Le journal Le Monde a publié le 29 mars une chronique intitulée « le prix de la vie ». On la doit à Thibault Gajdos, chercheur au CNRS et au Groupement de Recherche en Economie quantitative d’Aix en Provence (GREQAM). Il en conclut qu’une vie vaut 120 fois le PNB/Habitant, Autrement dit, la valeur d’un français serait d’environ 2,4 millions d’euros, mais celle d’un malien ne vaudrait que 24.000 euros !
Curieuse comptabilité ! 

Source : le Monde  du mardi 29 mars 2011

Commentaire: "les2ailes.com"

Nous reprenons intégralement le texte de l’article :

"L’accident nucléaire de Fukushima, survenu le 12 mars au Japon, a suscité en France l’amorce d’un débat sur la sûreté nucléaire et son coût. Le président de la République a souligné que le coût très élevé des centrales nucléaires de troisième génération (EPR) est la contrepartie d’une sécurité renforcée. La catastrophe japonaise semble donc, a posteriori, justifier ce choix très contesté.
Mais tout ne doit-il pas être mis en œuvre pour assurer une sécurité maximale ? En débattre peut sembler vain, voire indécent. Pourtant, l’Etat disposant d’un budget limité, il lui faut bien arbitrer entre différentes dépenses. Certes, la vie n’a pas de prix, mais il est néanmoins indispensable de lui attribuer une valeur, afin de pouvoir évaluer les politiques destinées à réduire la mortalité.

Il existe trois grandes méthodes d’estimation de la valeur de la vie.

  • La première consiste à évaluer les sommes payées pour compenser un décès accidentel, notamment les indemnités versées par les assureurs.
  • La seconde méthode s’appuie sur une estimation des pertes qu’entraine un décès, notamment le manque à gagner lié à ce que la personne décédée aurait pu produire
  • La dernière technique, la plus couramment utilisée pour l’avaluation des politiques publiques, repose sur une observation cruciale du Pris Nobel d’Economie Thomas Schelling.  Celui-ci a en effet attiré l’attention sur le fait que les politiques publiques ne visent pas à sauver la vie d’un individu particulier, mais à réduire le risque de décès de tous les individus (ou d’un groupe). La valeur de la vie prise en compte par le décideur public doit donc être liée à l’évaluation individuelle d’une diminution du risque de décès.

Considérons un groupe de 10.000 personnes qui reçoivent un traitement médical. Supposons que l’une des doses distribuées soit défectueuse et s’avère mortelle. On ne sait pas laquelle. Il existe cependant un contrepoison. Supposons que les individus soient prêts à payer 240 € chacun pour ce contrepoison. Cela signifie qu’ils consentent à payer 240 € pour réduire de 0.01% leur exposition à un risque mortel. Le groupe serait donc prêt à payer collectivement 2,4 millions d’€ pour éviter un décès. C’est ce qu’on appelle la « valeur de la vie statistique ». Cette méthode est très générale : on peut déduire de la valeur de la vie statistique du montant que les individus sont disposés à payer pour réduire leur exposition à un risque mortel.
Des enquêtes ont été menées afin d’évaluer le consentement à payer pour une réduction du risque de mortalité. Les valeurs de la vie statistique varient d’un pays à l’autre, et diffèrent selon que le risque sanitaire, environnemental ou de transport. Une valeur communément admise est de l’ordre de 120 fois le produit intérieur brut (PIB) par habitant, soit pour la France, 2,4 millions d’€. On peut ainsi évaluer à 24 millions d’€ le bénéfice d’une politique réduisant de 1% le risque d’un accident entrainant 1000 décès.
Il serait peut-être utile de garder ces ordres de grandeur à l’esprit lors du débat qui s’annonce".

On frémit en lisant un tel article.
En effet, l’auteur écrit cela dans le contexte du débat qui s’annonce sur la sureté nucléaire. Mais il se trouve qu’il tombe en même temps qu’un autre débat, celui de la bioéthique.
On sent percer dans ce type de discours que, non seulement la valeur d’un français n’est pas la même que celle d’un malien, on l’a vu.
Mais, avec la même logique, la valeur d’une personne active, participant au PIB, n’aura pas la même valeur que celle d’un inactif. Que dira-t-on de la valeur d’une personne âgée ou d'une autre chez qui on diagnostique un handicap grave avant la naissance ? On voit bien que c’est ce type de raisonnement qui risque de dicter de plus en plus nos nouvelles politiques de santé !

La dignité risque de plus en plus de se mesurer aux "avoir" d'une personne qu'au simple fait d' "être" humain!