Le mot OGM, « Organisme génétiquement modifié » est ambigu : par organisme on entend tout être vivant, une levure pour le pain, une plante ou un animal. Toutes les sélections pratiquées depuis des siècles, même non OGM, sont des « modifications génétiques ». Le mot OGM a donc surtout un sens réglementaire.

Analyse publiée dans « Actuailes n°53 »

De quoi s'agit-il ?

1- Qu’est ce qu’une modification génétique ?

a) Les modifications naturelles. Les mutations et le brassage naturel entre plantes au hasard des pollinisations cachent des particularités nombreuses: les fleurs unisexuées (par exemple les primevères) qui nécessitent des fécondations croisées, ou les plantes "mâles stériles" qui ne peuvent vivre seules. Citons aussi les fécondations entre espèces différentes : un âne et une jument donnent le mulet, individu qualifié d’"hybride".

b) Les modifications génétiques menées par l’homme

L’homme exploite ces processus naturels à son profit. Dès l’Antiquité, on savait greffer et bouturer. Puis la sélection classique a consisté, à la récolte, à mettre de côté, pour l’année suivante, des graines semblant performantes.
Plus tard, les sélectionneurs ont croisé des lignées, espérant que le hasard serait favorable. Mais il faut attendre la récolte suivante pour vérifier si des gènes (50% d’origine mâle et 50 % femelle) n’ont pas brouillé le résultat espéré. La sélection classique est donc un processus lent et aléatoire.
Pour améliorer la sélection, l’homme a utilisé le phénomène naturel de l’hybridation. Près de 100% des maïs cultivés sont hybrides, même chez les producteurs "bio" (lire Actuailes n° 32). Ce ne sont pas des OGM.

c) Qu’est ce qu’un OGM ?

C’est un produit issu de la "transgénèse", technique consistant à introduire un ou plusieurs gènes dans la plante, et à le placer, soit au hasard, soit sur un emplacement ciblé améliorant les synergies entre gènes. La complexité est telle qu’il devient difficile, pour un contrôleur, de vérifier si une plante est OGM ou non. 

2. Quel est l’usage des OGM ?

Près de 200 millions d'ha dans le monde sont cultivés avec des OGM, dont 84 % aux USA, Brésil, Argentine et Canada. Ils progressent en Inde et au Bangladesh.
La 1ère utilité des OGM consiste à introduire dans un maïs ou un colza un gène leur permettant de ne pas être éliminé par les désherbants destinés à tuer les autres mauvaises herbes qui leur font concurrence. Aujourd’hui, là où le désherbage n’est pas maîtrisé, cette concurrence fait perdre l’équivalent de 100 millions de tonnes de céréales !
On peut produire des riz OGM vitaminés améliorant leur qualité nutritive. 

3- Fausses peurs ou vrais risques ?

a) Les fausses rumeurs. 

- Le monopole de Monsanto. C’est un peu vrai, mais il existe au moins 5 autres producteurs aux USA, en Europe et en Chine qui le bousculerait s’il y avait de vrais risques sanitaires ou écologiques.
- L’interdiction des agriculteurs de reproduire les semences OGM. C’est faux : la loi prévoit « le privilège de l’agriculteur ». Mais un simple jardinier sait que, chaque année, les graines qu’il auto-produit perdent progressivement leurs performances : il préfère les renouveler et en acheter de nouvelles.
- Les risques de santé. Rien n’a jamais été constaté sur les millions de consommateurs, ni lors de l’autopsie faite sur des millions d’animaux dans les abattoirs. C’est une preuve en vraie grandeur plus efficace que les essais de laboratoire sur quelques individus.
- Le risque d’allergie. On sait que 2 à 8% des personnes seulement souffrent d’une allergie alimentaire, mais, ne pas tolérer un aliment, ne signifie pas qu’on y est allergique.
- Le risque de dissémination dans l’environnement. La dissémination des patrimoines génétiques existe dans la nature. Or il y a dans la nature une puissance de brassage considérable. 

b) Les problèmes plus sérieux

- Au plan économique, lorsqu’un brevet arrive à échéance, il faudrait qu’un industriel ne laisse pas improductif une ancienne technologie mais la fasse fructifier par ceux qui le souhaitent.
- Au plan politique, les OGM peuvent être un enjeu de pouvoir. Prenons l’exemple du partenariat signé en la société de pharmacie SANOFI et la Fondation Bill Gates pour produire un médicament contre le paludisme à partir d’OGM. Or la fondation Gates a été accusée de tromper sur la finalité de certaines campagnes de vaccination qu’elle finance et qui seraient utilisées pour réguler des naissances. 
- Au plan éthique, une technique utile n’est pas forcément éthique. On le voit avec les recherches sur les embryons humains. Mais, il faut discerner selon les cas : la sélection sur l’homme est de l’eugénisme car elle nuit à la dignité de l’homme. Mais, ce n’est pas le cas avec la sélection végétale ou animale pratiquée depuis des siècles !

4- Conclusion.

Il y a une forme de mépris à considérer que l'intelligence de l'homme serait plus dangereuse que le hasard de la reproduction sexuée de centaines de milliers de gènes: On rêve d'une nature sans homme!
Une technique n'est ni bonne ni mauvaise; tout dépend de son usage: on peut aussi bien produire des plantes résistant à la sécheresse que du cannabis OGM très dangereux.
La situation est paradoxale : Au nord, une sorte d’esthétisme de luxe prétend que les OGM sont dangereux. Et au sud, un milliard d’agriculteurs désherbent manuellement leurs champ et 600 millions n'ont accès à aucun engrais ni produits de protection des plantes. En Afrique, seulement 4 à 5 % d’entre eux utilisent des semences améliorées OGM ou non.
Où est la justice ?

Pour aller plus loin...

a) Qu'est-ce qu'une plante "mâle stérile"?

Il s’agit de plantes qui sont naturellement incapables de se reproduire par autopollinisation du fait d’une stérilité des éléments mâles des fleurs. Ces individus (betterave, carotte, fenouil, maïs, oignon, etc.) ne peuvent assurer leur descendance s'ils vivent seuls. S'ils vivent au sein d'une population et s'ils n'appartiennent pas à une espèce strictement autogame, ils peuvent être fécondés par des individus normaux (mâles fertiles) et assurer ainsi leur descendance.
La « stérilité mâle » est utilisée par les sélectionneurs pour produire des variétés hybrides chez des espèces cultivées. C'est un bon moyen pour faciliter l'obtention d'hybrides provenant du croisement de deux lignées pures et d'empêcher l'autopollinisation qui diminuerait la performance des semences.
En effet, comme on l'a dit, le jardinier sait que, chaque année, les graines qu’il auto-produit perdent progressivement leurs performances : il préfère les renouveler et en acheter de nouvelles. C'est pour cela qu'un agriculteur a intérêt à acheter des semences plutôt que les produire lui-même. Quand il le fait, c'est par nostalgie des méthodes ancestrales qui, aujourd'hui, ne sont pratiquement plus utilisées par souci d'efficacité.

Pour approfondir...

Pourquoi l'auto-production des semences diminue-t-elle la performance?

Depuis l’époque où l’homme est passé de la cueillette à l’agriculture, il s’est employé, au moment de la récolte, à mettre de côté des lots de semences qui lui paraissaient plus performantes pour les semer l’année suivante.
Ce rêve de tout agriculteur de maîtriser lui-même ses semences a vite trouvé ses limites.
En effet les lignées de semences issues de la sélection par auto-reproduction ne peuvent bénéficier de la vigueur d’un hybride due au mécanisme appelé d’hétérosis Ce mécanisme d’hétérosis (du grec ancien heterosis, "changement") a été expliqué en 1909 par Edward Murray East qui a découvert que le croisement de deux lignées pures, génétiquement éloignées, donnait une descendance à forte vigueur..
Même dans un jardin potager, chacun sait qu’on peut récolter soi-même ses semences, mais qu’au bout de très peu d’années, ces graines perdent beaucoup de leurs performances et les jardiniers doivent renouveler leurs lignées en en achetant de nouvelles. Les agriculteurs le savent encore mieux. On peut se demander s’il n’y a pas un peu d’idéologie dans la revendication d’une certaine agriculture biologique à vouloir se libérer de la tutelle de semenciers. On parle de « semences fermières » ou de « semences paysannes ». S’il est un domaine où l’autonomie conduit à des régressions de performance, c’est bien celui du patrimoine génétique. On pourrait comparer cela aux mariages consanguins qui ont conduit à de véritables catastrophes des civilisations entières, ou, à échelle plus réduite, des familles rurales se mariant dans leur village entre cousins.
Les agriculteurs, pour cette raison, ont rapidement préféré investir chaque année dans l’achat de semences sélectionnées plutôt que de se recroqueviller sur l’autoproduction de semences

Comment fait-on pour placer un gène à un endroit très précis ?

Il faut d'abord savoir transporter un gène dans la plante souhaitée. Pour cela on le fait,
- soit directement, avec des canons à particule, de l’électroporation, de l’électrophorèse, par inhibition ou biologistique
- soit indirectement avec des vecteurs introduits sur lesquels on a fixé préalablement les gènes. On utilise des bactéries, des virus (retro-virus) ou des plasmides (éléments de boucles d’ADN). 

Pour le localiser à un endroit précis, on se sert de la cartographie des génomes. On utilise ce qu'on appelle ce qu’on appelle des "agro-infiltrations localisées".
Le fait de pouvoir localiser les gènes transférés a permis d’améliorer l’expression génétique de performances souhaitées. Certaines performances sont souvent conditionnées par la synergie de plusieurs gènes voisins, les uns permettant d’exprimer leur potentialité grâce à un autre. Réciproquement, on peut parvenir à l’inhibition d’un gène par un autre quand il s’agit d’un handicap dont on veut éteindre l’expression.
Ces localisations se développent grâce à la méthylation[*], les nucléases[**], ou les inhibitions par agent intercalant.
Certaines de ces techniques font l’objet de traitements réglementaires différents : Si le gène est intégré, c’est un OGM ; si c’est transitoire, c’est également un OGM, mais il n’est pas traçable donc impossible à contrôler réglementairement. Si sa descendance n’est pas modifiée, ce n’est pas un OGM. 
Enfin, on peut maintenant faire des modifications de manière ciblée au point qu’il n’y a pas de "cicatrice moléculaire". En un sens, cela permet de mettre sur le marché des OGM sans que personne ne sache que c’est un OGM. En revanche, c’est plus difficile à breveter.
Grâce à certains de ces nouveaux outils de génie génétique, cibler n’importe quel gène dans une cellule pour le modifier devient presque un jeu d’enfant. Éteindre ou allumer l’expression d’un gène, le modifier, le réparer, l’enlever; tout est aujourd’hui possible. Les chinois sont très performants sur certaines techniques (CRISPR) pour produire des blés résistant au mildiou

[*] La méthylation de l’ADN dépendante (RdDM = RNA-directed DNA methylation) est une technique qui permet de contrôler l’activité d’un ou plusieurs gènes sans toucher aux gènes eux-mêmes (les phénomènes impliqués relèvent de « l’épigénétique »). La technique ne modifie pas les éléments de l’ADN qui portent l’information génétique, mais modifie l’accès qu’a l’organisme à cette information. Au final, l’activité du gène est modifiée, et ceci est « héréditaire », mais pour un nombre de générations limité et variable…Des variétés de colza sont en dernière phase de développement, alors que les travaux sur le maïs ne sont qu’au stade recherche. Pour que cette technique soit au point, il manque encore des connaissances de fonctionnement de l’activité des gènes, ainsi que la capacité de maintenir la modification (non génétique) sur un nombre adéquat de générations de plantes.

[**] Les nucléases dirigées sont des produits qui sont traçables si le sélectionneur fournit les informations.
On utilise cette technique pour des pommes de terre destinées aux frites allégées en colestérol qui absorbent moins d’huile.
Il en existe trois types :
- La nucléase en « doigt de zinc » dite ZFN. Les ZFN 1 et 2 provoquent des mutations, processus aléatoire naturel. Cependant leur utilisation permet d’être plus précis sur la zone du génome qui va muter (ZFN 1) ou le type de mutation (ZFN 2) : il reste une part d’aléatoire mais elle est réduite (c’est l’avantage de ces techniques). En revanche, les ZFN 3 permettent d’insérer un gène entier, ne faisant pas partie du génome de l’organisme qu’on modifie
- les méganucléases sont des enzymes de la famille des endo nucléases qui présentent la caractéristique de reconnaître des séquences d’ADN de grande taille, de 12 à 40 paires de bases.
- le CRISPR (‘Clustured Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats’ ) . Programmer une endonucléase bactérienne (protéine qui coupe l’ADN) appelée Cas9 avec des petits ARN non codants (qui agissent comme guide) pour permettre le clivage de manière spécifique à l’endroit désiré du génome.


Greffe

Mot venant du latin graphiare ("écrire"), et graphium ("poinçon"). En botanique, la greffe est une technique consistant à faire une coupure avec un poinçon dans un jeune tronc sélectionné pour sa robustesse et à y insérer une jeune tige d'un autre arbre sélectionné pour la qualité de ses fruits.

Bouture

Mot venant du verbe Bouter ("pousser") parce qu'on boute en terre une branche coupée qui développera des racines dans la terre.

Lignée

Du latin linea ("ligne"). Au XII° siècle, le mot lignée a pris le sens d'un ensemble d'individus qui descendent du même individu" Ils font alors partie de la même race.

Gène

Le mot vient du grec genos qui signifie "naissance". En biologie, un gène est une unité de base d’information qui se transmet de génération en génération.

Hybride

Du latin hibrida (« bâtard, de sang mêlé »). En génétique, un hybride provient de deux espèces différentes, ou parfois de deux races ou variétés différentes.

Synergie

Du grec, sunergia, "coopération". En génétique, il arrive qu'un gène n'exprime pas son potentiel s'il n'agit pas en "synergie" avec un autre

Brevet

Du latin brevis (« bref, court »). Un brevet a le sens d'une "courte lettre officielle" ayant pour objet de décrire une invention qui protège juridiquement son auteur pour empêcher les copieurs.