Le journal « le Quotidien du Médecin » a cité, le 27 septembre 2010, les propos d’une gynécologue, Sylvie Epelboin, responsable du centre AMP de l'hôpital Bichat-Claude-Bernard de Paris. Elle montre que l'engagement d'un couple dans un parcours d'Assistance Médicale à la Procréation (AMP) a des répercussions psychologiques importantes.
En cela elle rejoint des points de vue déjà observés, y compris par l’Institut National des Etudes Démographiques (INED).
Tout cela vient à l’appui des appels à la vigilance de l’Eglise … qu’au demeurant elle fonde sur d’autres raisons.

Source : Le Quotidien du Médecin 27.9.2010

Commentaire de « les2ailes.com »

Le propos de « les2ailes.com » n’est pas de porter un jugement sur les familles qui ont fait ou envisagent de faire appel à des techniques d’Assistance Médicale à la Procréation par Fécondation in Vitro (AMP par FIV). De réelles souffrances sont au cœur de tant de situations particulières.
Notre propos est de profiter de cette actualité pour faire le tour des questions et d’essayer de mieux comprendre pourquoi le magistère de l’église fait les appels à la vigilance qu’on rappellera en  fin d’article.

1°) Les conséquences psychologiques de l’ « AMP par FIV »

  • Le point de vue de Sylvie Epelboin

Dans cet article du Quotidien du médecin, le Dr Sylvie Epelboin, explique que "l'implication d'un tiers médical dans la procréation introduit une notion de limite éthique, qui pourtant n'existe pas en cas de grossesse naturelle". En effet, "de par leur nature, les consultations d'AMP introduisent un tiers médical dans le couple et s'immiscent dans leur relation".
Les interrogatoires nécessaires au bilan de fertilité nécessitent que le couple se raconte et révèle à une personne extérieure ce qui relève de son intimité : d'éventuels désaccords qui appartenaient au domaine du non-dit, des blessures antérieures, etc. Par ailleurs, parler de ce qui ne fonctionne pas, et expliquer les différentes causes possibles d'infertilité, provoquent souvent chez la femme et son compagnon un sentiment d'anormalité ou de culpabilité et des regrets portant sur des choix de vie antérieurs. "La part de responsabilité dans l'échec des tentatives de grossesse peut être lourde à porter par une femme qui a dû repousser un projet d'enfant pour des raisons professionnelles, ou qui a éventuellement subi par le passé une interruption de grossesse. Chez l'homme, la description d'anomalies spermatiques peut encore renvoyer une image négative de sa virilité et être vécue comme une forme d'impuissance."
Le parcours de l'AMP a également des conséquences directes sur la sexualité du couple, qui perd en spontanéité et impose des rapports programmés et placés sous surveillance médicale. On constate également une difficulté de l'homme à trouver sa place tout au long du processus dans un contexte gynécologique habituellement réservé à la femme.
Enfin, les différentes conditions établies par la loi régulant l'accès à l'AMP font de la procréation une décision qui n'est plus uniquement parentale mais également sociétale : "L'AMP offre au médecin un rôle d'acteur dans la procréation, qui se doit de ne pas être trop intrusif, ni trop négligent, tout en rentrant dans le cadre de la loi. Il s'agit avant tout d'une décision de couple, mais aussi, dans certains cas, d'une prise de décision sociétale".

  • Les observations de l’INED et de l’IRSEM

Un rapport intitulé « Devenir  après interruption d’un programme de Fécondation in Vitro (FIV) », donne plus de détails sur le sujet. Le premier constat qui est fait est que « parmi 100 couples ayant des relations sexuelles non protégés afin d’avoir un enfant, 15 à 20 n’ont pas encore conçu au bout d’une année » [1]. C’est absolument considérable ! La question n’est donc pas anecdotique !
La réponse pour beaucoup est l’Assistance Médicale à la procréation par FIV.
L’AMP manipule, en quelque sorte, l’acte conjugal en n’exprimant plus que sa dimension purement biologique, excluant le langage des corps et l’union affective et spirituelle des époux. La procréation est amputée, non pas des mécanismes reproductifs, lesquels sont récupérés par la technique, mais de la communion interpersonnelle conjugale et de son expression corporelle. On substitue la technique au geste des corps, ce qui aboutit à une dégradation de la signification plénière de la procréation humaine. Ce que l’on savait pour ainsi dire anthropologiquement est aujourd’hui corroboré sur le plan psychologique. Une étude [2] ,extrêmement pertinente, menée par Élise de la Rochebrochard (directrice à l’INED.) met en avant le vécu existentiel des couples soumis à la médicalisation à outrance de la procréation et confirme indirectement l’analyse éthique du magistère.
D’après cet auteur, l’équipe biomédicale semble, en effet, régir et exercer une emprise de plus en plus forte sur l’homme et la femme en s’immisçant dans leur intimité conjugale. Un des chapitres de l’ouvrage explore l’un des tabous de la médecine reproductive, autour du recueil de sperme en laboratoire. Après enquête, il apparaît que « la masturbation est devenue la pratique emblématique du dispositif médical de l’AMP [3] ». …« Les propos des hommes qui ont participé à nos entretiens rendent compte d’un sentiment d’intimité dépouillée et exposée [...]. L’instrumentalisation de l’usager permet à la biomédecine de désacraliser l’activité sexuelle et la masturbation, dans le but de l’accomplissement d’une procréation par voie non sexuelle ».
L’étude investigue d’ailleurs avec précision l’envers du décor, les magazines pornographiques dans la cabine du laboratoire prévue à cet effet, le devoir de se masturber sur commande « sous le regard de l’institution médicale » pendant que l’infirmière et les autres hommes attendent dans la salle d’attente… Les sociologues parlent d’une activité sexuelle transgressive, non conjugale et non reproductive. Les témoignages des femmes rejoignent l’expérience des hommes : « Je ne supporte plus l’idée de faire un bébé avec du sperme. Car depuis longtemps je n’ai plus le sentiment de faire un bébé avec mon mari. L’homme dans la FIV est réduit à l’état de sperme. Il donne ses spermatozoïdes. Un point, c’est tout [...]. À tel point que j’ai l’impression étrange et désagréable de fabriquer un bébé avec le médecin plutôt qu’avec mon compagnon. La femme, le sperme du mari et le gynécologue : voilà la nouvelle Sainte Trinité [4] ».
Les femmes vivent très mal cette mainmise sur leur féminité évoquant une dépersonnalisation de leur corps manipulé comme un objet par les médecins et qui n’est plus considéré que sous l’angle d’une machine à produire des ovocytes. Les auteurs vont jusqu’à émettre cette explication pour rendre compte de la souffrance des couples pris dans l’engrenage de l’AMP : « La déshumanisation [...] pourrait correspondre à la disparition de l’acte amoureux ».
L’INED montre à ce propos la césure formidable qui existe entre l’illusion de toute-puissance de la médecine, largement relayée par les médias, qui habite les couples en début de parcours et l’échec qui est la règle générale de l’AMP. Le taux d’insuccès flirtant avec les 80-85%. Paradoxalement, l’abandon du processus, souvent à la demande du mari, représente un soulagement pour le couple, singulièrement pour la femme « se sentant enfin rassurée sur sa féminité ». L’éventualité de l’adoption peut être alors investie avec sérieux par les époux qui l’intègre progressivement comme un choix réfléchi.

Le rapport « Devenir  après interruption d’un programme de Fécondation in Vitro », évoque d’ailleurs les conditions d’arrêt d’un programme de FIV : « Ce travail avance l’hypothèse d’un rôle central de l’homme dans la prise de décision du couple de ne pas poursuivre un programme de FIV: l’acceptation de l’arrêt des FIV par la femme nécessiterait une parole ferme et claire de l’homme en faveur d’un arrêt définitif du programme de FIV. Dans cette étude, Marie Santiago-Delefosse oppose le « temps de la FIV » où la parole de l’homme intervient peu et le « temps de l’arrêt » où cette parole masculine devient décisive. Basée essentiellement sur la mise en avant des risques « inacceptables » pris par la femme lors de ces FIV, la parole de l’homme permettrait d’une part qu’il prenne à son compte la culpabilité liée à la décision de l’arrêt (en déchargeant ainsi sa femme) et d’autre part que la femme soit reconnue et acceptée en tant que « femme sans enfant ».» [5].


2°) les problèmes éthiques résultant des choix techniques retenus

Rappelons par un simple graphique les techniques utilisées dans l’Assistance Médicale à la Procréation par Fécondation in Vitro (AMP par FIV) :

Pourquoi ces techniques appellent-elles tant de réserves ?

 

  • Le prélèvement d’ovocytes : des risques de séquelles ?

La technique a le souci du « rendement thérapeutique » qui, dans le cas de la FIV serait étroitement lié au nombre d’ovocytes récoltés. Par conséquent, une stimulation ovarienne est indispensable. Dans la grande majorité des cas, un protocole "long" est choisi. Celui-ci comprend un blocage hypophysaire par un analogue de la GnRH, puis stimulation par des gonadotrophines FSH (Gonal-F, Puregon, Fostimon) ou hMG (Merional ou Menopur). Or, un ovocyte n'est fécondable par le spermatozoïde que s'il a préalablement repris sa division méiotique et expulsé le premier globule polaire. On considère alors qu'il est mûr. Dans un cycle naturel, la maturation de l'ovocyte et l'ovulation sont induites par le pic de LH, l'hormone lutéinisante. En cycle stimulé, l'administration de hCG (hormone de la grossesse) permet de mimer l'action de la LH. On parle alors de déclenchement de l'ovulation. Différentes hormones naturelles ou de synthèse, telles que la hCG urinaire ou la hCG recombinante, peuvent être utilisées à cette fin.
Le déclenchement de l'ovulation est généralement programmé 35 heures avant l'heure prévue de la ponction folliculaire. Les prélèvements d’ovocytes peuvent être douloureux. C’est pourquoi ils sont, la plupart du temps,  réalisés sous une anesthésie générale.
Tous ces traitements ont-ils des séquelles à long terme pour le corps de la femme ? Même si on évoque parfois des facteurs de risques thrombo-emboliques, il faut regretter que peu d’information grand public soit disponible sur ce sujet. Il parait évident, toutefois, que ces traitements hormonaux sont loin d’être anodins.
Ce n’est sans doute pas pour rien que le code de la santé prévoit : (Article L1244-7) que : « La donneuse d'ovocytes doit être particulièrement informée des conditions de la stimulation ovarienne et du prélèvement ovocytaire, des risques et des contraintes liés à cette technique, lors des entretiens avec l'équipe médicale pluridisciplinaire »

  • La fécondation par ICSI : les risques sur l’enfant à naître ?

Les fécondations, se pratiquent en éprouvettes, soit :
-   Par ICSI (Intra Cytoplasmique Sperm Injection). Dans ce cas, l’opérateur manipule les gamètes à un grossissement qui peut être de l'ordre de x200 à x400,
-   Par IMSI (Intra-cytoplasmique Morphological Sperm Injection). L'opérateur manipule alors les gamètes à un grossissement qui peut être de l'ordre de x5000 à x10000, permettant une sélection des spermatozoïdes sur des critères de mobilité et de morphologie.

On parle de plus en plus de risques consécutifs à ces pratiques. Les travaux d’une équipe du CNRS dirigée par Pierre Roubertoux, expliquent en effet le rôle insoupçonné de l’ADN "mitochondrial". De quoi s'agit-il?
Chaque cellule contient deux génomes :
-   le génome nucléaire (contenu dans le noyau) compte 30 000 gènes environ,
-   et le génome mitochondrial (contenu dans la cellule mais hors du noyau) en 
compte seulement 37 dont 13 codent la production des protéines.

Dans la cellule féminine, le génome mitochondrial est réparti dans l’ensemble de l’ovule, alors que, dans la cellule masculine, il n’est localisé que dans le flagelle du spermatozoïde. Or, dans une fécondation naturelle, l’ovule choisit son spermatozoïde et l’élimine spontanément s’il y a incompatibilité. Le flagelle tombe alors et reste à l’extérieur de l’ovule au moment de la fécondation. Le génome mitochondrial se transmet ainsi exclusivement de mère à enfant.

Dans la technique ICSI), consistant à injecter dans l’ovule un spermatozoïde, flagelle y compris, on met donc l’ADN du spermatozoïde en contact avec l’ADN mitochondrial de l’ovule.
Or, une étude de New England journal of Medicine de mars 2002 annonce un doublement des malformations congénitales (2,4% pour la FIV contre 1,2% pour les grossesses spontanées)  et fait de la FIV associée à l’ICSI une technique à risques, même si on ne peut évaluer la part de responsabilité de l’ICSI dans ces résultats liés à la FIV.
Le très célèbre Axel Kahn, généticien et président de l'université Paris-5, a évoqué ce problème devant le Sénat, lors d’une audition. Il observait « que les enfants nés au moyen de l’ICSI semblaient rencontrer davantage de problèmes de santé que les autres, contrairement à ceux nés au moyen d'une FIV classique » [6]. La prudence s’impose donc.  Il ne  pourrait ne pas être exclu que cela résulte de mécanismes d’interaction entre l’ADN mitochondrial et l’ADN nucléaire. Comment expliquer alors que la France soit un des pays qui pratique exclusivement l'ICSI? [6bis]

  • Le Diagnostic Pré-Implantatoire (DPI) : un eugénisme caché ?

En France, contrairement à l’Allemagne, le Diagnostic Pré-Implantatoire est autorisé. Curieusement, le Comité Consultatif National d'Ethique (CCNE) a reconnu dans son avis n° 107 de 2009, le caractère « transgressif » de cette sélection. Mais il estime nécessaire un DPI pour éviter "les souffrances attendues d'une vie humaine". Le DPI est donc autorisé pour permettre la sélection d'embryons exempts de maladies génétiques d'une « particulière gravité », reconnues comme incurables au moment du diagnostic. A la question de savoir si cette pratique peut être considérée comme eugénique ainsi que l'avançait le Conseil d'Etat dans son rapport de mai 2009, le philosophe Pierre Le Coz, membre du CCNE, a répondu : "Il ne s'agit pas d'eugénisme au sens juridique du terme, car il n'existe pas d'incitation coercitive de l'Etat obligeant les couples à avorter ou à faire un DPI". Tout au plus pourrait-on parler de "pression du corps social".
Autrement dit, il ne s'agirait pas d'un eugénisme d'état, mais d'un eugénisme sociétal. Malgré tout, le CCNE préconisa pas de limiter le DPI mais, au contraire,  de l'étendre en ajoutant pour tout DPI le dépistage de la trisomie 21. Ceci était, jusqu'à présent interdit, puisque la loi précisait que le DPI ne pouvait porter que sur la recherche d'une maladie à la fois. Par ailleurs, aucune liste de maladie n'existait jusqu'à maintenant afin de ne pas stigmatiser les patients. En nommant ainsi la trisomie, le CCNE a donc stigmatisé les personnes trisomiques. "On a les chromosomes sous les yeux, cela ne coûte rien de regarder si l'embryon qu'on veut implanter n'est pas atteint de trisomie 21. Et cela peut éviter de recourir, ensuite, à un éventuel avortement", explique, un peu cyniquement, le Pr Israël Nisand, chef du service de gynécologie obstétrique au CHU de Strasbourg.
Le CCNE estime qu'éviter "l'épreuve douloureuse de l'interruption médicale de grossesse, un acte toujours traumatisant" à un couple garantit que l'acte est éthique. Ce n’était pas l'avis de certains membres du Comité qui "craignent qu'une telle mesure ne modifie le fond de la pratique du DPI en abolissant une limite".
Le philosophe Xavier Lacroix, membre du groupe de travail ayant rendu cet avis, affirmait dans La Croix que, s' "il ne s'agit pas d'un eugénisme collectif et coercitif comme l'histoire en a connu dans certains régimes totalitaires", il y a bien "un eugénisme libéral et individuel qui peut aboutir au même résultat qu'une politique collective". La préconisation du CCNE est fondée sur "un argument pragmatique et utilitaire évident. [...] Mais dans la réflexion éthique, la balance utilitaire ne doit pas toujours avoir le dernier mot". "Le DPI est déjà transgressif sur le plan éthique, puisqu'il conduit à éliminer les embryons non conformes. Mais il est limité aux pathologies graves ce qui est déjà un compromis. Si on l'élargit à la recherche de la trisomie, pathologie qui fait déjà l'objet d'une véritable traque, on sort de ce cadre. Et qu'est-ce qui empêchera, après la trisomie, d'étendre encore le DPI, à la recherche de multiples autres affections ?"
Pour Marie-Thérèse Hermange, sénatrice UMP de Paris : "Le risque est grand, à partir de là, de voir se développer pour tous une procréation systématiquement programmée, avec passage par le DPI. Et d'évoluer vers une société de moins en moins accueillante pour les personnes handicapées".
Où s’arrêtera-t-on ? Le CCNE proposait d'élargir le DPI aux prédispositions au cancer et de maintenir l'utilisation du DPI dans le cas d'un bébé-médicament contrairement aux préconisations du Conseil d'Etat dans son rapport.

  • La destruction des surnuméraires : un avortement in vitro !

La conséquence logique du DPI est d’éliminer, avant l’implantation dans l’utérus, les embryons ne répondant pas aux critères de sélection retenus. Cette sélection se fait, la plupart du temps à l’insu des parents.

  • L’utilisation des embryons en recherche médicale : une transgression inutile !

L’objet de cet article n’est pas d’entrer en détail sur les potentiels comparés de la recherche sur les cellules souches adultes et sur les cellules souches embryonnaires. Il n’est sans doute pas anodin de faire remarquer que le projet de loi bioéthique 2010 envisage de supprimer le critère prévu à l’origine. Dans la loi de 2004, il était prévu que le DG de l’agence de biomédecine pouvait  autoriser un protocole de recherche sur embryon à la condition qu’il soit « susceptible de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et ne peut être poursuivie par une méthode alternative d'efficacité comparable en l'état des connaissances scientifiques » (art 37 loi 6.8.2004). Il est très curieux de voir que le projet de loi 2010 envisage la disparition de ce critère. Il faut croire que cet article était très génant pour les partisans de la recherche embryonnaire et qu’il leur était de plus en plus difficile de prouver que leur approche avait ne serait-ce qu’une « efficacité comparable ». Les essais cliniques prouvent en effet de plus en plus le contraire : la voie des cellules souches adultes est désormais la plus efficace et prometteuse. Pourquoi donc cette acharnement à maintenir une transgression ? Certains n’hésitent pas à dire, que derrière l’alibi de la thérapie embryonnaire, c’est l’industrie du clonage humain qui se prépare !

  • La réduction embryonnaire : un avortement in vivo

L'embryon fécondé préalablement in vitro, peut, après son implantation dans l’utérus maternel, avoir des difficultés à se fixer sur la matrice placentaire. C’est pourquoi, le plus souvent, on pratique une implantation multiple.
Dans le cas où la nidation est opérée sans problème, on prend en compte le risque de grossesses multiples, de complications potentielles liées à la prématurité, voire à l’agression psychologique sur le couple qu’elles pourraient constituer. La technique dénommée pudiquement  « réduction embryonnaire » s’est donc lentement installée dans les pratiques médicales acceptées et reconnues. Il s’agit en fait d’un avortement sélectif. Mais, la réduction embryonnaire, comme toute technique médicale, est cependant susceptible d’échouer, aboutissant à la perte complète de la grossesse avec les conséquences psychologiques dramatiques que cela peut comporter.

  • Quelques chiffres datant de 2006

Ils sont extraits d’une intervention de Tugdual Derville au collège des Bernardins le 7.2.2009.

En France, à partir de plus de 250.000 ovocytes recueillis,
239.000 ovocytes sont inséminés in vitro,
dont :  - 99.000 embryons éliminés d’emblée sur tri visuel
- 53.000 embryons congelés, dont :
11.000 embryons « morts » lors d’une tentative de décongélation
17.000 embryons considérés comme « surnuméraires »
25.000 embryons transférés in utéro après décongélation
- 87.000 embryons transférés in utéro aussitôt après la FIV

Ce sont donc 112.000 embryons (25.000 + 87.000) transferts in utéro qui sont pratiqués, qui donneront:
98.000 avortements plus ou moins spontanés
14.000 naissances par FIV

A ce dernier chiffre, on peut ajouter 6.000 naissances par  "insémination artificielle", soit donc un total de 20.000 naissances par "Assistance Médicale à la Procréation". Ce chiffre représente environ 2% des naissances françaises.

Quels autres commentaires faire à partir de ces chiffres ?
-  L’AMP conduit à 7 avortements plus ou moins spontanés pour une naissance, alors que le ratio des fausses couches naturelles n’est que de 1 à 1.5 / naissance.
-  79,7% des 112.000 embryons transférés le sont par, deux, quelquefois trois, rarement quatre.
-  Le « taux de réussite » est donc de 5.8% (14.000 naissances pour 239.000 embryons conçus in vitro)
-  21,4 % des naissances sont gémellaires

  • Les autres conséquences

L’AMP pose la vraie question du « droit à l’enfant » qui pourrait se répandre dans la société.  Que doit répondre la société à toutes sortes de questions dont on voit bien, avec les schémas suivants qu’ils utilisent un tronc commun technique quelque soit la « revendication » exprimée ?

Pour répondre à ces questions sociétales, citons simplement, à propos des FIV par donneur de spermes à des mères célibataires, un certain nombre d’avis :

  • Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste, explique que ces enfants se poseront la question "D'où je viens?" "Ces interrogations sont parfois très violentes et les enfants deviennent alors des adultes qui vont mal… Faire un enfant par insémination artificielle en tant que célibataire est une décision risquée. En grandissant, l'enfant sera peut être indigné par la façon dont il a été conçu par sa mère et se montrer rejetant."
  • Stéphane Clerget, pédopsychiatre: "ces femmes veulent avoir la maîtrise totale de l'existence, cela s'apparente à du narcissisme : un amour de soi tel qu'on ne donne pas de place au père… on crée artificiellement des enfants nés sous X : c'est terrible ". Autant l'adoption répare un désordre, autant un don de sperme à une mère célibataire, crée ce désordre.
  • Arthur Kermalvezen, auteur de "Né de spermatozoïde inconnu" : "Je savais que j'étais le résultat d'une programmation savamment orchestrée, d'une expérience scientifique qui s'est peu souciée des conséquences sur nous, les enfants. Nous avons été des cobayes...".

3°) La position du Magistère : une question de foi ou de raison ?

  • Les fondements philosophiques

Nous nous proposons d’évoquer, dans ce qui suit, ce qu’on pourrait appeler le « principe d’égalité dans l’altérité ». De quoi s’agit-il?

Dans la relation entre deux personnes, une relation de pouvoir risque souvent de s’instaurer. Face à ce risque les psychologues savent qu’il faut une troisième personne pour rompre cette relation de domination, voire de possession. C’est cette 3ème personne qui donne accès à la liberté de chacun.

Par exemple,
-  L’enfant peut libérer la femme d’une relation de domination de son mari.
-  ou bien le père devra « couper le cordon ombilical » d’une mère possessive.
-  ou encore, la femme va libérer l’enfant d’un père excessivement autoritaire.

Ce principe se justifie aussi dans la vie sociale. Ainsi, dans les associations humanitaires, ce sont souvent des binômes de bénévoles qui suivent un bénéficiaire, pour éviter toute relation de dépendance du bénéficiaire vis-à-vis d’un bénévole attitré.
C’est ce qui explique que, seule, une relation trinitaire rend possible l’amour. Il ne s’agit pas de conclure hâtivement que l’amour est impossible chez un ménage infécond. Beaucoup de formes de fécondités sociales existent (bénévolat, adoption, témoignages, etc…), même si le désir de fécondité parentale est le plus légitime qui puisse exister.
Ce concept philosophique de relation d’égalité est important en bioéthique, car certaines formes d’acharnements procréatifs peuvent conduire à une  forme de domination de la technique sur l'origine et la destinée de l’enfant. C’est d’ailleurs ce qu’écrit  explicitement le magistère de l’Eglise : « Une telle relation de domination peut devenir contraire à la dignité et à l'égalité qui doivent être communes aux parents et aux enfants… ».

La question de l’égalité dans l’altérité est importante. Notre propos n’est pas de prétendre que tel ou tel candidat à l’Assistance Médicale à la Procréation revendique un droit possessif à l’enfant. Consciemment, il exprime un véritable et légitime désir d’enfant. Mais qu'en est-il sur un plan sociétal ? Il n’est pas inutile de réfléchir à cette question. Dans une vingtaine d’année, lorsque le recul permettra une analyse sociologique sur les générations d’enfants nés par AMP, que dira-t-on si on fait le constat que le taux des naissances par AMP qui est actuellement de 2% est passé à 20% ? On pourrait alors faire le constat que l’Eglise aura été prophétique dans ses appels à la prudence.

  • Les conclusions du Magistère de l’Eglise :

Elles sont, pour la plupart, bien résumés dans Donum Vitae - Instruction sur le respect de la vie humaine naissante et la dignité de la procréation (22 février 1987), et de  l’Instruction Dignitas Personae sur certaines questions de bioéthique.

Le risque du glissement vers le « droit à l’enfant »

« Le désir d'un enfant - ou du moins la disponibilité à transmettre la vie - est une requête moralement nécessaire à une procréation humaine responsable. Mais cette intention bonne ne suffit pas pour donner une appréciation morale positive sur la fécondation in vitro entre époux. Le procédé de la Fivete doit être jugé en lui-même, et ne peut emprunter sa qualification morale définitive ni à l'ensemble de la vie conjugale dans laquelle il s'inscrit, ni aux actes conjugaux qui peuvent le précéder ou le suivre ». (Donum Vitae B-§5)
« De la part des époux, le désir d'un enfant est naturel il exprime la vocation à la paternité et à la maternité inscrite dans l’amour conjugal. Ce désir peut être plus vif encore si le couple est frappé d'une stérilité qui semble incurable. Cependant, le mariage ne confère pas aux époux un droit à avoir un enfant, mais seulement le droit de poser les actes naturels ordonnés de soi à la procréation » (Donum Vitae B-§8)

Le risque d’oubli des « droits de l’enfant »

« Un droit véritable et strict à l'enfant serait contraire à sa dignité et à sa nature. L'enfant n'est pas un dû et il ne peut être considéré comme objet de propriété: il est plutôt un don « le plus grand », et le plus gratuit du mariage, témoignage vivant de la donation réciproque de ses parents. A ce titre, l'enfant a le droit - comme on l'a rappelé - d'être le fruit de l'acte spécifique de l'amour conjugal de ses parents, et aussi le droit d'être respecté comme personne dès le moment de sa conception ». (Donum Vitae B-§8)

Le risque de dissociation de l’acte conjugal et de la procréation

La Fivete est opérée en dehors du corps des conjoints, par des gestes de tierces personnes dont la compétence et l'activité technique déterminent le succès de l’intervention : elle remet la vie et l'identité de l'embryon au pouvoir des médecins et des biologistes, et instaure une domination de la technique sur l'origine et la destinée de la personne humaine. Une telle relation de domination est de soi contraire à la dignité et à l'égalité qui doivent être communes aux parents et aux enfants…
… La conception in vitro est le résultat de l'action technique qui préside à la fécondation ; elle n'est ni effectivement obtenue, ni positivement voulue, comme l'expression et le fruit d'un acte spécifique de l'union conjugale. Dans la Fivete homologue, même considérée dans le contexte de rapports conjugaux effectifs, la génération de la personne humaine est objectivement privée de sa perfection propre: celle d'être le terme et le fruit d'un acte conjugal, dans lequel les époux peuvent devenir " coopérateurs de Dieu pour le don de la vie à une autre nouvelle personne " (Donum Vitae B§5)

La réduction embryonnaire

« Nous ne pouvons cependant pas ne pas rappeler la responsabilité de ces médecins qui, tout en pratiquant  "l'hyperstimulation " sans habileté ni précaution adéquates, ou bien en appliquant les techniques de fécondation artificielle, provoquent des situations telles qu'ils mettent en danger la vie de la mère et des enfants conçus.
…Au-delà de toute confusion et ambiguïté, on doit en outre affirmer que la réduction embryonnaire constitue un avortement sélectif » (Déclaration du Conseil pontifical pour la Famille sur la soi-disant réduction embryonnaire - 12 juillet 2000)

La question de la fécondation « hétérologue »

« La fécondation artificielle hétérologue est contraire à l'unité du mariage, à la dignité des époux, à la vocation propre des parents et au droit de l'enfant à être conçu et mis au monde dans le mariage et par le mariage.
Elle lèse les droits de l'enfant, le prive de la relation filiale à ses origines parentales, et peut faire obstacle à la maturation de son identité personnelle.
Ces raisons conduisent à un jugement moral négatif sur la fécondation artificielle hétérologue : sont donc moralement illicites la fécondation d'une femme mariée par le sperme d'un donneur autre que son mari, et la fécondation par le sperme du mari d'un ovule qui ne provient pas de son épouse. En outre, la fécondation artificielle d'une femme non mariée, célibataire ou veuve, quel que soit le donneur, ne peut être moralement justifiée. » (Donum Vitae A§2)

On voit donc que la norme éthique dégagée par le magistère n’est pas là pour s’imposer de manière extérieure à la vie des époux et à l’acte conjugal proprement dit : elle est plutôt la condition intérieure de son authenticité même et vise à sauvegarder la richesse et la spécificité de la sexualité et de la procréation humaines. Passer outre, c’est susciter des dégâts psychologiques qui sont aujourd’hui étudiés avec précision. Ce qui prouve a posteriori que le critère d’une procréation responsable n’est pas d’abord de nature confessionnelle mais s’appuie sur la recta ratio. C’est pourquoi Dignitas personae rappelle, à la suite de Benoît XVI, que la transmission de la vie est « inscrite dans la nature, et ses lois demeurent comme une norme non écrite à laquelle tous doivent se référer » (n. 6).

En tout état de cause, l’Eglise n’appelle pas à juger son prochain. Elle s’adresse à ceux qui sont dans la souffrance. Ainsi, Benoît XVI adressait en 2008 l’exhortation suivante aux femmes qui portent certaines blessures de la vie dans leur âme : « ne vous laissez pas aller au découragement et ne renoncez pas à l'espérance. Sachez plutôt comprendre ce qui s'est passé et interprétez-le en vérité. …On ne peut s'approcher des victimes et leur permettre de se relever et de reprendre le chemin de la vie, qu'avec l'attitude de l'amour miséricordieux » [7].


[1] Sources : (Spira 1986; de Mouzon 1988; Leridon 1991).

[2] Sources : De la pilule au bébé-éprouvette, choix individuels ou stratégies médicales ?, Institut national d’études démographiques, Paris, 2008.

[3] Ibid, page 238

[4] Ibid, page 38

[5] Sources : (Santiago-Delefosse 1993; 1998; 1999).

[6] (Sénat- Session ordinaire de 2007-2008 - Annexe au procès-verbal de la séance du 25 juin 2008)

[6bis] Nous ajoutons le 4 juillet 2013, deux ans après la rédaction de cet article, une information complémentaire confirmant les craintes selon lesquelles un certain type de FIV augmente le risque de retard mental: "Selon une étude publiée dans le Journal of American Medical Association, une méthode de fécondation in vitro (FIV), appelée ICSI (Intra Cytoplasmic Sperm Injection), augmente le risque, pour l'enfant qui en est issu, de développer un retard mental. L'étude  a porté sur un échantillon de 2,5 millions d'enfants nés en Suède entre 1982 et 2007. Au sein de cet échantillon, 30 959 enfants nés après fécondation in vitro ont plus particulièrement été étudiés par les chercheurs basés au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Ils ont comparé six méthodes de FIV différentes, utilisées en Suèdes, ainsi que l'utilisation ou non d'embryons congelés.
Il ressort des travaux que les enfants nés par ICSI "avaient [...] 51% de chances supplémentaires de développer un retard mental, par rapport à ceux nés d'une FIV pratiquée avec une autre procédure - la prévalence du retard mental passant de 62 à 93 cas pour 100 000". 
L'ICSI est une méthode utilisée dans environ la moitié des FIV, en particulier dans les cas d'infertilité masculine. Elle consiste à introduire directement le spermatozoïde sélectionné dans l'ovocyte". (Source: AFP 02/07/2013]

[7] Sources : (Discours de Benoît XVI au Congrès International de l’Institut Pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille. Samedi 5 avril 2008)