Q. On assiste depuis plusieurs années à une montée des revendications en faveur de lois autorisant l’euthanasie, comprise comme « une action ou une omission qui, de soi et dans l'intention, donne la mort afin de supprimer ainsi toute douleur [1] ». Il s’agit pour ses promoteurs d’épargner au malade des souffrances considérées comme inutiles. Qu’elle est la position de l’Eglise sur la question ?

R. L’Eglise ne sous-estime pas la souffrance de certaines personnes en fin de vie ainsi que celles de leurs proches. Elle les accompagne de toute sa sollicitude. Malgré tout elle rappelle que  « l'euthanasie est une grave violation de la Loi de Dieu, en tant que meurtre délibéré moralement inacceptable d'une personne humaine. Cette doctrine est fondée sur la loi naturelle et sur la Parole de Dieu écrite [2] ». Cette position est inséparable du refus de l’acharnement thérapeutique et de la nécessité d’accompagner les malades jusqu’au terme de leur existence.

Dossier: Ordinatissima

En synthèse

1. L’euthanasie, meurtre délibéré d’une personne innocente

L’euthanasie, comprise comme « une action ou une omission qui, de soi et dans l'intention, donne la mort afin de supprimer ainsi toute douleur [3] » est clairement exclue par l’Eglise.

2. La « liberté de choix » du patient ne justifie pas l’euthanasie.

Selon certains promoteurs de l’euthanasie, celle-ci pourrait se justifier par le « le principe de l'autonomie du sujet qui aurait le droit de disposer de sa vie d'une manière absolue [4] ».  Pour refuser un tel droit, l’Eglise se fonde sur la valeur inaliénable et sacrée de toute vie humaine.

3. La souffrance ne justifie pas le meurtre délibéré d’un innocent.

Selon certains promoteurs de l’euthanasie, la justification d’un tel acte reposerait sur « le caractère insupportable et inutile de la souffrance qui peut parfois accompagner la mort [5] ». Pour l’Eglise, le caractère souvent atroce de la douleur appelle à des actes de compassion et de soulagement du malade, mais jamais à sa suppression.

4. Le droit de refuser certaines thérapies.

Pour l’Eglise, « chacun a le devoir de se soigner ou de se faire soigner [6] ». Mais on ne contrevient pas à ce devoir en refusant des moyens thérapeutiques extraordinaires.

5. Le refus de certaines formes d’acharnement thérapeutique

« Prolonger la vie purement apparente et totalement artificielle, après que les fonctions cérébrales se sont complètement  et d’une manière irréversible arrêtées (…) serait une offense au mourant et à sa mort, en plus d’être une tromperie dommageable pour sa famille [7] ».


1. L’euthanasie, meurtre délibéré d’une personne innocente

L’euthanasie, comprise comme « une action ou une omission qui, de soi et dans l'intention, donne la mort afin de supprimer ainsi toute douleur [8] » est clairement exclue par l’Eglise. En effet, « tuer directement et volontairement un être humain innocent est toujours gravement immoral [9] ».

Il est parfois fait une distinction entre une euthanasie active, la mort résultant alors d’un acte positif (le plus souvent une injection létale) en vue de provoquer la mort, et une euthanasie passive, résultat d’une omission également destinée à provoquer la mort. L’Eglise ne retient pas cette distinction. En effet, ce qui fait le mal inhérent à l’euthanasie, c’est d’abord l’intention de provoquer la mort. Que cette intention se manifeste ensuite par un acte positif ou par une omission n’a qu’une importance secondaire. En effet, « la décision délibérée de priver un être humain innocent de sa vie est toujours mauvaise du point de vue moral et ne peut jamais être licite, ni comme fin, ni comme moyen en vue d’une fin bonne [10] ».

Ceci n’empêche pas que certaines formes d’euthanasie soit plus ou moins graves que d’autres. Jean-Paul II, dans son Encyclique Evangelium Vitae (au n°66), distingue plusieurs degrés de gravité :

  • La forme d’euthanasie la moins grave est celle qui résulte d’une « perversion de la pitié ». Dans ce cas, on supprime la vie du malade dans le but de lui épargner davantage de souffrance. Cependant, pour l’Eglise, « la vraie compassion rend solidaire de la douleur d’autrui, mais elle ne supprime pas celui dont on ne peut porter la souffrance ».
  • « Le choix de l’euthanasie devient encore plus grave lorsqu’il se définit comme un homicide que des tiers pratiquent sur une personne qui ne l’a aucunement demandé et qui n’y a jamais donné son consentement ».
  • Enfin, « on atteint le sommet de l’arbitraire et de l’injustice lorsque certaines personnes, médecins ou législateurs, s’arrogent le pouvoir de décider qui doit vivre et qui doit mourir ».

2. La « liberté de choix » du patient ne justifie pas l’euthanasie

Selon certains promoteurs de l’euthanasie, celle-ci pourrait se justifier par le « le principe de l'autonomie du sujet qui aurait le droit de disposer de sa vie d'une manière absolue [11] ».  Pour refuser un tel droit, l’Eglise se fonde sur la valeur inaliénable et sacrée de toute vie humaine.
En vertu de ce principe, de même qu’il y aurait un « droit au suicide », il existerait également un « droit au suicide assisté ». L’Eglise ne reconnaît aucun de ces prétendus droits. Cela a été rappelé à plusieurs reprises dans son enseignement :

« Le suicide est aussi inacceptable que l’homicide : car il constitue de la part de l’homme un refus de la souveraineté de Dieu et de son dessein d’amour ; souvent aussi le suicide est refus d’amour envers soi-même, négation de l’aspiration naturelle vers la vie, abdication des obligations de justice et de charité envers les proches, de diverses communautés et du corps social tout entier bien que parfois – on le sait – interviennent des conditions psychologiques qui peuvent atténuer ou même supprimer la responsabilité [12] ».

Par ailleurs, « Partager l’intention suicidaire d’une autre personne et l’aider à la réaliser, par ce qu’on appelle le « suicide assisté », signifie que l’on se fait collaborateur, et parfois soi-même acteur, d’une injustice qui ne peut jamais être justifiée, même si cela répond à une demande [13] ».

Une telle doctrine se fonde sur la valeur inaliénable et sacrée de toute vie humaine. Absolument aucune circonstance ne peut lui faire perdre cette valeur. En effet, « la vie humaine est le fondement de tous les biens, la source et la condition nécessaire de toute activité humaine et de toute communion sociale [14] ». L’éthique étant par définition au service de la vie humaine, toute prétendue éthique qui prétendrait servir l’homme en détruisant sa vie relèverait en réalité d’une confusion grave.

3. La souffrance ne justifie pas le meurtre délibéré d’un innocent

Selon certains promoteurs de l’euthanasie, la justification d’un tel acte reposerait sur « le caractère insupportable et inutile de la souffrance qui peut parfois accompagner la mort [15]». Pour l’Eglise, le caractère souvent atroce de la douleur appelle à des actes de compassion et de soulagement du malade, mais jamais à sa suppression.
L’Eglise a conscience que « la mort, souvent précédée ou accompagnée de souffrances atroces et d’une longueur épuisante, demeure naturellement angoissante pour le cœur de l’homme [16] ».

Cependant, « selon la doctrine chrétienne, la douleur – surtout celle des derniers moments de la vie – a une place particulière dans le plan salvifique de Dieu ; elle est en effet participation à la passion du Christ et union au sacrifice rédempteur qu’il a offert dans l’obéissance au Père. Aussi ne faut il pas s’étonner que certains fidèles désirent modérer l’usage des analgésiques, de façon à assumer au moins une partie de leurs souffrances et à unir ainsi dans une conscience pleinement éveillée à celles de Jésus sur la Croix. Toutefois, il ne serait pas conforme à la prudence de vouloir faire d’une attitude héroïque une règle générale. Pour beaucoup de malades, la prudence humaine et chrétienne conseillera souvent l’emploi de moyens médicaux aptes à atténuer ou supprimer la souffrance, même si les effets secondaires en sont la torpeur ou une moindre lucidité [17] ». Il est possible d’approfondir la question du soulagement de la douleur dans l’article relatif aux soins palliatifs.

Par ailleurs, les souffrances morales jouent un rôle important dans les demandes d’euthanasie. « Le malade qui se sent entouré d’une présence affectueuse, humaine et chrétienne, ne tombe pas dans la dépression et dans l’angoisse comme celui qui, au contraire, se sentant abandonné à son destin de souffrance et de mort, demande à en finir avec la vie. C’est pourquoi l’euthanasie est une défaite pour qui la théorise, la décide et la pratique [18] ». C’est pourquoi l’Eglise encourage l’éclosion de lieux où les personnes en fin de vies peuvent être aimée et accompagnées.

Par ailleurs, le malade en fin de vie passe par plusieurs états psychologiques dont les premiers sont les plus dépressifs et les derniers les plus pacifiés. Euthanasier la personne peut donc l’empêcher d’accéder aux phases plus positives qui précèdent la mort.

4. Le droit de refuser certaines thérapies

Pour l’Eglise, « chacun a le devoir de se soigner ou de se faire soigner [19] ». Mais on ne contrevient pas à ce devoir en refusant des moyens thérapeutiques extraordinaires.
Est on tenu d’employer tous les moyens thérapeutiques existants en vue de la guérison ?

A cette question, l’Eglise répond traditionnellement que l’on n’est jamais obligé d’employer les moyens « extraordinaires [20] ».

Il est vrai que la diversité et la complexité des techniques médicales, ainsi que l’incertitude toujours présente rendent difficile la tâche de distinguer les techniques ordinaires de celles qui sont extraordinaires.

C’est pourquoi il est précisé qu’on appréciera les moyens « en mettant en rapport le genre de thérapeutique à utiliser, son degré de complexité ou de risque, son coût, les possibilités de son emploi, avec le résultat qu’on peut en attendre, compte tenu de l’état du malade et de ses ressources physiques et morales ».

Pour faciliter l’application de ces principes généraux, la Congrégation pour la doctrine de la foi a apporté les précisions suivantes :

« - S’il n’y a pas d’autres remèdes suffisants, il est permis de recourir, avec l’accord du malade, aux moyens que procure la technique médicale la plus avancée, même s’ils en sont encore au stade expérimental et ne vont pas sans quelque risque (…)
- Il est aussi permis d’interrompre l’application de ces moyens lorsque les résultats en sont décevants (…).
- Il est toujours permis de se contenter des moyens normaux que la médecine peut offrir. On ne peut donc imposer à personne l’obligation de recourir à une technique déjà en usage, mais encore risquée ou très onéreuse. Son refus n’équivaut pas à un suicide ; il y a là plutôt acceptation de la condition humaine, souci d’épargner la mise en œuvre d’un dispositif médical disproportionné aux résultats que l’on peut attendre, enfin volonté de ne pas imposer des charges trop lourdes à la famille ou à la collectivité.
- Dans l’imminence d’une mort inévitable malgré les moyens employés, il est permis en conscience de prendre la décision de renoncer à des traitements qui ne procureraient qu’un sursis précaire et pénible, sans interrompre pourtant les soins normaux dus au malade en pareil cas. (…) [21] ». Il faut noter ici que l’hydratation et l’alimentation entrent dans les soins normaux toujours dû au malade.

5. Le refus de certaines formes d’acharnement thérapeutique

« Prolonger la vie purement apparente et totalement artificielle, après que les fonctions cérébrales se sont complètement  et d’une manière irréversible arrêtées (…) serait une offense au mourant et à sa mort, en plus d’être une tromperie dommageable pour sa famille [22] ». 
L’acharnement thérapeutique est la mise en œuvre de moyens lourds  pour tenter de revenir à la vie une personne dans le coma dont les fonctions cérébrales se sont arrêtées de façon irréversible. Dans ce cas, la vie n’est maintenue que de manière purement artificielle. L’Eglise recommande alors de laisser la vie aboutir naturellement à sont terme naturel. En effet, « Prolonger la vie purement apparente et totalement artificielle, après que les fonctions cérébrales se sont complètement  et d’une manière irréversible arrêtées (…) serait une offense au mourant et à sa mort, en plus d’être une tromperie dommageable pour sa famille [23] ».

Mais l’Eglise souligne bien que le coma doit être irréversible. En effet, « dans le cas de coma considéré comme « réversible », il est obligatoire d’utiliser tous les moyens à sa disposition, parce que la reprise, possible ou probable, de la Vie, vaut tout type de sacrifice économique ou de service. Cela (…) semble d’autant plus nécessaire que le patient dans le coma ne peut pas s’exprimer et donner son accord [24] »

« Le jugement sur l’irréversibilité du coma et sur les conditions de non récupérabilité de la conscience n’est pas facile », c’est pourquoi il est confié « à l’appréciation du personnel sanitaire compétent et consciencieux [25] ».

Pour conclure

Dans les questions relatives à l’Euthanasie, l’Eglise ne sous-estime pas les souffrances des malades et la difficulté des familles qui les accompagnent. « L'Eglise désire soutenir les malades incurables et ceux qui sont en phase terminale… [Elle] encourage les efforts de ceux qui œuvrent quotidiennement pour garantir que les malades incurables et en phase terminale, ainsi que leurs familles, reçoivent une assistance adaptée et pleine d'amour. L'Eglise, suivant l'exemple du Bon Samaritain, a toujours fait preuve d'une sollicitude particulière pour les malades. A travers chacun de ses membres et ses institutions, elle continue d'être aux côtés de ceux qui souffrent et qui vont mourir, cherchant à préserver leur dignité en ces moments significatifs de l'existence humaine… Je demande à la communauté ecclésiale du monde entier, et en particulier à ceux qui se consacrent au service des malades, de continuer … à rendre un témoignage concret de la sollicitude aimante de Dieu, notre Père » (8 décembre 2006- Message de Benoît XVI pour la 15ème journée mondiale du malade). Le magistère appelle l’Eglise à beaucoup de sollicitude : « La sollicitude pastorale de l'Eglise … se montrera encore plus active pour l'ensemble des familles … qui se trouvent dans des situations difficiles ou irrégulières. [Elle] aura une parole de vérité, de bonté, de compréhension, d'espérance, de participation profonde à leurs difficultés parfois dramatiques ». (Familiaris consortio § 65).

Malgré tout, l’Eglise dénonce les terribles violations qui sont faites au « droit à la vie » et donc, indirectement à la paix elle-même. Elle parle des « morts silencieuses provoquées … par l'euthanasie. Comment ne pas voir en tout cela un attentat à la paix? » En effet, Benoît XVI voit là une « négation directe de l'attitude d'accueil envers l'autre, qui est indispensable pour instaurer des relations de paix durables ». (Message pour la paix du 1.1.2007 de Benoît XVI - § 5)


[1] Jean Paul II, Encyclique Evangelium Vitae, n°57.

[2] Idem, n°65.

[3] Jean Paul II, Encyclique Evangelium Vitae, n°57.

[4] Académie pontificale pour la vie, Le respect de la dignité de la personne mourante, n°2.

[5] Académie pontificale pour la vie, Le respect de la dignité de la personne mourante, n°2.

[6] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration dur l’euthanasie, 1980.

[7] Secrétariat de la Conférence Episcopale française, Problèmes éthiques…, p. 42-44. Cité par Mgr Sgreccia dans son Manuel de Bioéthique

[8] Jean Paul II, Encyclique Evangelium Vitae, n°57.

[9] Idem, n°57

[10] Idem, n°57

[11] Académie pontificale pour la vie, Le respect de la dignité de la personne mourante, n°2.

[12] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration dur l’euthanasie, 1980.

[13] Jean Paul II, Encyclique Evangelium Vitae, n°66.

[14] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration dur l’euthanasie, 1980.

[15] Académie pontificale pour la vie, Le respect de la dignité de la personne mourante, n°2.

[16] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration dur l’euthanasie, 1980.

[17] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration dur l’euthanasie, 1980.

[18] Charte des personnels de la santé, n°149

[19] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration dur l’euthanasie, 1980.

[20] Idem

[21] Idem

[22] Secrétariat de la Conférence Episcopale française, Problèmes éthiques…, p. 42-44. Cité par Mgr Sgreccia dans son Manuel de Bioéthique

[23] Idem

[24] Idem

[25] Idem