"Ce qui est simple est toujours faux.
Ce qui ne l'est pas est inutilisable"  (Paul Valéry) 

Le thème est à la mode. Dans la bouche des politiques, l’impact émotionnel est important. Pascal Canfin, ministre délégué au développement en 2012, se fixait un objectif : « placer au même niveau dette financière et dette climatique ». Même le Président Macron invoquait le 11 décembre 2018  "le devoir de changer pour tenir compte de l’urgence de notre dette climatique et budgétaire"Il y a un certain paradoxe à voir des politiques s’émouvoir de la dette climatique quand, depuis 45 ans, ils ont laissé filer la dette publique, incapables qu’ils ont été  d’analyser les problèmes et de faire des choix responsables.  Il y a un second paradoxe à souligner : certains politiques évoquent l’impossibilité des générations futures à rembourser la dette Covid et justifient, à ce titre, l'idée d'une annulation de la dette publique. Mais les mêmes auraient honte d’imaginer l’annulation de ladite dette climatique au même motif. Ces paradoxes cachent beaucoup d’idéologies et de démagogie.
Il appartient donc de poser le problème en termes corrects. Qui seraient les créanciers de cette dette climatique ? Comment devrait-elle être remboursée ? Quels sont les filtres idéologiques qui embuent notre regard ?

Réflexion "les2ailes.com"

1- Le concept de dette

Il y a dette quand un débiteur, doit une somme à un créancier qui tient une créance.  En première analyse, il n’y a dette que s’il y a contrat.
Une dette peut être contractée en nature. Par exemple un agriculteur soumis à une disette empruntant du blé pour sa semence, charge à lui d’en rendre une quantité équivalente à son voisin à la récolte suivante. Le contrat peut prévoir une livraison par prestation de service ultérieure.
Mais on peut, en seconde analyse, avoir d’autres angles de regard. Ce n’est pas pour rien que l’antiquité parlait d’une remise de dette pour l’esclave qui était rendu à l’état d’homme libre. La chrétienté retient même le concept de remise de dette du péché par la mort du Christ. On pourrait donc avoir un regard spirituel sur le concept de dette avec ses implications philosophiques. Est-il toujours « juste » de devoir rembourser une dette ? N’a-t-on pas toujours une dette envers nos parents, et envers le Créateur lui-même ? N’y a-t-il pas des risques d’instrumentalisations mutuelles entre les créanciers et les débiteurs, avec le chantage d’un débiteur menaçant de ne pas rembourser, ou celui d’un créancier d’agir en justice ? Seul le concept d’économie du don, développé dans Caritas in veritate, permet de dépasser ces risques d’instrumentalisations mutuelles. Ces thèmes ont été très bien développés lors d'un Webconférence de l'IEPM avec Hubert de Vauplane et Pierre de Lauzun.
C’est bien  dans ce contexte d'ensemble que la question d’une dette climatique pourrait se poser…. Sous certaines conditions…

2- Le CO2 : une fausse monnaie de livraison

Une dette financière ne peut se mesurer qu’en précisant la monnaie de référence. En matière climatique, il est inutile de revenir sur les nombreuses incohérences du Giec quand il prétend démontrer la cause anthropique de la période chaude contemporaine. En particulier quand il ne retient dans ses modèles que 150 ans d’observation, il se refuse, en quelque sorte, à expliquer les causes du petit âge glaciaire ou de l’optimum médiéval.
A contrario, de nombreuses études montrent que c’est vers le soleil qu’il faut se retourner pour comprendre les mécaniques climatiques. Il existe une « avalanche de publications scientifiques contredisant le Giec ». Faudrait-il donc imaginer que le soleil a une dette envers nous pour les centaines de milliers de morts de la Révolution, tant les historiens sont unanimes à montrer que le cycle solaire n°4, qui a commencé en 1784 et s'est achevé en 1798, explique la disette précédant, et causant, la Révolution ? Les humoristes diront que le soleil a su rendre aux générations actuelles, sous forme de la période chaude contemporaine, ce qu’il avait indument emprunté aux générations du XVIII°.
Tout cela est de l’ordre de la dette virtuelle, contraire au devoir de livraison effective, donc reliée au réel. Une monnaie ne peut se fonder que sur un contrat de confiance. Malheureusement, aujourd’hui, la monnaie scientifique ne fait plus recette: la proportion de personnes faisant confiance à la science chute très rapidement.

3- Qui sont les créanciers ? [1bis]

Dans le concept de dette climatique, qui seraient les contractants ?

3.1- La planète ou les générations futures ?
Imaginons un instant que le débiteur soit incarné par le consommateur d'énergie fossile. Qui sont alors les créanciers ? La planète n’est une personne ni physique ni morale qui puisse contracter avec les générations futures qui, elles non plus, ne le peuvent puisqu’elles ne sont pas nées.
Quand bien même la planète serait-elle un créancier, on en arriverait à l’absurdité des « puits de carbone » que certains voient comme un moyen de lui rendre ce qu’on lui aurait emprunté. On est en pleine idéologie technique. Nous serions face à un gaspillage financier colossal à avoir une telle prétention. Elle nous priverait des ressources financières nécessaires pour investir dans des énergies viables pour le futur, investissements autrement plus utiles pour les générations futures.

3.2- Les pays du Sud ?
Certains considèrent que ce sont les pays du sud, victimes les plus sensibles au réchauffement climatique, qui seraient les créanciers des pays du Nord, principaux émetteurs de gaz à effet de serre (GES).
Mais la relation entre une victime et un coupable ne relève pas d’une dette sans l’intervention d’un juge. En l’occurrence, le juge serait-il un grand prêtre qui poserait ce qui est moral ou ne l’est pas, ce qui relèverait ou non d’une « justice climatique » !  La question est légitime, car derrière le concept de dette, il y a la même étymologie que dans le mot « devoir ». Mais, en morale, se pose toujours la question de la matérialité des faits.  Le consensus n’est un critère ni de moralité de nos actes, ni de scientificité des réalités de cause à effet. 
Le juge s’appuiera-t-il un jour sur une constitution où aurait été inscrit le devoir de rembourser une dette climatique sous une forme ou sous une autre ? Ce serait avoir inscrit, dans la constitution, des vérités scientifiques non définitives, digne de l’époque de Lyssenko qui imposait la dialectique marxiste aux sciences de la nature. Cela n’est pas du ressort d’une loi constitutionnelle. L’Argentine avait utilisé la constitution dans les années 1992 pour garantir une parité Pesos / Dollar. On a vu ce qu’il est advenu de ces fausses garanties. On dévalue le caractère institutionnel d’une constitution en l’utilisant à de telles pratiques qui s’effondreront quand, succédant aux périodes froides de Maunder ou de Dalton, nous vivront dans un cycle prenant la suite de ceux de Suess ou de Gleissberg ? Il y aura rapidement prescription sur les dettes que nous aurons inventées.

4- Peut-on imaginer une subrogation de la dette climatique ?

Une créance peut être subrogée, si un second créancier, qualifié de subrogataire, accepte de payer le créancier d’origine. Si la dette est considérée comme irrécupérable, la négociation pourra être gratuite. En échange de cette subrogation, le premier créancier, dit subrogeant, renonce à recevoir le paiement de la dette, au profit du subrogataire.
Une dette peut, elle aussi, être subrogée : si le débiteur d’origine emprunte  à un second débiteur une somme lui permettant de rembourser son créancier d’origine. C’est le nouveau débiteur subrogé  qui  porte dès lors la dette à son passif.
En tout état de cause, la problématique renvoie à la question de la personnalité des créanciers. La Terre ni les générations futures ne peuvent être des créanciers, dérogataires ou non.
Peut-on qualifier de subrogation la mesure consistant, par exemple, pour un agent économique, Un constructeur automobile par exemple, à rembourser son « endettement en empreinte carbone » en subventionnant l’investissement des particuliers dans des équipements réduisant les émissions de CO2 (chaudières géothermiques,  …) ? En réalité, ce sont les acheteurs de voiture, dans notre exemple, qui financent le tout, indirectement par des suppléments de coûts incorporés dans le prix d'achat d'un véhicule, toujours dans cet exemple. On se retrouve face à un paradoxe : le consommateur d’énergie paie une forme de taxe en nature sur sa voiture pour bénéficier de subvention pour continuer à émettre des GES avec sa chaudière !

5- Sous quelle forme effectuer la livraison de la dette climatique ?

Pour qu’il y ait annulation de la dette, il faut qu’il y ait livraison effective de la dette.  Le contrat prévoit généralement la monnaie de livraison ou définit la qualité type de la livraison en cas de dette en nature. C’est en particulier le cas dans les contrats de marché à termes sur les bourses de marchandises.
Mais dans le cas de la dette climatique, quelle seraient les conditions de livraisons ?
On pourrait s’interroger sur la valeur monétaire d’une livraison sur le long terme : quelle serait la valeur du dollar, … ou de l’or, pour les générations futures ?
On imagine surtout très mal les générations actuelles recevant, par un mécanisme inconnu, une livraison en nature, par exemple de stocks de tourbes en compensation de la tourbe consommée par les précédentes. On voit que le paiement en nature dépend essentiellement de la technicité d’un moment. Conserver des stocks de pétrole pour les générations futures n’aura probablement pas plus de sens.

6- Le remboursement d’une dette par artifice comptable ?
C'est une théorie qui courre dans les milieux s’intéressant à la comptabilité des en entreprises.
Mais la création de nouvelles normes comptables environnementales pourraient induire de nouvelles formes de crises financières par des jeux de dominos si ces normes sont déconnectées du réel. Jacques de la Rosière, dans une enceinte privée, évoquait cette question en précisant qu’il s’aventurait sur un terrain qui ne relevait pas de sa compétence. Il suggérait, malgré cette prudence préalable, d’inscrire au passif des entreprises, des éléments comptables pour prendre en compte les externalités négatives que les entreprises font peser sur la planète.
Il apparaît, à la réflexion que toutes les solutions imaginées reviennent à ce que les entreprises soient transformées, par décision politique, en collecteurs d’impôts indirects. Il n’est pas exclus que ce soit là le but caché mais recherché. 

6.1- Une première opération pourrait consister à modifier le passif
Pour compenser la valeur d’un stock de pétrole porté à l’actif du bilan, l’idée consisterait à le dévaloriser, par exemple en inscrivant au passif :
- des provisions pour risque environnemental,
- ou une dette à long terme dont l’État serait le créancier potentiel.
Si aucune contrepartie n’est prise en compte à l’actif, y a-t-il d’autres solutions que de constater la baisse du résultat d’exploitation. Cette baisse devra être compensée par une hausse des prix de vente de ses produits. Son compte de charges sera-t-il alors augmenté par
- le coût de la provision pour risque ?
- ou le coût des appels de l’État appelant à payer les annuités d'emprunts ad'hoc à LT ?
Reste à s’interroger sur le calendrier de mise en œuvre. Faudrait-il laisser s’accumuler les provisions pour risque et attendre que le risque se réalise ? Quand considérera-ton qu’un risque climatique s’est réalisé ?
Dans les deux cas, le consommateur sera le seul à financer ces écritures. L’état quant à lui, ne sera-t-il pas le seul bénéficiaire en recevant les annuités de ces dettes à long terme. Mais si le risque n’est pas avéré, ne pourrait-on reprocher à l’état une forme d’enrichissement sans cause ? Et comment expliquer aux contribuables qu’ils financent, de manière quasi invisible, une taxe à la consommation au titre de ces écritures comptables ?

6.2-  Une seconde opération pourrait consister à augmenter le total du bilan
Il s’agirait de majorer à la fois certains éléments de l’actif et du passif.
Le principe reviendrait, par exemple, à obliger les entreprises, à emprunter à des fondations environnementales spécialisées. En contrepartie, elles souscriraient à l’augmentation de capital de ces fondations en inscrivant la contrevaleur de ces actions dans leurs actifs incorporels. 
La conséquence ne serait-elle pas d’immobiliser des fonds propres dans des réserves moins liquides, et donc de réduire le fonds de roulement des entreprises ? Cela risquerait de nuire à leur performance financière. N’y aurait-il pas surtout un problème de cohérence avec les besoins d’investissements à long terme pour répondre à d’autres impératifs de long terme de l’entreprise ? On pense, par exemple, au financement des retraites, pour lequel le principe de solidarité avec les générations futures est, hélas, moins invoqué que pour les questions écologiques.
Dans ce cas également, l’état ne serait-elle pas la seule institution légitime pour appeler les annuités de d’une telle dette à long terme ? On retomberait alors devant la même nécessité de l’entreprise d’augmenter les prix de vente de ses produits pour équilibrer son compte de résultat grevé par la charge de ces annuités.

7- L’ineptie d’une dette énergétique…

On arguera que la dette climatique des agents économiques enfle d’autant plus que les coûts d’extraction de carburants fossiles baissent avec les découvertes régulières de nouvelles réserves et de techniques plus productives d’extraction… un peu comme les états qui se financent  facilement sur les marchés, à des taux d’intérêt très faibles voire négatif. Y aurait-il un risque de « bulle climatique » comme il y a une « bulle spéculative » ?
Or le problème est mal posé, comme l’écrivain Marc Halévy l'explique avec bon sens : « On ne consomme pas d'énergie ... On ne peut ni en créer, ni en détruire, seulement la transformer. …Nous ne faisons que transformer de l'énergie concentrée en énergie diluée. Le paramètre de mesure de cette dilution énergétique s'appelle, en physique, l'entropie. …La Terre renferme des quantités importantes d'énergie concentrée : la matière. Certaines formes de matière sont exploitables : celle des noyaux nucléaires instables - radioactifs, donc - qui ont été fabriqués dans les étoiles au début de la cosmogénèse, et celle des végétaux fossilisés sous forme de carbone (charbon) ou d'hydrocarbure (gaz et pétrole). Toutes ces formes d'énergie concentrée ne sont pas renouvelables : ce qui est consommé est irréversiblement perdu ».[2]
S’il y a dette, nous devrions donc parler d’une « dette perpétuelle »! Une dette perpétuelle serait un prêt dont l'emprunteur ne paierait que les intérêts sans rembourser la somme empruntée, et qui n'aurait donc pas de date de fin de remboursement. Ce paiement des intérêts s'apparenterait donc à une rente, dont le montant finit par devenir insignifiant en raison de l'inflation. 
Curieusement, en matière énergétique, on pourrait dire que la technique conduit à une forme d’inflation des quantités disponibles d’énergie, à chaque fois que l’homme améliore l’intensité énergétique de ses découvertes. À terme, la rente  énergétique s’allègera. Contrairement aux dettes publiques dont nous poussons devant nous la boule qui ne fait que grossir, la dette énergétique s’allège avec le progrès technique.
Ce regard pourrait être étendu à la plupart des ressources naturelles. Elles sont beaucoup moins limitées qu’on veut bien le dire. Il existe autant de manières d’exploiter les ressources limitées que de jouer du piano sur un clavier limité à 88 touches.
D’ailleurs, l'Indice Simon Abundance montre que la Terre dans son ensemble était 570,9% plus abondante en 2019 qu'en 1980.  Cette abondance a un impact sur les prix qui, sur la période, ont chuté de 74,2%, alors que la population a augmenté parallèlement de 73,2%[3] !
La principale ressource naturelle est l’homme !

8- Conclusion
Nous sommes victimes de filtres idéologiques qui nous empêchent de comprendre que la dette climatique est une dette virtuelle, totalement déconnectée de la réalité.
Une dette pour ne pas être virtuelle doit être détenue par des personnes réelles et contractuellement décrire le bien qui est dû et non une idéologie ou une supposition, si consensuelle soit-elle.
En matière de finance, l'argent, peut être traité comme une information numérique. Pour parler de dette climatique, prenons garde à ne pas nous fonder sur des « planètes numériques », comme celles qu’utilise le Giec dans ses modèles.
On pourrait étendre la réflexion à bien d’autres dettes morales que nous pourrions avoir sur les générations futures. Ne nous reprocheront-elles pas nos lacunes en matière de natalité? N’y a-t-il pas là un déficit de solidarité à s’enfermer dans une société à taux de natalité faible pour financer une consommation immédiate ? Ce déficit pourrait–il se  traduire, dans le futur, par des déficits de main d’œuvre ou de l’inflation qui constitueront un frein à la consommation des générations futures ?


[1] Source:  Paul Valéry (1871-1945), Mauvaises pensées et autres, 1942in Oeuvres, Tome II, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade 1960, p. 864

[1bis] Dans le cas de la dette publique française,

  • seulement 36% sont des résidents français (assurances, établissements de crédits ou OPCVM ou autres  français). Les particuliers sont indirectement détenteurs d’une partie significative de la dette publique française dès lors que les fonds dont ils sont titulaires portent une partie de cette dette
  • 64% des créanciers sont des non-résidents (fonds de pension ou fonds souverains étrangers,… ), Le Japon détiendrait à lui seul 31 % de la dette française à court terme. Toutefois, près de 50% des créanciers non-résidents sont des européens, à commencer par la BCE qui détient 20% de la dette française.

Un décret d'application n° 2002-803 du 3 mai 2002 publié au Journal officiel du 5 mai 2002, art. L. 212-4 du code monétaire et financier relatif à la nominativité obligatoire) n'autorisent les conservateurs d'instruments financiers (Euroclear France pour les titres d'État français) à communiquer aux émetteurs la liste de leurs détenteurs finaux qu'aux seuls émetteurs d'actions, de bons de souscription d'actions ou d'instruments de taux donnant immédiatement ou à terme accès au capital. Par conséquent, l'agence France Trésor (AFT) ne peut pas identifier précisément les détenteurs des obligations assimilables du Trésor (OAT), des bons du Trésor à intérêts annuels (BTAN) et des bons du trésor à taux fixe (BTF). (source : https://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-81789QE.htm)

[2]Marc Halévy « On ne consomme pas d’énergie » (dans Noétique.EU, billets) :

 « On ne consomme pas d'énergie car, comme le pose le premier principe de la thermodynamique, l'énergie se conserve. On ne peut ni en créer, ni en détruire, seulement la transformer. Et c'est dans ce verbe "transformer" que se tient toute l'équation de la "consommation d'énergie". L'énergie ne se consomme pas, elle se transforme. Quand nous disons, par raccourci, que nous "consommons" de l'énergie, nous ne faisons que transformer de l'énergie concentrée en énergie diluée. La paramètre de mesure de cette dilution énergétique s'appelle, en physique, l'entropie. Plus l'énergie d'un système quelconque est diluée, plus son entropie est grande. Et tout le drame humain, en matière énergétique, est inscrit dans le second principe de la thermodynamique qui dit ceci : dans un système fermé, quoique l'on y fasse, l'entropie totale croîtra inexorablement jusqu'à son maximum (ce qui correspond à la destruction totale de toute forme organisée). La Terre n'est pas un système fermé, mais quasi fermé puisqu'elle reçoit la lumière solaire (tant que notre soleil brûlera c'est-à-dire encore probablement 4 milliards d'années). Cette énergie solaire est une énergie très diluée (la chaleur, c'est-à-dire le rayonnement électromagnétique infrarouge est une des formes les plus dégradées - diluées - d'énergie naturelle). Mais la Terre renferme des quantités importantes d'énergie concentrée : la matière. Certaines formes de matière sont exploitables : celle des noyaux nucléaires instables - radioactifs, donc - qui ont été fabriqués dans les étoiles au début de la cosmogénèse, et celle des végétaux fossilisés sous forme de carbone (charbon) ou d'hydrocarbure (gaz et pétrole). Toutes ces formes d'énergie concentrée ne sont pas renouvelables : ce qui est consommé est irréversiblement perdu. Pour comprendre mieux le raisonnement, introduisons quatre concepts : celui d'énergie utile U (ce que l'on appelle l'énergie "consommée" par les activités humaines, domestiques ou industrielles), celui d'énergie brute B (la quantité d'énergie concentrée que l'on diluera en la transformant en énergie utile), celui d'énergie diluée D (la quantité d'énergie que l'on rejettera comme déchet calorique de la transformation d'énergie brute en énergie utile) et celui de rendement µ (le rapport entre énergie utile et énergie brute). Le premier principe de la thermodynamique dit simplement ceci : B = U + D : l'énergie se conserve et, donc, la quantité totale d'énergie avant transformation (B) est strictement égale à la quantité d''énergie après transformation (U+D). Par exemple, dans une centrale électrique thermique, B correspondra à la quantité de charbon que l'on y brûlera, U sera la quantité d'électricité à haute tension qui sera produite par les turbines et D sera l'ensemble de toutes les "pertes" énergétique qui seront rejetées dans 2 l'environnement (fumées chaudes des cheminées, eaux tièdes des refroidisseurs, air ambiant, usures des machines, fuites et pertes de fluide ou d'électricité, etc.). Le second principe de la thermodynamique dit simplement ceci : le rendement µ = U/B < 1 ce qui signifie que tout processus de transformation d'énergie implique, nécessairement des pertes D. La technologie n'a qu'une seule fonction : obtenir les meilleurs rendements énergétiques possibles. Plus l'énergie brute B est de mauvaise qualité et plus elle doit être concentrée pour devenir utile U (ce qui est le cas pour presque tous les usages domestiques et industriels de l'humanité), plus ces rendements de transformation sont mauvais par simple application du second principe. Ainsi, l'énergie solaire est une énergie brute de mauvaise qualité, extrêmement diluée (elle possède donc une entropie très élevée, trop élevée pour être utilisable telle quelle dans la majorité des cas). Pour être utilisable, elle doit être fortement concentrée (c'est ce que font la fonction chlorophyllienne des plantes, les cellules photovoltaïques, les miroirs paraboliques ou les concentrateurs thermiques). Le rendement de ces concentrations est naturellement mauvais, rappelons-le. Tout le travail technologique vise à améliorer ces mauvais rendements naturels ce qui est possible jusqu'à une certaine limite (selon les technologies, on peut aller jusqu'entre 40 et 60% au lieu des 10 à 20% naturels). Mais il y a toujours un prix fort à payer, à savoir que ces technologies de concentration énergétique, exigent, pour leur construction, pour leur fonctionnement, pour leur maintenance et pour leur démantèlement, d'énormes "consommations" d'énergie. Ce que l'on gagne en rendement d'un côté, on le perd bien plus de l'autre (le "bien plus" n'est que l'application du second principe de la thermodynamique appelé, encore, "loi des rendements décroissants"). Cela signifie simplement ceci : il est impossible, globalement, d'améliorer le rendement des transformations énergiques de la Terre prise comme un tout : ce que l'on concentre d'un côté, on le dilue dix fois plus de l'autre. Et plus on concentre fortement d'un côté, plus on dilue frénétiquement de l'autre. Voilà l'équation réelle. Autrement dit : on ne triche pas avec les lois de la physique. La technologie ne "résout" pas le problème énergétique, elle le déplace.

[3]  L'indice Simon Abundance compare, sur 30 ans, l’évolution du prix des produits de base et celle de la population mondiale pour estimer l'abondance mondiale de 50 ressources. En 2019, l'indice montre que, en moyenne, les quantités de ressources disponibles ont été multipliées par 3.87 ! Des produits comme le café, le porc, l’aluminium, ou l’étain ont vu leur disponibilité multipliée par 5 ou 7. D’autres, comme le gaz naturel liquide, les fertilisants, la laine, le maïs,…  par seulement 2 à 4 fois. On comprend que ces différences résultent à la fois des évolutions de technicité et de besoins.