Q – De plus en plus de pays recommandent le dépistage systématique de maladies comme la trisomie 21. Les parents, en général, y donnent suite et estiment que ces techniques constituent un progrès pour éviter des naissances d’enfants handicapés. Pour la majorité, la crainte d’une naissance d’enfant handicapé devient de plus en plus inquiétante. Qu’en pense l’Eglise ?

R - Le diagnostic prénatal … est licite si les méthodes utilisées sauvegardent la vie et l'intégrité de l'embryon et de sa mère, sans leur faire courir de risques disproportionnés. Mais il est gravement en opposition avec la loi morale quand il prévoit, en fonction des résultats, l'éventualité de provoquer un avortement : « on ne doit pas sous-estimer la possibilité que …. par le moyen de techniques de diagnostiques prénataux, on arrive à mesurer la valeur d'une vie humaine seulement selon des paramètres de normalité et de bien-être physique » (Jean-Paul II, Evangelium vitae, 63).  

Dossier "Ordinatissima.com"

EN SYNTHESE

1-    La complexité des méthodes de diagnostic

On doit accorder une attention particulière à l'évaluation morale des techniques de diagnostic prénatal, qui permettent de mettre en évidence de manière précoce d'éventuelles anomalies de l'enfant à naître. En effet, à cause de la complexité de ces techniques, cette évaluation doit être faite avec beaucoup de soin et une grande rigueur.

2-    Les questions éthiques soulevées par le diagnostic prénatal

Il convient de distinguer un diagnostic permettant une thérapie ultérieure bénéfique à l’enfant et un diagnostic demandé avec l'intention bien arrêtée de procéder à l'avortement au cas où le résultat confirmerait l'existence d'une malformation

3-    Peut-on se soustraire à une proposition non désirée de diagnostic prénatal?

Les parents ont le devoir de se soustraire à des demandes de diagnostic qui serait assorties d’une recommandation d’avortement en fonction du résultat 


1-    La complexité des méthodes de diagnostic

On doit accorder une attention particulière à l'évaluation morale des techniques de diagnostic prénatal, qui permettent de mettre en évidence de manière précoce d'éventuelles anomalies de l'enfant à naître. En effet, à cause de la complexité de ces techniques, cette évaluation doit être faite avec beaucoup de soin et une grande rigueur. Quelles sont ces techniques ?

Le « dépistage prénatal » ne permet généralement que la mesure d’une probabilité d’anomalie handicapante (trisomie 21, par exemple), alors qu’un réel « diagnostic prénatal » permet d’en constater ou d’en exclure avec une quasi-certitude. Généralement, le diagnostic est fait à l'issue d'un dépistage positif.

   1.1 Les techniques de « dépistage »,

a)  Les échographies

Il s’agit de faisceau d’ondes ultrasonores permettant l’examen des organes du fœtus. On peut ainsi, à la 12ème semaine, détecter une grossesse multiple ou extra-utérine, confirmer l’âge de la grossesse, ou observer une éventuelle malformation importante comme un œdème anormal de la nuque[1]. Pratiquée vers la 22ème semaine l’échographie permet de vérifier les organes ou d’observer le sexe de l’enfant. Pratiquée à partir de la  32ème semaine, elle permet de localiser le placenta, de vérifier la présentation du fœtus, et de mesurer la taille du fœtus.

b) L’embryoscopie

Un système optique est introduit par le col de l’utérus pour observer l’embryon dans sa poche des eaux. Elle est utilisée pour déceler d’éventuelles malformations des membres, un bec-de-lièvre ou des anomalies héréditaires. Elle permet également certaines interventions de chirurgie fœtale avant l’accouchement, discipline actuellement en voie de développement.

c)   Les dosages sanguins classiques

Certains se limitent à des mesures d’albuminurie, de glycosurie, ou détectent chez la mère des maladies comme la rubéole ou la toxoplasmose.

d)  Le triple-test (dits des « marqueurs sériques »)

Il s’agit de l’analyse sanguine de trois substances caractéristiques de la grossesse: l’hormone chorionique gonadotrophique (HCG), l’alpha-foeto-proteine (AFP) et l’oestriol non conjugué (E3).
Leurs taux peuvent s’écarter de la moyenne lorsque le fœtus est atteint de trisomie ou d'un spina-bifida. Cet écart est interprété au regard de grilles statistiques qui classent –ou non- le fœtus dans des groupes « à risque ». Si ce test est positif, cela ne signifie pas nécessairement que l’enfant est atteint mais simplement que cette probabilité est plus élevée que la moyenne. Seuls des diagnostics complémentaires permettent de vérifier le dépistage effectué. En effet, il existe :
- des « faux négatifs », car tous les fœtus trisomiques 21 ne sont pas « repérés » par le dosage des marqueurs sériques.
- des « faux positifs », car le diagnostic par amniocentèse ne confirme que rarement les anomalies

    1.2  Les techniques de « diagnostic »,

Elles s’efforcent d’établir un caryotype du fœtus, c'est-à-dire sa « carte chromosomique ».

e)   La choriocentèse

Il s’agit d’un prélèvement pratiqué en général vers les 10ème ou 11ème semaines sur les villosités fœtales du placenta appelées le « Chorion ».

f)    L’amniocentèse

Il s’agit, sous contrôle échographique et vers les 15ème ou 19ème  semaines, d’un prélèvement du liquide amniotique dans lequel baigne le fœtus.

g) La Cordo-centèse

Il s’agit d’une ponction de sang fœtal pratiquée dans le cordon ombilical. Cette ponction est surtout effectuée vers la 21ème semaine, en cas de suspicion d'hémoglobino-pathies, de coagulo-pathies et d'embryo-pathies virales.

   1.3 Malheureusement ces techniques de diagnostic ont des inconvénients :

-       Elles ne sont pas sans risques et peuvent provoquer la mort du fœtus dans 1% à 2% des cas selon l’examen pratiqué.
-       Par ailleurs, si le stade auquel est survenu l’accident cellulaire à l’origine de la trisomie a été tardif, l’ensemble du tissu fœtal, placentaire ou amniotique n’est pas exposé de la même manière (trisomie en mosaïque ou autres). Il en résulte que seulement 2% des amniocentèses positives décèlent 60 à 70% des cas de trisomie 21.
-       Le cumul de ces deux risques est tel qu’il y a en général plus de morts d’enfants normaux provoqués par amniocentèse que de maladies graves détectées sur un fœtus.

Malgré ces imprécisions, les amniocentèses sont effectuées sur un nombre de femmes dont l’importance varie selon les pays (12 % en France, 7% en Angleterre).

2-    Les questions éthiques soulevées par le diagnostic prénatal

Les questions éthiques qui sont soulevées ne concernent pas l’efficacité de ces types d’examens. Même si leur efficacité se développait au point d’être sans risque d’erreur ni d’accident pour le fœtus, la principale question de l’avortement demeurerait.
En effet,  dans certains pays, on constate qu’en cas d'annonce d'une trisomie 21, plus de 95 % des fœtus diagnostiqués comme tels sont avortés.

La question éthique se pose ainsi : les parents qui acceptent tel ou tel type d’examen, le font-ils :
-       par simple curiosité par exemple pour connaître le sexe de l’enfant attendu,
-       par souci d’envisager une thérapie prénatal pour éventuellement guérir l’enfant
-       ou par crainte d’attendre un enfant handicapé et la ferme intention, dans ce cas, d’avoir recours à un avortement.

Examinons ces deux derniers cas 

   2.1. Les thérapies prénatales,

Dans l’état actuel de la technique médicale, ont peut citer :

-       La chirurgie fœtale

Il s’agit d’interventions chirurgicales afin d'éviter des lésions organiques graves. C’est le cas d’une intervention sur la valvule urétrale pour guérir une difficulté d'écoulement de l'urine fœtale et éviter des dégâts irréversibles sur les reins.

-       La prophylaxie fœtale et la pharmacie pré-natale

Grâce à des procédés de diagnostic prénatal plus précis, il est possible de reconnaître plus rapidement certaines infections chez la mère ou l’enfant et de minimiser ainsi les conséquences pour le fœtus, grâce à un traitement.

-       La thérapie génique

Ces thérapies pourraient être amenées à se développer si on parvient à remplacer la fonction d’un gène défectueux par injection de cellules souches adultes dans le sang fœtal. On pourrait espérer que ces dernières guérissent une fonction lésée.

La thérapie prénatale a donc pour objectif la santé de l’enfant à naître, dans ce cas l’Eglise n’a aucune objection de principe : « On doit considérer comme licites les interventions sur l’embryon humain, à condition qu'elles respectent la vie et l'intégrité de l'embryon et qu'elles ne comportent pas pour lui de risques disproportionnés, mais qu'elle visent à sa guérison, à l'amélioration de ses conditions de santé, ou à sa survie individuelle » (Donum vitae, I, 3). 

L’Eglise pose donc un second critère, celui des risques sur l’enfant qui ne doivent pas être « disproportionnés ». Lorsqu’on est face à une décision qui peut avoir un double effet, un bien suivi d’un éventuel mal, il convient d’en peser au préalable les effets. La question rejoint celle de l’acharnement thérapeutique : « Quel que soit le genre de thérapie médicale, chirurgicale ou d'un autre type, le consentement libre et informé- des parents est requis, selon les règles déontologiques prévues dans le cas des enfants. S'agissant d'une vie embryonnaire ou de fœtus, l'application de ce principe moral peut demander des précautions délicates et particulières.
La légitimité et les critères de ces interventions ont été clairement exprimés par Jean-Paul Il : "Une intervention strictement thérapeutique qui se fixe comme objectif la guérison de diverses maladies, comme celles dues à des déficiences chromosomiques, sera, en principe, considérée comme souhaitable, pourvu qu'elle tende à la vraie promotion du bien-être personnel de l'homme, sans porter atteinte à son intégrité ou détériorer ses conditions de vie. Une telle intervention se situe en effet dans la logique de la tradition morale chrétienne ». (Donum vitae, I, 3).

Si les thérapies prénatales sont encore rares et risquées, l’Eglise est confiante en l’avenir : « Des progrès considérables ont été accomplis par la médecine au service de la vie; on peut espérer qu’ils iront plus loin encore, selon la vocation du médecin, qui n’est pas de supprimer la vie, mais de l’entretenir et de la favoriser au mieux ». (Questio de abortu)

Pour toutes ces raisons, l’Eglise ne juge pas le diagnostic en lui-même qui n’est ni bon ni mauvais en lui-même. L’important réside dans l’intention de la démarche de ceux qui y ont recourt.

b)    le recours à un avortement médical

L’autre démarche consiste à utiliser le diagnostic prénatal comme technique de vérification de  critères de « normalité ». Serait alors gravement illicite le recours à un avortement dit « thérapeutique »[2] au cas où se révèlerait une « anormalité » par rapport à ce qu’attendrait ou aurait imaginé les parents.

« Un diagnostic attestant l'existence d'une malformation ou d'une maladie héréditaire ne doit pas être l'équivalent d'une sentence de mort. Aussi, la femme qui demanderait ce diagnostic avec l'intention bien arrêtée de procéder à l'avortement au cas où le résultat confirmerait l'existence d'une malformation ou d'une anomalie, commettrait-elle une action gravement illicite ». (Donum vitae)

3-    Peut-on ou doit-on se soustraire à une proposition non désirée  de diagnostic prénatal ?

Les politiques de santé, consistant à investir massivement dans la « prévention du handicap », se développent de plus en plus. On argumente que cela coûterait infiniment moins cher que la prise en charge de la personne handicapée tout au long de sa vie. Or il est spécieux de prétendre que la société, ayant déjà payé pour cet enfant en finançant la prévention, ne devrait payer une seconde fois pour lui. En effet, il ne s’agit pas d’une « prévention du handicap », mais de  ce que la société appelle « l’évitement » du handicapé.
En tout état de cause, il s’agirait là d’une approche utilitariste. Ce n’est pas parce qu’une démarche est utile qu’elle est moralement licite. L’utilité est une pratique qui peut être louable, mais ne peut devenir un principe tant que tous les autres principes qui lui sont supérieurs n’ont pas été préalablement respectés, à commencer par celui du respect de la vie.

Face à ces évolutions, la question peut se poser pour de futurs parents d’accepter ou non de se soumettre aux diagnostics proposés.
La réponse réside dans la mise en garde suivante : « On doit condamner, comme une violation du droit à la vie de l'enfant à naître et comme une atteinte grave aux droits et devoirs prioritaires des époux, toute directive ou programme émanant des autorités civiles, sanitaires, ou d'organismes scientifiques, qui favoriserait en quelque manière la connexion entre diagnostic prénatal et avortement, ou qui inciterait les femmes enceintes à se soumettre à un diagnostic prénatal dans le but d'éliminer les foetus déjà atteints ou porteurs de malformations ou de maladies héréditaires ».  (Donum vitae)
L’Eglise condamne également toute forme de pression, ou même de simple conseil, pour établir un lien entre un diagnostic et l’avortement qui pourrait s’en suivre : « le conjoint, les parents ou toute autre personne, [agiraient contrairement à la morale] s'ils conseillaient ou imposaient le diagnostic à la femme enceinte dans la même intention d'en venir éventuellement à l'avortement. Ainsi également serait responsable d'une collaboration illicite le spécialiste qui, dans sa manière de poser le diagnostic et d'en communiquer les résultats, contribuerait volontairement à établir ou à favoriser le lien entre diagnostic prénatal et avortement ».  (Donum vitae)

-----------------------

POUR CONCLURE :

Les réflexions concernant le diagnostic prénatal sont trop souvent confondues avec celles concernant l’avortement pour raisons médicales. En soi, le diagnostic n’est ni bon no mauvais. Ce qui importe c’est l’esprit dans lequel il est pratiqué.


[1] Un œdème nucal est une accumulation de liquide sous la peau du fœtus au niveau de la nuque. Un œdème accru de la nuque est un signe important d'une aberration chromosomique et d'autres malformations du fœtus. Il est possible d'estimer le risque d'une trisomie 21 avec une feuille de calcul en fonction de l'âge de la mère et de la largueur de l'œdème nucal. En cas d'œdème accru de nuque et d'un caryotype normal, il faut exclure une malformation du cœur au 2ème  trimestre.

[2] Renvoi à la réponse d’Aleteia  à la question « Quid de l’avortement médical ?»