On commence effectivement à parler de code-barres pour identifier les embryons. C’est ce que révèle Hervé Le Crosnier, maître de conférences à l'Université de Caen dans un article publié sur le blog de "le Monde diplomatique". De quoi s’agit-il ? Quelle est la logique de cette découverte ? Nous reprennons, pour l'essentiel, certains propos de Hervé Le Crosnier. Il devient urgent de s'insurger contre ces pratiques. Nous avons le plaisir d’héberger une pétition à cette fin dont nous encourageons la diffusion et signature sans modération.

Source : Blog de "Le Monde Diplomatique" – article d’Hervé Le Crosnier – 8.12.2010

Commentaire de "les2ailes.com"

Une expérience menée sur les souris…

Il s’agit d’une recherche publiée le 18 novembre 2010 : des chercheurs catalans ont implanté des codes-barres à l’intérieur des cellules d’embryons de souris et s’apprêtent à reproduire l’expérience sur des embryons humains. Cette recherche a été menée par l’Université Autonome de Barcelone, et publiée le 18 novembre 2010 par le journal « Human reproduction » [1]. Cette recherche, commune à des biologistes (département de biologie cellulaire, de physiologie et d’immunologie de l’UAB) et des chercheurs de l’institut de microélectronique de Barcelone [2], visait à implanter dans chaque cellule d’un embryon un dispositif en silicium pouvant faire office de « code-barres », selon les termes mêmes employés par les chercheurs dans le titre de leur article.

La recherche autour de cette technique d’implantation a été menée sur des embryons de souris. L’équipe des biologistes a réalisé une micro-injection du code-barres en silicium mis au point par les électroniciens. Celui-ci est lisible sous microscope. Introduit dans l’espace périvitellin [3], qui est compris entre la zone pellucide et la membrane plasmatique de l’ovocyte, le dispositif doit disparaître une fois l’embryon implanté dans l’utérus... Ce que réussit l’expérience, à quelques exceptions près.

…et destinée à être appliquée aux Procréations Médicalement Assistées humaines…

À l’heure actuelle, les embryons récoltés ou congelés, sont identifiés sur les éprouvettes elles-mêmes. Les vérifications, par double contrôle humain, sont donc plus longues et minutieuses, les contenus étant régulièrement changés de récipients durant l’Assistance Médicale à la Procréation. Pour les auteurs de l’article, il s’agit d’accélérer et de sécuriser le processus, ce qui d’après le site de Raymond Kurzweil (un des seuls à ajouter de courtes remarques au texte de l’Université [4] devrait permettre de meilleurs taux de succès des fécondations in vitro (FIV)... La même équipe de chercheurs vient d’obtenir l’autorisation du ministère de la santé du gouvernement de la Catalogne pour passer à l’expérimentation humaine.

Sur le site de "Le monde diplomatique", Hervé Le Crosnier, nous appelle à ne pas « être naïfs à ce point ». Il nous met en garde : « Ces changements dans la procédure de l’assistance médicale à la procréation ne sont pas seulement des « garanties » de suivi de l’embryon... Le terme même de code-barres utilisé par les chercheurs renvoie à la logique de « marchandise » qui menace toute la filière de la fécondation in-vitro. Accélérer les processus pour leur assurer une meilleure réussite serait effectivement un progrès... Mais pourquoi, au-delà des embryons destinés à la réimplantation immédiate, tester la méthode sur des embryons congelés ? Parce que congelés, ces derniers pourraient s’échanger entre cliniques, devenir matière première, certifiée directement dans l’embryon, et pas seulement sur l’emballage ».

Vers des FIV « choisies »…

On parle déjà de « sexualité choisie », (avec qui je veux), de « maternité choisie » (quand je veux) ! On trouvera naturel de parler de « FIV choisie » (l’enfant que je veux) et d'en faire un droit.
Nous sommes en effet en train de passer d’une méthode permettant aux couples stériles d’avoir une descendance, à celle d’une FIV « choisie », destinée à éviter le hasard inhérent à la reproduction. Des cliniques commencent à se spécialiser dans cet objectif.  Ainsi, le Davis Fertility Center, Inc. En Californie, fait passer une annonce publicitaire disant : « « Nous sommes une clinique spécialisée dans les traitement de l’infertilité pour les hommes et pour les femmes. Nos services comprennent la fécondation in-vitro (FIV), la gestion [sic] du don d’œufs et d’ovocytes, le diagnostic génétique pré-implantatoire, la congélation d’embryons, la fécondation in vitro avec micro-injection intra-cytoplasmique de spermatozoïde (ICSI), et le libre-choix du sexe (fille ou garçon) » [5].
On parle maintenant couramment de « designer babies» (c'est-à-dire de « bébés sur mesure »), au point que Wikipedia [6] diffuse la définition de cette expression.
Le diagnostic génétique préimplantatoire (DPI) est un test réalisé sur un embryon de 3 jours, alors qu’il dispose de six cellules.
L’expérience des biologistes catalans prend tout son sens. Quand on aura réalisé de tels diagnostics préimplantatoires (DPI) sur des cellules embryonnaires contenant un code-barres, on pourra aisément ouvrir une banque de données indiquant les traits repérés derrière cet identifiant unique... congeler l’embryon, et l’utiliser « à la demande ». 

Pour une pétition contre la recherche embryonnaire

Dans un article d’orientation  publié en 1971 dans le journal Nature, le récent prix-Nobel Robert Edwards plaide pour le retrait de toute forme publique d’encadrement de la recherche, et conclut dans un grand élan scientiste : « Les scientifiques doivent aller au devant de l’opinion, faire du lobbying pour obtenir des lois et des règles, dans l’espoir que les attitudes majoritaires de la société, telles qu’elles se retrouvent dans les décisions légales, vont mûrir à un rythme qui ne serait pas trop en décalage avec la transition entre une recherche et ses applications techniques » [7]. Il ajoutait en 1999: « Nous entrons dans un monde où nous devons prendre en compte la qualité de nos enfants » [8]

Il nous parait urgent de renverser le propos : maintenant, " l’opinion doit aller au devant des scientifiques" pour s’opposer à la réification de l’embryon et « imposer des lois et des règles » qui interdisent la recherche embryonnaire. Notre site « les2ailes.com » est heureux d’héberger la première pétition en ce sens destinée aux parlementaires.

Conclusion

Hervé Le Crosnier, sur le blog de "le Monde diplomatique", conclut : « Pourtant, tous ces chercheurs affirmeront avoir fait cela « pour la science », en toute « indépendance scientifique ». Ils auront reçu des financements et des autorisations. On peut même prévoir que les informaticiens qui écriront les algorithmes d’exploitation des banques de données à venir permettant de faire coïncider les désirs des parents, leur propre morphologie, et les caractéristiques des embryons disponibles sur le marché ne seront intéressés que par le challenge technique que cela représente ».

Avec ce genre de pratique, on s’oriente vers la considération que les embryons ne seraient que des marchandises qu’on trace avec des codes-barres, ou qui ne seraient fabriqués qu’afin de servir d’objet de laboratoire. Pourtant, la Convention d’Oviedo vient d’affirmer :  « La constitution d’embryons humains aux fins de recherche est interdite.» [9].

Le Comité Consultatif National d’Ethique  a rappelé que, « traiter l’embryon humain seulement comme un moyen d’expérimentation, c’est prendre pratiquement parti sur son être en l’intégrant à l’ordre des c hoses ». Dans son Avis n° 8 relatif aux recherches et utilisation des embryons humains in vitro à des fins médicales et scientifiques, le CCNE indiquait : « On ne doit pas procéder, même avec le consentement des géniteurs, à des fécondations en vue de la recherche. Elles conduiraient à faire des embryons humains de simples moyens ou de purs objets. » (Rapport CCNE n° 118, p. 52).

Ce pas supplémentaire vers la marchandisation des embryons, codés, estampillés, reconnus, héritant de tel ou tel trait génétique... est dans la pleine logique de ce qu’est en train de devenir la fécondation in-vitro.


[1] « A novel embryo identification system by direct tagging of mouse embryos using silicon-based barcodes », Sergi Novo, Leonardo Barrios, Josep Santaló, Rodrigo Gómez-Martínez, Marta Duch, Jaume Esteve, José Antonio Plaza, Carme Nogués and Elena Ibáñez, Human Reproduction, décembre 2010.

[2] « Researchers insert identification codes into mouse embryos », Université Autonome de Barcelone, 19 novembre 2010.

[3] En embryologie, l'espace périvitellin désigne l'espace qui entoure le « Vitellus », contenant le globule polaire, compris entre la zone pellucide et la membrane plasmatique de l'ovocyte II

[4] « Scientists attach barcodes to mouse embryos — human ones coming soon », 26 novembre 2010.

[5]  Davis Fertility Center, Inc 

[6] “Designer baby” Wikipedia, the free encyclopedia

[7] « Social Values and Research in Human Embryology », Robert G. Edwards & David J. Sharpe, Nature 231, 87-91 (14 mai 1971).

[8] « Science friction », The Guardian, 22 septembre 1999.

[9] « Convention pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine », Oviedo, 18 novembre 2010.