Sens Commun vient de réussir la performance de faire venir à lui Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire et Hervé Mariton. Jamais les Poissons Roses n’avaient réussi à faire venir devant leurs adhérents ni François Hollande, ni Harlem Désir, ni Martine Aubry. Pourquoi cette différence ? Surement pas dans l’art de négocier des virages à droite ou à gauche ! D’où vient donc la performance récente de « Sens Commun » ?

Commentaire "les2ailes.com"

Rappelons nous, en 2012 : lors des élections présidentielles, Philippe de Roux et quelques autres avaient lancé un courant, « les Poissons Roses »,  destiné à peser sur le parti socialiste. Ils avaient voulu délibérément s’orienter « cap à gauche ». Ce courant, indirectement,  avait appelé à voter pour François Hollande. Oh, certes, il n’avait pas été le seul à vouloir incarner des valeurs chrétiennes et à souhaiter aller dans ce sens. On avait entendu François Soulage, président du Secours Catholique, déclarer : « J'ai moi même voté pour François Hollande »[1]. On avait entendu  Jérôme Vignon, des « Semaines Sociales de France », dire : « Lors de la présidentielle, ...j'ai choisi de privilégier des critères qui me semblaient essentiels pour l'avenir : la justice sociale, l'accueil de la diversité et la cohésion, la priorité à la jeunesse »[2] . Bien d’autres, en particulier éditorialistes dans des journaux chrétiens, avaient été souvent plus discrets et insidieux, mais non moins efficaces dans leur pouvoir d'influence.
Tous, peut-être, avaient comme fil directeur une allergie électorale qui s’identifiait dans le slogan « tout sauf Sarkozy »[3].

Pourquoi donc, cette difficulté des Poissons Roses à émerger?

Nous n’avons, ici, aucun droit à les critiquer car nous sommes frères dans le Christ. Nous n’avons pas, non plus à nous en indigner parce que l'indignation, comme le dit Aristote, se situe souvent quelque part « entre l’envie, …qui s’afflige des succès immérités, …et la malveillance, …qui se réjouit des malheurs immérités »!
Mais il nous faut bien essayer de comprendre cette différence d’influence entre les Poissons Roses et Sens Commun pour en tirer une leçon.

Ne pas confondre priorité et essentiel

a) La priorité des Poissons Roses

 

Nul doute que les Poissons Roses avaient dû être animés par la doctrine sociale de l’Église. Ils ont eu le mérite de s’engager pour les plus pauvres, du moins le croyaient-ils. Étaient-ils si sûrs que le parti électoral qu’ils prenaient saurait trouver les solutions que nous espérions comme eux ?
Ils étaient, à l’évidence,  sensibles au principe de « destination universelle des biens », rappelé par l’Église. Ils pouvaient avoir raison : un système économique est injuste s’il ne permet pas à un peuple entier d’avoir « ce dont il a besoin pour mener une vie vraiment humaine, par exemple : nourriture, vêtement, habitat, droit de choisir librement son état de vie et de fonder une famille » (Gaudium et spes).
Tout cela relève de la fameuse "option préférentielle pour les pauvres"[4] de Jean-Paul II ?
Il ne faudrait pas remettre en cause cette priorité dans l’action. Mais l’efficacité est quelquefois indirecte. Elle peut s’effondrer si on oublie que tout engagement politique doit se construire sur un socle.

b) Le socle essentiel de «Sens Commun »

 

En effet,  il n’y a pas que le principe de « destination universelle des biens ». Le compendium de la doctrine sociale de l’Église insiste aussi sur le « bien commun » le comprenant « comme la dimension sociale et communautaire du bien moral ».
Nos engagements politiques seront vains si nous oublions que « le développement est impossible, s’il n’y a pas … des hommes politiques fortement interpellés dans leur conscience par le souci du bien commun. … Si l’on cède [au] relativisme, tous deviennent plus pauvres » (Caritas in veritate – 61 et 71) .
Sens Commun semble, pour l’instant, avoir bien compris le message.
Certes, nos approches ne peuvent être trop binaires car les inclinations humaines, quelles qu'elles soient, sont toutes constitutives d’une personne qui  ne se dissèque pas en tranches. On ne transige pas une priorité au bénéfice d’une autre.

Malgré tout, il faut réécouter certains messages récents. Le Pape François disait le jeudi 25 juillet 2013, dans la Favella de Varginha (Manguinhos), lieu symbolique de la pauvreté s'il en est: "il est certainement nécessaire de donner du pain à celui qui a faim ; c’est un acte de justice. Mais il y a aussi une faim plus profonde, la faim d’un bonheur que seul Dieu peut rassasier. Faim de dignité. Il n’y a ni de véritable promotion du bien commun, ni de véritable développement de l’homme quand on ignore les piliers fondamentaux qui soutiennent une Nation, ses biens immatériels: la vie, qui est don de Dieu, valeur à préserver et à promouvoir toujours; la famille, fondement de la vie ensemble et remède contre l’effritement social; l’éducation intégrale, qui ne se réduit pas à une simple transmission d’informations dans le but de produire du profit; la santé, qui doit chercher le bien-être intégral de la personne, aussi dans sa dimension spirituelle, essentielle pour l’équilibre humain et pour une saine vie en commun; la sécurité, dans la conviction que la violence peut être vaincue seulement à partir du changement du cœur humain".
Citons également le cardinal Robert Sarah, président du Conseil pontifical Cor Unum, lors de la messe de l'Ascension célébrée dans la basilique Saint-Pie X en présence de 12.000 participants au rassemblement national français "Diaconia 2013, servons la fraternité". Il insistait, lui aussi, sur les questions de bien commun dans la société: "le chrétien ne se contente pas de s’investir pour soulager uniquement les pauvretés, les misères, les souffrances et les maladies physiques. Il ne suffit pas de donner du pain, un abri et de meilleurs conditions de vie matérielles. Il y des maladies et des misères humaines beaucoup plus graves qui menacent notre humanité : ce sont ces sociétés dominées par l’eros de l’argent et du sexe, les destructions du mariage et de la famille et les profondes déviations anthropologiques et morales".

 

Conclusion  sous forme d’appel à Sens Commun

 

a) Aux dirigeants de Sens Commun,

N’oubliez surtout pas cette intuition profonde que vous ne réussirez que si vous vous limitez à rappeler ce qui est constitutif du bien commun :  la famille,   le respect de la vie, mais aussi, la santé publique et la médecine, la sécurité (dont l'aspect militaire), celui du  bien vivre ensemble (monde associatif, collectivités territoriales… )[5],  la justice,  et bien sûr l'environnement et l'écologie.
Ne vous engagez pas trop vite dans des propositions purement économiques qui ne sont pas de la compétence des prophètes. Vous seriez l’objet de critiques vaines. Ne prenez pas trop vite parti pour tel ou tel candidat. Laissez vos adhérents le faire en conscience.

b) Aux adhérents de Sens Commun

 

Soutenez-vous les uns les autres dans l’exigence de la vérité.  La véritable efficacité est celle de la vérité. Julie Graziani a eu parfaitement raison, dans un interview au Figaro, de dire que « les hommes politiques n'ont que le courage qu'on leur donne et ne tiennent leurs engagements que si on les leur rappelle régulièrement »[6]. Ce n'est pas l'inverse : ce ne sont pas les élus qui doivent transmettre leur manque de courage aux militants. Vous,  militants, ne devez donc pas vous perdre dans des approches tactiques et toutes sortes de compromis soi-disant consensuels. Ils vous faut  vous soutenir sur l’essentiel pour aider les candidats à ce que le bien commun devienne un corpus de propositions non négociables.
Alors, les candidats continueront à venir à vous.

 


[1] source « La vie.fr » du 7.5.2012

 

[2] Source : « le Monde.fr » du 9.1.2013

 

[3] Le quinquennat précédent méritait-il l’anathème ? On pouvait reprocher au Président Sarkozy d’avoir parlé de Karcher et d’être allé dîner au Fouquet’s ! Mais tout cela est dérisoire au regard de ce qu’il nous a évité pendant son quinquennat avec :
- L’euthanasie… en nommant une « commission d’évaluation de la loi Léonetti »
- Les mères porteuses… en demandant un rapport sur le sujet au Conseil d’Etat
- La recherche sur l’embryon… en lançant des « états généraux de la bioéthique ».

Il est connu que de tels groupes de travail ne servent qu’à enterrer les sujets d’actualité. En l’occurrence, Nicolas Sarkozy a eu l’adresse politique de s’en servir pour ne pas nous entraîner dans ces pièges.Certes, on sait que le Gender a progressé sous le mandat de Sarkozy, mais il faudrait être naïf pour en faire une affaire franco-française. Qui a lu le magnifique livre de Mgr Schooyans « La face cachée de l’ONU » découvre que cette idéologie est mondiale et avance dans les ministères  depuis  plusieurs décennies,  bien avant Sarkozy!

 

 

[4] Jean-Paul II, Discours à la Troisième Conférence Générale de l'Épiscopat latino-américain, Puebla (28 janvier 1979)

 

[5] A ce sujet la recentralisation en cours se révèlera une catastrophe de lien local et ne fera faire aucune économie, car plus on gère les problèmes de loin, plus il faudra des structures pour gérer!

 

[6] Figaro du 3.10.2014