Le ministère de l’Agriculture a finalisé la rédaction de décrets sur les conditions de certification environnementale des exploitations agricoles.
D’un côté, le ministère a annoncé son dispositif juridique de certification « Haute Valeur Environnementale » (HVE) destinée à la grande majorité de l’agriculture traditionnelle.
Dans le même temps, il a officialisé qu’il autoriserait la commercialisation de « produits naturels » permettant, selon leurs défenseurs, d’offrir une alternative aux pesticides chimiques. Il s’agit, par exemple des « purins d’orties ».
Au-delà des mots, il est intéressant de comparer les deux dossiers. Une fois de plus, on est en pleine idéologie ! Pourquoi ?

Source : « le Figaro.fr » du 20.4.2011
Agra-Presse hebdo n° 3299 du 2.5.2011

Commentaires "les2ailes.com"

Un objectif politique

 

Le dispositif de certification agricole vient d’être validé pour appliquer le plan « Ecophyto 2018 », élaboré lors du Grenelle de l'Environnement. Ce plan avait fixé comme objectif la réduction "si possible" de 50% des pesticides dans l'agriculture d'ici 2018.

Concernant l’agriculture traditionnelle

Les décrets prévoient trois niveaux de certification des exploitations agricoles.

  • le niveau 1 : « L'exploitant a réalisé un bilan démontrant que son exploitation satisfait aux exigences relatives à l'environnement et à la santé des végétaux… bilan vérifié par un organisme habilité … ». L’exploitant doit également avoir « réalisé une évaluation de l'exploitation au regard du référentiel de deuxième niveau …ou des seuils de performance environnementale de troisième niveau … »
  • le niveau 2 : La certification de deuxième niveau, dénommée « certification environnementale de l'exploitation », atteste du « respect par l'ensemble de l'exploitation agricole, des exigences environnementales … notamment … pour le maintien de la Biodiversité,  adapter l'utilisation des produits phytopharmaceutiques,… stocker les fertilisants et en raisonner au plus juste les apports afin de répondre aux besoins des plantes, de garantir un rendement et une qualité satisfaisants tout en limitant les fuites vers le milieu naturel, optimiser les apports en eau aux cultures, en fonction de l'état hydrique du sol et des besoins de la plante ».
  • Le niveau 3 : Il permet l’utilisation de la mention « exploitation de haute valeur environnementale » (HVE) pour les exploitations certifiées. « Elles pourront également utiliser, pour leurs produits, la mention valorisante « issus d’une exploitation de haute valeur environnementale ». Le respect des objectifs de second niveau devront être mesurés par rapport à « des seuils et des indicateurs fixés par arrêtés ».

Que penser de ces niveaux ? A juste titre, Jean-Claude Bevillard, responsable des questions agricoles chez France Nature Environnement (FNE) admet : « Pour les niveaux 1 et 2, on retrouve les mêmes problèmes qu’avec l’agriculture raisonnée, c’est-à-dire des obligations de moyens plutôt que de résultats. Mais en même temps c’est un moyen de faire progresser les pratiques agricoles »[1]. En revanche, pour le niveau 3 on est bien dans l’obligation de résultat ce qui n’est pas le cas des certifications dites « bio ».

La certification environnementale est délivrée pour trois ans, par un organisme certificateur agréé. Comme dans toute procédure de certification, « l'organisme certificateur procède à une évaluation technique initiale de l'exploitation sur place conformément au plan de contrôle et demande la production des documents qu'il juge nécessaires à la certification demandée ».

Les décrets définissent les modalités de contrôle des exploitations ainsi que les modalités d’agrément des organismes certificateurs qui seront chargés de ce contrôle : une « commission nationale de la certification environnementale » assistera le ministre de l'agriculture sur ces questions. Cette commission comprend bien sûr des représentants « des organisations syndicales d'exploitants agricoles ». Mais elle comprend également des représentants de leurs clients, avec des représentants « de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles », ainsi que des « représentants des organisations de consommateurs ». La commission comprendra également « un représentant des organismes certificateurs, sur proposition de l'association des organismes certificateurs pour la promotion des systèmes de certification de produits du secteur agroalimentaire (CEPRAL) ». Cette association regroupe de nombreux organismes de certification qui ont fait la preuve de leur objectivité : SGS, Qualité France, etc… qui ont, toutes, une pratique ancienne des procédures d’assurance qualité dites « ISO ». Ces organismes devront « offrir des garanties d'impartialité et d'indépendance ».

Qu’en penser d'une façon plus générale ?
Le bon côté de la chose est que cette certification fait l’objet de certifications par des organismes indépendants, ce qui n’est toujours pas le cas de l’agriculture dite « bio ». En revanche, on est toujours dans le flou artistique dès qu’on parle de biodiversité. On ne reviendra pas sur le caractère « fourre-tout » de cette sémantique largement développée dans notre ouvrage « les contrevérités de l’écologisme ». La revue Agra ne cache pas que, « pour ce qui est de la biodiversité, il faudra identifier les infrastructures agro-écologiques et notamment les dispositifs végétalisés mis en place au titre de la conditionnalité des aides PAC ou dans le cadre de démarches volontaires, optimiser la gestion de ces dispositifs en fonction des enjeux environnementaux et agronomiques identifiés dans l’exploitation, notamment par l’entretien et le choix des espèces, et favoriser la continuité de ces zones » [2]. On est en plein subjectif ! 
Quant à la réaction des associations de produits « bio », elle est très surprenante : François Thiery, le président de l’Agence Bio, se dit opposé à un logo HVE apposé sur les produits alimentaires car cela laisserait croire aux consommateurs que ces produits ont des caractéristiques particulières. « Je ne suis pas favorable à la création d’une segmentation du marché », a-t-il conclu[3]. En bref, la démarche serait positive, mais l’agriculture bio refuse tout concurrence à ses produits.

Concernant l'agriculture dite « bio »

C’est peut-être pour ne pas se mettre à dos les producteurs de bio que le ministère a publié au JO un autre arrêté, du 18 avril 2011, autorisant la mise sur le marché du purin d’ortie.
Ces « produits naturels » permettraient, selon leurs défenseurs, d’offrir une alternative aux pesticides chimiques. Tous ces produits entrent dans le cadre de ce que la règlementation appelle les « préparations Naturelles Peu préoccupantes » (PNPP) à usage phytopharmaceutique. Cette seule appellation a de quoi « préoccuper » le consommateur.
Voici la recette du purin d'orties:

  • Fauchez 1 kg d'orties … coupez-les en petits morceaux dans 10 litres d'eau de pluie.
  • Laissez macérer 3-4 jours à 18° C pour l'utiliser comme répulsif. ….
  • Remuez régulièrement votre potion. Laissez-la dans un coin à l'extérieur car l'odeur produite est plutôt désagréable.
  • Filtrez et diluez 1 litre de purin pour 10 litres d'eau et arrosez vos plants tous les quinze jours…
  • Le purin d'ortie se conserve au frais près d'un an …dans des bouteilles hermétiquement fermées pour éviter que la fermentation ne reparte.

C’est bien ce dernier point de cette recette qui est « préoccupant » et pas qu’un « peu » ! Dans le cas où la fermentation « repart », elle n’est pas forcément contrôlable. Or les dits ferments se retrouvent au contact direct des plantes sur lesquelles ces PNPP sont épandus. Est-ce vraiment sans danger, surtout quand le marketing « bio » nous fait miroiter qu’il ne faut pas éplucher les fruits et légumes afin de préserver les vitamines et minéraux qu’ils contiennent ?

Malgré cela, l’idéologie « bio » s’insurge contre le fait que les préparations d’autres produits comme les petits-laits  ou les purins de fougères, de consoude, restent interdits sauf à ce que ces produits aient « fait l'objet d'une procédure d'inscription sur la liste communautaire des substances actives »[4]. On ne comprend pas que la Confédération Paysanne demande « qui paiera les frais de l’inscription européenne des autres substances de base ? Le coût du dossier, inadapté aux PNPP, est exagéré par rapport au chiffre d’affaires annuel des entreprises artisanales du secteur » [5]. Pourquoi ces produits « peu préoccupants » ne seraient-ils pas soumis aux mêmes contraintes que les autres produits de traitement ? Croit-on vraiment rassurer les consommateurs en décrétant  que les PNPP doivent « être élaborée exclusivement à partir d'un ou plusieurs éléments naturels non génétiquement modifiés »[6]. Tout cela n’est que du dogmatisme et ne relève pas de contrôles sérieux.

L’autorisation de commercialisation des purins d’orties a été annoncée le 20 avril 2010, à l'occasion de la remise du rapport d’Antoine Herth, député du Bas-Rhin, sur le « biocontrôle »[7], c'est-à-dire de l’ensemble des méthodes de protection des végétaux par l’utilisation de mécanismes naturels (insectes, bactéries…). Or, ce rapport ne parle à aucun moment de procédures de certification de l’agriculture dite biologique. On en reste donc toujours au vieux règlement de 2007 (règlement CE n° 834/2007) qui ne prévoit que des engagements flous et incantatoires du genre: « Toutes les techniques de production végétale utilisées empêchent ou réduisent au minimum toute contribution à la contamination de l’environnement [8]».

La production n’est d’ailleurs contrôlée que par les associations professionnelles elles-mêmes – le Comité national de l’Agriculture biologique – ce qui n’est pas un gage d’indépendance. En matière de qualité, les professionnels sont donc juges et parties. Les représentants des clients et des consommateurs sont absent de ce Comité National, contrairement à ce qui vient d’être décidé pour le reste de l’agriculture. Il est paradoxal qu’un groupe de travail y ait été chargé « d’assurer un lien entre les pouvoirs publics et les professionnels afin que soient pris en compte les besoins des agriculteurs biologiques dans le domaine phytopharmaceutique et vétérinaire »[9]. L’objectif est clair : ce qui importe, ce sont les besoins des « producteurs bio », en produits phytopharmaceutiques. Peu importe, semble-t-il, que les consommateurs s’imaginent que cette utilisation soit proscrite dans les « produits bio » qu’ils achètent.

Conclusion

Le politique continue donc à entretenir deux poids deux mesures.
-  D’un côté, une agriculture biologique qui n’accepte aucun contrôle indépendant, aucun engagement de résultat et voudrait que l’état finance ses turpitudes.
-  De l’autre une agriculture intensivement écologique qui accepte de s’engager progressivement dans des certifications par des organismes indépendants. Sur le plan financier, certes, Gilles Maréchal, le directeur de Farre (Forum pour l’agriculture raisonnée et le respect de l’environnement) a un regret  concernant les nouvelles certifications HVE: «  Il aurait fallu mettre en place une incitation fiscale pour montrer aux agriculteurs que l’environnement ce n’est pas que de la contrainte ». Mais les faits sont là : il n'est pas prévu de subventions pour financer ces audits indépendants qui resteront à charge de l'agriculture.

Cette actualité nous confirme dans un de nos souhaits formulés en page 305 de notre ouvrage « les contrevérités de l’écologisme ». Nous  proposions comme mesure : « Obligations de résultat identiques pour les utilisateurs de labels « Agriculture biologique » et « Agriculture intensivement écologique », en matière d’épandages raisonnés des fumiers ou d’engrais avec analyse des sols et contrôle des transferts azotés vers les nappes phréatiques, en matière de teneur en cuivre dans les vins « biologiques » et ceux « intensivement écologiques », ou en matière de teneur en mycotoxines dans les blés, quel que soit leur mode de production. »


[1] Source : Lundi 2 mai 2011 – N° 3299 – AGRA Presse Hebdo page 3

[2] Source : Lundi 2 mai 2011 – N° 3299 – AGRA Presse Hebdo page 6

[3] Source : Lundi 2 mai 2011 – N° 3299 – AGRA Presse Hebdo- page 4

[4] Source : « Art.R. 253-86.-II » du Décret n° 2009-792 du 23 juin 2009

[5] Source : Lundi 2 mai 2011 – N° 3299 – AGRA Presse Hebdo page 26

[6] Source « Art.R. 253-86.-I. » du Décret n° 2009-792 du 23 juin 2009

[7] Source : http://agriculture.gouv.fr/bruno-le-maire-a-recu-le-rapport

[8] CE n° 834/2007 (art 12-1,f).

[9] Source : S. de LARMINAT « les contrevérités de l’écologisme » Ed. Salvator, (page 89)