Pour recentrer notre pastorale de l'écologie, il faut revenir aux messages novateurs de Laudato si:

  • L’écologie intégrale, qui n’est pas l’intégralité de l’écologie mais l’intégralité des relations entre l’homme, Dieu, lui-même, son prochain, et la création. 
  • La théologie de la relation (« tout est lié »), mériterait également d’être développée et expliquée. Dans cette expression, il ne faut pas tant voir des relations de cause à effet que des relations essentielles de dépendance : la créature est en péril quand elle oublie son créateur car « tout est lié ».
  • La théologie de la création, autour du thème "tout est donné". La vie est donnée à chacun, mon prochain m'est confié, la création est un don. Ces dons nous obligent: notre vocation est don.
  • La vision eschatologique de Laudato si, de notre divinisation qui pourrait être éclairée à la lumière du Concile: « l’attente de la nouvelle terre, loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller. ... Car, …tous ces fruits de notre nature et de notre industrie, que nous aurons propagés sur terre selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit, nous les retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père, un Royaume éternel et universel  »  (Gaudium et spes, n° 39-2 et 3).

Nos démarches de pastorale écologique se limitent-elles au cœur du message de Laudato si?

Analyse: les2ailes.com

Quel est l’objet d’une « pastorale écologique »?

Selon la définition qu’en donne le site les évêques de France, la « pastorale est l’activité, née du dynamisme de la foi de l’Église, qui vise à donner à chacun selon ses besoins spirituels ». À quels besoins spirituels la pastorale écologique doit elle donc répondre ? Que doit-elle viser à donner à ceux qui sont animés d’un souci écologique ? Faut-il les confirmer dans leurs peurs ? Faut-il surfer sur les idées du monde, si consensuelles soient-elles? Faut-il jouer d’affirmations scientifiques construites simplement dans des conférences de consensus ? Nos activités pastorales constituent-elles un chemin d’évangélisation ?

1- L’écologie, chemin d’évangélisation ?

Cette expression n’est utilisée qu’une seule fois dans le magistère, par Benoît XVI, qu’il associe à deux mots : silence et parole. Dans son message pour la 46ème journée mondiale des communications sociales, du 20 mai 2012, il écrit que « l'homme contemporain est souvent bombardé de réponses à des questions qu’il ne s’est jamais posées… [Le silence] peut être bien plus éloquent qu’une réponse hâtive et permettre à qui  s’interroge de descendre au plus profond de lui-même et de s'ouvrir à ce chemin de réponse que Dieu a inscrit dans le cœur de l'homme....  ».
Cette analyse renvoie, une fois de plus, à la recommandation faite à l’église de ne pas prendre parti trop vite.
Dans un diocèse, une quinzaine d’étudiants  ont fait l’expérience de se demander si les questions écologiques leur paraissaient essentielles, en les interrogeant parallèlement sur: quid après la mort? Pourquoi le mal? Pourquoi un Dieu fait homme? Pourquoi sa mort sur une croix? Qu’est-ce qu’aimer? Et se faire aimer ? Ils ont compris que ce n’est pas dans le tapage écologique de questions mal posées par le monde, qu’ils pouvaient entendre la réponse de l’église. Cette méditation sur "silence et parole" permet de comprendre l'appel d'Ignace d'Antioche aux Éphésiens: "Plus on voit l'évêque garder le silence, plus il faut le vénérer" [1]. Ce silence sur les questions prudentielles permet aux responsables de pastorales d'exprimer leur ministère de la parole "pour que l'Evangile parvienne à tous[Concile, Ad gentes, 20].

2- Unité de la pastorale dans la pluralité 

À ces questions sur le sens d’une pastorale authentique s’en ajoute une autre: Qui faut-il envoyer en mission ? On sait que c’est le Christ en personne qui peut convertir.  Mais on peut s’interroger malgré tout : qui peut avoir la légitimité pour annoncer la bonne nouvelle de cette encyclique? La bonne volonté, l’attachement au Christ, l’esprit missionnaire, l’appel à une conversion personnelle, le souci des pauvres ne font pas de doute. Mais est-ce suffisant ? Que faut-il encore intégrer pour être envoyé en mission ? Ne serait-il pas important de relire le formidable hymne de saint Paul  (1Co 12,12-30) à l’unité dans la pluralité : « le corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres … ». Saint-Paul dit avec humour : « L’œil ne peut pas dire à la main : « Je n’ai pas besoin de toi ». Ce texte conduit à s’interroger sur ce que cela signifie pour nos commissions pastorales:

  • les climatologues carbo-centristes (cause: CO2) peuvent-ils dire aux hélio-centristes (cause : soleil): «Je n’ai pas besoin de toi »?
  • les agriculteurs « bio » ou permaculteurs peuvent-ils dire à ceux qui, plus conventionnels, se sont engagés dans une pratique de « haute valeur environnementale »: «Je n’ai pas besoin de toi »?
  • ceux qui voient dans les OGM une atteinte contre nature à l’intégrité du végétal peuvent-ils dire à ceux qui savent que la même technique des « ciseaux génétiques » est utilisée pour les vaccins à ARN: «Je n’ai pas besoin de toi »?
  • Ceux qui s’opposent au nucléaire peuvent-ils dire à ceux qui croient à la nécessité, pour un développement plus solidaire, d’une énergie abondante et bon marché : «Je n’ai pas besoin de toi »?
  • ceux qui s’inquiètent de l’épuisement de ressources naturelles limitées peuvent-ils dire à ceux qui voient en l’homme la principale ressource : «Je n’ai pas besoin de toi »?

N’y aurait-il pas, dans un refus de pluralité, « une tentation qui divise et détruit l’Église : [une] envie mondaine d’avoir le pouvoir », comme le dit le pape François? (Méditation matinale - Osservatore Romano, 26 mai 2016)
Pourtant, au risque de paraphraser saint-Paul (1Co 12-23), les parties du corps qui paraissent les plus écologiques « sont-elles les plus indispensables? Et celles qui passent pour moins honorables, ne sont-elles pas celles que nous devrions traiter avec plus d’honneur? » .
Peut-être y a-t-il chez les uns des prophètes et chez d’autres des personnes plus aptes à enseigner l’écologie intégrale? En tout état de cause, Dieu a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division. Tous, « Vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps. », dit saint Paul (1Co 12-27).
Ce risque de division serait d’autant plus injustifié qu’il porte sur des questions prudentielles. Pourtant, « certains jugements du Magistère ont pu être justifiés à l’époque où ils furent prononcés (…) Ce n’est souvent qu’avec le recul du temps qu’il devient possible de faire le partage entre le nécessaire et le contingent ». (instruction Donum veritatis de la Congrégation pour la doctrine de la foi, 1990).

3- Une pastorale de témoins de l’écologie intégrale 

Il est insuffisant d’expliquer des concepts… même si « l’écologie intégrale » est un concept nécessaire à expliquer. Seuls des témoignages peuvent illustrer les quatre liens fondamentaux constitutifs de l’écologie intégrale :

  • Témoignage du lien avec Dieu: celui de « disciples-missionnaires », comme les nomme le pape François dans la Joie De l’Évangile
  • Témoignage du lien avec soi-même : par exemple avec ceux qui pansent de graves déséquilibres consécutifs à des blessures d’enfance. Par une évangélisation des profondeurs, ils les aident à ressembler à Celui qui les a créées à son image,
  • Témoignage de relation avec les autres, en particulier avec les plus pauvres,
  • Témoignage d’une relation avec la création : en particulier à travers la louange du créateur pour sa création, à la suite de saint François d’Assise qui voyait une dimension trinitaire dans le soleil, l’eau, le vent et le loup.

La tentation est grande, pour des commissions pastorales, de vouloir ajouter des témoignages de producteurs ou de consommateurs, de permaculteurs, d’innovateurs pour limiter des émissions de CO2, etc…, au nom de Laudato si. N’est-ce pas oublier que le pape, lui-même, disait que son encyclique n’est pas « verte mais sociale » (symposium à l’académie pontificale  22 juillet 2015). De tels témoignages ne risquent-ils pas d’être contre-productifs auprès de personnes ne partageant pas nécessairement les analyses prudentielles sur tous ces sujets? Contreproductifs pour que la pastorale aille encore plus loin dans l’adhésion à l’écologie intégrale ?
Que faire pour ne pas contribuer ainsi à opposer les membres du corps mystique que constitue l’Église? Une lecture attentive de Laudato si donne la piste suivante :

4- Pastorale écologique et questionnements scientifiques.

Laudato si répète à deux reprises (paragraphe 61 et 188) que « l’Église n’a pas la prétention de juger des questions scientifiques ». Le Pape reprend ici une recommandation conciliaire : « les laïcs ne doivent pas attendre de leurs pasteurs qu’ils aient une compétence telle qu’ils puissent leur fournir une solution concrète et immédiate à tout problème, même grave, qui se présente à eux, ou que telle soit leur mission » (Gaudium et spes 43-2).
Ces deux textes conduisent à s’interroger : la recommandation conciliaire faite aux pasteurs de ne pas répondre aux questions même graves ne s’adresse-t-elle pas, de la même manière, aux membres des commissions pastorales diocésaines ? En effet, de deux choses l’une: 

  • ou bien leurs membres sont compétents, et il leur revient d’exprimer leurs connaissances, sans se présenter comme conseillers du diocèse, ce qui n’apporte aucun supplément d’autorité à leur compétence. 
  • Ou bien ils ont conscience de ne pas avoir fait de recherches personnelles plurielles pour ne pas se limiter au simple consensus ambiant et ,dans ce cas, ne sont-ils pas tenus au même devoir de réserve puisqu’ils sont envoyés en mission par leur évêque ?

Quelque soient leurs opinions, les  membres des commissions savent bien que: « personne n’a le droit de revendiquer, d’une manière exclusive pour son opinion, l’autorité de l’Église » (Gaudium et spes § 43). Chacun a le droit d'avoir des opinions politiques, économiques, sociales ou écologiques et de les soutenir. .. à condition de ne pas inciter les pasteurs à engager leur autorité sur des questions prudentielles.

5- Une pastorale qui réponde aux signes des temps 

L’église doit-elle donc se taire au nom de cet appel à la prudence? Non, car le concile dit bien que l'Église a mission de « discerner les signes des temps », …et la peur écologique en est probablement un. Mais il précise que l’objectif est de leur apporter des « réponses éternelles » (Gaudium et spes n. 4). Prendre parti pour telle ou telle théorie scientifique, sur le climat par exemple, est-il le moyen d’apporter une réponse éternelle ?
Mais n’y a-t-il pas une apparente contradiction entre ce souci de ne pas prendre parti d’une part et de s’intéresser aux signes des temps d’autres part ? Trouver le chemin de crête est possible grâce au même paragraphe 188 de Laudato si, dans lequel le Pape appelle à organiser des débats contradictoires ? Il y est question de débat « honnête et transparent». Comment un débat peut-il être honnête s’il n’est pas contradictoire, et transparent s’il n’est pas public?
Pour certains, le questionnement scientifique paraît inutile étant donné le consensus existant sur certains sujets. Laudato si se réfère d’ailleurs au "consensus scientifique très solide qui indique que nous sommes en présence d’un réchauffement préoccupant du système climatique" (Ls § 23). Mais Galilée ou Einstein nous ont enseigné qu’un consensus n’est pas une preuve scientifique. Ce n’est qu’un argument d’autorité n’apportant aucune autorité aux arguments en faveur du CO2 plutôt qu’à ceux d’une cause solaire.
Le pape François dit d’ailleurs qu’il "existe une menace qui parcourt le monde. C’est celle de la « mondialisation de l’uniformité hégémonique » caractérisée par la « pensée unique »" (Méditation matinale - Osservatore Romano26 mai 2016).
Benoit XVI disait également que « le consensus de la majorité devient le dernier mot auquel nous devons obéir. Et ce consensus … peut également être un "consensus du mal" » (Devant la Commission biblique pontificale, le 16.4.2010).

6- Pastorale et collaboration avec la peur ?

N’est-ce pas exagéré de parler de « consensus du mal »? Pourtant les fruits du consensus écologique ambiant ne laissent de nous interroger : un sondage récent évoque les 40 % de jeunes qui sont si inquiets qu’ils ne veulent plus envisager d’avoir des enfants pour sauver la planète. (No kids). L’un des évêques qui m’a reçu me disait qu’il constate cette réalité dans les lettres de demandes de confirmation qu’il reçoit.
La peur est devenue l’ennemi numéro un. Nos pastorales ne collaborent-elles pas inconsciemment avec cet ennemi, en se faisant l’écho de cette peur ?
Cette collaboration avec la peur peut prendre des formes insidieuses quand nos pastorales font appel à toutes sortes de catastrophistes ou de collapsologues?
À trop insister sur l’émotion et la crainte, nos pastorales ne tombent-elles pas dans une forme de prosélytisme au lieu de réellement évangéliser? Le Concile met en garde: « Dans la propagation de la foi et l'introduction des pratiques religieuses, on doit toujours s'abstenir de toute forme d'agissements ayant un relent de coercition, de persuasion malhonnête, ou simplement peu loyaux, surtout s'il s'agit des gens sans culture ou sans ressources » (Ad gentes, chap II).
Dans cette forme de collaboration avec la peur, ne jouons-nous pas d'une certaine instrumentalisation, de persuasion malhonnête, de prosélytisme, plus que de propagation de la foi?
Ne faudrait-il pas plutôt ouvrir nos réunions pastorales par ces paroles bibliques : « n’ayez pas peur, soyez dans la joie » ?
La peur est en effet la fille du mensonge : après les fausses vérités et les vrais mensonges du serpent, l’homme reconnaît qu’il est nu et qu’il a peur (Genèse). Le débat contradictoire aurait la double vertu, d’un côté de faire la part des demi-vérités et des vrais mensonges, même consensuels, et d’un autre côté d’être facteur de paix auprès des jeunes qui réaliseraient que les discours  ambiants sont moins évidents qu’il n’y paraît.

7- « Libérer la parole » dans nos pastorales écologiques ?

L’expression peut faire mal, mais cette culture du débat dans l’église est très peu développée. Lors d’une rencontre personnelle avec le président de l’Académie pontificale des sciences, celui-ci a reconnu que cette instance n’avait jamais organisé de débat contradictoire pouvant expliquer la cause solaire de la période chaude climatique actuelle. Encore aujourd’hui, il faut reconnaître que ladite académie n’a pas, non plus, organisé de débat sur les éventuelles alternatives aux campagnes de vaccination contre la COVID. 
Je souligne avec bonheur l’exception vécue avec Fabien Revol. Malgré de profondes divergences entre nous, il a accepté le principe de la controverse et de la rendre publique dans un ouvrage cosigné: « l’écologie, nouveau jardin de l’église ». Certains diocèses ont demandé à leurs référents écologiques de l’utiliser comme outil de réflexion. Quelques-uns ont reconnu que cet ouvrage ouvrait des horizons qu’ils ne soupçonnaient pas.

8- Répondre à l’appel du pape d’aller vers les périphéries?

Le pape appelle à  combattre la mondanité au sens de l’esprit du monde en recommandant à l’Église d’aller aux périphéries, bien sûr d’abord celle des pauvres? « Ils ont quelque chose à dire », dit le Pape. Mais, dans cet appel, il évoquait aussi « les périphéries de la pensée » (Mgr Jorge Bergoglio, 9 mars 2013); ne peut-on pas dire, d’une certaine manière, qu’un dissident scientifique est aux périphéries de la pensée ? Le dissident est-il condamné à vivre dans les périphéries de l’église sans être entendu ? Il a pourtant quelque chose à dire. Un exemple justifie de se poser cette question :

Le constat est facile à faire qu’un africain consomme six fois moins d’énergie et neuf fois moins d’électricité qu’un européen. Comment ce continent pourra-t-il se développer économiquement dans un tel contexte ? Le dissident s’étonnera donc facilement de voir la COP 26, sous la pression des O.N.G., interdire aux pays riches de financer l’exportation de centrales à charbon alors que les émissions de CO2 – sans chercher à convaincre personne- n’expliquent pas le réchauffement climatique. Le dissident pourra dire ce que peu de monde est capable de dire : « à force de confondre le cri des O.N.G. avec la clameur de la terre, on ne peut plus entendre la clameur des pauvres et les pauvres deviendront encore plus pauvres ».

Les responsables de pastorale écologique sont impressionnants par leur adhésion au Christ, leur engagement personnel auprès des pauvres, leur appel sincère à la conversion mais, le référentiel auquel ils sont attachés, ne les amène-t-il pas à confondre : 

  • conversion écologique et conversion personnelle ? 
  • crise écologique et crise éthique ?
  • la vertu de frugalité et une forme de frugalité par précaution pour sauver la planète ? Un jeûne pénitentiel et un régime diététique ? Une frugalité voulue dans une optique spirituelle et celle résultant de confinements sanitaires imposés dont l’efficacité est douteuse et générateurs de chômage et annonciateur de normes liberticides.
  • Conversion écologique et modèle de décroissance ?
  • et à précisément confondre ces cris d’O.N.G. avec la clameur de la terre ?

Nos pasteurs n’auraient-ils pas la possibilité d’être à l’écoute des « signaux faibles » que seraient des dissidents potentiels et en même temps profondément attachés à l’église et à son magistère, amoureux de l’église. Ces personnes sont rares mais existent. Elles aussi mériteraient d’être envoyées en mission, une réelle mission d’église consistant à aller à la recherche des fondements scientifiques dissidents pour aider à la construction de réels débats contradictoires dans l’église. Parmi ces scientifiques dissidents, il y a des personnes comme le Danois Henrik Svensmark, l’américaine Judith Curry et tant d’autres. Qu’aurait à craindre l’église à s’engager dans une telle voie ? Les médias pourraient-ils s’en offusquer ? Mais comme le dit Mgr de Moulins-Beaufort, l’important n’est pas l’image de l’église, certes dans un autre contexte, mais celle du Christ et de notre devoir de l’annoncer.

9- Pour une pastorale authentique.

Certains pourront juger que les questions ainsi posées et certaines réponses suggérées, peuvent avoir un caractère trop péremptoire Faut-il s’en plaindre si c’était le prix à payer de l’authenticité, cette authenticité à laquelle a appellé Mgr. Dupuy, lors de l’assemblée des évêques à Lourdes de novembre 2021. Certes, le contexte de cette homélie était différent et douloureux. Mais pourquoi ne pas extrapoler : ne faut-il pas éviter que, dans 30 ans, l’Église soit amenée à faire un acte de  repentance -encore une, dira-t-on-, 

  • Repentance pour ne pas ne pas avoir été  prudent entre vérités et contrevérités scientifiques (le président de l’académie pontificale des sciences s’interrogeait: la cause humaine du réchauffement sera-t-elle un jour aussi peu crédible que la théorie des pluies acides?)
  • Repentance pour avoir oublié que sa charge pastorale consiste à "stimuler et entretenir parmi les fidèles le zèle pour l'évangélisation du monde" [Ad Gentes 39] et non à surfer avec l’esprit du monde (par exemple en démultipliant les labels « Église Verte » dont 60 % des critères touchent de près ou de loin à la question climatique)
  • Repentance pour complicité avec la peur (à titre d’exemple un lycée parisien catholique est-il fondé à encourager ses élèves à participer aux marches pour le climat derrière Greta ?)

Dans un autre contexte, Monseigneur Dupuy n’hésitait pas à dire : « Église, combien tu es contestable, et combien je t’aime ». Il appelait à l’authenticité pour fustiger l’hypocrisie des pharisiens. Or n’y a-t-il pas un côté hypocrite dans certains discours écologiques consistant à utiliser la peur :

  • pour justifier une  gouvernance mondiale afin de résoudre des problèmes prétendus globaux 
  • pour cacher une idéologie égoïste du Nord vis-à-vis du Sud ? 
  • Pour développer des idées malthusiennes, en particulier chez des jeunes ?
  • Pour remplacer la théologie de la libération par l’écologie de la libération ?

Mgr Dupuy disait: « non, ce n’est pas mal de critiquer l’Église quand on l’aime ». Un pèlerin qui a parcouru 3000 km à pied aime-t-il suffisamment l'Église, se sent-il lui être suffisamment redevable pour se permettre d’interpeller ses pasteurs ? Pourquoi pas s’il se place dans une démarche conciliaire : « Les laïcs....ont le droit [et même parfois le devoir] de s’ouvrir à [leurs] pasteurs .... dans la mesure de leurs connaissances, de leurs compétences et de  manifester leur sentiment en ce qui concerne le bien de l’Église » (Lumen gentium37).

10- Un cas d'école: le document épiscopal de discernement pour la présidentielle 2022
A l'approche de l'élection présidentielle de 2022, le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France a publié un document intitulé “L’espérance ne déçoit pas”. Les dix évêques proposent aux citoyens, aux catholiques et à ceux qui voudront bien le lire, quelques repères de discernement sur la vie sociale et politique. L’Église dit souhaiter avec humilité contribuer à la réflexion qui alimentera les débats nécessaires au vote de la prochaine Présidence de la République. Le document est struturé en 6 thématiques (Vivre ensemble en paix, le respect inconditionnele de toute vie humaine, promouvoir la liberté, l'égalité et la fraternité, la laïcité, la transmission, etc...). Le cinquième thème est consacré à l'écologie aux § 16, 17 et 18 [2]
Dès la première ligne, le texte collabore avec la peur ambiante : "La crise climatique qui menace la vie sur notre planète". (Voir ci-dessus § 6- Pastorale et collaboration avec la peur). Cette affirmation est par ailleurs une prise de parti : Il s'agirait d'une crise climatique, alors que d'autres experts reconnaîtron simplement que nous sommes dans une période chaude contemporaine comme il y a eu la période chaude médiévale.
Par ailleurs, le texte poursuit en disant que cette crise climatique "appelle une transformation écologique". Qu'il faille s'adapter est une chose, mais ce n'est pas ce que les lecteurs retiennent dans le contexte: cette transformation serait une solution humaine pour lutter contre une cause humaine. Il y aurait donc "urgence d'une évolution de notre système de consommation".  Certes, la frugalité est une vertu, et certaines formes de surconsommation relèvent d'une véritable culture de mmort. Mais, l'Eglise n'a pas à mission de prend ainsi parti sur les questions scientifiques en établissant des relations de cause à effet entre crise climatique, et système de consommation (Voir ci-dessus § 4- Pastorale écologique et questionnements scientifiques).
Le texte s'interroge sur le "comment produire ce dont nous avons besoin sans pour autant encombrer la terre de déchets ni épuiser ses ressources au risque d’en priver les générations à venir". Là encore, le texte entretient la peur: certes, les ressources naturelles sont limitées, comme le sont d'ailleurs, les cordes d'un piano, mais il y a une infinité de manière de jouer du piano et il y aura de multiples façons d'exploiter les ressources naturelles. De manière très subliminale, n'y a-t-il pas un peu de malthusianisme dans la manière de parler des générations futures? Prétendre réduire de 20% nos consommations de ressources naturelles, c'est reporter le problème au moment où la population mondiale aura augmenté de 20%. Non, "l'Espérance ne déçoit pas": il ne faut pas laisser croire que l'apocalypse démographique surviendra faute de ressources naturelles. L'Apocalypse répond d'ailleurs à cette question: « Jusqu’à quand, Maître saint et véritable, tardes-tu à juger ? » (Apoc. 6-10).  La réponse est claire : il faudra attendre  « jusqu'à ce que fût complet le nombre de leurs compagnons de service et de leurs frères » (Apoc. 6-11), jusqu’à la plénitude de l’évangélisation. Face à  l’éternité de Dieu, les lenteurs de l’histoire ne sont rien. La longueur de ce délai s’explique par la miséricorde de Dieu qui veut laisser à chacun le temps du repentir.

11- Mise en perspective.

Cet article n'a nulle prétention de vouloir réformer l’église. Les réflexions restent, même si les fruits ne se mesurent pas du vivant de celui qui les tient. Reste malgré tout à s’interroger :  Comment partager largement ces interrogations dans les divers diocèses ? 


[1] France Quéré, "Les Pères apostoliques.Ecrits de la PrimitiveEglise", Seuil, "Inédit-Sagesses", Paris, 1980, p.111-120, § 6.1)

[2]: § 16. La crise climatique qui menace la vie sur notre planète appelle une transformation écologique. Le monde occidental a créé depuis la révolution industrielle une société d’abondance, voire de surabondance, dont le moteur est devenu la consommation. Le confinement du printemps 2020 nous a fait découvrir non seulement l’urgence d’une évolution de notre système de production et de nos modes de consommation, mais aussi la possibilité d’un autre mode de vie, plus sobre, moins centré sur la consommation mais faisant toute leur place aux relations interpersonnelles. Le pape François y avait exhorté dès juillet 2015 par son encyclique Laudato si’. Il appelait tous les humains, spécialement les catholiques, à engager leur intelligence, leur énergie, leur créativité, leur volonté, non seulement à sauvegarder la « maison commune», mais plus encore à en « prendre soin ». Au moment où les élections offrent la possibilité de définir un nouveau projet collectif, il doit être clair qu’il ne suffit pas d’améliorer notre système de production et notre manière de consommer : il s’agit de travailler à les transformer profondément pour chercher comment produire ce dont nous avons besoin sans pour autant encombrer la terre de déchets ni épuiser ses ressources au risque d’en priver les générations à venir. Nos responsables économiques, industriels, agricoles et politiques doivent nous aider à oser cette transition. Ils ont commencé de la faire mais la décennie qui vient doit être une décennie de changements décisifs.

§ 17. Nous, catholiques, ajoutons que l’écologie doit être « intégrale ». Elle ne comprend pas seulement l’environnement de l’humanité, mais aussi la manière dont l’humanité se traite elle-même. Comme l’affirme le pape François, « l’écologie intégrale est inséparable de la notion de bien commun, un principe qui joue un rôle central et unificateur dans l’éthique sociale» (Laudato si’, 56). Parmi les conditions sociales qui contribuent au bien commun et donc à l’écologie intégrale, il faut citer : le respect de la structure familiale et de la vérité de la filiation, la lutte contre la misère, l’habitat indigne et les conditions de vie dégradantes, le refus de tout ce qui porte atteinte à la dignité humaine, y compris l’esclavage dont la pratique perdure en certains pays. Comment prétendre promouvoir la biodiversité sans respecter au premier chef la dignité humaine dans toutes ses dimensions, notamment dans le domaine des recherches biotechnologiques ? Comment se réclamer du principe de précaution sans veiller à ne pas déstabiliser la condition humaine par des trucages juridiques ou des manipulations biologiques ? Le souci écologique peut et doit devenir toujours davantage une grande dynamique fédératrice pour notre pays et pour notre temps : encore faut-il qu’il ne se détruise pas lui-même en se coupant de tout ce qui fonde et protège la spécificité et la dignité humaines.

§ 18. Le confinement du printemps 2020 a fait ressortir la différence de condition entre ceux et celles qui sont logés agréablement et ceux et celles qui vivent dans des appartements trop petits, sans isolation phonique satisfaisante et dans des cités dépourvues d’espaces verts. Un plan de construction de logements et d’aménagement des quartiers périphériques devrait à nouveau être défini afin de permettre à tous nos concitoyens de bénéficier d’espaces naturels, de beauté, de culture et de gratuité, à proximité de leur domicile. Il y a en France près de 9 millions de personnes vivant sous « le seuil de pauvreté ». Il y a dans le monde 800 millions de personnes qui ne mangent pas à leur faim. Si ces personnes sont proportionnellement moins nombreuses que dans le passé, elles ne sauraient être considérées comme un nombre incompressible auquel il faudrait se résigner. Toute politique économique, toute vision de la production, de la consommation et de la distribution, doivent chercher à proposer des solutions concrètes pour que notre société française soutienne tous ses membres et que notre pays contribue à la justice à l’échelle internationale.