« Algues vertes : Hécatombe de sangliers en Bretagne » tel était le titre de «Le Monde.fr » le 26 juillet 2011. Les cadavres étaient éparpillés à l'embouchure de l'estuaire du Gouessant et sur un kilomètre en amont, sur le territoire de la commune de Morieux. Aussitôt, la préfecture a déclaré qu’elle "n'excluait pas la présence d'hydrogène sulfuré (H2S)", le gaz pouvant être dégagé par la putréfaction des algues vertes ou de la vase.
Quelques jours plus tard, la préfecture précisait les résultats des autopsies : « les résultats ont révélé la présence du gaz toxique émis par la décomposition des algues dans les poumons du ragondin, à hauteur de 2,45 mg/kg ». On peut comprendre la cause des décès. Mais le Monde ne s’arrête pas là et en profite pour faire des affirmations non prouvées : «  Proliférant sur certaines côtes bretonnes avec l'apport nutritionnel des engrais azotés, les algues vertes sont, estiment les associations écologistes, le symptôme d'un développement mal contrôlé de l'agriculture industrielle ». Qu’en est-il ?

Source : « LeMonde.fr » des 26.7.2011 et  6.8.2011

Commentaires "les2ailes.com"

Une synthèse de faits rarement évoqués dans les médias sur le phénomène des marées vertes en Bretagne est disponible sur le site de l’Institut scientifique et technique de l’environnement:

Les faits qui ne sont pas contestables :
-    C’est la décomposition par putréfaction des ulves et enteromorphes, dites « algues vertes », qui peut produire de l’hydrogène sulfuré (H2S), gaz toxique au-delà de certaines concentrations, difficilement atteintes en plein air.
-    En dehors de ce phénomène, les ulves ne sont pas toxiques. Elles sont même comestibles par l’homme et par les animaux. Dans la nature, elles sont consommées par de nombreux animaux tels que les bigorneaux, les ormeaux, les oursins…

Mais est-il prouvé que l’agriculture intensive soit la cause de ces proliférations:
Une fois de plus, il semble bien que les scientifiques en mal d'écologie tombent dans la vieille manie de courir aux explications avant d’avoir examiné les faits dans leur objective complexité. Comme le disait Bossuet, " le plus grand dérèglement de l’esprit, c’est de croire que les choses sont comme on voudrait qu’elles fussent". Dans le scientifiquement correct, ce dérèglement-là est bien connu. Pourtant:
-    La prolifération des algues vertes est un phénomène répandu dans de nombreuses régions du monde : Chine, Cuba, Espagne, fjords de Norvège, Pays-Bas, Danemark, lagunes de Venise et de Tunis, Sénégal… Il n'y a pas que la Bretagne nord à être concernée!
-    Même en France, au-delà de certaines côtes bretonnes, elles sont observées dans le Cotentin, en baie de Somme, en Charente-Maritime, en Martinique ou dans les étangs et lagunes du Languedoc - Roussillon.
-    C’est un phénomène ancien puisque des échouages d’ulves sur les côtes de la Manche sont rapportés depuis le début du XXème siècle. Dès les premières photographies aériennes de l'IGN en 1952, les rideaux d’ulves sont visibles sur les baies aujourd'hui  les plus concernées.
-    Sur les bassins versants de la baie de Lannion, très touchée par la prolifération des algues vertes, on rencontre des systèmes de polyculture-élevage relativement peu intensifs ; on n’y compte pratiquement pas d’élevage hors-sol, et de nombreuses surfaces sont occupées par des prairies permanentes.
-    La prolifération d’ulves
* se manifeste dans les baies propices, quels que soient les flux d’azote déversés par les cours d’eau. De plus, les quantités d’ulves ne sont nullement corrélées aux flux d’azote rejetés.
* Est observée dans les baies présentant deux caractéristiques: du sable à faible pente, favorisant l’effet de lagunage, et l’absence de dispersion des masses d’eau vers le large qui reste piégée en fond de baie.
-    L’azote du milieu marin ne provient pas uniquement des cours d’eau et les apports des cours d’eau ne représentent qu’une partie de l’azote disponible dans le milieu marin. Aussi, compte tenu des masses en jeu et des besoins des ulves, aucune carence en azote capable de réduire la croissance des algues ne pourra jamais être observée. Les actions sur les nitrates dans les bassins versants n’auront pas d’effet sur la prolifération des ulves.
Resterait alors la question de la nocivité prétendue des nitrates sur la consommation humaine des eaux provenant des nappes phréatiques. C’est un autre sujet très contesté qui a été étudié dans un livre de Jean L’Hirondel « les nitrates et l’homme – toxiques inoffensifs ou bénéfiques ? ». Ce livre a reçu l’appui des Professeurs Christian Cabrol, Henri Lestradet et Maurice Tubiana.
-     D’autres facteurs peuvent expliquer la prolifération des algues vertes, parmi lesquels on peut citer la diminution des consommateurs d’ulves dans la chaîne alimentaire, le développement de la mytiliculture dans la baie de Saint-Brieuc, l’accumulation de phosphore dans les sédiments côtiers…

Conclusion :

Nous n'avons pas vocation à conclure de façon définitive. Nous voulons souligner une nouvelle fois qu'il n'y a pas de consensus sur ce sujet comme sur bien d'autres thèses écologistes. Disons seulement que les faits ci-dessus sont troublants et compréhensibles par n'importe quel ingénieur.

Soulignons simplement que la modélisation qui a été développée prend pour hypothèse le rôle déterminant des apports d’azote des cours d’eau. Les observations et les mesures effectuées ont montré que cette hypothèse n’est pas vérifiée. Aucune corrélation ne peut donc être établie entre le phénomène et le développement des activités agricoles.
Le cycle de l’azote dans le milieu marin côtier, la part relative de ses diverses origines ainsi que les mécanismes compensateurs (notamment en ce qui concerne la fixation de l’azote atmosphérique par le phytoplancton) n’ont pas fait l’objet d’études permettant de les modéliser. Rappelons que les nitrates, appelés autrefois nitres était synonyme de « salpêtre », sels très répandus pendant la révolution, ne serait-ce que dans le district de Dinan[1]. Il est donc surprenant que seul l’azote apporté par les cours d’eau fasse l’objet des recommandations actuelles.


[1] Source : Léon Dubreuil : « L’extraction du salpêtre dans le district de Dinan » (frimaire II – Germinal III)