Le 18 juin dernier, le pape François a publié une encyclique sur l’écologie. Qu'est-ce qu'une encyclique et pourquoi une encyclique sur ce sujet ? Quel regard porte l'encyclique sur l'état de la planète? Quels sont les messages que le Pape propose en matière d'écologie chrétienne ? En quoi la religion s'intéresse-t-elle à l'Ecologie?

Analyse publiée dans « Actuailes n°39 »

De quoi s'agit-il ?

1- Pourquoi une encyclique sur l'écologie ?

Une encyclique est en quelque sorte une "lettre circulaire" adressée par le Pape à tous les fidèles.
C’est une pratique récente puisque la première encyclique date de 1740. Une encyclique n'engage pas l'infaillibilité pontificale.
Les encycliques sont des textes qui ont le plus souvent valeur d’enseignement et peuvent rappeler la doctrine de l’Église à propos d’un problème d’actualité. L’écologie est effectivement une question d’actualité.
On nomme une encyclique d'après les premiers mots du texte latin. Cette fois-ci, l’encyclique commence par "Laudato si", qui veut dire "Loué sois-tu, Seigneur". 

2- Quel est l’état de la planète ?

L’encyclique analyse la situation: elle dénonce les dégradations sociales dues aux détériorations de la qualité de la vie humaine, les inégalités, l’augmentation de la violence, la consommation croissante de drogues chez les plus jeunes. Le pape dénonce également le développement de l’injustice planétaire.
Il parle ensuite des dégradations de la nature. Trois dossiers principaux sont évoqués :
- la question de "l’accès à une eau potable sûre" (§ 28).
- Les pertes de biodiversité : chaque année, dit le Pape, "des milliers d’espèces ne rendront plus gloire à Dieu par leur existence et ne pourront plus nous communiquer leur propre message" (§ 33).
- Le climat : L’encyclique se réfère au "consensus scientifique" qui le conduit à proposer quelques solutions techniques comme la réduction de "l’émission du dioxyde de carbone... , en remplaçant l’utilisation de combustibles fossiles et en accroissant des sources d’énergie renouvelable" (§ 26).

Mais, le Pape reconnait "qu’on ne peut pas attribuer une cause scientifiquement déterminable à chaque phénomène particulier ... Il y a, certes, d’autres facteurs (comme le volcanisme, les variations de l’orbite et de l’axe de la terre, le cycle solaire)" (§ 23). Il admet que, "sur beaucoup de questions concrètes, en principe, l’Église n’a pas de raison de proposer une parole définitive et elle comprend qu’elle doit écouter puis promouvoir le débat honnête entre scientifiques, en respectant la diversité d’opinions" (§ 61).

3- Quels messages doctrinaux propose le Pape ?

Une encyclique a essentiellement pour objectif de donner des éclairages doctrinaux. Il est difficile de résumer 250 paragraphes. Retenons en simplement quelques uns:
- « Tout est lié »
Le pape répète près de 10 fois cette phrase à propos de plusieurs questions : "Puisque tout est lié, la défense de la nature n’est pas compatible non plus avec la justification de l’avortement" (§ 120), "les attaques auxquelles [la famille] est exposée", (§ 213), "l’effacement des différences sexuelles" (§ 155), "la culture du relativisme (...), l’exploitation sexuelle des enfants ou l’abandon des personnes âgées" (§ 123). On voit qu’il aborde indirectement beaucoup de sujets de la société actuelle qui, pour le pape, sont liés à l’écologie.
- « L’anthropocentrisme »
Le pape évoque la philosophie anthropocentrique qui consiste à mettre l’homme au sommet de la création, ce qui est exact, au point d’avoir un comportement "despotique qui se désintéresserait des autres créatures", ce qui conduit à des dérives graves. (§ 68). Un anthropocentrisme excessif conduit à une société techniciste, à un "relativisme dans lequel tout ce qui ne sert pas aux intérêts personnels immédiats est privé d’importance" (§ 122). Le relativisme conduit à remplacer Dieu par de nouvelles idoles : Une spiritualité qui oublie Dieu créateur nous amène à "adorer d’autres pouvoirs du monde... La meilleure manière de mettre l’être humain à sa place, et de mettre fin à ses prétentions d’être un dominateur absolu de la terre, c’est de proposer la figure d’un Père créateur et unique maître du monde" (§ 75).
L’encyclique ne condamne pas la technologie : "Nous sommes les héritiers de deux siècles d’énormes vagues de changement.. Il est juste de se réjouir face à ces progrès, et de s’enthousiasmer devant les grandes possibilités que nous ouvrent ces constantes nouveautés, parce que la science et la technologie sont un produit merveilleux de la créativité humaine, ce don de Dieu". Mais le Pape met en garde: "l’anthropocentrisme moderne, paradoxalement, a fini par mettre la raison technique au-dessus de la réalité" (§ 115).
Comment rééquilibrer les choses? L’encyclique propose quelques pistes : Lire le grand livre de la nature et en comprendre le langage, restaurer dans nos cultures le sens du travail, revenir au bien commun et au sens de la famille. 
- Une "anthropologie de la relation".
L’anthropologie est une science de l’être humain dans ses différentes dimensions, sociales, culturelles, biologiques, et même spirituelles.
C’est à ce dernier titre que le pape parle d’une anthropologie chrétienne. Dans ce contexte, il parle de relation au sens où l’homme est relation : relation entre Dieu et l’homme, relation entre l’homme et la nature, relation entre les hommes eux-mêmes, en particulier les plus pauvres ; Ces relations sont faites d’intelligence et d’amour. Le mot "relation" est utilisé des dizaines et dizaines de fois. Le Pape conclut : "Il n’y a pas d’écologie sans anthropologie adéquate".
Ces réflexions sont très concrètes et conduise par exemple le Pape à faire l’éloge de la ville : "elle nous héberge et nous unit" (§ 151), la ville doit être "un espace vraiment partagé avec les autres". C’est ainsi que le pape François se laisse aller à un élan personnel: "Comme elles sont belles les villes qui, même dans leur architecture, sont remplies d’espaces qui regroupent, mettent en relation et favorisent la reconnaissance de l’autre ! " (§ 152).

4- Conclusion

La mission du Pape, dans une encyclique, est toujours de montrer comment le Christ éclaire notre vie. En matière d’écologie, le Pape rappelle qu’il faut dépasser le contexte temporel car toute la création est appelée vers une terre nouvelle, c’est à dire celle qui suivra notre propre résurrection: « pour la compréhension chrétienne de la réalité, le destin de toute la création passe par le mystère du Christ, qui est présent depuis l’origine de toutes choses : " Tout est créé par lui et pour lui" (Col 1, 16) ».

Pour aller plus loin...

a) En matière scientifique, le Pape est-il infaillible?

On a toujours tendance à croire que le pape est infaillible, c'est à dire qu'il ne peut pas se tromper quand il parle. Le concept d'infaillibilité n'a été énoncé que très récemment en 1870, lors du premier concile Vatican. Pour qu'une déclaration soit infaillible, il faut qu'elle soit faite par le Pape lui-même, qu'il définisse que cette déclaration comme concernant la foi ou les moeurs doit être tenue pour vraie et qu'il parle ex cathedra, c'est à dire en vertu de sa position de Pape.
En réalité, la seule fois où un Pape a exercé son pouvoir infaillible date de 1950 lorsque le pape Pie XII a promulgué le dogme de l'assomption de la Vierge Marie.
En matière scientifique, le Pape n'est pas infaillible. Le Concile Vatican II a même précisé que les laïcs ne doivent pas attendre des pasteurs (c'est à dire du Pape et des évêques) "qu'ils apportent des réponses à toutes les questions, même graves, ni même qu'ils en aient la compétence". 

b) Qu'est ce que l'eschatologie chrétienne.

L'eschatologie est l'ensemble des doctrines et des croyances portant sur ce que deviendra l'homme après sa mort (eschatologie individuelle) et sur ce qui arrivera à l'univers après sa disparition (eschatologie universelle).
Les chrétiens croient à l'immortalité de l'âme humaine et à la résurrection des corps lorsque le Christ reviendra. Ils croient qu'alors, surgira une "Terre Nouvelle".
Mais, le concile Vatican 2 met les chrétiens en garde: "l’attente de la nouvelle terre, loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller". Il faut donc arrêter de rêver en consommant de manière égoïste. Il faut se réveiller pour cultiver cette terre: cela veut dire contribuer à la vérité, la justice, l'amour et la paix.

Pour approfondir...

De quoi parle l'Eglise avec les mots "Terre Nouvelle"?

Dans la Bible, Dieu promet sans cesse au peuple hébreux, de lui donner une terre. C'est la "Terre Promise". A chaque fois que le peuple croit arriver, Dieu la lui retire ou prend son temps:
- Quand les Hébreux franchissent la mer Rouge, Dieu attend 40 ans pour les faire entrer dans la Terre Promise:
- Quand Moïse arrive à proximité de la Terre Promise, Dieu lui dit: "Voilà le pays que j'ai promis par serment à Abraham, à Isaac et à Jacob ... Je te l'ai fait voir de tes propres yeux, mais tu n'y entreras pas". Et Moïse meurt.
- Quand les hébreux s'installe en Terre Promise, les pays voisins veulent la leur prendre et les guerres se succèdent.
- Quand les juifs construisent le Temple dans Jérusalem, ils sont envoyés à deux reprises en exil, loin de la Terre Promise.
Par tous ces événements, Dieu veut faire comprendre à son peuple que la Terre Promise n'est pas de ce monde. Il faut attendre le Christ pour qu'il compare le ciel à une terre agricole cultivée par le maître du lieu. Saint-Jean parlera dans un document célèbre appelé "l'Apocalypse" de la Terre Nouvelle.

Quelle forme prendra la "Terre Nouvelle"? Nul ne peut le dire.
Concernant l'homme, les premiers évêques de l'Eglise ont parlé de la divinisation de l'homme. Saint-Irénée, évêque de Lyon l'a dit ainsi: "Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu". Ce thème de la divinisation de l'homme est resté très vivant dans les églises catholiques de l'orient.
Certains disent que la défense de la nature n'est pas possible si la nature de l'homme n'est pas respectée. On parle alors "d'écologie humaine". Mais, la nature de l'homme ultime sera d'être divinisée. On peut alors parler "d'écologie divine". 
C'est exactement ce que le pape François dit dans son encyclique Laudato si: « pour la compréhension chrétienne de la réalité, le destin de toute la création passe par le mystère du Christ, qui est présent depuis l’origine de toutes choses : "Tout est créé par lui et pour lui" (Col 1, 16)»


Encyclique

Le mot vient du grec enkuklios qui signifie « en cercle ». C'est une lettre adressée par le pape à l'ensemble des fidèles sous forme d'une sorte de "lettre circulaire" (voir ce mot)..

Lettre circulaire

C'est une lettre adressée à plusieurs destinataires en même temps. Cela évite d'obliger chaque destinataire de la faire "tourner" entre les personnes concernées. 

Infaillibilité

Le mot vient du verbe latin "fallere" qui signifie "faillir", "tromper". Une personne est infaillible si elle ne peut pas se tromper. On parle ainsi de l'infaillibilité du Pape, mais dans des conditions très précises. (voir texte de l'article). 

Doctrine

Mot venant du latin "doctrina" qui signifie "enseignement, théorie, méthode". Dans l'Eglise, On parle de "doctrine" pour évoquer un enseignement religieux ou un enseignement de Dieu lui-même. 

Biodiversité

Le mot est très moderne. On devrait plutôt parler de "diversité biologique", c'est à dire de la diversité existant dans la vie et en particulier dans les espèces végétales ou animales. 

Consensus

Le mot est repris du latin lui-même qui signifie "accord". Le mot a deux sens. Le plus courant est celui de l'accord du plus grand nombre de l'opinion publique. Toutefois, dans les organisations internationales, le mot désigne une procédure qui consiste à dégager un accord sans procéder à un vote formel, ce qui évite de faire apparaître les objections et les abstentions. Cela cache alors l'inverse même d'une vérité sur laquelle tout le monde serait d'accord. 

Energie renouvelable

L'expression s'oppose aux énergies issues des réserves de charbon ou de pétrole. Les énergies issues du vent, du soleil ou de la végétation sont "renouvelables" au sens où elles sont inépuisables. C'est un concept que certains considèrent comme faux, car pour les mettre en oeuvre avec des éoliennes, des panneaux solaires ou des chaudières à bois, il faut investir des quantités importantes de métaux ou de ciments qui sont non renouvelables, surtout si leur rendement n'est pas efficace.

Anthropocentrisme

Le mot vient du grec anthrôpos qui signifie "être humain". Comme tous les mots en "isme", il s'agit d'un système de pensée qui considère que l’homme est au "centre" de toute chose. 

Anthropologie

Vient de deux mots grecs "Anthropos" qui signifie "être humain" et du mot "logos" qui signifie "science ou discours". Voir définition dans le texte de l'article.

Ex Cathedra

Expression latine utilisée telle qu'elle qui signifie "du haut de la chaire". Une chaire n'est pas de la viande, mais un meuble dans les églises haut placé sur lequel montaient les prédicateurs pour être entendu de tous. Ex Cathedra signifie donc "en position pour être entendu". 

Assomption

Mot venant du latin "assumptio" qui signifie "action de prendre sur soi" ou "s'approprier". Dans la religion chrétienne, ce mot signifie "Action d'être emporté au Ciel". Il s'applique essentiellement à la Vierge Marie. Pour le Christ, on parle d'Ascension qui est un mot qui n'a pas la même origine puisqu'il vient du verbe latin "ascendere" qui signifie "monter". 

Apocalypse

Expression venant de deux mots grecs, kalúptô qui signifie "cacher" et du préfixe ápó qui signifie "privé de quelque chose". Littéralement l'Apocalypse est donc quelque chose qui est "dé-caché", c'est à dire "dévoilé aux hommes" comme si on retirait un "voile qui cachait la chose". L'apocalypse est une prophétie de saint Jean qui dévoile aux hommes ce que sera la Terre Nouvelle.