Non que le soleil soit déplaisant pour un pèlerin. Il est simplement propice à une réflexion sur ce qualificatif populaire , « cramé » ! Le mot évoque un individu dont la prise de parole devient difficile : il est brûlé, carbonisé, non parce qu’il serait fou, « barge » ou complètement « tapé » comme on dit. En réalité son discours est repéré. Il est donc radié du monde consensuel. Au long des chemins, il se bat pour un peu plus de vérité dans les pastorales écologiques. Mais, comme le disait  Henri de Montherlant (La Reine morte, 1942, page 221), « Le bruit de la vérité les épouvante comme la crécelle d'un lépreux ». Un pèlerin « cramé » marche avec une crécelle!
Faut-il s’émouvoir de se sentir « cramé »? Le journaliste Raphaël Enthoven, pourtant peu recommandable, parle avec humour d’Alain Finkielkraut: « l’avantage d’être cramé depuis une éternité, c’est que les ailes ne brûlent plus... Sa longévité sur le court force le respect mais l’expose à se faire battre par des amateurs. J’ai parfois le sentiment [qu’il] n’imagine pour lui qu’une seule fin : la crucifixion où il verrait la preuve qu’il a raison. »

Il ne s’agit pas de se donner une posture de crucifié, ni de prétendre avoir le talent de Finkielkraut, mais simplement de comprendre que les écologistes qui s’acharnent à « cramer» leurs contradicteurs sont hélas souvent des écologues amateurs qui n’ont comme source que les lieux de consensus, médias, ONG ou politiques.

On ne devrait pas dire « il est cramé », mais « il s’est cramé ». En effet, le cramé n’a pas vraiment été « adroit comme les serpents, et candide comme les colombes » (Mt 10,16) . Sa parole était plutôt du genre « tranchante [comme une] épée quelconque à deux tranchants » (Hébreux 4:12).

Dans ce combat pour la vérité, qui est le plus « cramé »?


Des opinions publiques à l'état de terres brûlées

Tant de bonimenteurs et autres bateleurs de foire sèment la peur qu'ils ravagent l'esprit des opinions publiques. Ils les réduisent à l'état des terres brûlées abandonnées par des barbares en déroute. Ils savent que l’heure de la vérité sonnera et s’acharnent à détruire le maximum de choses pour freiner la progression de la joie, cette joie qui est leur véritable ennemi, car la joie est le seul antidote de la peur. Cette politique de la « terre brûlée » fait des ravages en particulier chez les jeunes qui suivent les hordes sauvages que constituent les mouvements « NoKids », « KillYourself » et « Kokikomori »(vivez reclus).

Nous appelons les responsables de pastorale à ne pas se laisser « cramer », à leur tour en imaginant que rejoindre les opinions dans leurs peurs serait un chemin d’évangélisation.La mission d’évangélisation ne consiste pas pour l’église, à se donner une bonne image en adhérant aux consensus écologiques, surtout quand ils sont sources de peurs de toutes sortes.  Ne montrons pas l’état de la planète aux incroyants. Ce n’est pas la mission de l’église. Montrons leur le Christ qui n’est pas venu pour nous réconcilier avec la Création mais avec Dieu, son père. En collaborant, ne serait-ce qu’un tant soit peu avec la peur, la pastorale empêchera les jeunes d’entendre le Christ leur dire « soyez dans la joie ».

Déversons plutôt sur la jeunesse des Canadairs de joie plutôt que de lui expliquer que l’ennemi a peut-être de bonnes raisons de l’avoir manipulée en expérimentant sur elle la tactique de la terre brûlée. Surfer, même très peu, sur cette peur écologique, hystérique et collective n’est jamais légitime ni crédible. C’est même contre productif et ce n’est pas une approche évangélique.

Le « cramé » porte-t-il des fruits ?

Que devient une démarche sans tête et sans racines, orpheline de celui qui l’initie au motif qu’il n’est pas saint ? Serait-elle condamnée à ne répondre qu’aux demandes du temps présent ? Nous n’aurions donc pas besoin de «combattants », aussi cramés soient-ils, mais seulement de « saints » ?  Derrière ces questions, s’en cache une autre : Ne juge-ton pas l’arbre à ses fruits ?

Aline Lizotte répond

« Ne nous y trompons pas ! L’œuvre ne témoigne pas d’abord de la sainteté des personnes qui l’accomplissent. Elle témoigne de l’amour de Dieu envers l’homme et de la libéralité de Dieu, qui choisit qui Il veut pour accomplir son œuvre... L’inconciliable demeurera inconciliable si l’on cherche à juger de la personne et de l’œuvre à l’aune de critères humains. Et si l’on n’admet pas que la sainteté de la personne et l’efficacité spirituelle de l’œuvre dépendent l’une et l’autre de la volonté de Dieu, et non du lien qui semblerait inséparable. Ce n’est pas la sainteté de la personne qui rend l’œuvre spirituellement efficace, ni l’efficacité de l’œuvre qui sanctifie la personne ! »

Il est tellement plus tentant de juger si quelqu’un est « cramé » que de s’interroger : si l’on condamne l’homme, faut-il condamner sa démarche ? Et si l’on juge l’homme, faut-il le séparer de ce qu’il essaie de dire ? Ne juge-ton pas l’arbre à ses fruits ? Dieu n’assure-t-il pas la fécondité d’une œuvre quand cette œuvre vient de Lui, quelle que soit l’aura de celui qui l’entreprend ? Dieu seul est juge ! Et peut-on savoir si Dieu ne se sert pas de la misère d’un pauvre « cramé » pour manifester sa miséricorde.