Titre : « Enjeux et défis écologiques pour l’avenir »
Année de parution : avril 2012
Auteur : Conférence des Evêques de France – Groupe de travail écologie et environnemen
Editions : Bayard, Fleurus-Mame et  Le Cerf
Avant-Propos : de Mgr Marc Stenger
 
CV des autres membres du groupe de travail :

-     Mgr Marc STENGER, évêques de Troyes
-     Mgr Jean-Claude Boulanger, évêque de Bayeux-Lisieux,
-     Mgr Pierre-Marie Carré, archevêque de Montpellier
-     Mgr Gilbert Louis, évêque de Chalons en Champagne
-     Mgr Jean-Louis Papin, évêque de Nancy,
-     Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers
-     Mgr Gildas Kerhuel, secrétaire général Adjoint de la CEF

D’autres personnes y ont participé :
-     Jean-Pierre Chaussade, diacre à Paris, chargé de mission
-     Elena Lasida,  née en Uruguay, professeure d’économie solidaire à l’Institut Catholique de Paris, auteur de « le goût de l’autre » (Albin Michel) et de « Oser un nouveau développement - Au-delà de la croissance et de la décroissance » (Ed. Bayard- 2010).
-     Jacques Paoletti, Ancien directeur de recherches au CNRS (département de biochimie de l'université d'Orléans), enseignant aux Bernardins,
-     Père André Talbot, théologien moraliste à Poitiers et à l’Institut Catholique de Paris, auteur de « les solidarités chrétiennes 

Derniers ouvrages :
- La Création au risque de l’environnement (2009)

Résumé

A- LE CONTENU  DE L’OUVRAGE

B- COMMENTAIRES  et « CORRECTION FRATERNELLE »

C- CONCLUSIONS


Sources: livre en ligne

A- LE CONTENU  DE L’OUVRAGE

Avant-propos de Mgr Stenger

Le ton est d’emblée très catégorique : La première phrase de l’avant propos affirme que « le modèle de croissance de la consommation des pays développés … conduit … au changement de climat » (p. 7). Mgr Stenger continue toutefois en disant  que cet ouvrage représente des « conclusions provisoires et modestes » (p.10)

PREMIERE PARTIE- Une lecture chrétienne de la crise écologique

La première phrase de ce chapitre commence par ceci : « la crise écologique suscite une inquiétude majeure dans nos sociétés ». C’est en soulignant cette inquiétude que Benoît XVI avait commencé son discours sur l’écologie devant le Bundestag. Les évêques poursuivent en parlant des « menaces qui pèsent sur les équilibres de la planète ». Cette seule inquiétude et ces menaces justifie que « en tant qu’Eglise, nous rejoignons l’inquiétude des hommes et des femmes de notre époque ».
Le paragraphe suivant se prolonge aussitôt par cette affirmation : « La crise écologique doit être considérée comme une crise de sens ». (p.19)
Suit une analyse de la situation sur laquelle nous reviendrons…
La crise écologique, soulignent nos évêques, bouleverse nos rapports au temps, à l’espace et aux autres :

1- Rapport au temps

Face à l’immédiateté, il faut revaloriser le long terme. « La démarche chrétienne nous place dans une perspective de long terme, au sein d’une histoire du salut ». Cette histoire est celle d’un « don créateur » qui dépasse largement notre horizon immédiat. « Passé et avenir élargissent notre présent » !
Face au catastrophisme, il faut dire une espérance, celle qui est « fondée dans la foi en la résurrection de Jésus Christ ». Or les risques qui nous menacent, nous poussent au découragement : « la peur paralyse et la recherche de sécurité devient obsessionnelle ».  On n’est pas loin de ce que le compendium de la doctrine sociale de l’Eglise appelle l’écologie sociale quand nos évêques ajoutent : « l’espérance nous permet de découvrir qu’il peut y être heureux de servir une humanité et un monde en train de naître ».
Face à l’accélération, il faut apprendre le rythme et la contemplation : « le bonheur ne se réduit pas à la possession des biens, il suppose aussi une prise de distance à l’égard des choses ».

2- Rapport à l’espace

Face au développement uniforme, il faut proposer un développement intégral. Face aux intérêts différents, il faut inventer une nouvelle forme de gouvernance mondiale : « la différence entre Babel et la Pentecôte illustre bien deux modèles d’universalité et de gestion de la différence » (p.27)
Face à l’instrumentalisation et à la sacralisation, il faut penser un juste rapport à la nature.

3- Rapport à l’autre

Le rapport à autrui demande à être revu à l’occasion de la crise écologique.  Tout le champ des relations humaines est concerné :
-       De la rivalité à l’alliance : « A l’image de l’alliance entre Dieu et l’homme qui fait de la créature un co-créateur, nous sommes appelés à établir des relations d’alliance avec nos frères… Un tel projet suppose que nous apprenions à cultiver entre nous des relations de solidarité et de fraternité » (p. 30)
-       De la force à la fragilité : « Le mystère pascal invite à voir dans la mort une promesse de vie… l’expérience humaine de la fragilité ouvre au radicalement nouveau. La crise écologique nous confronte de manière radicale à la fragilité humaine » (p. 31)
-       De l’engagement au détachement : «  Face aux dérèglements du monde, les humains s’engagent dans la recherche de solutions. Cet engagement est parfois tellement fort qu’il fait croire à l’homme qu’il est tout puissant ». Or la crise écologique nous invite à apprendre en même temps le détachement. (p 32) « ce détachement nous rappelle en permanence que la Création est un don et que nous ne sommes pas propriétaires du résultat de nos actions » (p.33)

DEUXIEME PARTIE- Agir en chrétiens pour la création : quelques propositions

L’Eglise  veut proposer des  « pistes d’action » par lesquelles les « communautés chrétiennes pourront manifester leur prise de conscience de la question environnementale et leur volonté d’agir » (p. 37)

1- Retrouver la richesse d’une catéchèse de la création

« En raison de la profonde solidarité qu’il y a entre l’homme et le monde créé, théologie et catéchèse de la création sont désormais essentielles à toute proposition de la foi chrétienne » (p. 38). Les auteurs rappellent la nécessité d’intégrer les notions d’écologie humaine et l’incohérence qu’il y aurait à exiger le respect du milieu naturel si , comme le dit Benoit XVI dans Caritas in Veritate,   « le droit à la vie et à la mort naturelle n’est pas respecté, si la conception, la gestation, et la naissance de l’homme sont rendues artificielles, si les embryons sont sacrifiés pour la recherche » (p 38)

2- Développer des formations

« Il s’agira de proposer des modules de formation sur ces sujets dans les centres diocésains de formation, dans les séminaires, dans les établissements d’enseignement et dans les universités » (p. 39). Les auteurs citent les pédagogies de découverte de la Création  mises en œuvre par le scoutisme.

3- Célébrer le Dieu Créateur

« Nous encourageons l’instauration des fêtes de la Création (…) Nous préconisons de donner un relief nouveau à l’expérience séculaire des ‘bénédictions’ et du jeûne pour stimuler la relation à la nature et faire découvrir la fécondité d’une sobriété heureuse » (p.40)

4- S’informer sur les questions environnementales

Les auteurs rappellent que l’Eglise a le « devoir de rechercher une information fiable, approfondie et plurielle » (p. 41)
« Nous encourageons la formation de groupes de chrétiens pour réfléchir aux questions liées au respect de la création (…), rédiger et diffuser des documents diocésains ou locaux, proposer des initiatives (…) qui mobilisent largement » (p. 41)

5- Organiser des relations avec les acteurs de l’environnement

« Si l’Eglise veut que sa parole soit une parole d’alerte et d’espérance, entendue par un grand nombre, il est essentiel qu’elle soit en dialogue avec les principaux acteurs de la société : chercheurs, politiques, philosophes, économistes, techniciens ».  Les auteurs ont toutefois raison de rappeler au préalable que « une parole d’Eglise sur les sujets environnementaux ne peut être une prise de position scientifique. Elle n’a pas compétence pour cela » (p. 42)

6- Offrir des lieux d’écoute et de partage

« L’Eglise peut favoriser des solidarités entre les producteurs et les consommateurs et promouvoir la prise de conscience de responsabilités écologiques partagées » (p. 43). Les auteurs ajoutent que « ces espaces de rencontre seront utiles et féconds « s’ils sont des lieux d’échange fraternels et respectueux de la parole de l’autre » (p. 44)

7- Être exemplaire dans les choix concrets

« La donne écologique doit intervenir de manière décisive, fût-ce au prix de quelques sacrifices économiques et patrimoniaux, dans les options retenues pour le devenir des équipements pastoraux anciens ou vétustes : isolation des bâtiments, choix des techniques de chauffage, etc.. » (p.45)

8- S’engager dans la construction chrétienne d’un développement intégral

 

« Pour des chrétiens, les changements de nos modes de vie devraient être considérés comme une bonne nouvelle » (p.47).

9- Proposer une parole d’Eglise sur les questions d’écologie

« L’Eglise doit avoir conscience qu’elle est attendue pour délivrer une parole porteuse de sens (…) Ce qui est en jeu, ce n’est pas simplement la préservation de l’environnement, c’est aussi le sens de l’homme et de la vie, c’est la question de la justice et du bonheur » (p. 49)

TROISIEME PARTIE- Convertir notre rapport à la nature, à l’homme, à Dieu.

Cette dernière partie de l’ouvrage s’ouvre au concept d’ « écologie de l’homme » en citant Benoit XVI qui répète inlassablement qu’il ne saurait y avoir d’écologie de la nature sans écologie de l’homme.
La solidarité entre les hommes implique des relations nouvelles entre les hommes, avec Dieu et la Création

1 - Des relations nouvelles entre tous les hommes

Benoit XVI est cité à partir de son message pour la paix du 1 janvier 2008 : « Il ne faut pas que les pauvres soient oubliés, eux qui, en bien des cas, sont exclus de la destination universelle des biens »  (p. 55)

2 - Des relations nouvelles avec Dieu

Le texte pose la question centrale : « Si l’homme est si dur avec son frère, n’est-ce pas parce qu’il s’est coupé de Dieu » (p. 56)

3 -   Des relations nouvelles avec toute la Création

Les auteurs terminent en évoquant St-François d’Assise, patron des cultivateurs de l’écologie Les auteurs lance une forme d’appel : « notre humanité a un urgent besoin de gens responsables et solidaires, d’économistes et d’ingénieurs, de juristes et de politiques, d’éducateurs et de paysans, d’artistes et de poètes et de mystiques réconciliés avec leur condition d’enfants de la terre ». (p 57)

B- COMMENTAIRES  et « CORRECTION FRATERNELLE »

L’ouvrage « Enjeux et défis écologiques pour l’avenir » du groupe de travail « écologie et environnement » de la Conférence des Evêques de France, n’est pas le premier à exprimer la préoccupation de pasteurs épiscopaux en matière d’écologie. Nous citerons, à titre d’exemple, les ouvrages ou déclarations suivantes:
-   En France,  Mgr Rey : « Peut-on être catho et écolo ?» (2012)
-  En Italie, Mgr Crepaldi : « Ecologia ambientale ed ecologia umana » (2007)
-  En Australie, Mgr George Pell : « Global warning and pagan emptiness » (Catholic World Report - 24.3.2011)
Tous ont le souci d’une parole forte sur ces sujets, spécifiquement chrétienne, éclairée par la théologie de la création, et insistant sur les concepts de « développement intégral », d’  « écologie de l’homme » et d’ « écologie sociale ».
Malgré tout, si nous citons les ouvrages précédents, c’est parce qu’ils sont, à l’évidence, plus indépendants de l’ « écologiquement correct » ambiant que celui que nous avons résumé ci-dessus.
C’est pourquoi, nous voudrions faire un certain nombre de commentaires. Nous avons beaucoup d’attachement à l’Eglise, et à la fidélité qui doit être la nôtre à nos pasteurs, mais cela n’interdit pas forcément un devoir de « correction fraternelle ».

Nous renvoyons l'internaute à notre commentaire publié par ailleurs.

C- CONCLUSIONS

L’ensemble de ces remarques ne se veut pas une critique à l’endroit des divers membres du groupe de travail, en particulier des laïcs et diacres qui l’ont accompagné. Pourtant, la cohérence de ces remarques montre que la composition du groupe de travail ne répond pas à une pluralité saine des expertises. Il ne suffit pas de dire que les informations ont été  « plurielles » (p. 41)  pour qu’elles le soient. Faute de cette ouverture, le mouvement écologisme chrétien risque d’être victime de toutes sortes de syncrétismes[1].
Certes, en 1965, le concile Vatican II avait plaidé pour une ouverture de l’apostolat à tous les laïcs : « L’apostolat des laïcs  …est une conséquence de leur vocation chrétienne »[2] . Mais l’ouverture à tous doit rester la condition à respecter. Or, pendant la période qui a suivi, celle où le communisme était encore à son apogée, certains évêques français préférèrent limiter cette mission d’apostolat à des organisations de laïcs dûment mandatées par eux, les mouvements d’action catholique.
On a vu comment un grand nombre de militants se sont infiltrés dans ces mouvements d’Eglise. On a vu le résultat[3] . Il ne faudrait pas que ce même type de phénomènes se reproduise. On peut le craindre quand on voit que les mêmes groupes de laïcs, aujourd’hui très actifs dans l’Eglise, plaident, comme mesure prioritaire, pour l’introduction du label « bio » dans les offrandes du pain et du vin offerts pendant l’eucharistie.


[1] Source: "Les courants écologistes chrétiens: victimes de syncrétisme ?"

[2] Préambule du Décret sur l’apostolat des laïcs « Apostolicam actuositatem » - concile- 18.11.1965

[3] Lire à ce sujet : thèse de Ludovic Laloux « les étapes du renouvellement de l’Apostolat des Laïcs en France depuis le concile Vatican II, 1999,  in Liberté Politique n° 13, p 79 et suiv