Dans le nord de la Haute-Garonne, 929 petits ruisseaux viennent d'être déclassés et ne sont plus considérés que comme de vagues fossés ou de très éphémères ravines exclus du réseau hydrographique départemental. La nouvelle créée de l’émotion : la sécheresse due au réchauffement serait-elle à l’œuvre ?
Cette nouvelle rendue publique le 26 décembre 2017, appelle en réalité deux commentaires :
- Il s’agit d’abord d’une modification de normes et de distinguer « une bonne fois pour toutes ce qui mérite d‘être appelé cours d‘eau, et ce qui n'est considéré que comme un simple écoulement ».
- Pour les ruisseaux qui ont gardé leur statut antérieur, il faut  ne pas se voiler la face : un plan « Garonne 2050 » dit clairement qu’il faut prévoir une « baisse des Débit d’objectif d’étiage (DOE) de 25 %, ce qui nécessiterait de trouver environ 335 millions de mètres cubes pour répondre aux besoins d’étiage  (dont 195 millions par création de retenues), ou 415 millions si l’on décidait d’augmenter de 20 % les allocations en eau agricole négociées pour 2021 ». Malheureusement,  l’aménagement du territoire est un mot tabou. 
L’affaire de Sivens et ses 1,5 millions de m3, représente une goutte d’eau dans ce schéma et a soulevé, malgré tout, des oppositions importantes. Au lieu de lancer des pétitions contre la déclassification des faux ruisseaux, les écologistes feraient mieux de se favoriser la construction de retenues pour maintenir l’étiage des vraies rivières en Hautes-Pyrénées. Quelles seront les conséquences pour l’agriculture et pour l’approvisionnement en eau potable, si aucun des ouvrages à l’étude ne voient le jour, à l’horizon 2021 ? 

Source : LaDepeche.fr du 27.12.2017

Commentaire: "les2ailes.com"

Les critères de la classification en « cours d’eau »

Pour mériter d'être considéré comme un cours d'eau, un écoulement doit répondre à trois critères cumulatifs définis par le code de l'environnement : il doit avoir un débit suffisant pendant la majeure partie de l'année, et posséder un lit ainsi qu'une source clairement identifiable. Si un de ces trois éléments manque à l'appel, l'écoulement échappe à la qualification et aux mesures de protection qui l'accompagnent.

Conséquences relatives à ces dé-classifications.

Quand un cours d'eau est « déclassé » les agriculteurs ne sont plus tenus de maintenir une bande enherbée sur ses berges ; ni de respecter les zones de non-traitement à cinq mètres de chaque côté du cours.

L'urgence de relancer le « Plan Garonne 2050 »

La difficulté a consisté à « recartographier le nord du Comminges et le Muretin. Trop complexe en raison de son régime soumis à la fonte des neiges ». Le piémont pyrénéen échappe donc à cette remise à jour.

Sachant qu’un individu consomme 50 m3 d’eau potable par an et que la région Garonne prévoit 1,3 millions d’habitants supplémentaires d’ici 2050, il faudra 65 millions de m3 d’eau pour l’eau potable sans compter les productions maraîchères locales nécessaires. Tout le plan Garonne 2050 est donc en jeu avec 335 à  720 millions de m3 de retenues à mettre en œuvre selon les scénarios.

L’exercice Garonne 2050 s’est déroulé en deux phases.

  • Dans sa première phase, cinq scénarios différenciés ont été explorés dont un scénario tendanciel retenant l’hypothèse d’une baisse de 40 % du nombre d’exploitations agricoles. Les scénarios « libéral » (suppression des politiques de l’eau et de la PAC) et « sobriété » (réduction de moitié de la superficie irriguée avec abandon du maïs et du soja) sont associés à une hypothèse de baisse de 80 à 90 % du nombre d’exploitations agricoles alors que les scénarios « stockage » (politique de l’eau de type espagnol) et « local » (les collectivités mettent en place des projets d’agriculture durable) sont au contraire associés à une hypothèse de maintien du nombre d’exploitations.
  • Dans sa deuxième phase, Garonne 2050 a exploré trois scénarios se différenciant par le niveau de réduction des DOE[1] (débits d’objectif d’étiage) à décider à l’horizon 2050. Les principaux résultats sont les suivants :

- Le scénario « réduction de 50 % des Débit d’objectif d’étiage (DOE) » (réduction des débits à hauteur de la baisse des apports naturels d’étiage annoncés à l’horizon 2050) s’avère inacceptable. Il conduirait à une remise en cause des services rendus par la Garonne, de mai à novembre avec un risque de défaillance de production d’eau potable de qualité.
- Le scénario « maintien des DOE à leur niveau actuel » imposerait la création de très importantes infrastructures de stockage dont le coût paraît prohibitif.
- Pour les auteurs de l’étude, le scénario « réduction de 25 % des DOE » serait le moins inacceptable. Il permettrait en effet de préserver l’essentiel des usages à un coût plus acceptable. Le scénario suppose cependant de trouver 335 millions de m3 , dont 195 millions par création de retenues, le reste étant à prélever dans les réserves hydroélectriques existantes.

Si rien n’est fait, on assistera à la poursuite du recul de l’agriculture. , c’est une bonne partie du territoire régional qui est passée à la friche : sur 30 000 ha de SAU perdus en trente ans (Languedoc Roussillon), 14 000 sont devenus des friches et 16 000 ont été artificialisés.

 

[1] Le DOE (débit d’objectif d’étiage) est la valeur de débit mensuel au « point nodal » (point clef de gestion) au dessus de laquelle il est considéré qu’à l’aval du point nodal, l’ensemble des usages est en équilibre avec le bon fonctionnement du milieu aquatique (source : ministère chargé de l’environnement). Le DOE « sert de référence pour l’exercice de la police des eaux et des milieux aquatiques pour accorder les autorisations de prélèvements et de rejets. Il doit être respecté en moyenne huit années sur dix ».