La retraite itinérante entreprise par l'auteur[1] de ces lignes sur un périple prévu sur 4000 km, est une manière de « troquer le canapé pour une paire de chaussures », comme nous y appelle le Pape François à Cracovie. Au fil  des étapes, le pèlerin propose dans les paroisses, diocèses, des temps d’échange sur l’écologie intégrale.  
Ce thème de l’écologie intégrale est accroché dans le cœur de nombreux entrepreneurs, leaders d'opinions, porteurs de projet, responsables religieux qui sont attachés au Christ et qui ont soif de ré-évangéliser l’Europe ; Quel enjeu !
Vincent Neymon, porte-parole de la Conférence des évêques de France, a parlé récemment de l’écologie intégrale comme d’un « outil d’évangélisation ». Mais de quelle évangélisation parle-t-on? Pour évangéliser, une Europe engluée dans les peurs sanitaire et écologique, troquer son canapé contre des chaussures pour aller écouter ce qui se dit aux périphéries, permet de ne pas tomber dans la tentation de l'esprit mondain. Une bonne recette d'évangélisation consiste à avoir une lecture évangélique de Laudato si !

Analyse "les2ailes.com"

  1. Une évangélisation ? Laquelle ?

L’écologie peut-elle être un chemin d’évangélisation? Ne nous méprenons pas : Le concile, dans Ad gentes,[1bis]  explique bien que la fin propre de l’évangélisation est la plantation de l’Église dans les peuples et :

  • de faire connaître le dessein du Père, qui appelle les hommes à la divinisation,
  • d’annoncer que son fils Jésus est le véritable médiateur entre Dieu et les hommes, et qu’il a pris la condition d’homme pour faire participer l’humanité à la nature divine
  • d’expliquer la mission de l'Église qui, avec l’aide du Saint-Esprit, est de baptiser toutes les nations et de propager la foi. 

Il y a, dans cette expression de "chemin d’évangélisation", une confusion entre le concept même d’évangélisation, celui de cheminement avec les incroyants, et celui d'une « exigence de rencontre pour rejoindre les personnes là où elles sont », comme le disait le pape François au cours d’une audience  le 18.11.2019.

2. Une Europe engluée dans une écologie devenue religion païenne 

Une religion en cache une autre! L’Europe est engluée dans une écologie qui a tous les attributs d’une religion. 
Une série de sept axes permet de mesurer ce qui caractérise un fait religieux. Chacun peut s’interroger ainsi sur les caractéristiques religieuses qu’il accorde à l’écologie ou à sa pratique chrétienne

  • l’axe logique
    Où est passé la logique quand on voit que le Giec ne retient que 150 ans d’observations. Comment peut-il évaluer l’impact de l’activité solaire sur le petit âge glaciaire à l’époque de la Berezina ou sur la période chaude médiévale à l’époque où le groenland était une « terre verte »?
  • L’axe de l’autonomie
    L’écologie devient un marqueur de notre époque et il devient difficile de préserver notre autonomie de pensée et de prendre du recul sur le discours des médias.
  • L’axe de l’autorité de référence
    L’écologisme n’accorde de crédit qu’au consensus et oser répercuter le discours d’un dissident est plus effrayant que le bruit de la crécelle d’un lépreux ! La dissidence pourrait être contagieuse !
  • L’axe social
    L’écologisme se fixe des objectifs sociaux, par exemple en voulant éradiquer la pauvreté, mais ce sont plutôt les pauvres qu’il éradique en leur imposant un modèle d’économie décarbonée totalement inviable et les condamnant à mort.
  • L’axe moral
    L’écologie se dote de références morales, mais souvent en s’enfermant dans des dialectiques simplistes comme par exemple celui de la biodiversité réduite à  une posture de proie face à un homme prédateur.
  • L’axe symbolique
    L’écologie n’échappe pas à la mise en place de rituels, de sacrifices supposés faire avancer la cause écologique. Sans tomber dans le culte à Gaia, notons par exemple que la vertu de frugalité proposée par Laudato si pour nous aider à mieux écouter Dieu et le cri des pauvres, devient un rituel de précaution matérialiste pour préserver les ressources de la planète... un peu comme si le rite du jeûne le vendredi saint avait pour objectif de maigrir.
  • L’axe de la cohérence du monde
    La cohérence de l’écologie est d’essence matérialiste sans prise en compte du fait spirituel. Malheureusement, l’écologie s’est débarrassée de Dieu.

Tous ces attributs caractérisant le fait religieux pourraient s’appliquer à certaines formes de nos pratiques chrétiennes. Alors comment distinguer une religion païenne de notre foi chrétienne ? Candiard y répond : contrairement au vrai Dieu, « les idoles sont incapables de procurer de la liberté intérieure ; c’est peut-être même à cela qu’on les reconnaît. Elles créent de l’obsession, du scrupule et de la peur » (Adrien Candiard, « Du fanatisme », P. 65). La promotion de l’écologisme est le fait d’un véritable prosélytisme jouant de la peur pour convaincre, alors que l’évangélisateur est un témoin de la foi qui l’anime. 
La véracité d’une religion se mesure aux ressources de vie qu’elle déploie dans nos cœurs profonds. Si elle engendre, la peur, n’oublions pas qu’elle est la fille du Menteur, alors que la joie est source de vie.

3. Une Europe engluée dans la peur

Or où en est l’Europe ? Malheureusement, en particulier chez les jeunes, la peur écologique a envahi les esprits. Les jeunes sont devenus les ventriloques des adultes: nous leur avons inculqué la peur, celle des OGM, du réchauffement climatique, de la disparition de l’ozone, du glyphosate, d’une pénurie d’eau, des virus coronariens, des pesticides, de la 6ème extinction des espèces, de la surpopulation, de la raréfaction des ressources et du jour du dépassement planétaire, peur pour les générations futures…  De quoi ne leur faisons-nous pas peur ? C’est pire que suspect ! 
La réponse des jeunes au consensus écologique est catastrophique : « NoKids », pas d’enfants ! Et même « KillYourself », suicidez-vous pour la planète. Quelle jeunesse laisserons-nous à la planète? Une jeunesse incapable de prendre du recul temps, tant elle est sous l'emprise de l'émotion et non plus de la raison.

Il n’est pas inutile de faire notre examen de conscience devant un tel résultat! 
Comment introduisons-nous nos réunions de pastorale, nos réunions de projets pour promouvoir l’écologie intégrale? Comment sont rédigées nos plaquettes d’information d’entreprises ? Malheureusement, dans les paroisses, nous en remettons  une petite louche, en surfant sur la peur à grand renfort de stars. Le succès de ces stars est toujours éphémère, parce que les écogestes et autres produits qu’ils vendent sont fondés sur des arguments  apocalyptiques, trop souvent infondés, qui ne font que renforcer le sentiment de peur qui est enfoui dans l'inconscient des auditoires. Ces stars y ajoutent  un peu de collapsologie et un zest de catastrophisme dit éclairé. Elles sont comme ces  bateleurs de foire qui, ou bien paralysent les clients potentiels, ou bien, pire, ne veulent pas voir que leur produit sera ensuite jeté à la maison quand l’acheteur aura réalisé que la recette n’apporte pas les résultats attendus. Car les solutions à un problème mal posé sont toujours inefficaces!  Ce n’est pas ainsi qu’on fera la promotion de l’écologie intégrale.

N’oublions pas ce que dit  le concile: « Dans la propagation de la foi et l'introduction des pratiques religieuses, on doit toujours s'abstenir de toute forme d'agissements ayant un relent de coercition, de persuasion malhonnête, ou simplement peu loyaux, surtout s'il s'agit des gens sans culture ou sans ressources »[2].
Dans cette forme de collaboration avec la peur, ne jouons-nous pas d'une certaine instrumentalisation, de persuasion malhonnête, de prosélytisme, plus que de propagation de la foi?

4. Une première recette : quitter son canapé et aller aux périphéries ?

Pour ne pas tomber dans ce piège, deux recettes peuvent-être utilisées. La plus importante  est d’avoir une lecture évangélique de Laudato si. Ce sera le second point.
Mais il est une première recommandation, celle du Pape François qui appelle à aller « vers les périphéries » pour ne pas tomber dans « l’esprit mondain ».

Quitter son canapé, c’est "être capable de recevoir quelque chose et d'entendre quelque chose de la foi" de ceux qui vivent dans les périphéries. Quelles périphéries ?

  • Le Pape pense bien sûr d’abord aux plus pauvres, délaissés dans les périphéries. Or, les pauvres ont beaucoup à nous faire entendre de la foi. Ils peuvent nous faire entendre que nos fantasmes écologiques ne sont pas leur problème. Ils ne vivent pas dans la peur écologique qui est le propre des nantis qui ont tout à perdre. Les pauvres ne comprennent pas nos modèles libéraux mais voient bien que leur pauvreté ne cesse malgré tout d'augmenter. Alors, arrêtons de gloser sur la pauvreté, du fond de nos canapés, en faisant croire que le libéralisme est une condition de croissance de leur bien-être.
    Citons Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie[3]: « la plupart des modèles qui tentent de traiter les questions des gains de ‘’bien être’’ à attendre de la libéralisation des échanges postulent le plein emploi, donc n’apportent pas de réponse à cette question cruciale : l’impact de la libéralisation sur des économies aux ressources sous-employées» (p. 70). « La libéralisation des échanges peut avoir des effets positifs sur des pays à taux de chômage faible, mais des effets négatifs sur des pays à taux de chômage élevé » (p. 84). « l’Uruguay Round prévoyait qu’une « large part des gains devait aller aux pays en développement » (p. 100). En fait, beaucoup des pays les plus pauvres ont vu « leur situation s’aggraver à cause de l’Uruguay Round. Selon certaines estimations, il fait perdre aux 48 pays les moins avancés du monde 600 millions de dollars par an… » (p 101).
    Arrêtons de rêver en imaginant que les peuples les plus pauvres doivent adopter des modèles écologiques dé-carbonnés. Ne soyons pas hypocrites : ce sont des modèles qui rendront les pauvres encore plus pauvres.
    Vous me direz qu’il y a pourtant consensus sur le fait que ce seront les plus pauvres qui seront les premières victimes de nos économies émettrices de CO2.
  • Il faut aussi aller vers un autre type de périphéries, celles de la pensée.  Il y a tant de dissidents qui ont quelque chose à dire de la foi. 
    Arrêtons de prendre les dissidents pour des esprits simplets. Soljenitsyne doit se retourner dans sa tombe quand nous rejetons les dissidents comme des pestiférés en les faisant taire à coup d’invectives ayant nom de négationnistes, de complotistes...
    Or, le dissident a quelque chose à dire : En écologie, le consensus n’est pas une preuve ; ce n’est qu’un argument d’autorité qui n’apporte aucune autorité aux arguments. Arrêtons de chanter avec Jules Ferrat : « nous étions 20 et 100, nous étions des milliers ».
    Les dissidents sont nombreux, sur beaucoup de sujets.
  • En matière de Climat:
    - Le danois Henrik Svensmark (né en 1958), physicien et professeur à la Division de Physique du Système Solaire à l'Institut national danois de l'espace (DTU Space) à Copenhague - https://www.researchgate.net/scientific-contributions/Henrik-Svensmark-20374958 et  Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
    - L’américaine Judith Curry (professeur, École des sciences de la terre et de l'atmosphère, Georgia Institute of Technology, Atlanta) - https://curry.eas.gatech.edu/  et  Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
    - L'américain Richard Lindzen, professeur de météorologie au Massachusetts Institute of Technology, un des principaux auteurs, en 2001, du chapitre 7, « Processus climatiques physiques et rétroactions », du troisième rapport d'évaluation du GIEC dont il est devenu dissident [3bis] - https://eapsweb.mit.edu/people/rlindzen et  Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
    - Le brésilien Luiz Carlos Molion météorologue, professeur et chercheur à l'Université fédérale d'Alagoas (UFAL), auteur dans la revue de l’Observatoire Cardinal Van Tuan, de Mgr Crepaldi (rédacteur du Compendium de la Doctrine sociale de l'Église) - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 
  • En matière d'ozone: le canadien Qing-Bin Lu, Professor of Physics, University of Waterloo (Canada) - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.  
  • En matière de biodiversité: le français  Christian Lévêque, de l’Académie d’Agriculture, sur la 6èmeextinction des espèces
  • En matière énergétique: le belgo-italien Samuele Furfari, ancien fonctionnaire à la direction générale de l'énergie de la Commission européenne.
  • En matière d'épidémiologie:
    - l'américaine Dr. Andreotti, Ph.D. in epidemiology from George Washington University, (Division of Cancer Epidemiology & Genetics) - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
  • Au plan philosophique, le belge Drieu Godefridi (l’écologisme, nouveau totalitarisme), ami de Mgr. Léonard.

Pourtant, dira-t-on, Laudato si fait une description inquiétante de l'état de la maison commune. Mais, le pape dit se référer à « un consensus scientifique » (§ 23). Et, à la fin de ce chapitre, il termine par cette phrase : « Sur beaucoup de questions concrètes, …l’Église n’a pas de raison de proposer une parole définitive et … doit écouter puis promouvoir le débat honnête entre scientifiques, en respectant la diversité d’opinions » (§ 61). Cet appel reprend celui du concile engageant les pasteurs à ne pas engager leur autorité, leur donnant l’illusion qu’ils auraient acquit "une compétence telle qu’ils puissent fournir une solution concrète et immédiate à tout problème, même grave, qui se présente » ou à leur faire croire « que telle soit leur mission"  (Gaudium et spes § 43.2).  
Dans Frattelli Tutti, le Pape n’est pas dupe en s’interrogeant sur le lien entre « le consensus et la vérité » (§ 211) : « Le dialogue est le chemin le plus adéquat pour parvenir à reconnaître ce qui doit être affirmé et respecté, au-delà du consensus ». Il existe des « valeurs fondamentales … au-dessus de tout consensus ». Or, un scientifique digne de ce nom sait que le consensus, élaboré sur des compromis, n’a pas sa place en science ! Le pape est clair : « Il existe une menace qui parcourt le monde. C’est celle de la "mondialisation de l’uniformité hégémonique" caractérisée par la "pensée unique"»[4].

5. Aller aux périphéries … comme antidote de l’esprit mondain !

Le dissident est tout sauf un "mondain".  Plusieurs fois, dans ses homélies, le Pape François évoque le passage évangélique de Marc (2, 18-22), dans lequel « Jésus critique beaucoup l’esprit du monde, le style du monde, et, lors de la dernière Cène, il prie aussi le Père pour ses disciples: "ne les ôte pas du monde, mais défends-les de l’esprit du monde". Tu crois sans doute être un bon catholique parce que tu peux réciter le credo mais tu n’es pas un bon chrétien, tu es mondain: le Seigneur t’a offert le vin nouveau mais tu n’as pas changé les outres, tu n’as pas changé »[5] . Pour parler d’écologie, sommes-nous capables de changer les outres auxquelles le consensus veut nous faire boire ? Le pape précisait que « la mondanité signifie utiliser les critères du monde, suivre les critères du monde et choisir selon les critères du monde. Cela signifie discerner selon les critères du monde et préférer les critères du monde »[6]. Le Pape ajoute : " Il existe une menace qui parcourt le monde. C’est celle de la « mondialisation de l’uniformité hégémonique » caractérisée par la « pensée unique »"[7]

Sommes-nous prêt, dans nos instances religieuses, économiques ou politiques, à accepter le débat contradictoire entre les tenants de l’uniformité hégémonique de ce monde et les dissidents ? Pourtant, le principe de subsidiarité est un des fondements du bien commun dans nos sociétés. Or, la capacité d’une société à laisser émerger les dissidences n’est-elle pas un indicateur du niveau de subsidiarité vers lequel elle tend ?
Mais un dissident fait toujours peur. Quand je pèlerine autour de la France, je me sens dans la peau de Montherlant qui, dans la Reine morte, dit que « le bruit de la vérité épouvante comme la crécelle d'un lépreux ». En appelant au débat contradictoire, j’ai l’impression de faire aussi peur que si je marchais en moulinant l’air avec ma crécelle. Je me sens comme un lépreux dont tous les pores de la peau refusent que la vérité soit synonyme de consensus ! Le dissident fait peur et dérange car il pourrait bien contaminer autrui, et, malade de cette peste dissensuelle, il est cantonné dans les périphéries du silence.
Pourtant le dissident est le seul qui, face à une jeunesse enfermée dans les émotions de la peur, peut créer un électrochoc pour redécouvrir l'envie d'une prise de recul rationnelle. L'expérience montre que le dissident aide la jeunesse à troquer la peur contre la paix intérieure dans la mesure où elle prend conscience que les réalités sont plus complexes qu'on veut le leur dire. C'est rassurant et apaisant.

6. Une seconde recette : avoir une lecture évangélique de Laudato si

À cette fin, prenons garde à ne pas « revendiquer, d’une manière exclusive pour son opinion, l’autorité de l’Église » (Gaudium et spes § 43). Une lecture idéologique de Laudato si n'a rien d'évangélique.
Trois éclairages sur Laudato si méritent d’être apportés pour une ré-évangélisation de l’Europe : L’écologie intégrale, la théologie de la relation avec « tout est lié » et la vision eschatologique.

  • L’écologie intégrale

Elle n’est pas l’intégralité de l’écologie. Aller aux périphéries de la dissidence aide à se débarrasser de cette idée fausse. L’écologie intégrale est un ensemble de liaisons entre Dieu, nous-même, autrui et les créatures non humaines. Si une seule de ces liaisons est ébranlée, c’est toute l’écologie intégrale qui s’effondre. Pour évangéliser en s’appuyant sur l’écologie intégrale, j’ai pris le parti de prendre la vierge comme modèle, comme reine de l’écologie intégrale.

- La relation de Marie avec Dieu se manifeste dans la confiance qu’elle Lui voue, son obéissance et son Espérance.
- En Marie, tout est également relation vraie avec son entourage, avec sa famille, ses amis à Cana, et avec les apôtres, et toute l’humanité, selon la volonté même de Jésus. 
- Dans la prière sacerdotale, le Christ prie son père pour que les hommes  « soient un comme Nous…afin qu'ils aient en eux ma joie, une joie complète » (Jean 17, 11-13). C’est cette  joie qui est constitutive de notre unité intime, de notre relation intérieure avec nous-mêmes. Conçue sans péché, Marie est « bénie entre toutes les femmes » et vit en son sein propre une unité parfaite avec elle-même.
- Nul doute que la Vierge ait rendu grâce à Dieu pour le bœuf dont la tradition rapporte la présence à Bethléem, ou pour l’âne qui la transportait dans sa fuite en Égypte, anticipant l’entrée dans Jérusalem de son Fils, monté sur ânon royal, ou encore pour le couple de tourterelles ou de jeunes colombes qu’elle offrit en sacrifice (Luc 2.24) le jour de la purification.
- Mais surtout, comment ne pas voir dans la Vierge, cette reine de toute la Création que toute la tradition place au centre du Cosmos. Elle est « couronnée d’étoiles, le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds » (apocalypse 12, 1). Dans Laudato si, le Pape consacre deux paragraphes entiers à la « Reine de toute la création »: Marie « comprend aussi maintenant le sens de toutes choses. Ainsi nous pouvons lui demander de nous aider à regarder ce monde avec des yeux plus avisés» (§ 241-242)

  • « Tout est lié »

Laudato si affirme, neuf fois, que « tout est lié »! Mais interrogeons-nous: dans nos  réunions d’évangélisation, comprenons-nous  l’essentialité de cette liaison qui fait que, si la créature oublie son lien au créateur, elle est condamnée à disparaître? Nos discours préfèrent les fausses liaisons du genre de celle-ci : quand  le feu de la foi vient à se refroidir, le climat se réchauffe ; tout serait lié ! Rappelons que la relation, dans l’écologie intégrale n'est pas d'ordre accidentelle, mais relève de l’essence des réalités : « Toute créature porte en soi une structure proprement trinitaire » (LS § 239). 

  • La vision eschatologique de Laudato si

On retrouve dans Laudato si cette belle phrase : "la création est tendue vers la divinisation, vers les saintes noces, vers l’unification avec le Créateur lui-même" (§ 236). Or, c’est bien la fin propre de l’évangélisation telle que je vous la citais tout à l’heure dans le concile : « faire connaître le dessein du Père, qui appelle les hommes à la divinisation ». Nous serons divinisés ! Magnifique dessein de Dieu pour nous au sens où son Fils s’est fait homme pour que nous soyons divinisés (St-Irénée).
Jean-Paul II avait bien compris que l'éducation à la responsabilité écologique, et surtout l’évangélisation, ne peuvent s’appuyer sur le « désir vague d’un retour au "paradis perdu"»[8]. Appelons l’Europe à tourner son regard vers la « terre Nouvelle ».
Mais, bien sûr, cette « « attente de la nouvelle terre, loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller » (Gaudium et spes, n° 39). Cultiver cette terre, ce n’est pas garder la terre en la mettant sous cloche, à l'abri de tout impact de l'homme. Cultiver cette terre, c’est faire qu’advienne le royaume de justice, d’amour, de paix et de vérité. Ce sont les fondements du bien commun auquel nous aspirons pour l’Europe. Cultiver cette terre, n’a pas pour but de construire un autre monde, mais de transfigurer celui-ci. Le cardinal Biffi l’expliquait bien : « Les réalités terrestres ne doivent être ni niées, ni méprisées parce qu’elles seront avec nous dans notre destin de gloire »[9], lorsque nous serons divinisés. En citant ce passage aux Bernardins en novembre 2015,  le cardinal Scola expliquait combien cette idée introduit la tension bénéfique vers un respect de la création qui naît de la conscience que tous les êtres ont une communauté de destin. Elle requiert une attention empressée et ordonnée à la création. En ce qui concerne la question écologique, la foi chrétienne émerge avec toute sa capacité d’intégration et d’unité entre des pôles qui, à première vue, sembleraient opposés: c’est l’homme, corps et âme[10] mais vraiment un, dans sa nature de microcosme, qui révèle le destin de transfiguration commun à tous les êtres.

7. Soyons dans la joie

Le French Riviera Institute forme le magnifique projet de ré-évangélisser l'Europe. Son président, Christophe Machard, vise comme marqueur commun les cathédrales de l'Europe. En entrant dans une cathédrale, on ressent intimement cette symbolique de l'écologie intégrale, ces relations constitutives de l'écologie intégrale: son élan vers Dieu et vers la lumière, la poussée de ses voutes vers le bas, vers l'humanité, son ancrage dans la matière, l'usage de toute une symbolique mettant en scène toutes les créatures non humaines, végétales ou animales. Dans une cathédrale, tout est lié, tout est inclus, rien n'est exclus. Elle incarne autant un peuple qu'une vision vers la lumière et la joie.
Voilà cette joie évangélique qu'il y a urgence à annoncer en matière d’écologie. "N’ayez pas peur" (Jn 6,20), sans collaborer avec la peur, et « soyez dans la joie » (Mat 5,12), nous dit le Christ, « dans la joie … que donne l'abondance de toutes choses" ajoute deutéronome (Deut 28,47). La joie doit devenir culturelle. C'est un enjeu sur plusieurs générations. Il faut annoncer cette joie à la jeunesse européenne plutôt que l'instrumentaliser par la peur. 
Comme évangélisateurs prenons l'évangile de Luc (10, 17-24) comme modèle de joie:
- Joie du retour de mission: « les soixante-douze disciples que Jésus avait envoyés revinrent tout joyeux... ». Joie de travailler à l’évangélisation en annonçant le dessein divin sur l’homme : notre divinisation dont parle Laudato si (§ 236).
- Joie de savoir que la victoire finale contre le mal est certaine : « même les démons nous sont soumis en ton nom ».
- Joie de l’assurance que nous donne le Christ de nous libérer de toutes nos peurs: « absolument rien ne pourra vous nuire ».
- Joie de l’espérance du ciel : « réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux ». Laudato si parle de notre divinisation future.
- Joie de la prière quand elle est inspirée par l’Esprit Saint: « À l’heure même, Jésus exulta de joie sous l’action de l’Esprit Saint, et il dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange ».
- Enfin joie d’être témoin de la présence du Christ dans le monde d’aujourd’hui : «  Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! »


[1] Stanislas de Larminat, agronome et bioéthicien, administrateur de l'Institut éthique et politique Montalembert, co-auteur avec Fabien Revol de  "l'écologie, nouveau jardin de l'Eglise- dialogue et controverse- pour que paix et justice s'embrasse" (Peuple Libre, nov. 2020)

[1bis] Vat 2, Ad gentes, chap II

[2] Vat. II, Décl. Dignitatis humanae, n. 4

[3] Les citations sont de Joseph STIGLITZ « Pour un commerce mondial plus juste » (Collection « le livre de poche », traduit d’un original publié en anglais en 2005)

[3bis] Richard Lindzen a émis en 2001 l'hypothèse de l'effet iris, selon laquelle l'augmentation de la température de surface de la mer aux tropiques diminuerait la couverture nuageuse de cirrus, avec ainsi un renvoi accru de rayonnement infrarouge de l'atmosphère terrestre vers l'espace.

[4] PAPE FRANÇOIS MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA MAISON SAINTE-MARTHE Lundi 18 novembre 2013 (L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 47 du 21 novembre 2013)

[5] PAPE FRANÇOIS - MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA MAISON SAINTE-MARTHE- Le style des Béatitudes- Lundi 21 janvier 2019 -(L'Osservatore RomanoÉdition hebdomadaire n°008 du 19 février 2019)

[6] VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS AU CHILI ET AU PÉROU (15-22 JANVIER 2018) RENCONTRE PRIVÉE AVEC LES JESUITES PAROLES DU SAINT-PÈRE Sanctuaire de saint Alberto Hurtado, Santiago Mardi 16 janvier 2018.

[7] PAPE FRANÇOIS MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA MAISON SAINTE-MARTHE Lundi 18 novembre 2013 (L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 47 du 21 novembre 2013)

[8] Jean-Paul II, Message du 1er janvier 1990, § 13.

[9] Cf. Cardinal  Giacomo Biffi, Linee di escatologia cristiana, Jaca Book, Milano 1984, 50., cité par le Cardinal Scola aux Bernardins le

[10] corpore et anima unus, cfr. Gaudium et spes 14