« Quand les pays pauvres ont besoin d’investissements et de nourriture, on leur donne des panneaux solaires. C’est immoral » (Bjorn Lomborg)
La véritable transition énergétique se mettra en place naturellement. L’homme a toujours su progressivement remplacer le travail manuel, par la combustion du bois, de la tourbe, ou encore aujourd’hui en Afrique, de la bouse de vache séchée, puis la traction animale, le charbon et le pétrole. Par quoi seront remplacées les usages fossiles ? La grande peur du CO2 est mauvaise conseillère et conduit les politiques sur des voies partisanes, partielles et budgétivores.
Il faut se pencher sur l’histoire des grandes transitions énergétiques pour comprendre que les transitions fondées sur des innovations technologiques deviendront la norme du marché. Celles menées à marche forcée par des normes seront rapidement rejetées par le marché. Il est des transitions qui ne sont que des ponts lancés sur le vide ! Il est intéressant, à cet égard de lire les contrats signés entre l’état et une trentaine des entreprises françaises les plus émettrices de CO2. Il ne s’agit que d’une grande opération de communication qui restera sans lendemain !
Analyse : « les2ailes.com »
1. L’histoire des grandes transitions énergétiques
Vaclav Smil, dans son ouvrage « How the world reality works : the science behind how we got here and where we’re going », (NewYork, Viking, 2022), rappelle que les grandes transitions énergétiques ont toujours connu des phases similaires :
- Découverte d’une source d’énergie
- Exploitation dans une niche de marché
- Maturation et pénétration dans de plus grands marchés
- Emergence d’une nouvelle infrastructure et de nouveaux matériaux
Ces transitions ont toujours été rapides, en particulier grâce à des renforcements mutuels des transitions technologiques :
- En 1740, utilisation du coke pour faire de la fonte. 60 ans plus tard, le fer remplaçait le bois dans la plupart des usages industriels et dans la construction.
- En 1880, les premiers réseaux électriques furent installés aux USA. A la fin des années 1920, 70% des foyers américains avaient accès à l’électricité.
– En 1890, à New York, les voitures à cheval emplissaient les rues. 20 ans plus tard elles avaient
pratiquement disparu au profit des voitures à essence.
- En 1900-1916, la production d’aluminium s’est développée parallèlement à permettant de construire des lignes électriques et sa distribution à longue distance
- En 1950, tous les matériaux agricoles étaient équipés de roues associant bois et métal. L’innovation pneumatique a permis, en une décennie, la transition de la traction animale vers celle du tracteur.
2. La transition énergétique actuelle, menée politiquement, est très différente :
- Elle est motivée par des politiques de décarbonation, et non des innovations
- Elle a été politiquement déclarée urgente et ne se fonde pas sur de nouvelles technologies
- L’introduction de l’éolien et du solaire sont lourdement subventionnés ; ce n’est pas une évolution naturelle du marché.
- La création de normes pour imposer une sidérurgie décarbonée n’améliore en rien la compétitivité de la filière.
3. Les contrats de décarbonation signés par les industriels en 2023.
Dans son ouvrage, Vaclav Smil, rappelle que « Les quatre piliers de la civilisation moderne : le ciment, l'acier, les plastiques et l'ammoniac… nous n’avons aucun moyen de les produire aux échelles requises sans d’énormes émissions de carbone ».
Ce sont très précisément les principaux contrats de transition écologique qu’ont signés avec l’Etat une trentaine d’entreprises. On en trouve la liste sur le site de la « Direction des entreprises » du ministère de l’économie. Il s'agit de :
- 10 sites producteurs de ciments et chaux (des sociétés Eqiom, Heidelberg-Materials, Holcim, Lhoist, et Vicat)
- 4 sites producteurs d’azote et d’engrais (des sociétés Yara et LAT-Notrogen)
- 9 sites producteurs de chimie et plastiques (des sociétés Basell-Polyolefines, Naphtachimie, Solvay-France, Versalis, Butachimie, et Humens)
- 4 sites de métallurgie et sidérurgie (des sociétés ArcelorMittal, Trim-France, St-Gobain-Pont-à-Mousson et Aluminium-Dunkerque)
Ces 27 entreprises des secteurs cités par Vaclav Smil constituent l’essentiel des contrats. Rajouttons y une entreprise de Verrerie (Arc), 2 entreprises de raffinage (Petroineos et TotalEnergies), et 2 entreprises agro-industrielles (Sucre-Union et Roquette-Frères).
Les opinions publiques ont pu avoir le sentiment que les actions menées étaient à la hauteur des enjeux, surtout après l’appel lancé le 8 novembre 2022, par le Président de la République qui avait réuni à l’Elysée les dirigeants des 50 sites industriels les plus émetteurs de GES.
En réalité, la lecture détaillée des contrats montre le caractère virtuel des engagements pris.
- Les contraintes de la concurrence commerciale
Tous les contrats stipulent que « la réalisation de ces objectifs est soumise aux conditions de succès économiques, commerciales et industrielles nécessaires ». Autrement dit, les engagements ne seront pas honorés, si la concurrence mondiale ne le permet pas. Le gouvernement a reconnu que le montant total des investissements nécessaires serait de l’ordre de 50 et 70 Md€. La concurrence mondiale permettra-t-elle de tels investissements ?
C’est d’ailleurs ce qui a conduit ArcelorMittal à abandonner son projet de construire deux fours électriques, ainsi qu’une unité de réduction directe de fer. Le projet d’ArcelorMittal pour adapter son site de Dunkerque est chiffré à 1,8 milliard d’euros, comprenant une aide de l’État allant jusqu’à 850 millions d'euros. Même avec l’aide publique, le projet n’était pas rentable. Pire, ArcelorMittal était perdant sur le plan commercial. La situation a d’ailleurs amené le groupe à annoncer, la semaine dernière, qu’il envisageait la fermeture de deux usines en France, à Reims et Denain.
La plupart des entreprises signataires ont comme actionnaires majoritaires des fonds d'investissements internationaux qui n'oublieront jamais la compétitivité nécessaire à leurs investissements.
- Les contraintes d’approvisionnement électrique décarbonée
Le thème est très souvent abordé. Ainsi Naphtachimie signe que « le développement de l’accès au réseau d’électricité HT est particulièrement nécessaire ». Solvay précise que « pour pouvoir déployer le nouveau procédé « e.Solvay », le site devra accéder à de l’électricité décarbonée et compétitive »…
Autrement dit, c’est toute la question de l’augmentation de capacité de production électrique qui est l’enjeu.
- Les contraintes technologiques
Tous les contrats soulignent « le caractère mouvant des technologies nécessaires … et la nécessité de sécuriser les leviers technologiques ».
Les exemples sont très concrets : Lat Nitrogen signe que « l’incertitude sur l’atteinte de ces objectifs est renforcée du fait du manque de maturité technologique à la taille industrielle de certains procédés comme l’électrolyse de l’eau, le captage et le stockage de CO2…. Les critères de compétitivité, à une échelle internationale, seront clefs … ».
Butachimie signe de son côté : « le scenario ambitieux repose sur des hypothèses très volontaristes de technologies qui ne sont pas encore adaptées techniquement et économiquement ».
Très concrètement, la concurrence mondiale ne permettra pas de réaliser la capture et le stockage du CO2 qui n’est que le corollaire d’un mythe, celui du carbone comme fauteur du réchauffement climatique. En la matière, le débat contradictoire a été confisqué par le Giec qui prétend détenir le « monopole du savoir »[1]. Par essence, la technologie de la capture et du stockage du CO2 n’est qu’une idée, financièrement ruineuse, en réponse au faux problème de la décarbonation.
Concernant l’utilisation de l’hydrogène bas-carbone, les pouvoirs publics envisagent sa production, comme produit complémentaire à l’électricité. C’est oublier le contexte : à l’évidence, la demande électrique est variable et la production doit donc être flexible. Le développement des énergies solaires ou éoliennes, reviennent à ajouter de la production intermittente à une consommation variable ! Un cercle vicieux.
La fausse idée d’investir dans des surcapacités nucléaires et de détourner les excédents vers des unités d’électrolyse pour produire de l’hydrogène ferait croire que cette électricité serait gratuite, ou, à tout le moins d’un coût « inférieur à 50€/MWh » dit l’ADEME ! C’est oublier le coût d’investissement d’unités surcapacitaires et que l’électricité est facturée en 2024, même aux heures creuses, à 206,8 €/MWh !
Quand prendra-t-on conscience que seule l’énergie électrique produite à partir de combustibles fossiles permet d’assurer une flexibilité compétitive ?
Butachimie devait être conscient de cela lorsqu’il a signé : « le scenario ambitieux repose sur des hypothèses très volontaristes de technologies qui ne sont pas encore adaptées techniquement et économiquement ».
4. S’engager dans une transition énergétique, mais laquelle ?
4.1- Le Nucléaire ?
Certes, le nucléaire est très peu émetteur de CO2. Mais ce type d’allégation entretien la fausse nécessité d’engloutir des milliards de dépenses vertes injustifiées ! Le nucléaire se justifie par d’autres arguments, en particulier celui de la densité énergétique, clairement expliqué par l’académie des sciences : « les combustibles nucléaires ont une densité d’énergie bien supérieure à celles des combustibles fossiles. Utilisés dans les réacteurs et centrales thermiques classiques il faut, par jour, pour entretenir une puissance de 1 GWe, environ 5 300 tonnes de fioul, 7 400 tonnes de charbon, 4 millions de m3 de gaz ou 60 kg de combustible nucléaire à 3,5 % de 235U, ce qui correspond en termes de ressource naturelle à 0,470 tonne d’uranium par jour » ;
4.2- Les énergies éoliennes et solaires ?
Quant aux énergies éoliennes et solaires, sur la base des données d’EDF, le nucléaire équivaut à 22.170 éoliennes dont les parcs seraient visibles sur le ¼ de la France ! Et en matière de voltaïque, même en couvrant 100% des toitures des bâtiments français, ¾ des sols français n’y suffiraient pas (en ayant exclu forêts, vignes, vergers et routes ou autres zones artificialisées) !
Quant à son efficacité, l’Allemagne réalise que les énergies renouvelables nécessitent un double investissement pour prendre leur relais quand les panneaux voltaïques sont couverts de neige, ou que les eoliennes sont à l’arrêt pendant les hautes pressions hivernales. Le Wall Street Journal cite le chiffre de 200 milliards d’Euros pour « verdir » l’industrie allemande de l’énergie depuis l’an 2000.
Ce double investissement concerne non seulement la production, mais également la mise en place d’un réseau électrique gigantesque. Le rapport Deverdet remis au Président de la République en 2015 (au niveau européen) évaluait ces besoins à 500 milliards d’euros pour la distribution et 200 milliards pour le transport au niveau de l’UE.
Enfin, il ne faut pas croire que les batteries pourront régler le problème de l’intermittence des énergies renouvelables. L’exemple de l’usine de batteries de Pillswood en Angleterre, a coûté 86 M€ et ne permet d’alimenter que 300.000 foyers pendant 2 heures (196 MWh), et sa durée de vie n’est que de 15 ans[2]. Y aura-t-il un effet d’échelle pouvant faire baisser les prix ? Le NREL (National Renewable Energy Laboratory) US estime que la technologie devenant mature, les progrès vont se ralentir, et que le potentiel de baisse de prix entre 2023 et 2050 est compris entre un facteur 1,5 et 3. Même avec de nouvelles technologies, les ordres de grandeur resteront les mêmes.
Les batteries ne peuvent servir qu’à des équilibrages de charge de très court terme.
4.3- L’hydrogène ?
4.3.1 -L’avenir de la filière hydrogène? N’est-elle pas un mythe ?
La production industrielle d’hydrogène a un avenir certain pour mettre en œuvre des process de haute technologie (santé, chimie organique et industrielle, …) mais pas nécessairement dans des usages énergétiques. Samuele Furfari, ancien haut fonctionnaire à la Direction générale de l'énergie de la Commission européenne, parle à ce titre de l’utopie hydrogène.
« Stocker l’électricité intermittente sous forme d’hydrogène pour ensuite la transformer en électricité non intermittente ne restitue même pas 30 % de ce qui avait été accumulé... Il est encore plus incongru de penser à « hydrogéner » le secteur du transport, alors que l’on n’est pas en mesure de le faire pour celui de l’électricité »[3].
Dès lors, l’hydrogène naturel, dont on aurait trouvé des stocks considérables, fait rêver. Mais…
4.3.2- L’usage de l’hydrogène-énergie se révèle de plus en plus délicat :
- En cas d’utilisation d’hydrogène dans des centrales électriques, les « brûleurs fondraient, tout simplement… il faudrait moderniser les centrales avec de la céramique. Un processus qui peut être réalisé mais qui est coûteux », explique Sigfried Russwurm, le chef de la Fédération des industries allemandes (BDI). Pourquoi Engie n’a-t-il aucun projet de centrale électrique à hydrogène naturel à proximité des gisements ?
- Pour l’usage dans des automobiles. La demande n’est pas près de se réduire, surtout dans les pays du Sud : L’évolution de la demande de transports passera de 7.730 à 22.820 milliards de km (trois fois plus) dans les pays du Nord, mais passera de 2.100 à 54.890 milliards de km (26 fois plus) dans les pays du Sud[4]! … La création de normes restrictives ne fera que rendre les pauvres encore plus pauvres.
Mais pour utiliser de l’hydrogène, il faudrait faire cohabiter sous les deux capots d’une même voiture, une batterie de type lithium-ion il faut, une pile à combustible et un réservoir. La faible densité de l’hydrogène implique une compression pour ramener le volume à un niveau compatible avec les contraintes d’encombrement des véhicules. La norme de 700 bars généralement retenue implique 95 kg de réservoir pour stocker 5 kg de dihydrogène, bons pour 400 à 500 km d’autonomie environ. Pas facile à caser dans un véhicule de tourisme, où la place est déjà comptée pour les passagers et leurs bagages. L’existence de tels prototypes n’est pas une garantie de compétitivité pour le futur (Cf : aérotrain de Jean Bertin)
Par ailleurs, lors de l’utilisation d’hydrogène dans les transports, on perd 3/4 de rendement par rapport à un système où on utilise directement de l’électricité. Même Jean-Marc Jancovici est formel : « L’hydrogène dans les transports ! Je n’y vois aucun intérêt »[5].
4.4- La méthanisation ?
Elle a le mérite de recycler en énergie de grandes quantités de déchets agricoles et ou industriels. Mais, son développement en Allemagne a conduit la filière à des dérives graves : on estime que les méthaniseurs – en moyenne de 500 KW – absorbent 350 ha de maïs d’ensilage par an. Ainsi, l’utilisation de celui-ci dans les unités allemandes a conduit à un développement exponentiel des surfaces agricoles destinées à la production de biogaz. En 2014, sur 2,5 M d’hectares de maïs cultivés, 820 000 ha soit un tiers, étaient dédiés à cet usage représentant 75% des cultures de maïs de toute l’UE pour la méthanisation. … En 2012, cette situation a conduit le gouvernement allemand au vote d’une nouvelle loi EEG qui réduit l’utilisation de maïs et de céréales à 60% maximum du poids total des intrants. Pour pallier cette limite, les producteurs de méthane se sont tournés vers les cultures de betterave sucrière et de sorgho qui se multiplient à leur tour[6]. On ne peut pas à la fois craindre l’artificialisation des sols et les utiliser pour un objectif de combustion de CH4 qui dégage des gaz à effet de serre !
[1] Expression de Richard S. Tol, « Regulating knowledge monopolies ; the case of the IPCC » (Climate change, 108, n°4, 2011, p. 827-239)
[2] https://climatetverite.net/2024/12/06/les-batteries-ne-sauveront-pas-leolien-et-le-solaire-la-preuve-par-largent/
[3] Samuele Furfari « l’utopie hydrogène », https://www.science-climat-energie.be/2020/10/09/lutopie-hydrogene/
[4] Milliards de Km pour le transport, tant des personnes que des marchandises. Source : Benjamin Dessus (CNRS) « Les cahiers de GLOBAL CHANCE » - N° 20 - Février 2005
[5] https://www.youtube.com/shorts/nkps0gdAtEI
[6] https://www.gignac-ensemble.fr/2021/03/26/dossier-methanisation-partie-2/