Sous le titre « Chevaux « vapeur » et biomasse », le ministère de l’agriculture vient de publier un cahier thématique sur la biomasse dont on tire une intéressante remarque :
L’agriculture consacrait, avant la guerre, 17% de sa surface à la culture d’aliments pour la traction animale. Une forme de biocarburant avant l’heure !  Ce chiffre ne compte pas l’énergie calorique de la biomasse nécessaire pour le chauffage de l’époque. Aujourd’hui, les surfaces consacrées aux biocarburants ne représentent pas 5% dans le monde !
Des données à méditer !

Source : Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, (CGAAER) Cahier thématique - Vol. XIV – tome 1 – octobre 2011 (page 18)

Commentaire "les2ailes.com"

Les données fournies par le ministère de l’agriculture

"Les bœufs et surtout les équidés (ânes, mulets, chevaux), attelés, montés ou bâtés, ont été très largement utilisés pour le travail, les déplacements ou la guerre jusque pendant la première moitié du XXème siècle.
Cet emploi a presque complètement disparu entre 1950 et 1970 dans les pays développés avec la motorisation (tracteurs, motoculteurs...). La France, qui comptait trois millions de chevaux de trait en 1931, n’en recensait plus que deux millions en 1956, un million en 1966 et seulement 40 000 en 1985. 
Parallèlement, cette motorisation a libéré les surfaces consacrées à l’alimentation des animaux de trait.
Ainsi, la culture d’avoine, presque exclusivement réservée aux chevaux, couvrait 4 Mha (pour 25 Mha de terres labourables) à la fin du XIXème siècle et 3 Mha avant la seconde guerre mondiale. En 1965, cette surface avoisinait encore 1 Mha, pour ne plus représenter aujourd’hui que quelques 100 000 ha. 
En 1950, un cheval avait besoin à l’année, compte tenu des rendements de l’époque, d’un ha d’avoine et d’un ha de prés (foin et pâture) pour pouvoir travailler. 
Au moins six millions d’hectares de bonnes terres étaient donc consacrées à la production des « biocarburants d’antan » permettant d’assurer la force de traction animale en France. Mais du cheval aux chevaux-vapeur, le boisseau d’avoine devint baril de pétrole !"

Les biocarburants mettent-ils en péril l’alimentation mondiale ?

Non seulement l’opinion publique a donc la mémoire courte, mais elle a des difficultés à prendre du recul sur l’actualité.
En effet, le reproche fait aux agro-carburants serait leur contribution aux pénuries alimentaires puisqu’ils sont produits à partir de plantes vivrières, blé, maïs, ou soja.
Qu’en est-il ? Certes, d’abord, le volume d’Ethanol a doublé en 10 ans. Mais, il faut noter que les agro-carburants plafonnent et n’occupent que 5% des surfaces agricoles de la planète. Près de 80% de la production d’éthanol est cantonnée dans deux pays, le Brésil et les USA, les deux principaux producteurs agricoles. On ne peut pas à la fois leur reprocher de consacrer une part de leurs surfaces à l’énergie renouvelable en leur reprochant, par ailleurs, d’exporter des excédents céréaliers qui ruinent les agricultures des pays les moins avancés!
Le reproche fait à la production d’agro-carburant d’être excessive ne tient donc pas. Au contraire ! Que n’a-t-on dit que la fameuse « crise alimentaire » avait été causée par les agro-carburants ! Mais dès 2009, on ne parlait plus de pénurie, car les prix agricoles s’étaient effondrés. Le bouc émissaire ne fonctionnait plus. Et pourtant, la production d’agro-carburants avait continué son développement lent et régulier.
Il arrive que le reproche inverse soit fait : la production d’agro-carburants serait insuffisante ! Ce reproche tiendrait mieux : il ne faut pas oublier que l’homme a toujours consacré une partie de son activité agro-forestière à l’énergie. il n’y aurait rien d’étonnant à estimer que l’homme ait déjà consacré, à cette époque, près de 10% de son activité agro-forestière à l’énergie. On n’en est pas encore là avec les agro-carburants ! La chose n’est donc pas nouvelle.

Le vrai problème nous semble être ailleurs : en matière « d’écologie sociale », il faudrait mieux se poser la question des 2 milliards de personnes dépendant encore aujourd’hui du charbon de bois[1] et de la traction animale !


[1] Chiffre cité dans le film « Home » de Yann Arthus-Bertrand