Mgr Silvano M. Tomasi, nonce apostolique, et observateur permanent du Saint-Siège aux Nations Unies et auprès des autres organisations internationales à Genève, est intervenu devant la 8ème session de la conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) le 16 décembre 2011. D'un côté, il a rappelé que "la famille humaine n’a pas été créée pour servir le marché, c’est le marché qui a été créé pour servir la famille humaine". Mais d'un autre côté, il a laissé entendre que "la mise en oeuvre de l’agenda du « Doha-Round » [...] représentera une [...] chance pour les pays en voie de développement les plus pauvres de réaliser les avantages [...] promis il y a longtemps." Mgr Tomasi a ajouté que "le défi principal auquel doit faire face l'OMC pour soutenir cette tendance est de décourager des pays à céder à la tentation d’un protectionnisme qui promet de livrer quelques avantages illusoires de courte durée en empêchant des bénéfices plus remarquables sur le long terme."
La question est de savoir si une part de protectionnisme ne serait pas utile aux pays les moins avancés. Il convient d'être prudent et de commenter plus avant la déclaration de Mgr Tomasi ...

Source : OMC- Déclarations des Membres en séance plénière du 16 décembre 2011

Commentaire "ordinatissima.com"

« Le marché doit servir la famille humaine » ! C’est ce qu’a titré Radio Vatican qui propose cette synthèse de l’intervention[1] de Mgr Silvano M. Tomasi, qui ajoute : "si ce principe est respecté, même si les temps sont durs, l’espoir remplacera la peur."

En ce qui concerne la "tentation" protectionniste dénoncée par Mgr Tomasi, il ne faut pas se méprendre. Le protectionnisme est condamnable pour les pays riches. Il limite les débouchés du Sud vers le Nord. En cela le protectionnisme peut relever d'un grand égoïsme. Mgr Tomasi a d’ailleurs souligné les effets des décisions de l’OMC sur les "plus faibles qui sont les plus pénalisés", et en tout premier lieu les "jeunes adultes et les pauvres qui sont confrontés à une forte aggravation de l’inégalité dans tous les pays". Mgr Tomasi a d’ailleurs insisté sur l’amélioration des "règles d’origines" [2] pour qu’elles bénéficient d’avantage aux pays les moins avancés.

Ce qui peut faire l'objet d'un débat, c'est le propos de Mgr Tomasi, selon lequel la négociation du "Doha Round" en cours "représentera une [...] chance pour les pays en voie de développement les plus pauvres".

Le prix Nobel d'économie, Joseph E. Stiglitz, a fait une analyse montrant clairement que ce n'est pas le cas : "la libéralisation des échanges peut avoir des effets positifs sur des pays à taux de chômage faible, mais des effets négatifs sur des pays à taux de chômage élevé", comme c'est souvent le cas dans les PMA [3].

Joseph E. Stiglitz rappelle qu'en 1993, l’Uruguay Round prévoyait qu’une « large part des gains devait aller aux pays en développement » [4]. En fait, ajoute-t-il, beaucoup des pays les plus pauvres on vu « leur situation s’aggraver à cause de l’Uruguay Round. Selon certaines estimations, il fait perdre aux 48 pays les moins avancés du monde 600 millions de dollars par an. [...] L’une des raisons de cette évolution, c’est que les accords réels et la suite des évènements n’ont pas reflété les scénarios des modèles. » [5]

Joseph Stiglitz consacre un chapitre à la « nécessité d’un traitement spécial des pays en développement, car l’ajustement à de nouvelles règles commerciales a des coûts particulièrement élevés pour ces pays, dont les institutions sont les plus faibles et les populations les plus vulnérables » [6].