qui est semence de vie éternelle ». (source)

[4] St-Augustin : De civit. Dei, XIII, 23-24)

[5] Source : Ferdinand Prat « La théologie de Saint-Paul », vol. 1, Beauchesne et fils, 1961, p. 205

[6] Vladimir Lossky (1903-1958) "Essai sur la théologie mystique de l'Église d'Orient" (page 98)

[7] Olivier Clément "Orient-Occident: deux passeurs, Vladimir Lossky et Paul Evdokimov" (p. 53-54)

[8] Le sens de l'histoire. Essai de justification de la destinée humaine, p. 213s; Essai de métaphysique eschatologique. Acte créateur et objectivation, p. 232ss.

[9] Nous nous inspirons ici d’un master de Patrick Baud devant l’Université de Genève intitulée « Nicolas Berdiaev, Prolegomenes à tout acte créateur humano-divin » (Cité dans Patrick Baud « Nicolas Berdiaev - Prolegomenes à tout acte créateur humano-divin »  (p. 22/109)  (archive ouverte UNIGE))

a) Le temps historique
Il est le temps de la division entre ce qui a été, ce qui sera et ce qui est. Division maléfique de surcroît, quand elle voit les instants qui constituent le temps présent être anéantis par ceux qui les suivent. Il est le temps de l’objectivation qui précipite ce qui est désormais le passé dans le « Non-être », ce qui n’a plus d’existence dans l’instant présent. En d’autres termes, le temps historique est le temps voulu par l’homme qui vit sous le règne de la nécessité de l’instant présent. Mais il n’est pas le temps de l’homme créateur libre.

b) Le temps cosmique
En revanche, et même s’il a un même fondement, c’est-à-dire le changement, le temps cosmique « est calculé mathématiquement sur le mouvement de rotation (de la terre) autour du soleil; sur lui sont tablés calendriers et horloges, il est symbolisé par un tourbillon » (Essai de métaphysique eschatologique. Acte créateur et objectivation, p. 233.). Le temps cosmique est le temps calculé, c’est-à-dire appréhendé par une mesure mathématiquement définie. C’est pourquoi, le temps cosmique est le fruit, à la fois d’un constat, la rotation de la terre autour du soleil par exemple, et le fruit d’une recherche mathématique qui permet de prévoir la manière dont se reproduira un événement cosmique, une éclipse, par exemple. C’est pourquoi, l’homme ne maîtrise pas l’écoulement de ce temps cosmique. Il en est le spectateur. Il n’est, par conséquent, de temps historique que là où se manifeste une succession ininterrompue de changements déterminés par une cause indépendante du devenir naturel de la création. Et il n’est de temps cosmique que là où se poursuit le tourbillon inhérent à la vie de la création cosmique. Mais dans les deux cas, le changement signifie que le temps historique et le temps cosmique, réalités phénoménales, furent générés à un niveau cosmologique par les conséquences de la « Chute », premier changement, dans la structure du cosmos, déterminé par l’homme. A partir de ce changement, il s’est produit une transformation essentielle du cosmos. Le cosmos, qui ne connaissait que le temps cosmique, a été introduit partiellement dans le temps historique généré par la « Chute ». Le cosmos, qui comprend le monde, est depuis dans un temps déchiré. Il est à la fois dans le temps historique et dans le temps cosmique. Le cosmos est dans le temps historique en raison de la répétitivité des mouvements qui le constituent. Le monde tourne régulièrement autour du soleil. Mais le cosmos est aussi dans le temps cosmique, en tant qu’il demeure, toujours et encore, le symbole du bien ordonné et du beau non soumis au règne de la nécessité, au règne de l’objectivation. En effet, si la « Chute » a eu des conséquences d’ordre cosmologiques, il se trouve que les changements qui se produisent depuis au sein du cosmos continuent d’échapper à la volonté de l’homme. Ce dernier ne peut déterminer que le cours du temps historique, parce que son existence se déroule exclusivement dans le monde. Les changements qui se produisent dans le cosmos ne sont, à l’image de ceux qui se produisent dans la nature, que le produit de la transformation des éléments qui le constituent. C’est pourquoi le cosmos est encore, malgré la « Chute » le symbole du beau et du bon voulu par Dieu.

c) Le temps existentiel
Mais, pour Nicolas Berdiaev, il convient de distinguer une troisième conception du temps, c’est-à-dire une autre métaphysique de l’histoire. Entre le commencement de l’acte créateur divin et la « Chute » s’est écoulé un temps non divisé en moments. Ce temps, non divisé en instants, voyait se fondre en une unité indissoluble passé, présent et futur. Ce temps permettait que se rejoignent ce qui a existé, ce qui existait au moment présent et ce qui existera. Et cette interpénétration du passé, du présent et du futur, en un seul temps non divisé, est en fait l’unique réalité temporelle vraie, pour notre auteur. C’est le temps qui « ne se calcule pas mathématiquement (... et qui peut être) symbolisé par un point, lequel exprime un mouvement en profondeur » (Essai de métaphysique eschatologique. Acte créateur et objectivation, p. 232). Car il n’est ni la source du mal ni ne permet à ce dernier de manifester sa négation de l’être. Et cette réalité temporelle, Nicolas Berdiaev l’appelle le temps existentiel. Il est le temps de ce qui existe réellement parce qu’il n’implique ni la nécessité ni le devenir naturel. Il est partiellement pour l’homme, comme il l'est totalement pour Dieu, le temps de l’acte créateur. Mais il ne correspond pas à l'éternité, quand bien même « chacun de ses moments (...) est un “atome d'éternité“ » (Le sens de l'histoire. Essai de justification de la destinée humaine, p. 214). Contrairement aux apparences, la formule n'est pas contradictoire. Elle signifie que "le temps, loin de s'opposer à l'éternité, est le réceptacle choisi par Dieu (...) pour communiquer la véritable éternité (...). L'éternité véritable n'est pas la négation de la temporalité puisqu'elle choisit justement de s'y révéler." (R. Clavet, L'équilibre du divin et de l'humain, p. 234, note 10; l'auteur cite O. Clément, Notes sur le temps [1ère partie] in : «Messager de l'Exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale», p. 90-92).

Relevons aussi que ce temps existentiel n’a pas été aboli avec la « Chute ». Le temps existentiel continue de se manifester dans le temps phénoménal, c’est- à-dire les temps cosmique et historique. Dans ces derniers, il n'y a ni début ni fin, mais uniquement une succession d'événements. « Le commencement et la fin se trouvent dans le temps existentiel » (Essai de métaphysique eschatologique. Acte créateur et objectivation, p. 234).
C’est pourquoi, à l'image de l'homme, le monde cosmique, qui contient notre monde, garde en son essence une empreinte divine en tant qu'il est aussi le monde des noumènes, de la liberté, de l'esprit et de la création. En ce sens, le monde cosmique est le symbole d'une seule et unique réalité ontologique, mais divisée à partir de la « Chute ». Le monde cosmique n'est donc pas exclusivement un espace extraterrestre soumis à une temporalité historique et cosmique. Il est aussi l'ordre de la beauté, le symbole de l'harmonie primordiale en raison de son ordonnance. Il est, en ce sens, aussi soumis à la temporalité existentielle.

d) Un temps eschatologique ?
De la même manière que le monde préternaturel et hors du temps et de l’espace, Nicolas Berdiaev voit dans la récapitulation finale de la parousie « la fin de la dictature du temps... rendue possible à partir de la liberté apportée par l’Homme-Dieu, Jésus Christ » (Cité dans Patrick Baud « Nicolas Berdiaev - Prolegomenes à tout acte créateur humano-divin »  (p. 15/109)  (archive ouverte UNIGE)). Pourrait-on donc parler d’un temps eschatologique ?

[10] Nicolas Berdiaeff : « Cinq méditations sur l'existence. Solitude, société et communauté »,  p. 134.

[11] Nicolas Berdiaev, Essai de métaphysique eschatologique, Paris, Aubier, 1946, p. 270.

[12] Esprit et liberté, p. 45. A propos de la «Chute», il convient de relever qu’à la p. 90 du même ouvrage, N. Berdiaev écrit que la «Chute» nous parle d’un fait accompli dans notre temps. N. Berdiaev résout cette apparente contradiction en précisant que la «Chute» est un événement qui a eu lieu au-delà des limites qui séparent notre temps de l’éternité, c’est-à-dire en un espace qui n’est déterminé ni par le passé, présent, futur, ni par l’éternité (Le sens de l'histoire. Essai d'une philosophie de la destinée humaine, p. 64).

[13] D’autres auteurs s’inspirent de la physique quantique pour évoquer la théorie de la décohérence  qui s'attaque au problème de la disparition des états quantiques superposés au niveau macroscopique. Son objectif est de démontrer que le postulat de réduction du paquet d'onde est une conséquence de l'équation de Schrödinger, et n'est pas en contradiction avec celle-ci. L'idée de base de la décohérence est qu'un système quantique ne doit pas être considéré comme isolé, mais en interaction avec un environnement possédant un grand nombre de degrés de liberté. Ce sont ces interactions qui provoquent la disparition rapide des états superposés. En effet, selon cette théorie, chaque éventualité d'un état superposé interagit avec son environnement ; mais la complexité des interactions est telle que les différentes possibilités deviennent rapidement incohérentes (d'où le nom de la théorie).

[14] Nicolas Berdiaeff, « Royaume de l'esprit et royaume de césar », p. 165.

[15] Esprit et liberté, p. 45. A propos de la «Chute», il convient de relever qu’à la p. 90 du même ouvrage, N. Berdiaev écrit que la «Chute» nous parle d’un fait accompli dans notre temps. N. Berdiaev résout cette apparente contradiction en précisant que la «Chute» est un événement qui a eu lieu au-delà des limites qui séparent notre temps de l’éternité, c’est-à-dire en un espace qui n’est déterminé ni par le passé, présent, futur, ni par l’éternité (Le sens de l'histoire. Essai d'une philosophie de la destinée humaine, p. 64).

[16] C'est l'interprétation que fait le Père Florent Urfels ("Un scenario de l'Origine", Revue Théologique des Bernardins- n°20 mai-août 2017, p. 90) d'une phrase d'Origène: "Qui sera assez sot pour penser que, comme un homme qui est agriculteur, Dieu a planté un jardin en Éden du côté de l'Orient et a fait de ce jardin un arbre de vie visible et sensible..." (Origène- "Traité des principes" IV, 3,1 - in sources chrétiennes n° 268, Paris Cerf, 1980, p.343).

[17] Ephrem, "Hymnes sur le Paradis" XI, 4 - in sources chrétiennes n° 268, Paris Cerf, 1980, p.146)

[18] Hippolyte de Rome, "Fragmenta in Hexameron" OG X, c 583 & 586,  in "Terre et paradis chez les Pères de l'Église" (Eranos Jahrbuch,1953, XXII, p. 443)

[19] Augustin "la Genèse au sens littéral", VIII,1 (in "Œuvre de St-Augustin, BA 49, Desclée de Brouwer, 1972, p.9)

[20] Père Florent Urfels "Un scenario de l'Origine", Revue Théologique des Bernardins- n°20 mai-août 2017, p. 93

[21] Certains donnent 6 qualités au corps glorieux :
Les corps glorieux, à l’imitation de celui de Jésus-Christ ressuscité, jouiront de cinq qualités inamissibles, fruits de la gloire de l’âme et de l’union parfaite du corps à cette âme : 
– l’immortalité : il n’y aura plus séparation de l’âme et du corps ; 
– l’impassibilité : pleine exemption de tout ce qui peut le corrompre ou l’affliger ; 
– la subtilité : par sa parfaite subordination aux opérations de l’âme, le corps ne sera plus soumis aux contraintes matérielles;
– l’agilité : le changement de lieu sera quasi instantané ; 
– la clarté : le corps sera revêtu de splendeur lumineuse. 

[22] « L’homme et le cosmos », par Olivier Clément (Extrait de : Questions sur l’homme, Stock, 1972 ; Anne Sigier, Sillery, QC, 1986).
L’homme prêtre et roi de l’univers.
Si l’univers " se tient devant " l’homme comme une première révélation, c’est à l’homme qu’il appartient de déchiffrer d’une manière créatrice celle-ci, en rendant consciente la louange ontologique des choses. Dans le rapport secrètement nuptial qui l’unit à l’homme, le monde, comme une impersonnelle féminité, à la fois " se tient devant " lui et forme avec lui une seule chair. L’univers sensible tout entier prolonge notre corps. Ou plutôt, comme nous l’avons dit, qu’est-ce que notre corps sinon la structure qu’imprime notre personne, notre " âme vivante ", à la " poussière " universelle, pour employer deux expressions bibliques ? Il n’y a pas de discontinuité entre la chair du monde et celle de l’homme, le monde est le corps de l’humanité. ...
L’homme toutefois, nous le savons, est beaucoup plus qu’un microcosme : il est une personne à l’image de Dieu. Dans sa liberté personnelle, il transcende l’univers, non pour l’abandonner mais pour le contenir, dire son sens, lui communiquer la grâce. L’univers, par l’homme, est appelé à devenir l’" image de l’image " (saint Grégoire de Nysse). Les Pères ont interprété dans ce sens le second récit de la création (Gn 2, 4-25), qui situe l’homme au principe du monde créé. Seul l’homme est animé par le souffle même de Dieu et, sans lui, les " plantes " ne pourraient croître, comme si c’était en lui qu’elles s’enracinaient. Et c’est lui qui " nomme " les animaux, déchiffrant leurs essences spirituelles. Seul l’homme – non seulement roi mais prêtre – peut permettre à l’univers de correspondre à sa secrète sacramentalité. Adam fut placé dans le monde pour le " cultiver ", pour parfaire sa beauté. Vladimir Soloviev disait profondément que l’humanité doit devenir un Messie cosmique collectif appelé à " soumettre la terre ", c’est-à-dire à la transfigurer.
... Détourné de Dieu, l’homme ne verra des choses que l’apparence et leur imposera un faux " nom ". ...
Ainsi tout ce qui se passe en l’homme a une signification universelle et s’imprime sur l’univers. Le destin de l’homme détermine le destin cosmique. La révélation biblique, prise dans sa portée symbolique, nous place devant un anthropocentrisme résolu, non pas physique mais spirituel. L’homme, parce qu’il est à la fois " microcosme et microthéos ", résumé de l’univers et image de Dieu, et parce qu’enfin Dieu, pour s’unir au cosmos, s’est fait homme, l’homme est l’axe spirituel de tout l’être créé, de tous ses plans, de tous ses mondes. Les saints voient l’univers en Dieu, pénétré de ses énergies, ne formant qu’un tout – mais un tout minuscule – dans sa main. Le passage, dans la science moderne, du géocentrisme à l’héliocentrisme, puis à l’absence de tout centre dans l’indéfinité physique, ne met pas en cause ce caractère axial de l’homme en Dieu, mais lui donne un sens renouvelé. ...

La chute comme catastrophe cosmique.
...C’est dans ces perspectives, me semble-t-il, que la pensée chrétienne devrait envisager le problème de l’évolution. Les découvertes de la géologie et de la paléontologie s’arrêtent nécessairement aux portes du Paradis, puisque celui-ci constituait une autre modalité de l’être. La science ne peut remonter en deçà de la chute puisqu’elle est incluse dans les conditions d’existence provoquées par celle-ci. Ce que la science appelle " évolution " représente spirituellement le processus d’objectivation, d’extériorisation de l’existence cosmique abandonnée par le premier Adam. Le monde cesse d’être le " corps mystique " d’Adam pour s’effondrer dans la séparation et la mort où Dieu le stabilise, le sauvegarde, l’oriente vers l’incarnation du Christ, nouvel Adam. Il est remarquable que Teilhard de Chardin, qui devait, par la suite, ignorer systématiquement l’état originel de la création, ait tenté, dans un bref écrit de 1924, Mon univers, de rendre compte plus fidèlement des données de la Tradition :
D’où vient à l’univers sa tache originelle? Ne serait-ce pas... comme paraît l’indiquer formellement la Bible, que le multiple originel est né de la dissociation d’un être déjà unifié (premier Adam) si bien que, dans sa période actuelle, le Monde ne monterait pas, mais remonterait vers le Christ (deuxième Adam) ? Dans ce cas, avant la phase actuelle d’évolution (de l’esprit hors de la matière), se placerait une phase d’involution (de l’esprit dans la matière), phase évidemment in-expérimentale puisqu’elle se serait développée dans une autre dimension du Réel....

[23] Annick de Souzenelle : « L’écologie extérieure est inséparable de l’écologie intérieure », Interview in Reporterre, 26 juillet 2019,

[24] Video « L’homme cocréateur… mais jusqu’où ? » 25.3.2017, https://orthodoxie.com/video-podcast-lhomme-cocreateur-mais-jusquau-ou-par-le-diacre-dominique-beaufils/

[25] (Καὶ ἔλαβεν κύριος ὁ θεὸς τὸν ἄνθρωπον, ὃν ἔπλασεν, καὶ ἔθετο αὐτὸν ἐν τῷ παραδείσῳ ἐργάζεσθαι αὐτὸν καὶ φυλάσσειν.) -  (Kaì élaben kúrios ho theòs tòn ánthrōpon, hòn éplasen, kaì étheto autòn en tō̃ͅ paradeísōͅ ergázesthai autòn kaì phulássein.).

Le mot « prit » est exprimé par élaben  du verbe λαμβάνω  (Lambano) qui signifie à la fois prendre, prendre dans ses mains, prendre avec soi, mais également, sens que l’on retrouve en particulier chez Sophocle  et Xenophon  « prendre comme assistant ». Nous voyons alors se définir parfaitement la réalité du rôle de co-créateur de l’homme.

[26] « le Seigneur le plaça » est exprimé par étheto du verbe τίθημι  (títhēmi) dont la signification est de poser, placer, instituer, mais également de consacrer. Ainsi, Dieu crée l’homme auquel il confer la royauté pour qu’il l’exerce sur toute la création et le consacre comme co-créateur pour l’amener vers son accomplissement.
L’amener vers son accomplissement ? Cela veut donc dire que la création n’est pas achevée. Le texte de Gen 2, 2-3 est parfaitement explicite à ce sujet, en effet : « Dieu acheva au 6ème jour ses œuvres qu’il avait faites et se reposa le 7ème jour de toutes  ces œuvres qu’il avait faites, et Dieu bénit le 7ème jour et le consacra parce qu’en ces jours il s’était reposé de toutes ses œuvres, celles que Dieu avait commencé de faire » (traduction exacte de « on irxato o Theos piisai » hō̃n ḗrxato ho theòs poiē̃sai)

[27] Gen 2, 15 : « Le Seigneur prit l'homme qu'il avait formé, et il le plaça dans le paradis de délices, pour y travailler et le garder » (traduction Theotex de la Septante)

[28]  Annick de Souzenelle «  L’Egypte intérieure ou les dix plaies de l’âme », pagination de l’édition de 1997 chez Albin Michel ,   Chapitre 10- La septième plaie : la grêle (IX, 22-35)
...« Le mot grêle, Barad en hébreu, est fait des mêmes lettres que Dabar signifiant Parole » (p. 128-129)...
« Dabar et Barad s’épousent. Et ce mariage implique... un passage à un "tout autre", ce que le nombre sept de cette 7ème plaie exprime avec force. Dans le sept se joue une mort pour une résurrection...
Un bouleversement radical se joue dans toute situation de sept : une mort intérieure pour les "hébreux" » (p 130)...
« La septième plaie concerne leurs terres respectives. Les terres intérieures des Hébreux, terres accomplies et cieux  inaccomplis, sont bouleversées pour que surgisse un champ de conscience nouveau. Les terres des Égyptiens, et bien sûr extérieures celles-là puisque aucune conscience n’a encore émergé en eux, sont détruites par la grêle » (p 131)...
«  Qui peut nier la présence du "Verbe" Dabar, en cette chose-Dabar qu’est la "grêle", Barad ?
YHWH veut signifier quelque chose : l’exigence d’un retournement de nos terres intérieures dans une puissance mâle dont est pourvu l’Adam de la Genèse, dont nous sommes pourvus, mais que nous investissons tout ailleurs ;
Adam a reçu l’ordre ontologique de "garder et cultiver sa terre" (Gen II, 15) ; il s’agit essentiellement de celle-là ; il s’agit de faire le fils intérieur, fruit de cette terre, et l’ "Égyptien" l’ignore. » (p 132)...