En matière de climat, la sémantique climatique utilisé par les experts a glissé subrepticement :
-  du "réchauffement" contre lequel il fallait lutter,
- au "changement", sur lequel il fallait peser,
- puis au "dérèglement" qu’il fallait limiter.
Encore un petit effort, messieurs les climatologues: il faut  aller plus loin et parler des "aléas" climatiques autour desquels il faut mettre en œuvre une stratégie d'adaptation.  Parler des "aléas" climatiques, serait déjà un progrès car cela  souligne bien leur caractère... aléatoire.
Dans les rapports du GIEC, on voit monter en puissance la notion "d'adaptation" (ajustement aux conséquences) par rapport à celle de la "mitigation" (prévention hypothétique). Le repli sur la formulation de l'adaptation est déjà une manière de dire que l'on ne croit plus ou peu à la mitigation. C'est là l'essentiel.
Mais que signifie donc ce mot de mitigation ?

Commentaire "les2ailes.com"

Mitigation : l’étymologie du mot latin « adoucir »

L’usage le plus ancien cité dans le petit Larousse a le sens d’un adoucissement. On parlera de la mitigation des peines de l’enfer, ou, dans le domaine de la justice de la substitution d’une peine déjà prononcée par une peine moins importante. On parle également d’un mitigeur qui est une robinetterie permettant le réglage manuel ou thermostatique de la température et éventuellement du débit du mélange d'eau froide et d'eau chaude.

Mitigation, au sens du GIEC : une action sur les causes du réchauffement

Mais que veut bien dire le GIEC quand il intitule la plaquette de son cinquième rapport AR5 de 2014 : « Climate Change 2014: Mitigation of Climate Change » ? Le GIEC utilise cette expression depuis de nombreuses années en parlant d’atténuation des effets du climat.
Le résumé pour les décideurs  indique que « les impacts et risques liés au changement climatique peuvent être réduits grâce à l’adaptation et la  mitigation »[1].  Cet appel à l’adaptation et à la mitigation est répété plus d’une quinzaine de fois. Dans une version française, cette expression est traduite par « atténuation et adaptation ». Les mots sont donc inversés dans la traduction ! Est-ce pour insinuer qu’il faut désormais privilégier l’adaptation ? En effet, contrairement à la mitigation qui agit sur les causes, l’adaptation agit sur les conséquences.
Dans cette version française, il est donné une définition : « L’atténuation est une intervention humaine pour réduire les sources ou augmenter les puits de gaz à effet de serre. L’atténuation, avec l’adaptation au changement climatique, contribue à l’objectif  exprimé dans l’article 2 de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique  (CCNUCC) »[2]
On peut donc dire que  « l’expression mitigation est utilisée dans le domaine du risque ou des études d'impact (et surtout dans les pays anglo-saxons) pour désigner des systèmes moyens et mesures d'atténuation d'effets, par exemple en matière de risques majeurs naturels ou dans le cas d'impacts négatifs pour l'environnement induits par un aménagement » (Wikipedia).
Certains, comme le géographe Morgan M. Robertson, ne se satisfont pas de ce concept parce que  « la mitigation relève plutôt de l'atténuation des conséquences que de la résolution du problème, et peut parfois apparaître comme une solution de facilité visant à ne pas traiter un problème à sa source ou pour ce qu'il est. Son application prospective est délicate dans les domaines où la mitigation est incontournable, mais où les incertitudes sont importantes (Adaptation au changement climatique par exemple) ».
Il reproche également la mise en place de « banque de mitigation » (« mitigation banking »), proposée par les industriels et de grands aménageurs en Amérique du Nord. On leur reproche de ne  pas répondre  au principe de la juste compensation (que mettent en avant le droit européen ou français par exemple).
Elles peuvent éventuellement déresponsabiliser l'auteur d'un impact, en lui permettant de le compenser plus facilement ailleurs (dans l'espace ou dans le temps) et plus rapidement que s'il avait fallu compenser ses effets, localement, là où il a réellement lieu.

Principes économiques sous-jacents au concept de « mitigation »

Les banques de mitigation  sont des systèmes financiers qui visent à remplacer des fonctions et ressources biologiques, physico-chimiques, et éco-systémiques d'un milieu (ex : zones humides) en quantifiant ces fonctions sous forme d'un «crédit», lequel pourra être achetés par des tiers pour compenser (c'est le «débit») des pertes inévitables d'un même milieu ailleurs.

Les acteurs qui ont développé ces banques se sont inspirés de principes qui à cette époque étaient couramment introduits dans les systèmes de mutualisation bancaires, certaines approches assurantielles, la notion d'équivalence en substance, ou encore de négoce des « droits à polluer ». Ces banques de mitigation relèvent par là d'une approche néolibérale de l'économie et de l'environnement.
Certes, nous préférons le concept d’adaptation à celui de mitigation puisque vouloir peser sur les causes reviendrait à vouloir agir sur l’activité solaire.

Indépendamment de cela, il est exact que ce concept de banque de mitigation peut avoir d’autres effets pervers :
- celui lié à l'approche libérale des "marchés", est qu'en délocalisant des actions se voulant compensatoires vers des régions où elles seraient moins chères (et pas forcément nécessaires), on pourrait d'une part produire des mesures peu utile, voire contre-productives) là où elles seront effectuées, mais d'autre part aussi aggraver l'artificialisation et l'appauvrissement de zones riches. Ceci contribuerait à encore augmenter le phénomène d'inégalité écologique ;
- ceux qu'on observe avec la mondialisation des marchés agricoles, du carbone ou des agro-carburants pourraient apparaître ; Des populations indigènes pauvres pourraient par exemple être déplacées ou privées de leurs droits et coutumes pour produire sur leur territoire des compensations d'impacts générés ailleurs dans des pays riches ;
- celui lié à l’absence  d'une valeur monétaire consensuelle ou pouvant être considérée comme juste ou universelle. Or ce marché des compensations repose sur l'idée d'unités commercialement échangeables « unit of trade »).

Conclusion

Tout chrétien est dans son rôle en soulignant que, par rapport aux aléas de toutes (climatiques, économiques, catastrophes naturelles, épidémies etc), les hommes se doivent d'être solidaires, comme l'Évangile et la tradition de l'Église nous y ont toujours invités.
Ajoutons, sur un autre plan que, lors de nombreuses conférences, Pierre-Yves Gomez, spécialiste en économie politique, se penche sur les liens existant entre l’économie et la culture de mort.
Il applique son analyse à la médecine en expliquant les liens entre économie et vulnérabilité, qui sont, dit-il, déterminés par une certaine vision de l’économie et une façon de comprendre ce qu’est la médecine. Il explique comment cette vision peut, de fil en aiguille, tendre à une forme de culture de mort, de la même manière que la médecine, très paradoxalement, se développe dans le sens de la généralisation de l'IVG ou de pratiques eugénistes.
Les quelques réflexions ci-dessus concernant les banques de mitigation pourraient servir d’appui à une analyse identique pour montrer que la vulnérabilité de l'homme dans son environnement naturel peut tirer l’écologie vers une culture de mort quand tout devient « marchandisable », y compris les bénéfices éco-systémiques. On en arrive à mettre en place des programmes de stérilisation massive pour optimiser les marchés de matières premières.


[1] Résumé 2014  pour les décideurs Page 3/44 § « Assessing and managing the risks of climate Change »

 

[2] Page 3/38 de la Version française pour les décideurs.