« A chaque fois que vous vous retrouvez à penser comme la majorité des gens, faites une pause, et réfléchissez...» (Marc Twain)

La presse s’est fait l’écho d’une solution alternative au glyphosate pour le désherbage des voies ferrées à la SNCF. Il s’agirait d’un mélange d’acide pélargonique, produit des techniques dites de "biocontrôle", et d’un désherbant chimique de la famille des sulfonylurées. L’analyse détaillée de cette information montre à quel point il s’agit de satisfaire un certain nombre d’objectifs politiques : faire croire que la solution trouvée est bio, alors qu’elle a recours à un herbicide assez classique. Il apparaît que les  sulfonylurées ne sont probablement pas moins cancérigènes que le glyphosate. Les fabricants de semence ont déjà, de longue date, repéré qu’ils pouvaient produire des semences OGM résistantes aux herbicides de type sulfonylurées, exactement comme d'autres sont résistantes au glyphosate.
Verra-t-on dans quelques temps les ONG condamner, à ce titre, ce qu’ils auront encensé ? 

Source : France-Agricole - 18.12.2020

Analyse: les2ailes.com"

1- Le glyphosate à la SNCF 

La SNCF utilise entre 35 à 38 tonnes de glyphosate par an, ce qui en fait la plus grande utilisatrice de France… avec 0,4 % du total utilisé en France.
C’est un impératif de sécurité : la végétation pourrait retenir l’eau et déformer la plateforme (et donc les rails) de ses 30 000 km de lignes. Les touffes d’herbe pourraient en outre gêner les rayons laser vérifiant l’écartement des voies ou perturber les tournées d’inspection des cheminots. 
Quant aux pistes longeant les voies, elles doivent impérativement être dégagées pour que les agents puissent se déplacer rapidement et le cas échéant évacuer les voyageurs en cas de problème.
Pour occire cette végétation indésirable, des « trains désherbeurs » passent au printemps. Ils aspergent les voies et les pistes d’une solution à base de glyphosate, un produit accusé de provoquer des cancers.

2- L’alternative

  1. L’acide pelargonique

Il s’agit d’un produit composé d’acide pélargonique, un produit de biocontrôle (utilisant des produits naturels). Mais Jean-Pierre Pujols, responsable de la maîtrise de la végétation chez SNCF Réseau, reconnaît que « l’acide pélargonique seul ne fonctionne pas ». C’est un produit bien connu et commercialisé par des producteurs comme « Novamont » qui l'extrait industriellement à partir de chardons. Certes, c'est donc une molécule produite par le vivant, mais c’est aussi le cas pour la toxine botulique et la ricine, qui font partie des molécules les plus toxiques connues sur notre planète.
Son  efficacité douteuse est connue. Son coût exorbitant également. La SNCF ne s’y trompe pas en disant qu’il lui faudra « passer deux fois par an avec des matériels plus précis ».

b. Les « sulfonylurées »

L’alternative consiste donc à ajouter environ 5% d’une produit de synthèse de la famille des sulfonylurées[1]. Mais ce mélange, dit la SNCF, « s’approche du glyphosate sans l’atteindre ». Mais ce mélange est-il sans risque comparé à celui du glyphosate?

3- Le risque du glyphosate / le risque des sulfonylurées ?

  1. Le risque lié au glyphosate ?

Tout produit de la pharmacie humaine ou de la phytopharmacie (pharmacie des plantes) risque d’être cancérigène s’il n’est pas utilisé avec les prescriptions d’usage.
L’OMS a prétendu que le glyphosate était probablement cancérigène. En théorie, peut-être, comme l’OMS avait dit que la charcuterie est probablement cancérigène. Cette déclaration a été faite sur la foi d’une « monographie 112 » rassemblée par  Christopher J. Portier, dont les conflits d’intérêts n’avaient pas été annoncés au préalable.  
Publiée dans The Lancet Oncology. le 16 mai 2015, cette monographie ne prenait pas en compte une étude épidémiologique menée sur plus de 20 ans. Elle n’a été publiée que le 9.novembre 2017 dont les résultats provisoires étaient bien connus dans la communauté scientifique. Cette étude épidémiologique publiée dans le Journal of the National Cancer Institute (JNCI, de l’Académie d’Oxford, a été menée sur 54.000 agriculteurs. Elle a observé un grand nombre d'habitude de vie des personnes retenues, alimentation, addictions, poids, exposition à cinq autres pesticides… L’étude était longitudinale, c'est-à-dire qu’elle a suivi des agriculteurs pendant cinq ans. L’étude était ciblée cancer par cancer, au motif que des données générales auraient pu masquer l’existence d’un cancer meurtrier dû au glyphosate. Cette étude confirme que le glyphosate « n'a révélé aucune association statistiquement significative avec l'utilisation de glyphosate et le cancer »[2] .
La plupart des procédures perdues par le producteur de glyphosate en justice, portent sur des défauts d’étiquetage sur la qualité des prescriptions à prendre en compte dans l’usage du glyphosate.

b. Le risque lié à l'acide pélargonique

L'EFFSA  a analysé certains risques: "Un risque a été identifié pour les vers de terre et pour les populations d'arthropodes non cibles en champ". Quant à savoir si l'acide pélargonique provoque le cancer, il est dit dans le document de l'EFSA qu'il n'y a tout simplement pas de données. Et là où il n'y a pas de données, le CIRC ne procède pas non plus à un classement [2bis]. Même le parti écologique EELV s'interroge sur l'acide pélargonique : "les quantités mises sur le marché font qu’il n’y a que peu d’obligations de la part des fabricants à effectuer des tests toxicologiques et écotoxicologiques. Les données restent donc fragmentaires.... C’est une molécule corrosive qui provoque des brûlures de la peau et des lésions oculaires graves pouvant aller jusqu’à une perte de la vue !".  

c. Le risque lié aux sulfonylurées ?

Point besoin d’une longue recherche pour trouver que

  • les sulfonylurée sont très utilisés en médecine humaine sous le nom de « sulfamides » dans le suivi du diabète sucré de type 2.
  • Les sulfonylurées« pourraient augmenter l'apparition de cancer en raison de l'action sécrétagogue d'insuline qu'elles induisent » (revue médicale suisse)[3].
  • Les sulfonyluréespeuvent également avoir une action herbicide, en inhibant l'acétolactate synthase (ALS) responsable de la croissance végétale (Wikipedia).

On dira que le mélange n'en contient que 5%. Mais chacun sait que les risques cancérigènes peuvent exister simplement avec des traces de présence.

d. Bénéfices/risques

Certes, ce genre d’allégation concernant les sulfonylurées ne doit peut-être pas remettre en cause son usage au vu d’une saine pesée des bénéfices et des risques.
Dans des conditions très comparables, cette pesée devrait, à tout le moins être reconnue comme bénéfique pour le glyphosate.

4- L’ennemi caché : les OGM

Il faut préciser en préalable que les OGM n’ont aucun risque pour la santé humaine. Aucun mort depuis 30 ans d’utilisation. L’idée qu’il faudrait du recul ne tient pas dans la mesure où des millions de carcasses de porcs et de bovins, nourris aux OGM, ont toujours été déclarées saines lors des inspections de vétérinaires dans les abattoirs américains. S’il y avait eu un risque, les avocats se seraient précipités sur ce type de preuve.

  1. OGM et glyphosate

Les ONG, sans véritable argument sur la toxicité du glyphosate, reprochent surtout à ce produit d’être associé à l’usage des OGM dans la mesure où Monsanto a mis au point des semences résistantes au glyphosate.

b. OGM et sulfonylurées

Il apparaît que des sociétés ont déjà mis au point des plantes OGM résistantes aux sulfonylurées. Citons entre autres[4] :

Même le canabis fait l’objet de recherche d’OGM réistants aux sulfonylurées ( NorStar Genetics, semence Moonshadow)

5- Conclusion, bilan

Si cette alternative se confirme,  il est probable que les ONG pourraient prendre le temps nécessaire pour crier victoire et faire croire que leurs actions ont permis à la société de « sortir du glyphosate », comme ils cherchent à « sortir du nucléaire.
Il ne serait pas étonnant qu’ensuite, les ONG partent en guerre contre les sulfonylurées au motif qu’ils servent les intérêts de grandes multinationales les utilisant en association avec leurs semences OGM. Les ONG auront beau jeu de mettre en avant un caractère « probablement cancérigène » des sulfonylurées.
Tout cela relèverait de la mascarade et il ne sera pas compliqué de retenir que tout cela est connu depuis longtemps.
Les sulfonylurées sont en effet des herbicides connus de longue date. Pourquoi alors ne pas les utiliser selon les protocoles classiques sans les mélanger à de l’acide pelargonique ? Comme si la SNCF, pour se dédouaner des opinions publiques et faire œuvre de conformité aux recommandations publiques appelant à des solutions relevant des techniques de « biocontrôle ».
Le bilan est que ni le Glyphosate ni les sulfonylurées ne présentent de véritables risques cancérigènes s’ils sont utilisés avec les précautions d’usage.  Tout cela n’aura servi qu’à entretenir  la peur dans les opinions publiques et à accroître les coûts agricoles et à faire croire que l’accroissement de la population n’est pas compatible avec le développement durable !


[1] Cette famille regroupe de très nombreux herbicides dont les noms de molécules sont :  amidosulfurone, azimsulfurone, bensulfurone, chlorimurone-éthyl, chlorsulfurone, cinosulfurone, cyclosulfamurone, éthoxysulfurone, flazasulfurone, flucétosulfurone, flupyrsulfurone, foramsulfurone, halosulfurone, imazosulfurone, iodosulfurone, mésosulfurone, métazosulfurone, metsulfurone-méthyl, nicosulfurone, oxasulfurone, primisulfurone, prosulfurone, pyrazosulfurone, rimsulfurone, sulfométurone, sulfosulfurone, thifensulfurone, triasulfurone, tribénurone, trifloxysulfurone, triflusulfurone, tritosulfurone, ou le 1-((2-chloro-6-propyl-imidazo[1,2-b]pyridazin-3-yl)sulfonyl)-3-(4,6-diméthoxy-pyrimidin-2-yl)urée. (source : Office européen des brevets,  28.10.2015 Bulletin 2015/44, page  84, ligne 31 et suiv.)

[2] JNCI, académie d’Oxford, « Glyphosate Use and Cancer Incidence in the Agricultural Health Study” (abstract, § background)

[2bis]: source: EFSA Journal 2013; 11 (1): 3023 "For pelargonic acid, data gaps to address the following aspects of the ecotoxicological risk"

[3] La Revue Médicale Suisse fait état en 2010 d’une étude à ce sujet :  Bowker SL, Majumdar SR, Veugelers P, et al. Increased cacner-related mortality for patients with type 2 diabetes who use sulfonylureas or insulin. Diabetes Care 2006;29:254-8.

[4] Source : ISAAA : « GM Events with Sulfonylurea herbicide tolerance”

[5] Plante résistante à l’imidazolinone (de la famille des Hydroxybenzonitriles) - (source : Office européen des brevets,  28.10.2015 Bulletin 2015/44, page  18, ligne 30)