La revue Sciences express a publié le 15 janvier 2015, une prétendue étude scientifique intitulée : "Planetary Boundaries: Guiding human development on a changing planet". Dix neuf auteurs y analysent une série de neuf critères justifiant, selon eux, des entraves à l’activité humaine sous forme de "limites planétaires".
Johan Rockström,  un des co-auteurs, a longuement présenté les conclusions au « forum économique mondial » de Davos, les 21-24 janvier 2015. Nul doute que les principaux dirigeants de la planète seront convaincus de l’urgence de mesures de décroissance puisque, selon un des auteurs,  "la civilisation a dépassé quatre des neuf soi-disant limites planétaires".
Cette étude vient à l'appui de l'ONU qui doit adopter les "Objectifs du développement durable" pour les années 2015-2030 et qui a associé "limites planétaires" et population. Elle en a fait son Groupe Thématique n°1  intitulé "Macroéconomie, dynamique des populations, et limites planétaires". Cette association est un aveu évident du malthusianisme qui règne au sein des instances internationales sous couvert de développement durable.
Les2ailes.com proposent une série d’articles, de (1) à (9), reprenant chacune de ces limites pour montrer leur caractère pseudo-scientifique. Un dixième article (10) tirera une conclusion sur l’absurdité même de ce concept de « limites planétaires ».
Ce huitième article concerne les nouvelles entités chimiques, considéré comme la huitième limite de l’étude  « Planetary Boundaries » (PB). Qu’en est-il ?

Commentaires "les2ailes.com"

1- Le contenu général de l’étude "Planetary boundaries"

L’étude utilise le concept de « limites planétaires » définies  comme « un espace de fonctionnement sûr pour l'humanité basée sur les processus biophysiques intrinsèques qui régulent la stabilité du système terrestre ».
Dans cette étude, les auteurs prétendent « réviser et actualiser le cadre des limites de la planète, avec un accent mis sur les fondements de la science biophysique fondement, basés sur les observations ciblées des communautés de recherche d'experts ainsi que les avancées scientifiques plus générales réalisées au cours des 5 dernières années. Plusieurs des limites ont maintenant une approche à deux niveaux, ce qui reflète l'importance des interactions trans-sectorielles et de l'hétérogénéité des processus au niveau régional que sous-tendent les limites. Deux limites fondamentales - le changement climatique et l’intégrité  de la biosphère -  ont été identifiées, chacun d’eux ayant un potentiel sur la manière de gérer le « Système-Terre » vers un nouvel état à ne pas transgresser substantiellement et continuellement ».

2- Les critères retenus par l’étude "Planetary boundaries"

L’étude retient 9 critères: 

  1. Le Changement climatique, fixant une limite d’émission de CO² dans l’air
  2. L’intégrité de la biosphère, fixant une limite de disparition d’espèces
  3. La réparation du « trou d’ozone » est considéré comme un fait acquit du fait de limites antérieures, le zéro CFC.
  4. L’acidification des océans serait évitée en appliquant la limite de CO2 retenue pour le climat
  5. Les flux de phosphore et d’azote en fixant des limites d’usages d’engrais
  6. Les changements de macro-écosystèmes en limitant les déforestations
  7. Les usages d’eaux douces en limitant les usages aux « exigences de flux écologiques des rivières »
  8. Les nouvelles entités chimiques dont l’analyse n’a pas encore permis de fixer une valeur limite
  9. Les aérosols et particules fines atmosphériques dont l’analyse n’a pas encore permis de fixer une valeur limite

Ils sont représentés et mesurés sous forme d’un graphique. Les couleurs sont sensées représentées la gravité des situations par rapport à chacune de ces limites.

Nous tirerons des conclusions dans un dixième article, mais, analysons le huitième critère : les nouvelles entités chimiques.

3- Que dit l’étude "Planetary boundaries" à propos des nouvelles entités chimiques ou biologiques ?

 

Ce concept est défini comme les «  nouvelles substances, les nouvelles formes de substances existantes et les formes de vie modifiés qui ont un potentiel géophysique non désirées et / ou des effets biologiques ».
L’étude estime que « l'introduction dans l’environnement, de nouvelles entités anthropiques constituent une préoccupation au niveau mondial lorsque ces entités exposent  (i) la persistance, (ii) la mobilité, et (iii) les impacts potentiels des processus vitaux du système terrestre ou de ses sous-systèmes. Ceux-ci incluent les produits chimiques potentiellement et d'autres nouveaux types de matériaux ou organismes [1] manufacturés inconnus auparavant dans le système terrestre, ainsi que des éléments naturels (par exemple des métaux lourds) mobilisés par les activités de anthropogéniques ».
Quand on parcours la bibliographie, on comprend que sont visées les nanoparticules, les micro-plastiques contaminant les océans, les produits chimiques polluants.
L’étude donne une exemple : « Les risques associés à l'introduction de nouvelles entités dans le système Terre sont illustrés par la libération de CFC (chlorofluorocarbones), qui sont des produits chimiques synthétiques très utiles que l'on croyait être inoffensif, mais qui avaient des impacts dramatiques inattendus sur la couche d'ozone stratosphérique. Or, l'humanité est en train de renouveler  plusieurs fois de telles pratiques à l'échelle globale, sans tirer la leçon de l'expérience précédente aux nouvelles applications [2] ».
Les auteurs de l’étude "PB" évaluent que, « aujourd'hui, il y a plus de 100.000 substances de ce type dans le commerce mondial [3]. Si on ajoute les nanomatériaux et les polymères de plastique, la liste est encore plus longue. Il y a aussi une "intensification chimique" en raison de l'augmentation rapide de la production mondiale de produits chimiques. Il fait élargir le problème à la distribution, dans le monde entier, des produits chimiques ou des biens de consommation, et l'importance du commerce mondial de déchets chimiques [4] ».

Quelles sont les solutions proposées par l’étude « PB » ?
« Au cours des dernières années il y a eu des débats croissants sur les effets de la pollution chimique à une échelle globale. Ils ont conduit à des appels pour définir des critères pour identifier les types de substances chimiques qui sont susceptibles d'être globalement problématique [5]. Des chercheurs, Persson et al. [6],  ont proposé trois conditions qui doivent être remplies pour qu’un produit chimique constitue une menace pour le système terrestre: (i) un effet perturbateur inconnu du produit chimique sur un processus vital du « système terrestre »; (ii) un effet perturbateur non encore découvert à l'échelle mondiale; et (iii) un effet difficilement réversible. Le défi pour la communauté de recherche est de développer une base de connaissances permettant la projection de produits chimiques, avant qu'ils ne soient libérés dans l'environnement, et dont les propriétés peuvent les prédisposer à devenir des problèmes mondiaux ... Malgré ce progrès dans l'élaboration d'une approche axée sur le « système terrestre », il n'y a pas encore d’agrégation de l'analyse de la pollution chimique au niveau mondial sur laquelle fonder une variable de contrôle ou une valeur limite. Il ne sert donc à rien de définir des valeurs limites et des variables de contrôle pour une limite planétaire de cette complexité. Néanmoins, il y a une menace potentielle que de nouvelles entités perturbent le fonctionnement du « système terrestre » et la société a besoin d'apprendre à atténuer ces risques inconnus et à gérer les produits chimiques dans l'incertitude [7] ».
L’étude propose d’appliquer les principes de précaution et de prévention en « trouvant des synergies avec les interventions de réduction des risques dans d'autres domaines tels que la santé au travail  .... en tirant les leçons des erreurs antérieures [8], et en investissant dans la science pour mieux comprendre et contrôler les processus vitaux du système terrestre et pour être en mesure de détecter les effets perturbateurs des nouvelles entités le plus tôt possible ».

 

4- Une problématique mal posée par l’étude "Planetary boundaries"

L’étude ne fixe pas de limite, mais en retenant ce critère, elle induit deux erreurs:

4.1-  L’exemple des CFC

 

Les auteurs se réfèrent à l’exemple des CFC, mais on a vu que rien n’indique avec certitude que la déperdition d’ozone dans la stratosphère soit due aux CFC.

4.2- Analyser les causes ou gérer les conséquences d’un problème ?

On oublie trop vite que nous sommes les héritiers de deux siècles d’énormes vagues de changement : la machine à vapeur, le chemin de fer, le télégraphe, l’électricité, l’automobile, l’avion, les industries chimiques, la médecine moderne, l’informatique, et, plus récemment, la révolution digitale, la robotique, les biotechnologies et les nanotechnologies. Or, il est juste de se réjouir face à ces progrès, et de s’enthousiasmer devant les grandes possibilités que nous ouvrent ces constantes nouveautés, parce que « la science et la technologie sont un produit merveilleux de la créativité humaine, ce don de Dieu » [9].  La modification de la nature à des fins utiles est une caractéristique de l’humanité depuis ses débuts, et la technique exprime la tendance de l’esprit humain au dépassement progressif de certains conditionnements matériels [10].

On oublie que la technologie a porté remède à d’innombrables maux qui nuisaient à l’être humain et le limitaient. Nous ne pouvons donc pas ne pas valoriser ni apprécier le progrès technique, surtout dans la médecine, l’ingénierie et les communications. Ce qui importe, c’est de faire les efforts nécessaires  pour que les scientifiques et les techniciens apportent des alternatives pour un développement durable.
Il faut que la techno-science soit bien orientée, non seulement pour produire des choses réellement précieuses et améliorer la qualité de vie de l’être humain, depuis les objets usuels pour la maison jusqu’aux grands moyens de transports, ponts, édifices, lieux publics, mais encore pour être capable de produire du beau [11].

Certes,  les micro-plastiques ne contribuent à cet objectif quand on les retrouve dans les océans. Mais c’est la manière dont sont organisés les recyclages qui est à revoir. Certes, on connait mal l’impact des nano-molécules sur l’environnement, mais ce sont des produits qui, demain, seront peut-être aussi utiles que les prothèses d’hier. Ce qu’il convient, n’est pas tant de remettre en cause la production des nouvelles entités que de gérer leur impact sur l’environnement.

Sinon, on en arrive à s’opposer à toutes les innovations. Faut-il rêver de revenir à l’homme des cavernes ?


[1] M. Cole, P. Lindeque, C. Halsband, T. S. Galloway, Microplastics as contaminants in the marine environment: A review. Mar. Pollut. Bull. 62, 2588–2597 (2011). 10.1016/j.marpolbul.2011.09.025 Medline doi:10.1016/j.marpolbul.2011.09.025

et  R. Kessler, Engineered nanoparticles in consumer products: Understanding a new ingredient. Environ. Health Perspect. 119, a120–a125 (2011). 10.1289/ehp.119-a120 Medline doi:10.1289/ehp.119-a120

[2] M. Rees, Our Final Century. Will Civilisation Survive the Twenty-first Century? (Arrow Books, London, 2003).

et  L. M. Persson, M. Breitholtz, I. T. Cousins, C. A. de Wit, M. MacLeod, M. S. McLachlan, Confronting unknown planetary boundary threats from chemical pollution. Environ. Sci. Technol. 47, 12619–12622 (2013). 10.1021/es402501c Medline doi:10.1021/es402501c

[3] P. P. Egeghy, R. Judson, S. Gangwal, S. Mosher, D. Smith, J. Vail, E. A. Cohen Hubal, The exposure data landscape for manufactured chemicals. Sci. Total Environ. 414, 159–166 (2012). 10.1016/j.scitotenv.2011.10.046 Medline doi:10.1016/j.scitotenv.2011.10.046

[4] UNEP (United Nations Environment Programme), GCO Global Chemicals Outlook: Towards sound management of chemicals (United Nations Environment Programme, Nairobi, Kenya, 2013).

[5] S. Strempel, M. Scheringer, C. A. Ng, K. Hungerbühler, Screening for PBT chemicals among the “existing” and “new” chemicals of the EU. Environ. Sci. Technol. 46, 5680–5687 (2012). 10.1021/es3002713 Medline doi:10.1021/es3002713

et   M. Scheringer, S. Strempel, S. Hukari, C. A. Ng, M. Blepp, K. Hungerbuhler, How many persistent organic pollutants should we expect? Atmos. Poll. Res. 3, 383–391 (2012). doi:10.5094/APR.2012.044

[6] L. M. Persson, M. Breitholtz, I. T. Cousins, C. A. de Wit, M. MacLeod, M. S. McLachlan, Confronting unknown planetary boundary threats from chemical pollution. Environ. Sci. Technol. 47, 12619–12622 (2013). 10.1021/es402501c Medline doi:10.1021/es402501c

[7] M. MacLeod, M. Breitholtz, I. T. Cousins, C. A. de Wit, L. M. Persson, C. Rudén, M. S. McLachlan, Identifying chemicals that are planetary boundary threats. Environ. Sci. Technol. 48, 11057–11063 (2014). 10.1021/es501893m  Medline doi:10.1021/es501893m

et  L. M. Persson, M. Breitholtz, I. T. Cousins, C. A. de Wit, M. MacLeod, M. S. McLachlan, Confronting unknown planetary boundary threats from chemical pollution. Environ. Sci. Technol. 47, 12619–12622 (2013). 10.1021/es402501c Medline doi:10.1021/es402501c

[8] EEA (European Environment Agency), Late Lessons from Early Warnings: The Precautionary Principle 1896-2000. (Environmental Issue Report 22/2001, Copenhagen, Denmark, 2001).

et   D. Gee, Late lessons from early warnings: Toward realism and precaution with endocrine-disrupting substances. Environ. Health Perspect. 114 (Suppl 1), 152–160 (2006). 10.1289/ehp.8134  Medline doi:10.1289/ehp.8134

[9] Il est symptomatique de savoir que cet émerveillant fut celui de Jean-Paul II pourtant tenu dans un lieu symbolique qu’est Hiroshima le 25.2.1981, devant les représentants de la science, de la culture et les étudiants de l’université des Nations Unies.

[10] Benoit XVI, Caritas in veritate § 702

[11] C’est d’ailleurs la recommandation du Pape François dans Laudato si (§  102 et 103)