Un forum s’est réuni en Mars 2017 rassemblant:
- Le Programme de recherche sur la géo-ingénierie solaire de Harvard
- Le centre Emmett sur le changement climatique et l’Environnement de l’Université de Californie à Los-Angelès.
Ce forum a été financé par une généreuse donation de la Fondation Alfred P. Sloan. 

L’idée a été proposée de tirer des aérosols dans la stratosphère pour blanchir  les nuages pour refléter la lumière du soleil dans l’espace.  Ces tirs pourraient être réalisés par des avions militaires à haute altitude. Les nuages pourraient être plus réfléchissants s’ils étaient pulvérisés avec une brume saline fine.
L’argument mis en avant est que la réduction des gaz à effet de serre ne serait pas suffisante pour espérer une mitigation suffisante sur le climat. 

Pourquoi un moratoire est-il indispensable ?

Commentaire: "les2ailes.com"

1- Le rôle des nuages sur le climat ?

On ne peut pas entendre  à la fois deux discours contradictoires :

- D’un côté, ce « forum » prétendre qu’il serait utile de « blanchir » les nuages par des aérosols qui réfléchiraient les rayons du soleil vers le cosmos pour freiner le réchauffement climatique,
- Et de l’autre entendre l’IPCC affirmer que les nuages ne jouent pas de rôle dans le climat.

Or, lorsque l’IPCC cherche à expliquer l’origine de la période chaude contemporaine, il explique que « la plupart des études inter-comparatives sur le forçage radiatif (RF) des gaz à effet de serre sont faites dans des conditions de ciel clair et libres d’aérosols » (IPCC- WGI-AR5_ 8.3.1).  L’IPCC est tellement convaincu que les mécanismes relatifs aux nuages sont sans importance qu’il ne les prend pas en compte dans ses modèles.

En réalité, il est très probable que les nuages jouent un rôle, mais probablement pas dans leur fonction réfléchissante. Le Giec, comme d’autres scientifiques convaincus que c’est le soleil qui explique la période chaude contemporaine, sont unanimes à considérer que les variations radiatives d’origines solaires ne suffiraient pas à expliquer les variations de températures observées. Les calculs de bilans thermiques semblent unanimes sur ce point.
En revanche, d’autres scientifiques, dont certains ont participé à des groupes de recherches au CERN, ont émis l’hypothèse que la dimension magnétique de l’activité solaire pourrait dévier, plus ou moins selon les périodes, les rayons cosmiques dans l’espace. Or ces rayons joueraient un rôle sur la constitution des nuages. N’y aurait-il pas deux effets qu’il faudrait quantifier :
- l’effet réfléchissant de ces nuages, probablement négligeable
- les bilans thermiques de la condensation ou de la vaporisation de l’eau dans l’atmosphère, jouant un effet tampon peut-être plus important. 

L’IPCC ne peut pas se contenter de justifier son approximation en disant que « l'introduction de nuages compliquerait grandement les objectifs de la recherche » (Giec WGI-AR5_WGI 8.3.1). Quels sont les « objectifs de la recherche » ? Les principes fondateurs de l’IPCC laissent croire que sa seule mission consiste à « comprendre les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d'origine humaine » (Cf: Principles governing IPCC work -§ 2). Et s’il y avait d’autres causes qu’humaine ? Malheureusement l’IPCC n’a « pas pour mandat d’entreprendre des travaux de recherche ni de suivre l’évolution des variables Climatologiques ou d’autres paramètres pertinents ». (Conférence sur le climat – Paris 2015)

Une chose est certaine :

- En 2014, il y avait au moins 93 articles scientifiques revus par des pairs publiés dans des revues scientifiques et affirmant un rôle influent du Soleil dans le changement climatique.
- En 2015, il y avait au moins 95 articles scientifiques affirmant le lien Soleil-climat.
- A la date du 21 nov. 2016, il y avait déjà eu 107 études  publiés dans des revues scientifiques affirmant le lien entre forçage solaire et changement climatique. 

Malheureusement, toutes ces questions sont insuffisamment étudiées et il y aurait urgence à ce que l’IPCC introduise les nuages dans ses modèles.

2- Les risques liés à la géo-engenierie

On ne peut pas entendre des discours contradictoires :
- d’un côté l’étude entendre des spécialistes de géo-enginierie vouloir s’engager dans une aventure à impact planétaire
- d’un autre côté lire la revue Sciences express qui a publié le 15 janvier 2015, une étude scientifique intitulée : "Planetary Boundaries: Guiding human development on a changing planet". Dix neuf auteurs y analysent une série de neuf critères justifiant, selon eux, des entraves à l’activité humaine sous forme de "limites planétaires". Johan Rockström,  un des co-auteurs, a longuement présenté les conclusions au « forum économique mondial » de Davos, les 21-24 janvier 2015. 

Or la huitième des « limites » invoquée  dans cette étude est celle concernant les « nouvelles entités chimiques ». Ce concept est défini comme les «  nouvelles substances, les nouvelles formes de substances existantes et les formes de vie modifiés qui ont un potentiel géophysique non désirées et / ou des effets biologiques ».

L’étude estime que « l'introduction dans l’environnement, de nouvelles entités anthropiques constituent une préoccupation au niveau mondial lorsque ces entités exposent  (i) la persistance, (ii) la mobilité, et (iii) les impacts potentiels des processus vitaux du système terrestre ou de ses sous-systèmes. Ceux-ci incluent les produits chimiques potentiellement et d'autres nouveaux types de matériaux ou organismes[1] manufacturés inconnus auparavant dans le système terrestre, ainsi que des éléments naturels (par exemple des métaux lourds) mobilisés par les activités de anthropogéniques ».

L’étude donne un exemple : « Les risques associés à l'introduction de nouvelles entités dans le système Terre sont illustrés par la libération de CFC (chlorofluorocarbones), qui sont des produits chimiques synthétiques très utiles que l'on croyait être inoffensif, mais qui avaient des impacts dramatiques inattendus sur la couche d'ozone stratosphérique. Or, l'humanité est en train de renouveler  plusieurs fois de telles pratiques à l'échelle globale, sans tirer la leçon de l'expérience précédente aux nouvelles applications »

Les spécialistes de géo-ingénierie ont-ils la moindre idée de l’impact qu’aurait leurs propositions sur la couche d’ozone ? 

3- Les conséquences du réchauffement climatique ?

On ne peut pas engager de tels programmes de géo-ingénierie quand on entend deux discours contradictoires :
- d’un côté, celui prétendant que la période chaude contemporaine a provoqué des catastrophes au plan humain,
- d’un  autre côté, celui de l’IPCC lui-même qui reconnait que

* concernant les vagues de sécheresses :
« Les épisodes de sécheresse du dernier millénaire étaient d’une plus grande ampleur et d’une durée plus longue que ceux observés dans de nombreuses régions depuis le début du XXe siècle (degré de confiance élevé) ». (Rapport GIEC - AR5)

* concernant les inondations : « On peut dire avec un degré de confiance élevé que des inondations plus importantes que celles observées depuis 1900 se sont produites au cours des cinq derniers siècles dans le nord et le centre de l’Europe, dans l’ouest de la région méditerranéenne et dans l’est de l’Asie ». { Rapport GIEC - AR5 § 2.6.2 et 5.5.5}

* concernant les cyclones : « La confiance reste faible quant aux changements d’activités sur le long terme des cyclones tropicaux".... "les chiffres actuels n’indiquent pas de tendance significative dans la fréquence des cyclones tropicaux par rapport au passé" (« Rapport pour les décideurs » du Giec p. 2/60)

* concernant le niveau des océans : Le Giec parle d’une dilatation des océans qui conduira à une hausse de  8/16 cm/siècle !

 Tous ces événements climatiques extrêmes sont donc des phénomènes qui se mesurent sur le long terme. Il semble bien prématuré de soumettre la planète à des interventions humaines relevant de la géo-ingénierie.

4- Et si le problème se résolvait naturellement ?

L’IPCC lui-même reconnait  que « la plupart des simulations de la période historique ne reproduisent pas la réduction observée dans la tendance au réchauffement de surface moyen sur les derniers 10 ou 15 ans » (IPCC -WG1-AR5 - Chap 9  p. 743).

Il y a donc un ralentissement du réchauffement reconnu dans cette déclaration de l’IPCC.
Certes, l’IPCC prétend que « le renversement de tendance du réchauffement depuis 1998 s’explique par la combinaison d’une basse activité solaire dans les 10 années récentes et par l’exceptionnel évènement qui est arrivé sur El Nino » (First Draft- Chap. 10.3.1.1.3 p. 21).

Mais, en identification, le phénomène ENSO, n’a pas sa place dans la recherche des causes affectant le comportement climatique. En effet,  ces données ne sont ni indépendantes, ni externes au système climatique. Le phénomène ENSO n’est pas non plus mesurable sur une longue durée .

Or les études d’identification du système climatique lient ce ralentissement à une irradiance solaire qui s’est réduite pendant cette période.

C’est d’ailleurs la réduction de cette irradiance qui permet d’expliquer la période froide qui a sévie, de façon dramatique, sur la planète pendant les XVIII et XIX° siècle (Bérésina).

Malheureusement l’IPCC ne retient que 150 ans dans ses observations ce qui est insuffisant pour analyser les problèmes.

D’ailleurs l’IPCC reconnaît son incapacité à expliquer la cause de ce hiatus qui dure depuis 10-15 ans : il y a « une confiance moyenne que la différence de tendance entre les modèles et les observations durant 1998-2012 est causée à un degré substantiel par la variabilité interne, avec une possible contribution venant d’erreurs de forçage et une surestimation par certains modèles de la réponse à l’augmentation de forçage par les gaz à effet de serre ». (IPCC -WG1-AR5 - Chap 9  p. 743).

CONCLUSION

La géo-ingénierie est une solution prématurée, dont rien ne dit qu’elle sera efficace, qui fait peser des risques sur la planète non évalués.

On ne peut, non plus s’empêcher de se poser des questions sur les intérêts financiers en jeux. Laudato si a largement mis en garde sur cette question :  « Le paradigme technocratique tend aussi à exercer son emprise sur l’économie et la politique. L’économie assume tout le développement technologique en fonction du profit, sans prêter attention à d’éventuelles conséquences négatives ...  Dans certains cercles on soutient que l’économie actuelle et la technologie résoudront tous les problèmes environnementaux...... Par leurs comportements, ils indiquent que l’objectif de maximiser les bénéfices est suffisant » (§ 109).

 

[1] M. Cole, P. Lindeque, C. Halsband, T. S. Galloway, Microplastics as contaminants in the marine environment: A review. Mar. Pollut. Bull. 62, 2588–2597 (2011). 10.1016/j.marpolbul.2011.09.025 Medline doi:10.1016/j.marpolbul.2011.09.025