Cette question englobe l’intégralité de l’acte créateur de Dieu, de la création à l’évolution.
Par la foi, nous pouvons croire en l’acte créateur de Dieu, mais peut-on s’appuyer sur la science pour expliquer le comment et rechercher une cohérence entre la foi et la raison qui aille jusqu’à mesurer l’intelligence des actes créateurs ?

Commentaire: "Ordinatissma"

La création : fruit du hasard ou « dessein intelligent » ?

L’ambigüité du concept d’« intelligent design »

Il faut être prudent et ne pas trop vouloir concilier :
-  d’une part notre foi en l'existence d'un dessein intelligent de Dieu sur le monde
-  et, d’autre part, le hasard et l'imprévisibilité apparents mis en lumière par Darwin ou par le Big-bang.

Certes, Dieu est la première cause de la création, mais le dessein intelligent de Dieu ne peut pas se limiter à un simple enchaînement de causes secondaires car sa grâce et sa liberté habitent ce processus. Dieu, comme dit le proverbe,  a écrit « droit avec des lignes courbes ».
Fiorenzzo Facchini explique l’ambigüité de cette expression de « Intelligent Design »:
-  Pour les plus fondamentalistes, c’est une prise de position qui soutient : « la création, selon le récit biblique, serait une théorie scientifique alternative à l’évolution »[1].
-  Pour ceux plus ouverts à l’évolution, « on doit reconnaître, dans la nature, ”des complexités irréductibles” qui ont demandé l’intervention d’une cause extérieure dans le cours de l’évolution »[2].

Comme le dit Facchini : « le  recours à une cause extérieure pour expliquer des choses que nous n’arrivons pas à expliquer par les moyens qui sont à notre disposition est trompeur et dangereux. On ne peut pas prouver et déduire l’existence et les interventions de Dieu en partant des lacunes de la science »[3].

Un hasard ou une nécessité ?

La question posée en 1970 trouve une réponse claire dans le magistère. L’Eglise condamne l’idée que la création puisse être le fruit du hasard. Lors du séminaire restreint des 2 et 3 septembre 2006, à Castelgandolfo, Benoit XVI observe que,  « en plus de la rationalité que l’on perçoit dans la matière, le processus évolutif est, lui aussi, quelque chose de rationnel, malgré le fait qu’il erre et emprunte des fausses routes le long d’un étroit corridor dans le choix des quelques mutations possibles et dans l’exploitation de la moindre probabilité »[4].
En 1981, il avait insisté sur l’absurdité d’une confrontation radicale entre évolution et création : selon lui les deux approches se complètent et ne s’excluent pas. La première s’intéresse au « comment » des choses, alors que la seconde parle du « pourquoi » et donne accès à l’origine du projet divin. La question centrale de son propos se ramenait alors au sens de l’existence : « Si nous savons que nous ne sommes pas les fruits du hasard mais sommes issus de la liberté et de l’amour, alors, nous, qui ne sommes pas ”nécessaires”, pouvons rendre grâce pour cette liberté et, par là-même, nous convaincre que c’est bien un don d’être homme »[5].
Cette notion de dessein intelligent est reprise dans la première prédication de carême du P. Raniero Cantalamessa, en 2009, en présence du pape Benoît XVI : « Comme théorie scientifique, les tenants de la théorie du « dessein intelligent » affirment qu'il est possible de démontrer par l'analyse même de la création, donc scientifiquement, que le monde est l'œuvre d'un auteur qui lui est extérieur et qu'il porte la marque d'une intelligence organisatrice. C'est l'affirmation que la majorité des scientifiques entendent (et la seule qu'ils peuvent !) contester, et non pas l'affirmation de foi, que le croyant a de la révélation et dont aussi son intelligence ressent l'intime vérité et nécessité.
Si, comme le pensent bon nombre de scientifiques (pas tous!), présenter le « dessein intelligent » comme une conclusion scientifique relève de la pseudo-science, alors celle qui exclut l'existence d'un « dessein intelligent » en se fondant sur des résultats scientifiques relève tout autant de la pseudo-science. La science pourrait avoir cette prétention si elle était capable, à elle seule, de tout expliquer: autrement dit, pas seulement le « comment » du monde, mais aussi le « qui » et le « pourquoi ». Ceci, la science sait bien qu'il n'est pas en son pouvoir de le faire. Celui qui bannit de son horizon l'idée de Dieu, ne supprime pas pour autant le mystère. Il reste toujours une question sans réponse: pourquoi l'être et non le néant? Le néant lui-même est-il peut-être pour nous un mystère moins impénétrable que l'être et le hasard, une énigme moins inexplicable que Dieu ? »[6].
La commission théologique internationale a observé que « la vraie contingence de l’être créé n’est pas incompatible avec une Providence divine intentionnelle. L’issue d’un processus naturel vraiment contingent peut même rentrer dans le plan providentiel de Dieu pour la Création »[7].
Citons également Theillard de Chardin : « Dieu ne fait pas les choses, mais il fait en sorte qu’elles se fassent ».

De l’amour créateur

A force de chercher à confirmer, ou infirmer, le « dessein intelligent » de Dieu créateur, on risque de garder une vision étriquée sur cet acte créateur : vision mécaniste d’enchaînement de causes ou vision négative qui voudrait prouver l’existence de Dieu à cause des lacunes de la science : « Quand le trou est comblé, on finit par mettre Dieu de côté »[8]. Or, c’est l’amour de Dieu qui est créateur : « Au commencement, la Parole créatrice -cette Parole qui a tout créé, qui a créé ce projet intelligent qu'est le cosmos- est également amour »[9].

Il est important de poser un juste regard sur la création. En rester à une vision d’enchaînement des causes, c’est oublier que l’Amour est la source de cet acte créateur, et que, en retour, toute notre personne peut vivre une véritable « mélodie écologique », un chant d’Amour. Ce n’est pas le chant d’un rêve, d’un retour au paradis perdu, ou d’une attente passive vers la terre nouvelle, mais plutôt un chant de louange qui rythme notre vie, un « chant à créer », comme les « chants à hisser » des marins. Au centre de la création, Dieu crée l’homme, à son image, avec une double dimension, spirituelle et corporelle. Comment l’intégrer dans nos réflexions écologiques ?


[1] « Les défis de l’évolution » de Fiorenzo FACCHINI (Communio- août 2009), p. 146

[2] Ibid. p. 146

[3] Ibid. p. 148

[4] Répondant à une question lors d’une rencontre avec le clergé du diocèse de Belluno-Feltre et Trévise, à Auronzo, le 24.7.2007, Benoit XVI avait exclu une opposition entre la vision évolutive, appuyée par tant de preuves, et la création, mais, il avait rappelé que la raison est appelée à répondre aux demandes philosophiques de signification en s’ouvrant à une raison plus haute, qui est la raison créatrice.

[5] Ratzinger J. «Au commencement Dieu créa le ciel et la terre », Fayard, 1986, p.61.

[6] P. Raniero Cantalamessa, OFM Cap., Prédicateur de la Maison pontificale - Le 13 mars 2009  - (E.S.M.) - dans la chapelle Redemptoris Mater,

[7] Communio e servizio, 2004, n°69, cité dans « Les défis de l’évolution » de Fiorenzo FACCHINI (Communio- août 2009),  p. 140

[8] « Les défis de l’évolution » de Fiorenzo FACCHINI (Communio- août 2009),p. 148

[9] Benoit XVI - audience générale le 9.11.2005