Les pics de pollution, annoncés à Paris en décembre 2016 sont-ils une réalité ? Ou bien, les hommes politiques cherchent-ils à séduire leurs électeurs par des décisions prises pour limiter la circulation, des leurres qui calmeraient leurs peurs en matière de santé et de pollution ?

Analyse publiée dans « Actuailes n° 62 »

De quoi s'agit-il ?

Sources: Actuailes n°62

1. Quels sont les faits en matière de particules fines

• Au niveau global

Le Centre interprofessionnel Technique d’Études de la Pollution Atmosphérique (CITEPA) chiffre à environ 300.000 tonnes les émissions totales de particules fines inférieurs à 10 microns (PM10). Cette quantité a baissé de 1/3 en 20 ans. Les transports routiers ne sont responsables que de 12 % de ces émissions. Le chauffage des immeubles en émet 3 fois plus, l’agriculture également et l’industrie, deux fois plus. Tous ces chiffres n’incluent pas les particules provenant de l’érosion par le vent, les particules d’origine biologiques (pollens, champignons, bactéries,...), ni les émissions d’origines naturelles (volcans, ...).

• Au niveau des villes.

La loi à confié, à des Associations Agréées, la Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA). A Paris, il s’agit de AirParif. Quand les seuils de teneurs moyennes de polluants sont dépassés, les préfectures sont tenues de diffuser une information généralisée ou de lancer des alertes pour prendre d’éventuelles décisions.

2. Que s’est-il passé en décembre 2016 à Paris ?

Il n’y a pas eu une grande cohérence entre les alertes et les décisions d’imposer la circulation alternée : aucune mesure de circulation n’a été décidée les 1 et 2 décembre alors que l’alerte était lancée. Elles ont été maintenues les 8 et 9 décembre alors que les seuils d’alertes étaient retombés. Le préfet a la réputation de rechigner à mettre en place la circulation alternée car il sait le peu d’effet qu’a cette mesure. Il le fait sous la pression des ONG et des élus écologistes des villes. Pourquoi ? Probablement les techniciens savent-ils un certain nombre de faits :

• Faible impact de la circulation automobile sur les particules fines

AirParif a établi un bilan officiel de la circulation alternée de mars 2014. Elle n’avait réduit en moyenne que de 6% la pollution aux particules. D'ailleurs un dépassement de seuil a eu lieu le 30 décembre, alors que les voitures (ou leurs chauffeurs) avaient déserté Paris pour les vacances.

• Les pics de pollution ne sont pas des pics urbains mais continentaux

La carte publiée par l’agence gouvernementale Prev’Air montre bien que lors du pic de pollution du 19 mars 2015, toute l’Europe était soumise à des mouvements de particules fines d’ampleur considérable.Pour aller plus loin

• La teneur en particule fine est plus importante dans le métro que dans la rue

Le réseau officiel de Surveillance de la Qualité de l'Air de l'Environnement Souterrain (SQUALES) publie régulièrement les taux de particules fines mesurés dans le métro. Ils ont des valeurs très élevées, atteignant plus de 3 fois le taux extérieur. La circulation alternée, incitant les parisiens à prendre le métro pour éviter les particules fines, est-elle un bon conseil ? Pour aller plus loin

3. Les particules fines sont-elles dangereuses pour la santé ?

La pollution aux particules fines est un fait certain: des milliers de personnes en sont mortes au cours des 19 et 20èmes siècles. Le phénomène continue, par exemple en Chine, qui brûle des quantités importantes de charbon sans filtrer les poussières émises. En France, ce n’est plus le cas.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), parle de millions de décès liés à la pollution de l’air. Ce sont, en réalité, des décès prématurés, ce qui est très différent. Le chiffre de 48.000 morts par an annoncé en France fait froid dans le dos. Mais, si on y réfléchit bien, il est impossible de déterminer, individu par individu, à quel âge exact le patient aurait dû mourir, puis ôter de cet âge, l’âge exact de sa mort, pour obtenir la durée de vie perdue suite à une exposition à une dose de particules fines.

Pour faire le calcul, il faut des études épidémiologiques lourdes. Le très officiel Institut National de Veille Sanitaire (INVS) en a publié une le 9.9.2014. Son analyse "n’a pas mis en évidence de facteurs influençant l’impact de la pollution". Ces conclusions sont fréquentes. Il suffit de taper sur Google les mots anglais signifiant "incertitude"+"particules fines" pour trouver de nombreux articles remettant en cause la relation entre les décès prématurés et la présence de particules. Par exemple, la "Society For Risk Analysis", estime qu’ "il n’est pas exclu que le coefficient de cause de mortalité par les particules PM2.5 soit égal à zéro". Le Figaro du 5 janvier 2017 a le sentiment que, "même en réduisant la pollution à zéro, on n’évitera pas 48 000 morts". Les experts cités mettent en garde: "Trop se focaliser sur des facteurs qui ont peu ou pas d’effet sur le risque brouille les messages et contribue donc indirectement à l’augmentation du risque".

4. Conclusion

En matière d’écologie, il faut être très prudent quand une information provoque la peur. Ce sont souvent des leurres. Malgré tout, il faut chercher à réduire toutes les pollutions qui nuisent à l’homme à condition que ce soit raisonné et économiquement rentable. La vérité permet de prendre les bonnes décisions. La peur incite souvent à se soumettre à de mauvaises préjugés. Mais, comme disait, Albert Einstein, "il est plus facile de désintégrer un atome qu'un préjugé".

Pour aller plus loin...

1) Qu'est ce qu'une étude épidémiologique?

Le mot épidémiologie vient du grec Epidoemia. Il évoque tout ce qui peut influencer la santé des populations. On pense bien sûr aux maladies, mais aussi à l'alimentation. L'épidémiologie consiste à étudier la répartition, la fréquence et la gravité des états de santé de ces populations.

Ces études permettent de définir ce qu'il faut décider pour améliorer la santé et comment modifier ce qui peut augmenter les risques sur la santé.

Or, lorsqu'on est face à des causes multiples et compliquées, il faut essayer de distinguer les causes entre elles. Par exemple, quand on dit que la qualité d'un aliment peut causer un cancer, il faut séparer les consommateurs qui consomme cet aliment et ceux qui n'en consomment pas. Mais il faut aussi les interroger pour savoir si ce sont des fumeurs ou non, s'ils sont des buveurs d'alcool ou non. Il faut étudier leur consommation dans le temps et ce n'est pas toujours facile d'interviewer des consommateurs tous les cinq ans pour savoir leur état de santé. C'est pour cette raison que les études épidémiologiques sont compliquées et coûtent cher. Or elles sont indispensables car il ne suffit pas de faire des études en laboratoire sur des rats pour tirer des conclusions fiables.

2) Comment s'expliquent les grands mouvements intercontinentaux de particules fines ?

Les particules fines PM10 d'origine humaine n'ont pas pour origine que les causes humaines. Les vents violents existant dans les déserts font voler d'immenses nuages de sable dont les parties les plus fines traversent les océans et les continents. Ces masses se faufilent entre les dépressions et les zones de haute pression atmosphérique. On voit sur cette carte une source qui pourrait être celle d'une tempête au Sahara.

On sait aussi que la NASA, avec son satellite Calypso, lancé en 2006, a permis de visualiser le trajet de 5000 km, parcouru par 182 millions de tonnes de sable et de poussière qui traversent l’océan atlantique chaque année : « Pour la première fois, des scientifiques de la NASA ont réalisé une étude de plusieurs années à partir de données satellites, pour mesurer la répartition du sable qui voyage du désert du Sahara à la forêt amazonienne. Le Sahara est le plus grand désert du monde. Avec plus de 7 millions de km², il est presqu’aussi grand que les USA. Chaque année, le sable du Sahara s’envole et est transporté par le vent dans un voyage de près de 5.000 km au dessus de l’océan Atlantique. Une partie du sable s’’emmagasine dans le bassin amazonien, la plus grande forêt tropicale de la planète. Bien que les particules de sable soient minuscules, elles forment des nuages massifs pouvant être observés depuis l’espace. Callipso est un satellite de la Nasa lancé en 2006 pour étudier la structure des nuages des particules dans l’atmosphère. Ses observations de 2007 à 2013 montrent qu’en moyenne, 182 millions de tonnes de sables quittent l’Afrique chaque année. Ainsi, près de 27 millions de tonnes sont déposées dans le bassin amazonien. Le sable du Sahara contient du phosphore, un nutriment essentiel pour les plantes. « Or, dans les régions tropicales, dit le Dr Hongbin Yu, le phosphore est limité. Il est donc important d’estimer la quantité de sable qui est transportée en Amazonie ». L’étude montre que le sable du Sahara apporte du phosphore aux sols. Cela permet donc de compenser les pertes dues aux écoulements et aux inondations. La quantité de sable transportée en Amazonie varie d’année en année. D’après l’étude, cette variation est étroitement liée aux précipitations du Sahel. Quand le Sahel est sec, la quantité de sable transportée en Amazonie augmentera l’année suivante. Quand il est mouillé, elle diminuera »

3- La teneur de particules fines dans le métro est-elle dangereuse pour les usagers?

Paradoxalement, il ne faut pas avoir peur, non plus, de la présence de particules fines annoncée dans le métro. Cette mesure a été essentiellement faite sous la pression du syndicat des conducteurs de rame de métro qui passent leur journée de travail dans les souterrains du métro.

Certains observateurs vont même jusqu'à penser que l'atmosphère dans les habitations domestiques sont plus envahies de particules fines qu'à l'extérieur. Même à Paris, on recommande aux parents d'ouvrir grand les fenêtres pour renouveler l'air.

Malgré tout, il faut savoir que la climatisation de l'air dans le métro peut aussi être une source de brassage de nombreuses bactéries. Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire du ministère de la santé a reconnu, dans son n° 24/1999, cet impact sur la bronchiolite, une infection très contagieuse qui affecte les enfants. Les microbes se passent d'adulte à adulte et sont très contagieux sur les enfants. Avant les grandes grèves de SNCF et de métro de 1995, il y avait eu une très forte épidémie de bronchiolite. Il a suffi que la population ne puisse plus circuler en métro pour que l'épidémie s'arrête immédiatement. Pourtant, il y avait, en même temps, ds embouteillages considérables de voitures qui devait probablement "polluer" l'air parisien.

 


Leurre

Son nom vient du vieil allemand luoder (« appât, chose qui attire »). Les leurres sont utilisés par les pécheurs. Plus généralement, leurrer quelqu'un signifie le tromper.

Micron

Du grec ancien mikrós ("petit"). Un micron est une mesure de longueur. Il y a 1000 microns dans un millimètre.

Etude épidémiologique

Le mot vient du grec Epidoemia. Il évoque tout ce qui peut influencer la santé des populations.

Préjugé

Vient du latin jūdĭcare ("rendre un jugement, juger") et du préfixe pré ("avant"). Un préjugé est une opinion retenue avant de réfléchir ou d'appronfondir un sujet