L'apparition de Jésus, en jardinier (Jean, 20,11-19), au matin de Pâques et disant à Marie-Madeleine "ne me touche pas", est comme un appel à "cultiver notre terre intérieure". En quoi, est-ce une leçon écologique pour "garder nos terres extérieures"?
- Une première approche nous amène à entendre que Dieu a confié la terre à l’homme pour la "cultiver et la garder". Les mouvements écologiques chrétiens, se fondent sur le catastrophisme écologique ambiant pour conclure que l’homme n’a pas "gardé la terre", qu’il a dépassé les limites, l’a surexploitée. Bref, il faudrait procéder à un retour en arrière. Jean-Paul II met en garde: « L'éducation à la responsabilité écologique ... ne peut s'appuyer sur le refus du monde moderne ou le désir vague d'un retour au " paradis perdu " » (Message - journée mondiale de la paix - 1.1.1990- § 13).
- Une seconde approche consiste à remarquer que le mot "garder", en hébreu shamar, a plusieurs sens. Celui d’« être responsable » pourrait sembler pertinent. Mais, concrètement, qu’en conclure ?
- Une troisième approche nous est inspirée par une théologienne orthodoxe, Annick de Souzenelle. Dans son ouvrage « L’Égypte intérieure- ou les dix plaies de l’âme », elle fait de la Genèse une double lecture. Quand « Adam a reçu, dit elle, l’ordre de "garder et cultiver sa terre", il s’agit essentiellement d’un retournement de nos terres intérieures ». Elle montre comment les hébreux, observant les signes des dix plaies d’Égypte, prennent progressivement conscience de ce que signifient ces "terres intérieures".
Cette exégèse est très éclairante pour en tirer une compréhension du sens profond de ce commandement reçu de "cultiver et garder la terre". Celui de participer à la création en entrant en relation avec Dieu, les autres et toute la création. Laudato si le dit : "plus la personne humaine grandit, plus elle mûrit, plus elle se sanctifie à mesure qu’elle entre en relation, ...elle sort d’elle-même pour vivre en communion avec Dieu, avec les autres et avec toutes les créatures".

Ces pages commentent et s'appuient sur l’analyse de Annick de Souzenelle.

Analyse "les2ailes.com"

1- Préambule sur l’utilisation du mot « garder » en hébreu

Annick de Souzenelle ne passe pas en revue les divers sens du mot garder shamar (שָׁמַר) en hébreux. C’est le même mot qu’on retrouve avec plusieurs sens :

- En Gn 2,15 : « Il chassa Adam… et Il mit …les chérubins … pour garder le chemin de l'arbre de vie ». Au sens de « montrer » le chemin ?
- En Gn 4,9 : « Caïn … répondit… “suis-je le gardien de mon frère“ » Au sens d’« avoir la responsabilité de mon frère » ?
- En Gn 17,9-10 : « tu garderas mon alliance,… C'est ici mon alliance, que vous garderez entre moi et vous… », au sens de « célébrer » ?
- En Gn 24,6 : « Abraham lui dit : Garde-toi d'y mener mon fils », au sens d’« abstiens-toi »!
- En Gn 26,5 : « parce qu'Abraham a gardé mes ordres, » au sens d’ « obéir ou observer » ?
- En Gn 28,15 : « je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras », au sens de « je veillerai sur toi » ?
- En Gn 30,31 : « je ferai paître encore ton troupeau, et je le garderai ». Au sens de guider, comme le berger qui est l’image standard du roi qui gouverne dans le Moyen Orient ancien.

Quel sens retenir dans le contexte de la phrase « cultiver et garder le jardin ». S’agit-il de protéger le jardin ? De quoi ? Du mal ? Des méfaits de l’homme ? Dieu prévoyait-il déjà l’inimaginable, la chute ? Sans attacher au texte un sens chronologique trop littéral, est-ce plausible pour un propos qui précède la chute originelle ?
Ne faut-il pas plutôt privilégier le sens « soit responsable de la création » ou « cultive-le de manière responsable » ?
En tout état de cause, si on donne au mot "garder" ce sens de la responsabilité, restera tout de même à discerner ce qui relève d'une attitude responsable ou irresponsable. C’est une question à la fois éthique et technique. Pour en tirer des conclusions concrètes pour notre agir, il faudra donc, le moment venu, faire appel aux sciences morales et aux sciences dures.

La Genèse précise bien qu’il « n’y avait encore sur la terre aucun buisson des champs, et aucune herbe des champs n’avait encore poussé, car Yahvé Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre, et il n’y avait pas d’homme pour cultiver le sol » (Gen 2-5). C’est ce qui fait dire à Rachi[6] que c’est parce qu’il n’y avait pas d’homme pour travailler le sol que le Seigneur ne faisait pas pleuvoir et « le Seigneur ne faisait pas pleuvoir car il n’y avait encore personne qui sache reconnaître les dons de Dieu ».
Une chose est certaine: dans la Bible, le mot "garder" n’a jamais signifié "conserver en l’état". En langue hébraïque, le superlatif n’existe pas et utilise ce type de juxtaposition pour amplifier l’importance d’un mot: "Croissez et multipliez" ! "Cultiver et garder".
D’ailleurs, le mot hébreux "jardin" de la Genèse a été traduit en grec par "Paradeisos" qui renvoie à la fois aux concepts de "parvis" et de "jardin clos". Dans les deux cas, il s’agit d’espaces qu’il faut "garder" contre la mort, contre les vents desséchants ou contre toute forme d’agression contre la vie. 

2- La thématique de la royauté divine, gardienne de son peuple

Ce n’est point par droit de naissance que l’homme peut demeurer dans le jardin, le travailler, le garder, c’est par faveur et par délégation. En Néh. 2,8, il est question d’Asaph, garde forestier royal [1], littéralement, gardien shomêr du parc royal pardès (paradis). Le jardin n’a pas été donné à l’homme en propriété, c’est le jardin de Dieu ; l’homme en reçoit la jouissance (2,16), et en porte la responsabilité comme shomêr, ie. comme surveillant, tant pour la garde que pour l’entretien, voir Prov. 27,18. (Renckens, La Bible et les origines du monde, p. 137).

Richard Middleton, dans son ouvrage : The Liberating Image [2], souligne le fait que l’homme est conçu à l’image de Dieu. Cette ressemblance est en rapport avec le gouvernement humain [3] : l’homme est comme Dieu en tant que celui-ci exerce un pouvoir royal... L’homme est à la fois Dieu représenté, ce qui lui confère une dignité éminente par rapport aux autres créatures et il est effectivement gouverneur mandaté par Dieu. Ce gouvernement n’appelle pas une attitude destructive et irresponsable, mais exige plutôt une sagesse et tout un art à déployer (à cultiver). En conséquence, la vocation à être image de Dieu confère à l’homme une responsabilité qui nécessite un apprentissage, un développement de ses connaissances et de son agir.

Annick de Souzenelle mène une réflexion beaucoup plus profonde grâce à une double lecture incessante qu’elle fait de la Genèse et de l’Exode. Nous nous appuierons sur ses réflexions pour en tirer un sens plus complet du mot garder.

3- La création

La Genèse nous dit que Dieu  a créé Adam, à partir de la terre (la adamah en hébreux) [3bis]. Il le créa "mâle et femelle", cela signifie que sur un plan animal  -celui du 6ème jour-  nous sommes biologiquement hommes ou femmes.
Mais  il y a un autre sens : Il les créa Ics et Isha.  En hébreux Ics signifie le feu du désir initial qui donne en y ajoutant le Y de Yahvé, Ish . En hébreux Isha signifie le même désir initial par l'ajout à Ish du H de Yahvé.
Ish et Isha sont nos deux principes masculin et féminin.
Lorsque au 2ème chapitre de la Genèse, Dieu montre à Adam le côté (et non la côte !) non accompli de lui, Il lui fait découvrir cette partie "féminine" en lui avec laquelle il était, jusqu’ici, totalement confondu...

Annick de Souzenelle s’appuie sur la langue hébraïque pour résumer que
- notre pôle masculin est celui du 6ème jour, du créé, de l’Adam,  de la conscience, de l’accompli;
- notre pôle féminin, celui de notre dimension potentielle déïfiable à laquelle nous serons appelés le "7ème jour" qui évoque  le cœur profond, l'inconscient et tout ce qui reste à accomplir.
Elle compare ce rapprochement de l'inconscient pour le faire émerger à la conscience avec des épousailles de ces deux pôles : "on ne peut pas épouser le Père si on ne commence par épouser la Mère, notre mère intérieure, si l’Homme-Ish n’épouse son Ishah, épouse des profondeurs", dit l'auteur [4].
Mais, la faute rendra bien difficile cette prise de conscience, fera oublier à l’homme sa vocation d’épousailles intérieures [5].

En résumé, "l’Homme n’est pas que le fils de la terre extérieure. Sa semence est essentiellement plantée dans ce que le mythe biblique appelle la Adamah, sa terre intérieure, pôle féminin...[6] dit Annick de Souzenelle.
Ces épousailles sont une Pâque, au sens de celle de l’Exode, c’est à dire un passage de l’inaccompli à l'accompli [7]
Pour permettre cette prise de conscience, Dieu va se manifester dans dix prodiges, du moins aux yeux des hébreux, mais qui sont des plaies pour les Égyptiens.

Cette émergence au conscient passe par un lent travail de retournement [9] celui qui s’accomplit chez les Hébreux, alors que les ténèbres de l’inconscience demeurent chez les Égyptiens. D'ailleurs, le nom de Moïse lui-même, Moshem, est en fait un retournement des lettres du saint NOM, Hashem [8].
Toutes les plaies d'Egypte sont signes « des forces de croissance du saint NOM dans le cœur des Hébreux, mais aussi des démons ravageurs chez les Égyptiens » (p 42).

4- Les dix plaies

Annick de Souzenelle aborde chacune des plaies en faisant une analyse étymologique hébraïque permettant de comprendre leur symbolique globale. Toutes font référence à l'émergence de l'inconscient vers le conscient, des ténèbres vers la lumière.

a) Première plaie : les eaux changées en sang (Ex 7,19)

Au delà de l’événement extérieur, l’interprétation intérieure s’appuie sur le fait que l’eau est, chez les hébreux, toujours en soi symbole d’inaccompli, d’inconscient... « A l’extérieur, l’eau qui devient du sang est objectivation de se qui se passe dans le cœur de l’Égyptien -l’homme inconscient- dont les énergies se répandent en conquêtes meurtrières ... Or dans le sang est la présence divine ». [10]

b) Seconde plaie : les grenouilles (Ex 7,26-29)

Le sens du mot Tsephardim peut être traduit par Grenouille, mais aussi par "l’essor des connaissances". La grenouille est un animal qui vit dans l’humide et qui saute sur le sec. Rappelons-nous que, dans le contexte biblique, la dialectique du sec et de l’humide est symbolique de celle de la lumière et des ténèbres, de la conscience et de l’inconscience. [11].

c) Troisième plaie : la vermine (Ex 8,12-15)

C’est la terre qui est envahie de vermine. Les mots hébreux employés sont la Adamah, terre intérieure de l’Adam, constituée d’humide, et Kinim, qui désigne la "vermine" qui contient deux racines : Ken, le "oui" hébreu, et, par extension, toute idée d’affermissement et Kanoh, lequel signifie "honorer, vénérer". [12].

d) Quatrième plaie : l’insecte (Ex 8,16-20)

Au plan de l’événement, c’est toute la "terre de Goshen" qui est envahie par les insectes. Le mot Goshen symbolise « un jardin -Gan- au bout duquel la lettre Shin symbolise le noyau des profondeurs, la "pierre" fondatrice, YHWH, le Shem, le NOM ».
Quant à l’insecte, Arob en hébreu, il est signe d’obscurité, avec une  homonymie parfaite avec le verbe "s’obscurci" et avec un deuxième mot, Ereb, qui est le "soir". Un troisième mot hébreux se prononce Oreb qui signifie le "corbeau", à qui, pendant le déluge, Noé demande d’aller et revenir jusqu’à ce que tout soit sec pour qu’il puisse envoyer la colombe [13].

e) Cinquième plaie : La peste (Ex 9,1-7)

La plaie, qui ravage l’Égypte, est le mot Deber, la "peste". Le mot, prononcé Dabar, est le "Verbe" !
On comprend que la peste détruit le bétail de l’ "Égyptien", alors que le Verbe construit l’ "Hébreu" dans ses énergies intérieures. [14]

f) Sixième plaie : La lèpre (Ex 9,8-12)

Le mot hébreu, Shehyne, qui signifie la "lèpre", contient la racine Shaho, une idée d’ "affaissement" et, prononcé Shahats, il est l’ "orgueil", voire la "cruauté". Lu dans un retournement qui révèle sa face cachée, il est le nom du "serpent" de la Genèse, Nahash, et d’un serpent qui a volé la lettre Yod, indiquant qu’il a pris la place de YHWH [15].

g) Septième plaie : La grêle (Ex 9,22-35)

A nouveau l’étymologie joue sur deux sens :  le mot grêle, Barad en hébreu, est fait des mêmes lettres que Dabar signifiant Parole. Les terres intérieures des Hébreux, terres accomplies et cieux  inaccomplis, sont donc bouleversées pour que surgisse un champ de conscience nouveau. Les terres des Égyptiens, et bien sûr extérieures celles-là puisque aucune conscience n’a encore émergé en eux, sont détruites par la grêle [16].

g) Huitième plaie : Les sauterelles (Ex 10,1-20)

Le nom Arebeh de la sauterelle contient la racine du mot Rebim, "nombreux" et du verbe "augmenter". Il est également constitué des mêmes lettres-énergies que Aroubeh, qui signifient fenêtre, ouverture", voire "l’orbite de l’oeil". Or la sauterelle, dit le texte, va "cacher l’oeil de la terre", qui est encore sa "source" (même mot que l’ "oeil") ou sa profondeur [17].

h) Neuvième plaie : Les ténèbres (Ex 10,21-29)

Les "ténèbres", Houshekh en hébreu, peuvent être lues comme "le palais du shem". Or, le Shem est le saint NOM, YHWH. « En image, c’est le NOM en chacun de nous, YHWH de notre être, dans les ténèbres assumées pour en atteindre le cœur du palais » [18].

i) Dixième plaie : la mort des fils aînés et des animaux premiers nés (Ex. 11 et 12)

Au delà de l’événement exceptionnel, il faut comprendre que l’ "Égyptien" n’ayant pas mis au monde un fils intérieur, son fils extérieur meurt ; les premiers-nés des animaux auxquels il est identifié, meurent également puisque l’Égyptien n’est pas entré dans une dimension d’Homme [19].

5- Le passage symbolique de la mer rouge

Ces plaies sont donc des "signes" de ces irruptions de la transcendance divine dans le monde.
L’enjeu est bien le passage de l’inconscience à la conscience, de l’humide au sec. C’est ainsi qu’il y a une double lecture de la création. Annick de Souzenelle explique qu' « au troisième jour de la Genèse, Dieu dit : "Que les eaux qui sont en dessous de l’étendue se rassemblent en un lieu un, et que le sec apparaisse (Gen I,9)". Les eaux... symbolisent l’inconscience à l’intérieur de nous... elles reçoivent l’ordre de se rassembler en "un lieu un", dont chacun de ces trois mots est en hébreu un nom divin... "et que le sec apparaisse",.... ces eaux deviennent du sec ; de l’inconscience se transforme en conscience ».
Le passage de la mer rouge illustre ce "passage" : « Israël a traversé "ses eaux" pendant les neuf premières épreuves... A la dixième plaie, l’Égypte vomit Israël "sur le sec" ...  La "mer Rouge" est en réalité, dans le texte hébreu, Yam Soph, la "mer de la limite", ou encore la "mer des joncs", le jonc étant à la limite du sec et de l’humide. Elle n’est dite "rouge" que parce qu’elle engloutit avec les chevaux de Pharaon, l’ "Homme dont le sang est versé parce qu’il verse le sang" (Gen IX,6) » (p 197).

6- Conclusion en matière écologique

En quoi  notre problématique écologique est-elle concernée par cette lumière apportée par ces chocs entre la psychologie des profondeurs, la tradition chrétienne et la merveilleuse richesse de la langue hébraïque ?
Comment cultiver nos terres extérieures sans cultiver notre terre intérieure, c'est à dire sans entrer dans notre relation avec Dieu, sans "épouser notre principe féminin",  pour accomplir notre vocation divine?

a) Les dix plaies de l'âme écologique

L'écologie est la science des écosystèmes, c'est à dire des relations entre un vivant et son environnement. Les relations ne se limitent pas aux relations biologiques de l'homme avec son environnement écologique. Il s'agit aussi des relations avec son environnement intérieur. 
Dans tout son ouvrage Annick de Souzenelle essaie de projeter ces plaies d'Egypte dans notre actualité. Certains de ces propos pourraient s'appliquer à l'écologie, bien qu'elle n'en parle pas vraiment directement:
- Laudato si nous rappelle l'incompatibilité qu’il y a dans "la défense de la nature ...et la justification de l’avortement" (LS § 120). Comment ne pas penser à cette 1ère plaie de l'eau changée en sang?
- "l’Homme n’acquiert la connaissance que par l’extérieur", dit Annick de Souzenelle (p. 69). N'est-ce pas particulièrement sensible face à la problématique du transhumanisme ?
- "L'homme donne à ses connaissances et aux applications qu’il en fait valeurs absolues, c’est à dire valeur d’idoles" (AdS- p. 91). Ne donnons-nous pas une valeur d'idole à ces techniques appliquées à la PMA, la GPA, le clonage humain, la recherche sur l'embryon, etc...? Ces atteintes à la dignité humaine sont une barrière à une vraie écologie humaine.
- "l’ "Égyptien", que nous sommes également, est confondu avec ses ténèbres; ses démons le possèdent" (AdS- p. 103). Une écologie mal fondée peut devenir une véritable culture de mort surtout quant elle épouse des objectifs et des moyens malthusiens comme la "santé reproductrice et sexuelle" [20] au soi-disant motif du "développement durable".
- L'homme n'est que "brique", il n'a de valeur que marchande", (AdS- p 111). Quel regard porter sur nos sociétés de consommation. Appeler à une forme de "sobriété par précaution" pour sauver la planète est contre-productif. Une autre "frugalité par choix" s’impose ; cette vertu redonne sa liberté à l’âme. Elle est le signe du combat entre Avoir plus et Être plus.
- "Les maladies d’orgueil, de vanité, d’enflure du moi... trouvent là leur origine" (AdS- p. 122). Que penser de cette prétention humaine de vouloir modifier le climat (surtout si c'est le soleil qui est le principal acteur) pour justifier l'argument "A problème global, gouvernance mondiale"? Cette gouvernance mondiale rappelle la tour de Babel. Comme les hébreux nous devenons esclaves des medias qui nous amènent à être complices de ce nouveau péché moderne de toute puissance. Comment devons nous interpréter le nom de la tour de la 1ère avenue à New-York que l'ONU a baptisé "Le palais de verre" pour en faire son siège social ?
- À "l'exigence d’un retournement de nos terres intérieures", dont parle A. de Souzenelle, correspond un esprit qui s'applique à nos terres extérieures. L'agriculture est un service. Une agriculture biologique, n'ayant que des obligations de moyens, n'est-elle pas une forme d' "esthétisme de luxe" comme l'évoque le Cardinal VingtTrois?
- "Le démon nous fait accoucher à de fausses lumières, lesquelles cachent la vraie lumière... La sauterelle ruse pour séduire ... les sciences" (AdS p. 151). Laudato si nous appelle à méditer sur une vraie lumière: "Dieu a écrit un beau livre ’’dont les lettres sont représentées par la multitude des créatures présentes dans l’univers" (LS § 85).
- Benoît XVI met en garde contre le risque d’apparition de véritables "consensus du mal" : « Le consensus de la majorité devient le dernier mot auquel nous devons obéir..." [21]. En écologie, quelle place donnons-nous au consensus scientifiques? Or le Consensus n'a pas sa place en science: seules les preuves comptent. Sinon, le consensus ne devient qu’une soumission à l’argument d’autorité, le plus faible qui soit en logique.
- "Parce que l’ "Égyptien" n’a pas mis au monde un fils intérieur, son fils extérieur meurt"  (AdS p. 171). Quelle place laissons-nous au fils du Père, mort sur la croix ? Pourquoi ne pas adopter un concept d’écologie divine dans nos réflexions ? Une écologie divine respecte notre nature déifiable et intègre à la fois le respect de la nature de l’homme (écologie humaine)et plus généralement de toute la création (écologie environnementale).

b) Ne pas se tromper de terre !

Ces réflexions nous montrent l'importance du mot "terre" dans la bible.
La terre est évoquée tantôt par le mot hébreu Adamah (אֲדָמָה) -terre intérieure de l’Adam, encore humide et restant à accomplir- et le mot Erets (אֶרֶץ)- terre accomplie dans l’unité, dans le "sec". 
Quelle terre devons-nous cultiver et garder?

"La Terre dans la Bible : voilà un sujet que l’on peut et que l’on doit aborder aujourd’hui d’un point de vue écologique." écrit le bibliste Michel Saillard [22]. L'auteur évoque la pédagogie de Dieu, qui après la faute originelle d'Adam, veut faire comprendre à l'homme de quelle terre il s'agit 
- "terre perdue", à laquelle l'homme ne doit plus rêver. A cette fin, Dieu l'accompagne vers
- "terre promise" : « Va pour toi, de ta terre, de ton enfantement, de la maison de ton père, vers la terre que je te ferai voir » (Gn 12,1 - traduction de A. Chouraqui).  Il s'agit d'une
- "terre conquise", réalisée par les hébreux sous le commandement du Dieu d'Israël, invoqué comme "Seigneur des armées". Avec l'écologie, nous risquons de nous engager dans des stratégies de conquête terrestre sans issues.
- "terre reprise" au moment de l'Exil en Assyrie (en 722), puis à Babylone (en 587), car, à longueur d’oracles, de lamentations, de supplications les prophètes ne cessaient de rappeler les clauses de l’alliance. Ils dénonçaient l’infidélité envers YHWH par le culte rendu aux idoles et l’infidélité tout aussi grave que sont les injustices sociales. A chaque fois que l'homme se laisse tenter par des messianismes, l'homme se retrouve enfermé dans des formes de camps de concentration ressemblant à ceux de Babylone ! 
- "terre redonnée", avec le retour dans la terre de la promesse. L’épreuve de l’Exil, le séjour en terre étrangère, les contacts avec la population de Babylone invitent le peuple élu à envisager un partage de l’élection avec tous les peuples. Le sens est clair. Sion-Jérusalem est le point de rassemblement de tous les croyants.
- "terre nouvelle" au sens de cette "Jérusalem céleste" vers laquelle, depuis Pâques, l'homme doit se tourner.

A chaque fois que le peuple de Dieu croit avoir conquit la terre, Dieu la lui reprend comme pour lui faire comprendre qu'il n'a pas compris le sens de sa promesse. Cette pédagogie s'appuie sur un jeu sémantique:  lorsque Dieu donne la terre ou rappelle son don de la terre, la Torah utilise souvent le terme adamah, ce qu’elle fait également pour l’expression « terre de sainteté », ou « sol de sainteté », devenue « terre sainte », mais par ailleurs, la terre-territoire dont les limites ou frontières sont indiquées à Moïse est désignée par Eretz (Ex 23,31-33).

En écologie, nous ne devons donc pas nous tromper de sens. La théologie du « don de la terre » est engluée dans des récits de conquête de protections de la terre, de précautions, de constructions de consensus, de limitations démographiques pour assurer le salut planétaire. N'y a-t-il pas, dans ce fourre-tout, une nouvelle forme de messianisme, c'est à dire de conquêtes humaines pour assurer un salut ici bas?

c) Garder la terre extérieure, c’est cultiver sa terre intérieure

Depuis la faute originelle, l'homme a perdu son unité entre ces deux terres qui le constituent. Faute d'unité, il est éclaté entre deux forces:
- d'un côté, cette nécessité de cultiver la terre extérieure.
Le concile le dit: « l’attente de la nouvelle terre, loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller » (Gaudium et spes, n° 39). C’est sur la façon dont nous cultiverons la terre que nous serons jugés.
- d'un autre côté, Benoît XVI rappelle qu' "aucune structuration positive du monde ne peut réussir là où les âmes restent à l'état sauvage". (Encyclique Spe salvi § 15).

Comment cultiver cette terre extérieure tout en évitant à nos terres intérieures de rester à l'état sauvage?
Le parallélisme réside dans cette idée d'entrer en relation avec autrui, avec le tout Autre, c’est à dire avec Dieu.
Un  agriculteur, un ingénieur, des parents, un instituteur ou un travailleur manuel, ou plus généralement tous les co-créateurs que nous sommes, devons entrer en communion avec toute la création et avec notre créateur.
« Lorsque nous découvrons qu’extérieur et intérieur à l’Homme sont les deux pôles d’une même réalité, nous avons quelque chance de porter notre recherche des sources d’épreuves à l’intérieur de nous-mêmes, plutôt que d’en charger un malheureux "bouc émissaire" à l’extérieur », dit Annick de Souzenelle.

Prenons garde à ne pas prendre à la lettre, tous les arguments mis en avant par les idéologies qui retiennent de multiples accusations contre l’activité humaine qui n’aurait pas "gardé la terre". La plupart ne sont que des boucs émissaires  pour justifier des programmes politiques dans lesquelles, nous nous enfermons (1ère plaie). 
Par ailleurs, si on retient l'idée que les mots hébreux "Cultiver et garder" sont un peu synonymes un peu comme le serait les mots "Croissez et multipliez", il faudra se montrer prudent sur le concept même de "sauvegarder la création", pour deux raisons: d'abord le mot sauvegarder n'est pas le même que "garder", et, ensuite, il y a un risque majeur de confusion entre les concepts de "création" et de "monde naturel" dans lequel nous vivons. Lé péché originel s'est en effet glissé entre ces deux réalités.   

Ce qui importe est de garder comme un trésor cette semence intérieure qui verbe de Dieu, étincelle divine en nous, désir initial. En ce lieu, le péché ne peut pénétrer. Si nous savons la cultiver, nous apprendrons à cultiver toutes nos "terres extérieures", quelles qu'elles soient. "Laudato si reprend d'ailleurs cette thématique (§ 217) en citant Benoit XVI: "les déserts extérieurs se multiplient dans notre monde, parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands" (Homélie du 24 avril 2005)". 


[1] « me confier... une lettre pour Asaph, l’inspecteur du parc royal, afin qu’il me fournisse du bois de construction pour... la maison où je dois m’installer. Le roi me donna son accord, car la main bienveillante de mon Dieu était sur moi » (Ne. 2 ,7-8)

[2] J.-Richard Middleton, The Liberating Image ; The Imago Dei in Genesis 1, Brazos Press, Grand Rapids, Michigan 2005.

[3] Cf. J.-R. Middleton, op. cit., p. 88 s.

[3bis] Au jour où le SEIGNEUR Dieu fit la terre (èretz) et le ciel,
il n'y avait encore aucun arbuste de la campagne sur la terre (èretz),
et aucune herbe de la campagne ne poussait encore
car le SEIGNEUR Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre (èretz),
et il n'y avait pas d'humain (adam’) pour cultiver le sol (adamah).
Mais un flot montait de la terre (èretz) et en arrosait toute la surface du sol (adamah).
Le SEIGNEUR Dieu façonna l'humain (adam’) de la poussière du sol (adamah)...

[4] « extraits de « l’Egypte intérieure ou les dix plaies de l’âme » de Annick de Souzenelle, pagination de l’édition de 1997 chez Albin Michel :

Introduction
« ...Moïse a soudain eu conscience de l’esclavage intérieur que cette situation extérieure révélait.
La Pâque.. peut être entendue sur deux registres au moins : Le premier est d’ordre historique... le deuxième est celui sur lequel nous pouvons tous déchiffrer nos aliénations intérieures et le chemin qui nous est proposé pour en sortir ...
Dans cette perspective, l’hébreux symbolisera en nous celui en qui s’ouvre un espace de conscience... alors que l’Égyptien représentera celui qui reste bloqué par ses forces d’asservissement intérieur...» (p.10)...
« Adam... "créé" au 6ème jour de la Genèse "à l’image de Dieu" est appelé à être "fait à sa ressemblance" ; ce "faire", nettement distingué du "créer", est l’œuvre divino-humaine de toute vie, la dynamique de notre histoire...
Cet Adam est créé "mâle et femelle" ; cela signifie que sur un plan animal -celui du 6ème jour- nous sommes biologiquement hommes et femmes, capables de reproduction ; mais sur le plan de l’Homme émergeant à sa réelle dimension d’homme, au dessus de l’animal, capable de mutations pour aller vers la "ressemblance" - celui du 7ème jour-...
Tout être humain est alors "mâle", lorsqu’il "se souvient" (même mot hébreux) de l’immense potentiel dont il est constitué dans ses profondeurs ; ce potentiel est appelé la Adamah ; elle est mère des profondeurs, le pôle "femelle" au cœur duquel est scellée secrètement l’image divine... » (p 11)...
« ... Aller de l’image à la ressemblance, c’est accomplir ce potentiel dans le mariage mâle- femelle....
L’Arbre de la Connaissance qui est planté au milieu du jardin d’Eden, à la lumière de cette lecture, n’est pas celui de la connaissance "du bien et du mal" ; ces deux derniers mots qualifient respectivement la lumière de la ténèbre, c’est à dire l’intériorité de l’Homme, la conscience, et ce qui est encore non conscient... Cet arbre est l’homme lui-même... dans ses deux côtés conscient et inconscient, relatifs aux pôles respectifs mâle et femelle, et que l’hébreu nomme : accompli et non encore accompli.
Lorsque au 2ème chapitre de la Genèse, Dieu montre à Adam le côté (et non la côte !) non accompli de lui, Il lui fait découvrir cette partie "femelle" de lui avec laquelle il était jusqu’ici totalement confondu... pour qu’il l’épouse. Ce côté-là de lui est lourd de la semence divine appelée par la Tradition le NOM. Chacun de nous est ensemencé dans son NOM secret. Cette semence est l’enfant divin que nous avons à faire croître au cours de ce mariage intérieur qui est encore l’aventure d’une grandiose gestation ». (Ibid- introduction -p 12)...

[5] « La "Chute"... entraîne l’Homme à oublier sa vocation d’épousailles intérieures ;... elle l’entraîne à normaliser son état d’inconscience... qui engendre l’esclavage intérieur de l’Homme » (p 13)...

[6] « L’Homme n’est pas que le fils de la terre extérieure . Sa semence est essentiellement plantée dans ce que le mythe biblique appelle la Adamah, sa terre intérieure, pôle féminin... constituée de tout ce que ce même récit biblique décrit dans les 6 premiers jours de la Genèse - La lecture de ces six premiers jours étant aussi valable pour l’intériorité de l’homme...
L’ "image de Dieu" est  la semence de l’Adam ; elle est un "micro verbe", image du Verbe divin, qui fait de l’homme un être doué de la fonction parolière- le seul parmi tous les animaux créés. Pour pouvoir parler, il devra vite se tenir debout dans son environnement extérieur. Mais pour pouvoir devenir totalement Verbe, non plus semence, mais fruit de cet arbre, dans une dimension de « ressemblance », il devra se verticaliser dans sa terre intérieure.  Or j’ai parlé de la « Chute ».
Et tout se passe comme si la semence d’arbre plantée en terre de Adamah enfonçait ses racines et poussait sa sève sans que celle-ci trouve la force de percer vers la lumière et de poursuivre sa croissance jusqu’au fruit . (p. 15)...
Tout se passe comme si une erreur de programmation amenait son énergie à prendre pour la lumière les ténèbres de la terre et la conduisait alors à se rabattre à l’horizontale et à se fabriquer à ce niveau de fallacieux fruits, et dans ce cas, fruits de l’inconscience de l’Homme !... » (p. 15-16)...
« Mais le parasiteur est diabolique !
Pour qui se laisse séduire par l’illusionnisme... la verticalisation est rendue impossible » (p. 16)...
« On est en droit de se demander s’il existe quelque part une porte qui donnerait ouverture sur l’originel programme, en amont de la "Chute", et qui permettrait à l’arbre de retrouver le juste chemin de sa verticalisation . Les mythes parlent de cette impasse comme d’un labyrinthe ; ce qui veut dire qu’il ne s’agit pas d’une impasse » (p 16-17) ...

[7] Chapitre 1 - Les deux Pâques

« Passer de ce monde animal à celui de l’Homme est l’expression tout à fait propre à ce qui se joue pour nous aujourd’hui et dont ... les mythes sont avec nous les acteurs...
Parce qu’ils ne font pas autre chose que de redonner à l’énergie de notre « semence » sa puissance et sa juste direction ; ils sont le Verbe de Dieu qui vient effacer le parasitage diabolique... pour rendre à cette force de germination sa pure programmation : ils nous montre le chemin du passage "par en haut" pour sortir du labyrinthe, monde animal, et pour entrer dans un espace d’Homme » (p. 23)...
« Il n’y aura pas de Pâque chrétienne sans Pâque juive ; mais il n’y aurait pas eu de Pâque juive sans la Résurrection du Christ... » (p.27)...

[8] Chapitre 2- La descente en Égypte

« ... Le christ, semence de l’Adam total... » (p 29)...
« Moïse... son nom hébreux Mosheh est fait du retournement des lettres de Hashem qui signifie le « NOM » :
.           H Sh M M Sh H.
Dans son nom même, Moïse nous conduit à ce retournement essentiel pour que nous devenions avec lui celui que, dans nos profondeurs, nous sommes JE SUIS . Mais nous ne pouvons connaître YHWH  en terre d’Egypte ». (p 30)...
«  L’Égypte , Mitsraïm en hébreux, est essentiellement une matrice d’eau (Maïm - les eaux) contenant un fœtus  resserré en elle, de consonance "tsr" (qui signifie en effet "étroit"). » (p.31)...
« Les fils d’Israël descendent en Égypte parce qu’ils ont faim... » (p 32)...
« Sous la protection de Joseph, les prémices du peuple hébreu s’intègrent en terre d’Egypte...
Le nom de Joseph, du verbe Yasoph, signifie "augmenter" ; il concerne cette croissance. Il est construit sur la racine Soph, la "limite". Les structures de l’hébreu, Verbe de Dieu, nous révèlent les lois ontologiques ; celle qui préside à la fonction de Joseph est capitale : pour augmenter, grandir, il faut accepter d’entrer dans une limite. Le choix, l’engagement sont essentiels. Ici s’ébauche aussi la loi de la circoncision, mais essentiellement celle de l’engagement, de la décision. Plus en profondeur encore, cette racine Yasoph révèle un des aspects du mystère de l’Incarnation : Dieu Lui-même entre dans une limite, le ventre d’une femme qu’Il rend "plus vaste que les cieux" et que Joseph, époux de Marie, garde. Plus tard, Joseph d’Arimatie gardera le tombeau -matrice de mort et de résurrection ! Dieu se limite -c’est la kénose que contemplent les Pères-, la "contraction" dans le "fini" pour que l’Homme prenne dimension d’infini. ...
Si les hébreux entrent dans cette matrice-Égypte sous la conduite de Yasoph-Joseph, ils en sortiront au moment de leur "naissance" que sera la Pâque en traversant Yamsoph "la mer de la limite" appelée dans la tradition orale "mer rouge"... Entre Yasoph et Yam-Soph, entre ces deux "limites", Israël va grandir... » (pp 33-34)...
« Lorsque nous découvrons qu’extérieur et intérieur à l’Homme sont les deux pôles d’une même réalité, nous avons quelque chance de porter notre recherche des sources d’épreuves à l’intérieur de nous-mêmes, plutôt que d’en charger un malheureux "bouc émissaire" à l’extérieur.
Le Dieu d’Israël conduit les Hébreux en terre de servitude pour que ceux-ci  voient et nomment leurs esclavages...
Moïse est en filigrane, sous le nom voilé de HaShem, YHWH, la conscience naissante... dans les ténèbres de l’inconscience d’Israël. » (p. 35)...
«  Moïse rejoue l’histoire d’Adam... Dieu prend alors cet autre "côté" de lui, et le lui présente dans sa totalité pour qu’Adam discerne cet aspect voilé, inconscient, qu’en lui-même il est appelé à épouser : féminin intérieur à tout être humain que ce "côté", et non la femme par rapport à l’homme, comme le veut cette même exégèse maintenant dépassée.
Le conscient -côté lumière de l’arbre de la Connaissance que chacun est appelé à construire- doit épouser l’inconscient -côté ténèbres, riche noyau de l’être-, sa semence formée de l’ "image divine". » (p 36)...

[9] Chapitre 3 : Le retournement

« Une fois, deux fois,  neuf fois de suite, Pharaon opposera une résistance absolue au départ des Hébreux. Ne faut-il pas neuf mois pour construire un enfant ?
... Dix fois de suite les Hébreux vont connaître un hiver pour aller puiser en eux-mêmes d’étonnantes richesses » (p 44)...
«  Dieu ne dit-il pas à Adam qui vient de consommer le fruit interdit et de se rendre ainsi esclave du Satan, dans le livre de la Chute :
Tu mangeras ton pain à la sueur de tes narines jusqu’à ce que tu te retournes vers la terre [intérieure] d’où tu as été pris, car tu es poussière, et vers la poussière retourne-toi.
Vers ce pouvoir créateur et transformateur qui est en toi, retourne-toi ; vers ta terre-mère, cet autre "côté" de toi, retourne-toi !
... ce qu’il est convenu d’appeler « les dix plaies d’Égypte » est la description de ce lent processus de retournement » (p 46)...
« Dès que la première plaie arrive, un lent travail se fait chez les Hébreux, qui amorce le processus de distinction entre ce qui s’accomplit, représenté par les Hébreux, et ce qui reste encore dans les ténèbres de l’inconscience, représenté par les Égyptiens » (p 47)...
« La corvée des hébreux consistait pour eux à faire des briques pour lesquelles on leur fournissait de la paille. Ils devront maintenant faire le même nombre de briques, mais aller eux-mêmes  quérir la paille. Faire des briques, faire du chiffre, cela nous dit bien quelque chose ! C'est aussi avec des briques que les hommes de Babel... construisaient leur fameuse tour » (p 47)...
« YHWH, dont les Hébreux disent qu’Il est l’Épée... Le saint NOM est l’Épée.
.     Y
H   W  H
... sur l’appui des nombres qui correspondent aux quatre lettres, le dessin est alors :
.      10
5      6     5
Ce dessin est plus explicite si l’on sait que la lettre Waw de valeur 6 est en hébreu la conjonction de coordination « et ».
Dans le livre du Zohar ("Livre de la Splendeur", vénéré par les mystiques qabbalistes) :
... Le Tétragramme est une Épée
Le Yod est le pommeau
Le Waw, la lame
et les deux , les deux tranchants
L’homme, Image de Dieu, est donc lui aussi l’Épée dans le noyau-semence de son être ! ... Tel est le Christ en nous :
Je ne suis pas venu apportée la paix, mais l’Épée (Mattieu X, 34) » (pp  50-51)...

[10] Chapitre 4 : La première plaie : les eaux changées en sang (Exode VII, 19)

« Lorsque l’Homme ne saisit pas l’Épée (YHWH) qu’il est pour se construire en tant que "Verbe", inconsciemment, il retourne l’Épée contre l’ "autre", celui qu’il est à l’intérieur de lui en premier chef et tous les autres à l’extérieur de lui. L’Épée est alors une arme qui tue et fait couler le sang » (pp 53-54)...
« Or, dans le sang est la présence divine...
Par cette plaie, le texte biblique signifie que la terre de servitude, celle des oppresseurs comme celle des opprimés, est abreuvée de ces sangs...
A l’extérieur, l’eau qui devient du sang est objectivation de se qui se passe dans le cœur de l’Égyptien -l’homme inconscient- dont les énergies se répandent en conquêtes meurtrières.
Mais l’épreuve nous indique aussi qu’à l’intérieur, dans le cœur de l’ "Hébreu" ... une conquête intérieure s’amorce... » (p 55)...
« L’eau est toujours en soi symbole d’inaccompli, d’inconscient... La conscience est symbolisé par le sec qui est aussi la lumière » (p 56)...
« Aujourd’hui, ... il n’y a plus de bons et de méchants, mais des hommes qui naissent à la conscience... et ceux qui se réfèrent encore à des valeurs infantiles qui justifient leurs meurtres » (p 57)...
« C’est en obéissant à cette loi que le Christ change l’eau en vin, puis en Son Sang... » (p 58)...
« Lève toi, mon amie, ma belle, va vers toi même » (p.61 - Cantique des C, II, 10)...

[11] Chapitre 5- la deuxième plaie : les grenouilles (Exode VII, 26-29)
« Le mot hébreu Tsephardim que nous traduisons par "grenouilles" peut être lu : "l’essor des connaissances".
La grenouille est un animal qui vit dans l’humide et qui saute sur le sec. Rappelons-nous que, dans le contexte biblique, la dialectique du sec et de l’humide est symbolique de celle de la lumière et des ténèbres, de la conscience et de l’inconscience : est celle de l’Arbre de la Connaissance ». (p 64)...
« La grenouille est le symbole de la connaissance cachée dans l’inconscient (les eaux), mais que le mariage de l’Homme avec son autre "côté" des profondeurs fait jaillir à la lumière (le sec) ». (p 67)...
« Le serpent de la Genèse est celui qui amène l’Homme à n’acquérir la connaissance que par l’extérieur. Cet homme reste alors étranger à ses richesses potentielles qui fondent son être psychique ; celles-ci deviennent ses "démons" ; elles se retournent pour une grande art contre lui et le dévorent.
Symboliquement, ce sont les grenouilles qui envahissent tout : "la chambre à coucher, les fours et les pétrins" et que l’homme inconscient ne peut plus contrôler » (p 69)...
« Les grenouilles qui représentent les esclavages de Pharaon sont... inépousées et deviennent des démons agressifs. Les pétrins et les fours qu’elles envahissent sont les espaces correspondants aux deux temps essentiels de la fabrication du pain. Le premier est une "matrice" d’eau, le second une "matrice" de feu... par lesquelles le mariage intérieur oblige l’Homme à passer » (p. 71)...
« Le serpent évacue radicalement le mariage avec la grenouille : il tend un fruit que l’Homme n’est pas devenu.
Le vrai mariage de l’Homme avec son cosmos intérieur... l’ouvre à la connaissance naturelle du cosmos extérieur puisqu’ils sont les deux pôles d’une même réalité dont le secret est au plus profond de l’intériorité, mais dont on peut très vite faire l’expérience.
L’inverse : la connaissance du monde extérieur, si elle conduit parfois à celle du cosmos intérieur lorsque le cœur reste ouvert, est beaucoup plus souvent un chemin labyrinthique, sans issue, épuisant, voire mortel ! » (p 73)...
« Cherchez le royaume qui est à l’intérieur de vous, le reste vous sera donné par surcroît »  (Luc XII, 31)
« L’Hébreu entre dans ce registre de sensibilité qui est aussi celui de la connaissance. L’Égyptien reste fermé à lui-même, ses yeux aveugles à la lumière des profondeurs ; il quête un savoir sans conscience » (p 78)...

[12] Chapitre 6 - La troisième plaie : la vermine (Exode VIII, 12-15)

« La racine du mot hébreu Kinim qui désigne la "vermine" est Ken, le "oui" hébreu, et, par extension, toute idée d’affirmation, de confirmation, voire d’affermissement, de stabilisation » (p 81)...
« L’objet transformé en vermine est la « poussière de la terre »... » (p 82)...
« La terre est ici le mot hébreu Adamah -terre intérieure de l’Adam- et la qualité de "poussière" de l’Adam est la multiplicité inouïe des richesses potentielles de son inconscient, tout ce qui "fourmille", "grouille", dit le texte du 5ème jour de la genèse, dans les eaux de son inaccompli... Cette Adamah est constituée d’humide...
Par un travail d’accomplissement, cette multiplicité de l’humide sera asséchée pour en faire de l’unité dans le "sec", une "terre" accomplie ; et le mot "sec" ou "terre" dans ce contexte est Erets, dont les deux premières lettres sont celles de la lumière, car cette terre-là est de la conscience, de l’accompli.
Après la chute, aucun travail ne se fait plus, aucune conscience n’émerge et lorsque le texte biblique parle de la terre-Erets, il ne s’agit plus que de la terre extérieure, par rapport aux... productions de l’intellect...  L’Homme travaille alors comme un fou, en compensation inconscientes...
La "poussière de la terre"... représente la multiplicité des inventions, des productions, des techniques, des philosophies-systèmes de pensées-idéologies, des institutions dans lesquelles l’Homme s’organise et se libère peu à peu de l’asservissement au cosmos extérieur seul » (p 83-84)...
« Dieu avait conféré à la verge d’Aaron... le pouvoir de transformer toute chose apparente en sa réalité subtile... C’est pourquoi la verge d’Aaron, à partir de la poussière d’un sec qui n’est pas né de l’humide, révèle notre vermine ! » (p 84-85)...
« Dans la perspective de la rupture totale entre connaissance née de l’intérieur et celle acquise de l’extérieur, cette dernière ... ne jouit plus ni de l’intelligence qui relie chaque objet à son modèle divin, ni de la sagesse qui permettrait leur juste gestion.
L’intelligence et la sagesse de l’Homme, en cet état de chute normalisée, n’ont plus de critère de référence.
Dans cet « envers » de la juste connaissance, ... l’Homme s’est créé un paradigme, qui a structuré sa pensée, et par voie de conséquence, ses institutions. Qu’elles soient d’ordre politique, social, scolaire, voire religieuses, ... elles ne peuvent dans leur aboutissement que le conduire à cette "mort souffrance" et qui s’ouvrira sur une naissance » (p 85)...
« "Tu accoucheras dans la douleur" ... tu accoucheras ; rien n’est fermé ; l’Homme ne mutera qu’après être allé jusqu’au bout de ses erreurs pour les reconnaître (p 82)...
« Le mot hébreu Kinim qui désigne la vermine contient la racine du verbe Kanoh, lequel signifie "honorer, vénérer". L’Égyptien que nous sommes vénère ce qu’il affirme ; il donne à ses connaissances et aux applications qu’il en fait valeurs absolues, c’est à dire valeur d’idoles ...
Pour l’Hébreu, aucune "poussière" ne devient objet de vénération. Redonnée à sa vocation ontologique, la poussière connaît l’immense fécondité qu’elle promettait » (p 91)....
« La joie ne quitte plus [l’Hébreu] car dans cette transhumance incessante, une permanence se dessine. Parce qu’il est poussière, l’ "Hébreu" se retourne vers la poussière en se retournant vers sa terre intérieure ; il est alors sur le chemin de sortie de l’esclavage ; car...
« Tu mangeras ton pain à la sueur de tes narines jusqu’à ce que tu te retournes vers ta Adamah [terre mère intérieure] d’où tu as été tiré, car poussière, toi, et vers la poussière, retourne toi ! » (Genèse III, 19)
L’Égyptien ne connaît pas encore le retournement ! Il construit les royaumes extérieurs qui seront alors réduits en poussière (p 92)...

[13] Chapitre 7 - La quatrième plaie : l’insecte (Exode VIII, 16-20)

« ...En cette quatrième plaie l’ "insecte" qui envahit la terre d’Égypte est le mot hébreu Arob ... homonymie parfaite avec le verbe "s’obscurcir" et avec un deuxième ... Ereb, ... qui est le "soir", ce moment de la Genèse où tout s’obscurcit par rapport au jour précédent....
Cette 4ème épreuve des Hébreux focalise l’expérience de ce peuple sur ce temps du soir et sur le mouvement de retournement intérieur auquel il convie. » (p 96)...
« Il est un autre personnage qui porte le même nom que Arob, mais alors prononcé Oreb ;... il s’agit du "corbeau"...
Dans le mythe  biblique, au temps de Noé, les hommes se multipliaient sur la terre et ne mettaient au monde qu’une humanité femelle ... (au sens intérieur du terme...) ; ces êtres qui ne se "souvenaient pas" de leur potentiel divin se trouvaient alors totalement identifiés avec lui - Mais, dans cette confusion, les énergies potentielles restent animales, psychiques et ne construisent rien de caractère divin ! » (p 97) ...
«  L’entrée de Noé dans l’Arche... ne fut pas autre chose que l’entrée de son être intégral dans la matrice de sa Adamah...
Une fois arrivé dans l’arche, dans les profondeurs de lui-même, Noé commença le travail de retournement. ... Sous le prétexte de... savoir où en était la crue des eaux, Noé envoya par a fenêtre de l’arche le corbeau qui sortit, alla et revint jusqu’à ce que tout fût sec... Puis il lâcha la colombe... » (p 98)...
« Le corbeau et la colombe sont tous deux symboles de l’Esprit de Dieu ; le corbeau en ce que l’esprit conduit l’homme dans ses ténèbres - il est le petit luminaire qui éclaire la nuit-, la colombe, en ce que l’Esprit arrache l’homme à ses ténèbres et le conduit dans la lumière -elle est le "grand luminaire" qui éclaire le jour. Cette alternance du vol  des oiseaux nous signifie le mariage de la lumière et des ténèbres en Noé.
Dans cet éclairage... Arob, cet insecte qui se répand sur la terre, .. est l’Esprit de Dieu qui souffle pour inviter l’Homme à assumer un "soir"... afin qu’une nuit de ténèbres féconde un jour nouveau » (p 99)....
« Arob... désorganise celui qui n’entre pas dans son souffle, .. l’esprit de l’Égyptien, mais il structure l’esprit de l’ "Hébreu" en terre de Goshen où l’ "Hébreu" dresse sa demeure... Le mot se profile comme un jardin -Gan- au bout duquel la lettre Shin symbolise le noyau des profondeurs, la "pierre" fondatrice, YHWH, le Shem, le NOM » (p 100)...
« ... Le monde Arabe, Ereb, le même nom! Le nom des hébreux, fils de Eber, est lui aussi fait des mêmes lettres, donc des mêmes énergies qui sont puissance-verbe nous interpellant avec une intensité à laquelle nous ne pouvons plus rester sourds. Ereb et Eber sont en face à face...  Le monde judéo-chrétien ne peut passer au septième mois de son accomplissement sans "épouser" le frère arabe » (p 101-102)...
« L’ "Hébreu" peut reconnaître et accueillir le corbeau ; il prend avec l’Esprit saint le chemin de ses profondeurs ; il va à la rencontre des ses ténèbres et des démons qu’il devra "épouser", pénétrer, pour que dans cette mort se fasse le retournement et que jaillisse la lumière.
L’ "Égyptien" est confondu avec ses ténèbres ; ses démons le possèdent, le meurtrissent mais il ne les voit pas et projette sur l’autre qu’il accuse, à l’extérieur de lui, la source de ses souffrances ». (p 103)...

[14] Chapitre 8 - La cinquième plaie : la peste (Exode IX, 1-7)

...« La plaie qui ravage l’Égypte ... est le mot Deber, la "peste" qui, prononcé Dabar, est le "Verbe" ! La peste détruit le bétail de l’ "Égyptien" ; le Verbe construit l’ "Hébreu" dans ses énergies intérieures... Le Verbe se fait Épée de mort pour l’ "Égyptien", de vie pour l’ "Hébreu". (p. 109)...
« La peste ou le Verbe, là, est la réalité fulgurante de cette cinquième plaie, l’Épée à deux tranchants !
Mais il y a plus encore :
"Demain, ajoute le texte, YHWH fera cette chose" et cette "chose" est aussi cette "parole", Dabar, car toute "chose" est œuvre du "Verbe" : elle est si intimement unie au Verbe qui la fonde qu’elle en porte le nom : Dabar.... » (p 110)...
« En toute chose-Dabar est le verbe-Dabar qui, non reconnu, fait de cette chose la peste-Deber.
Il est aussi important de noter que lorsque YHWH "fait" cette chose, le verbe "faire" est construit des quatre mêmes lettres que le verbe "sauver"... Le "faire" divin, en cette cinquième plaie, est celui du salut, dans le sens de l’accomplissement...
Dans cette perspective, la peste elle-même concourra au salut, l’Épée n’oeuvre que pour l’accomplissement du créé et pour la Gloire de Dieu. Mais que de souffrances pourraient être évitées si l’Homme devenait "Hébreu" ! (p. 111)...
« L'homme d'aujourd'hui chosifie tout, et pour commencer l'homme lui-même... L'homme n'est que "brique", il n'a de valeur que marchande. Malade, il est un objet réduit au membre atteint ou à l'organe, il est un rein, un foie, un fémur ou un estomac... »  (p 111)...
« A la vérité, si notre relation à la terre, aux plantes, aux animaux, à tous les éléments du cosmos, n’est pas consciente de cette dimension, si nous n’écoutons chanter en chacun d’eux l’ange qui le porte et qui résonne dans un cœur à cœur avec notre cosmos intérieur, nous créons la peste.
Aucune écologie ne retrouvera à elle seule une efficacité si nous ne sentons à nouveau palpiter le Verbe derrière toute chose, danser la vie dans toute métamorphose, et si nous ne nous relions nous-mêmes au son fondamental et créateur YHWH, notre source et notre devenir ! » (pp 113-114)...

[15] Chapitre 9 - La sixième plaie :  la lèpre (IX, 8-12)

« Le nom de cette maladie, la lèpre, est Shehyne en hébreu. ...
Il exprime, dans la racine Shaho qui le compose, une idée d’ "affaissement", celui d’un feu qui n’a pu monter à la verticale et qui, ... rabattu à l’horizontale, produit des boursouflures...
Prononcé Shahats, il est l’ "orgueil", voire la "cruauté"...
Lu dans un retournement qui révèle sa face cachée, il est le nom du « serpent » de la Genèse, Nahash, et d’un serpent qui a volé la lettre Yod, indiquant qu’il a pris la place de YHWH ...
Donnant à l’Adam ce Yod, fruit de l’Arbre de la Connaissance, le serpent a donné à l’Homme l’illusion d’être devenu ce fruit, l’illusion d’être dieu. Les maladies d’orgueil, de vanité, d’enflure du moi... trouvent là leur origine ; elles sont exprimées par la lèpre » (p 122)...

[16] Chapitre 10- La septième plaie : la grêle (IX, 22-35)

...« Le mot grêle, Barad en hébreu, est fait des mêmes lettres que Dabar signifiant Parole » (p. 128-129)...
« Dabar et Barad s’épousent. Et ce mariage implique... un passage à un "tout autre", ce que le nombre sept de cette 7ème plaie exprime avec force. Dans le sept se joue une mort pour une résurrection...
Un bouleversement radical se joue dans toute situation de sept : une mort intérieure pour les "hébreux" » (p 130)...
« La septième plaie concerne leurs terres respectives. Les terres intérieures des Hébreux, terres accomplies et cieux  inaccomplis, sont bouleversées pour que surgisse un champ de conscience nouveau. Les terres des Égyptiens, et bien sûr extérieures celles-là puisque aucune conscience n’a encore émergé en eux, sont détruites par la grêle » (p 131)...
«  Qui peut nier la présence du "Verbe" Dabar, en cette chose-Dabar qu’est la "grêle", Barad ?
YHWH veut signifier quelque chose : l’exigence d’un retournement de nos terres intérieures dans une puissance mâle dont est pourvu l’Adam de la Genèse, dont nous sommes pourvus, mais que nous investissons tout ailleurs ;
Adam a reçu l’ordre ontologique de "garder et cultiver sa terre" (Gen II, 15) ; il s’agit essentiellement de celle-là ; il s’agit de faire le fils intérieur, fruit de cette terre, et l’ "Égyptien" l’ignore. » (p 132)...

[17] Chapitre 11- la huitième plaie : la sauterelle (Exode X, 1-20)

...« Ces "signes", dont nous découvrons qu’ils sont ceux des forces de croissance du saint NOM dans le cœur des Hébreux, sont aussi des démons ravageurs chez les Égyptiens.
Chaque "plaie" est œuvre de transmutation pour que tous s’accomplissent dans un processus commun venant de l’ "Épée", mais se différenciant selon  la loi des "deux tranchants" qui taillent dans le vif des réalités rencontrées » (p. 142)...
« Rab, la racine du mot Rebim, "nombreux", est contenue dans le nom Arebeh de la sauterelle. Arebeh peut aussi être lu comme le verbe "augmenter" ». (p 142)...
« Une "fenêtre", une "ouverture", voire "l’orbite de l’oeil" est Aroubeh, fait des mêmes lettres-énergies que Arebeh. Or la sauterelle, dit le texte, va "cacher l’oeil de la terre", qui est encore sa "source" (même mot que l’ "oeil"») ou sa profondeur
Il semble que nous soyons avec cette envahisseuse, devant le démon qui fait accoucher à de fausses lumières, lesquelles cachent la vraie lumière. Car les deux radicales de la "lumière", Ar, président à toutes ces acceptations du même mot qui fait le nom de la sauterelle, Arebeh. Et ce mot lui-même se présente comme le pôle-lumière d’une unité dont le pôle-ténèbre est Arob, "l’insecte" de la quatrième plaie.
Arebeh est inséparable de Arob, comme la lumière l’est des ténèbres. Le jeu de mot qui les unit le confirme. » (p 143)....
« La loi qui préside à l’évolution du peuple Hébreu a conduit celui-ci dans les profondeurs de son être, jusqu’à "l’oeil de sa terre" (Aroubeh). il est descendu dans les ténèbres pour y célébrer le mariage auquel la grenouille invitait...
Cette même loi retire maintenant le peuple des ténèbres et le fait surgir à la lumière : une conscience nouvelle est née ; une fenêtre s’est ouverte ; l’orbite de son œil s’est agrandie, embrassant de plus vastes espaces... » (p 144)...
« Enfin, la sauterelle ruse pour séduire ... les sciences... La vie professionnelle de ces derniers suppose que ceux-ci aient réellement intégré la lumière et que de leurs cieux intérieurs ils aient constitué des "terres nouvelles", des champs de conscience plus élevés » (pp 149-150)...
« Nul ne peut être épousé du Père s’il n’a tout d’abord épousé la Mère » (p 151)...
« Si la sauterelle, fausse lumière, dévore l’Égypte, Jean le Baptiste ... mangera des sauterelles » (p 151)...

[18] Chapitre 12- la neuvième plaie : les ténèbres (Exode X, 21-29)

... « Les "ténèbres", Houshekh en hébreu, peuvent être lues : "le palais du shem ". Le Shem est le saint NOM, YHWH. C’es Lui et Lui seul qui abolit la séparation et qui rend les ténèbres manifestation du non-manifesté ! ... En image, c’est le NOM en chacun de nous, YHWH de notre être, dans les ténèbres assumées pour en atteindre le cœur du palais, qui construit non seulement l’abolition de la séparation mais l’union.... L’expérience des ténèbres devient alors en nous montée du saint NOM... » (p 155)...
« Toute verticalisation implique un mariage : l’Adam de la Genèse nomme Ishah, "celle que tu m’as donnée pour que je me verticalise" » (Gen IV, 3-12)...
Et le nom de "la place" (Gen II, 21 - souvent traduit par "à la place de") d’où ne peuvent se lever les Égyptiens est celui des "Profondeurs" ...
Le mariage auquel se réfèrent ces grandes ténèbres de la 9ème plaie dépasse encore celui de l’Homme-Ish (époux) avec Ishah (épouse) des profondeurs. Il annonce celui que le Christ vit dans les enfers de la 9ème heure... » (p 161)...
« Cette 9ème plaie de l’âme qui s’enracine en lui ne relève plus de l’homme qui doit "quitter" pour épouser son Ishah intérieure, mais de Dieu qui se retire pour que l’Homme devienne totalement Ishah pour Lui et qu’alors Il l’épouse ! » (p 164)...
« Tu quitteras ton père et ta mère et tu t’attacheras à ton Ishah et vous deviendrez une chair UNE  (Gen II,24) » (p 163)...

[19] Chapitre 13- la dixième plaie : la mort des fils aînés et des animaux premiers nés (Exode XI et XII)

...« Parce que l’ "Égyptien" n’a pas mis au monde un fils intérieur, son fils extérieur meurt ; les premiers-nés des animaux auxquels il est identifié, puisqu’il n’est pas entré dans une dimension d’Homme, meurent avec son propre fils » (p 171)...
« Prêts à partir, à quitter leur terre d’esclavage, parce qu’ils ont accouché d’un fils nouveau, les Hébreux immolent l’« agneau », signe extérieur de celui qui a souffert en eux, qui est mort, signe de son sang qui a coulé en eux » (p 179)...
« Le retour au pain azyme, après que les Hébreux eurent manger le pain des douleurs, est le signe de leur retournement vers la "mère" qui seul déterminera le retour au vrai "Père", dans un pain levé. » (p 180)...
« On m’a appris, étant enfant, que je devais tout à mes parents. Mettant à mon tour des enfants au monde, j’ai découvert que je leur devais tout. Je leur dois de m’accomplir : les maladies, voire leur mort sont mes maladies et ma propre mort intérieures. Lorsque l’Épée passe sur la maison de l’ "Égyptien" que je suis, elle fait de mes enfants le miroir de mes erreurs, de celles des ancêtres... Mais sur l’ "Hébreu" que je suis, elle bénit "jusqu’à la millième génération" » (Ex XX,6).
Mes enfants me conduisent impitoyablement "vers moi-même" ; et je sais qu’il ne s’agit pas de "punition" suscitant une culpabilité tout aussi destructrice que l’erreur de l’inconscience, mais d’un éveil de conscience, si l’on sait regarder le miroir avec les yeux du cœur » (p 182-183)...
« ... neuf béatitudes qui se révèlent intimement répondre aux neuf plaies d’Égypte » (p 184)...

[20] L’Église n’est absolument pas dupe du contenu des concepts qui se cachent derrière la sémantique internationale de la "Santé reproductive et sexuelle". Nous donnons ici quelques références le prouvant:"
♦ La conception utilitariste de la "santé reproductive et sexuelle": « Il faut rappeler qu'il y a une différence de fond entre la conception utilitariste de la sexualité humaine, associée au concept de la santé reproductive, et la perspective offerte par l'Église dans son respect pour la dignité de l'homme et de sa sexualité... Il faut donc respecter la double signification du don mutuel de l'homme et de la femme, ouvert à la vie, dans le mariage, signification contredite par la contraception encouragée par la prétendue « santé reproductive » [« la santé reproductive des réfugiés » (Conseil Pontifical pour la Pastorale des migrants et des personnes en déplacement - Note pour les conférences épiscopales, 14.9.2001)].
♦ Une "santé reproductive" qui menace les fondements de la famille: « Je dois également mentionner un autre grave sujet de préoccupation : les politiques de ceux qui, dans l’illusion de faire progresser l’« édifice social », en menacent les fondements mêmes. Combien est amère l’ironie de ceux qui promeuvent l’avortement au rang des soins de la santé des « mamans » ! Combien est déconcertante la thèse de ceux qui prétendent que la suppression de la vie serait une question de santé reproductive (cf. Protocole de Maputo, art. 14)! » (Discours de Benoit XVI à Luanda 20.3.2009)
♦ Une"santé reproductive" qui va de pair avec l’avortement et l’homosexualité: « La nouvelle idéologie est dynamique et s'impose à la fois aux cultures et aux politiques. Elle exerce pression sur le législateur pour qu'il prescrive des lois favorables à l'accès universel aux informations et aux services contraceptifs et abortifs (concept de “santé reproductive") ainsi qu'à l'homosexualité. » (Cardinal Sarah, 5° congrégation générale du 7.10.2009, Carrefours de la II Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques).
♦ Une santé reproductive qui devient facteur de destruction de toute la jeunesse: « Encourager un "changement de comportement" parmi les adolescents dans les programmes d’éducation sexuelle, alors qu’en réalité on veut "les encourager à utiliser un préservatif lorsqu’ils ont des rapports sexuels pré-matrimoniaux", tout en encourageant les rapports sexuels pré-matrimoniaux eux-mêmes, c’est détruire non seulement la santé reproductive de l’adolescent, mais aussi leur santé émotionnelle, mentale, et spirituelle, et même leur future et leur vie entière (§ 15)... L’Église continue à entreprendre la promotion d’une authentique santé reproductive de même que la santé des femmes, qui inclut une information complète sans terminologie ambiguë, et une pratique de la sexualité vraiment sûre, fondée sur une sexualité humaine authentique (§ 19)... » [ Conseil Pontifical de la Famille: « Les valeurs familiales versus la sexualité sans risques (Safe sex) » par le cardinal A.L . Trujillo, président du Conseil pontifical pour la famille, (1.12.2003, § 15)].
♦ Les réserves de l’Église face à la "santé reproductive": « Cette "santé reproductive" est promue aujourd'hui par certaines organisations de l'ONU comme l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Fonds des Nations unies pour la Population (FNUAP). Lors de la session conclusive de la Conférence du Caire, le Saint-Siège a fait une déclaration dans laquelle il a exprimé les réserves de l'Église sur l'idéologie de la "santé reproductive" » (Mgr Martino R.), Consenso parziale e con riserve, « L'Osservatore Romano », vendredi 16 septembre 1994, p. 4)

[21] Homélie de Benoit XVI devant les membres de la Commission pontificale biblique, chapelle Pauline du Vatican, Jeudi 15 avril 2010.

[22]. Michel Saillard, bibliste et ancien président du Secours catholique, Extraits de "Terre Promise ! Quelle Promesse ?"- Juin 2015
"Le Premier Testament se développe en quatre temps - la promesse de la Terre, - le don de la Terre - l’abandon de la Terre de Canaan. - le retour dans la Terre après l’Exil
a) La promesse de la terre
Selon la traduction de Chouraqui, les références sont :
- Gn 12, 1 : selon la traduction d’A. CHOURAQUI11 : « Va pour toi, de ta terre, de ton enfantement, de la maison de ton père, vers la terre que je te ferai voir »,
- Gn 12, 7 : Abram traversa le pays jusqu'au lieu-dit Sichem, jusqu'au chêne de Moré. Les Cananéens étaient alors dans le pays ; le Seigneur apparut à Abram et dit: " C'est à ta descendance que je donnerai ce pays."
- Gn 13, 15 et 17 : Lève donc les yeux et, du lieu où tu es, regarde au nord, au sud, à l'est et à l'ouest. Oui, tout le pays que tu vois, je te le donne ainsi qu'à ta descendance, pour toujours. … Lève-toi, parcours le pays en long et en large, car je te le donne.
- Gn 15, 18 : En ce jour, le Seigneur conclut une alliance avec Abram en ces termes: " C'est à ta descendance que je donne ce pays, du fleuve d'Égypte au grand fleuve, le fleuve Euphrate. »
- Gn 17, 7-8 : J’établirai mon alliance entre toi, moi, et après toi les générations qui descendront de toi ; cette alliance perpétuelle fera de moi, ton Dieu et celui de ta descendance après toi. Je donnerai en propriété perpétuelle à toi et à ta descendance après toi, le pays de tes migrations, tout le pays de Canaan
b) Terre conquise : La conquête de la terre
Le don de la terre est le résultat d’une conquête, et pas n’importe quelle conquête, puisqu’elle se réalise sous le commandement du Dieu d’Israël invoqué et célébré sous le vocable de « YHWH Sabaoth : Seigneur des armées » que nous traduisons par « Dieu tout-puissant » pour lui enlever cet attribut guerrier. La théologie du « don de la terre » est engluée dans des récits de conquête que nous appellerions aujourd’hui génocides ou nettoyages ethniques.
c) Terre perdue
Les livres dits historiques selon les bibles catholiques, de Josué au 2ème livre des Rois, sont pour le monde juif des livres prophétiques19. Rédigés pendant et après l’Exil, ils posent la question : « Comment avons-nous perdu la terre qui nous avait été donnée ? »
C’est ainsi que les livres des Rois relatent deux exils :
- en 722 av. JC, la chute du royaume de Samarie et l’exil de la population en Assyrie : La neuvième année du règne d'Osée, le roi d'Assyrie s'empara de Samarie et déporta les Israélites en Assyrie ... Cela est arrivé parce que les fils d'Israël ont péché contre le Seigneur, leur Dieu, lui qui les avait fait monter du pays d'Égypte (2 R 17, 5-7).
- en 587, c’est le siège de Jérusalem par Nabuchodonosor et l’exil de Juda à Babylone en 587 (2 R 25 ; Jr 39.52) largement commenté par Jérémie.
A longueur d’oracles, de lamentations, de supplications les prophètes ne cessent de rappeler les clauses de l’alliance. Ils dénoncent l’infidélité envers YHWH par le culte rendu aux idoles et l’infidélité tout aussi grave que sont les injustices sociales. ... Ce qu’annonçait le Deutéronome est inéluctable : la terre que Dieu vous a donnée vous sera enlevée : « Mais si ton cœur se détourne, si tu n'écoutes pas […] je te le déclare aujourd'hui: tu disparaîtras totalement, tu ne prolongeras pas tes jours sur la terre où tu vas entrer. » . L’exil est le temps de l’épreuve mais aussi le temps favorable, comme le fut la mythique traversée du Sinaï, pour redécouvrir le sens de l’Alliance. C’est l’annonce du retour.
d) Terre redonnée
De nouveaux prophètes, comme le deuxième Esaïe, se lèvent pour encourager le peuple et lui proclamer le pardon. Réconfortez, réconfortez mon peuple, dit votre Dieu, parlez au cœur de Jérusalem et proclamez à son adresse que sa corvée est remplie, que son châtiment est accompli (Es 40, 1-2). Et Jérémie d’annoncer la conclusion d’une nouvelle alliance (Jr 30, 18-22 ; 31, 31-34) et le retour dans la terre de la promesse.
L’épreuve de l’Exil, le séjour en terre étrangère, les contacts avec la population de Babylone invitent le peuple élu à envisager un partage de l’élection avec tous les peuples.
Le sens est clair. Sion-Jérusalem est le point de rassemblement de tous les croyants.
D’un point de vue théologique et prophétique. Israël n’a pas retrouvé totale souveraineté durant les périodes perse (538-332), puis hellénistique (332-63) et romaine enfin à partir de 63 avant J-C. Un siècle plus tard le peuple juif ne supporte plus le joug de l’occupant romain. Sa révolte est vite réprimée et la finale sonnera durant l’été 70 par l’incendie du Temple par Titus. 65 ans plus tard, en 135, la dernière révolte de Bar Kokhba est matée par l’empereur Adrien.
e) Terre abandonnée
Le peuple juif est expulsé de sa terre, mais en partie seulement...
Quelle terre ?
Quand, dans l’Evangile selon Mt, Jésus proclame « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux » et « Heureux les doux ils auront la terre en partage », le sens est clair : la « terre promise » pour nous aujourd’hui est le Royaume de Dieu ouvert à tous et pas seulement aux Israélites. D’ailleurs, Matthieu rapporte l’émerveillement de Jésus devant la foi du centurion païen qui devient héritier de la Promesse de la Terre : En vérité je vous le déclare, chez personne en Israël je n’ai trouvé une telle foi. Aussi, je vous le dis, beaucoup viendront du levant et du couchant prendre place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des cieux [les patriarches qui ont reçu la promesse de la terre] (Mt 8, 10-11)

Après la Résurrection, la terre promise devient une terre sans frontières entre terre intérieure et terre extérieure : partout où se déplace le message de Jésus, là est la Terre promise ! Il apparaît clairement dans les Évangiles que la mission du Christ est de restaurer l’unité des humains et pour cela, d’abolir progressivement les frontières.

Le Zohar (livre de la Splendeur de la Kabbale, rédigé en araméen) mentionne l’existence de sept terres auxquelles il donne un nom : Eretz, Adama, Ghé, Neschia, Tzia, Arqa, Thébel.. Mais sept terres signifie sept états de la terre, du plus épais (cette région justement que nus habitons) au plus subtil.