Le prix Nobel a été attribué pour moitié au scientifique Italien Giorgio Parisi,  récompensé « pour la découverte de l’interaction du désordre et des fluctuations dans les systèmes physiques, de l’échelle atomique à l’échelle planétaire ». On sait qu’à l’échelle atomique, il est un spécialiste du « boson de Higgs ». Il faudrait approfondir le lien qu’il en fait à l’« échelle planétaire ».
Les deux autres prix Nobel ont été attribués à deux climatologues, Syukuro Manabe, 90 ans, Américain d’origine japonaise, ancien professeur à Princeton, et l’Allemand Klaus Hasselmann, 89 ans, ancien directeur de l’Institut de météorologie Max-Planck, à Hambourg.
Göran Hansson, secrétaire général de l’Académie des sciences suédoise, a indiqué que ce prix récompensait leurs « recherches sur la modélisation physique du climat de la terre et les prévisions fiables du réchauffement climatique ».
On est en droit de s’interroger sur ces mérites. En effet, tous les deux ont été les grands artistes d’introduction  de « flux d’ajustements », dans les modèles numériques quand ceux-ci s’éloignaient des observations. Or, le Giec a reconnu en 1995, sans détours, que  « La nécessité d’introduire des flux de correction est une reconnaissance explicite des insuffisances des composants des modèles climatiques couplés [océan-atmosphère]. »[1] Le même rapport reconnaissait que les flux sont « relativement importants »[2].
On est donc en droit de s’interroger si l’attribution de ces prix Nobel à des nonagénaires, une fois de plus une belle opération de communication pour démontrer que la cause est entendue et qu’il ne faut pas y revenir.
En tout état de cause, un modèle qui s’acharne à ne comparer des observations climatiques que sur 150 ans, ne pourra jamais donner l’explication de la période chaude médiévale, ni du petit âge glaciaire qui a suivi.
Revenons sur ces procédures d’ajustement de flux

Analyse: "Les2ailes.com"

  1. La procédure d'ajustement de flux

La méthode réelle d'application des ajustements de flux aux modèles varie quelque peu d'un groupe à l'autre. Les procédures d'ajustement des flux tentent de réconcilier les flux produits à travers l'interface atmosphère/océan par les modèles composants individuels lorsqu'ils sont forcés par les conditions limites observées à l'interface. Si les flux des modèles composants ne sont pas les mêmes lorsqu'ils sont calculés de cette manière, le modèle couplé présentera presque certainement une dérive climatique. Cela est dû au fait que chaque modèle composant nécessite un flux différent pour atteindre un équilibre par rapport au flux qu'il reçoit réellement dans le système couplé.

Ce sont bien les sujets sur lesquels travaillaient les deux nouveaux prix Nobel dans les années 1988-1991 :

  1. Syukuro Manabe

Il est l’auteur d’une étude intitulée : « Transient Responses of a Coupled Ocean–Atmosphere Model to Gradual Changes of Atmospheric CO2. Part I. Annual Mean Response » publiée en 1991dans le journal de l’American Meteorological Society(AMS)

Son étude

« porte sur la réponse d'un modèle climatique à une augmentation ou une diminution progressive du dioxyde de carbone atmosphérique. Le modèle est un modèle de circulation générale du système couplé atmosphère-océan-surface terrestre avec une géographie globale et une variation saisonnière de l'isolation. Pour compenser la tendance du modèle couplé à s'installer dans un état irréaliste, les flux de chaleur et d'eau à l'interface océan-atmosphère sont ajustés[3] par des quantités qui varient avec la saison et la géographie mais ne changent pas d'une année à l'autre. En partant d'un climat de quasi-équilibre, trois intégrations numériques temporelles du modèle couplé sont effectuées avec une concentration de dioxyde de carbone atmosphérique graduellement croissante, constante et graduellement décroissante.
On constate que la réponse simulée de la température de surface de la mer est très lente dans le nord de l'Atlantique Nord et dans l'océan circumpolaire de l'hémisphère Sud où le mélange vertical de l'eau pénètre très profondément. Cependant, dans la majeure partie de l'hémisphère Nord et aux basses latitudes de l'hémisphère Sud, la distribution de la variation de la température de l'air en surface du modèle au moment du doublement (ou de la division par deux) du dioxyde de carbone atmosphérique ressemble à la réponse à l'équilibre d'un modèle d'océan à couche mixte atmosphérique au doublement (ou à la division par deux) du CO2. Par exemple, l'augmentation de la température moyenne annuelle de l'air en surface en réponse à l'augmentation progressive du dioxyde de carbone atmosphérique augmente avec les latitudes dans l'hémisphère nord et est plus importante sur les continents que sur les océans.
Lorsque la réponse temporelle des océans du modèle à l'augmentation du dioxyde de carbone atmosphérique est comparée à la réponse correspondante à la réduction du CO2, à un rythme identique, la pénétration de l'anomalie froide dans le second cas est nettement plus profonde que celle de l'anomalie chaude dans le premier cas. L'absence de symétrie dans la profondeur de pénétration d'une anomalie thermique entre les deux cas est associée à la différence de stabilité statique, qui est due principalement au changement de la distribution verticale de la salinité dans les hautes latitudes et aux changements de température dans les moyennes et basses latitudes.
Malgré la différence de profondeur de pénétration et, par conséquent, d'inertie thermique effective des océans entre les deux expériences, la réponse en fonction du temps de la température moyenne mondiale de l'air de surface dans l'expérience de réduction du CO2 est d'une ampleur similaire à la réponse correspondante dans l'expérience de croissance du CO2. Dans la première expérience, avec un climat plus froid, la neige et la glace de mer avec un albédo de surface élevé couvrent une surface beaucoup plus grande, ce qui renforce leur effet de rétroaction positif sur la température de l'air de surface. D'autre part, le refroidissement de la surface est réduit en raison de la plus grande inertie thermique effective des océans. En raison de la compensation entre ces deux effets, l'ampleur de la réponse de la température de l'air de surface s'est avérée être similaire entre les deux expériences.

  1. Klaus Hasselmann

Il a publié une étude « Coupled ocean-atmosphere models with flux correction » publiée en février 1988 dans Climate Dynamics 2(3):145-163
Il y explique :

« Une méthode est proposée pour éliminer la dérive des modèles couplés atmosphère-océan, qui, dans le passé, a souvent entravé l'application des modèles couplés dans les expériences de réponse et de sensibilité climatiques. Les champs de flux océan-atmosphère présentent des incohérences lorsqu'ils sont évalués séparément pour les sous-systèmes individuels dans des calculs climatiques d'équilibre en mode indépendant et non couplé. Afin d'équilibrer ces incohérences, un champ de correction constant du flux océan-atmosphère est introduit dans les conditions aux limites couplant les deux sous-systèmes. La méthode garantit que le modèle couplé fonctionne à l'état climatique de référence pour lequel les sous-systèmes individuels du modèle ont été conçus sans affecter la réponse dynamique du système couplé dans les expériences de variabilité climatique. La méthode est illustrée pour un modèle de boîte simple à deux composantes et un modèle de circulation générale océanique couplé à un modèle atmosphérique de diagnostic à deux couches. »

Klaus Hasselmann a également été une personnalité qui a cherché comment échapper à la question du degré de confiance dans les modèles numériques. La controverse portant sur la détection et l'attribution du changement climatique avait précisément pris son origine dans les années 1995 sur cette question. Il précisa : « « du point de vue des statistiques conventionnelles, la probabilité d'une explication non-aléatoire d'une expérience pour laquelle il n'existe aucune base de données statistiques n'a pas de sens. Il proposa « de quantifier les implications de ces différents niveaux de confiance au sein d'un cadre statitisque bayésien plus général » (Hasselmann, 1998)[4]
Le statisticien Jonathan Rougier insistait pourtant sur le fait que toute réponse à la question « quelle est la probabilité qu'un doublement de la teneur de l'atmosphère en CO2 augmente la température globale moyenne d'au moins 2°C ? » est une évaluation d'incertitude qui est nécessairement subjective.
Hasselmann avouait le but recherché : « comprendre quelle est la meilleure façon de déclencher une prise de conscience dans le public général à propos du fait que nous sommes en train de transformer le climat ». Il estimait que « l'approche bayésienne est le meilleur moyen de réaliser ce but » et que « le cadre bayésien est le meilleur pour transformer de façon rigoureuse les résultats scientifiques en avis d'experts destinés à aider à la décision politique et économique »[5]
« Déclencher des prises de consciences » est-il un critère scientifique ? Malheureusement, Hasselmann a publié de nombreux articles en collaboration avec Gabriele Hegerl  sur la question de la « détection attribution »[6]. Cette discipline a été inventée par le Giec pour « attribuer » une seule cause (le CO2) à un effet « détecté » (le réchauffement). Cette discipline est appliquée dans un guide de recommandations pour les rédacteurs du Giec dont le titre est très évocateur : « Good practice guidance paper on detection and attribution related to anthropogenic climate change » (2009). Ce titre induit que l’objectif est de valider "la cause anthropogénique du changement climatique" ! La méthode a donc pour objectif de prouver ce qu’il faut démontrer, à savoir la cause humaine. Ceci est d'ailleurs conforme à la mission du Giec qui est de "comprendre les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d'origine humaine".    

  1. Conclusion

Certains diront que les flux de corrections peuvent être légitimes. Mais il faudrait y mettre une condition, celle qu’ils soient  « relativement faibles »[7] . Or le rapport du Giec de 1995 note qu’en comparaison [des flux naturels], ils sont importants » et qu’à certains endroits, ils sont souvent plus importants que les flux climatiques moyens[8]. Ils peuvent atteindre ≈100 W/m², voire localement 200 W/m², [9] alors que la perturbation due au doublement de la concentration en CO2 se limite à 4 W/m². Par ailleurs, l’IPCC note que les flux de correction sont « additifs et ne garantissent pas l’absence de dérive ultérieure »[10].

Peut-on faire confiance aux auteurs de ces paramétrisations sauvages ?

Notons, par exemple, la constante solaire utilisée par Manabe et al. [MaS 91]. Alors que la valeur communément admis[11] est de 1367 ± 4 W/m² et que l’IPCC[12] la fixe, pour les comparaisons entre modèles à  1365 W/m², Manabe et ses collègues prennent comme valeur 1353 W/m². Rappelons que l’influence d’un doublement de la concentration en CO2 est de 4 W/m². Plus fort encore, le modèle du Laboratoire de dynamique des fluides géophysiques (GFDL) de la NOAA où travaillait Manabe, utilisait la valeur de 1467 W/m² [Sc 87].

Comment faire confiance à ces prix Nobel au motif qu’ils auraient calculé notamment qu’un doublement de la concentration de CO2 devrait se traduire par un réchauffement de 2 °C en moyenne ?  Pourtant, la température est montée de 1° entre 1600 et 1950, alors que la concentration de CO2 n’est passée sur cette période que de 275 à 310 ppm, soit une hausse de seulement 12% ?

 


[1]  IPCC-95, (p. 267)

[2] IPCC-95, (p. 249)

[3] L’utilisation des ajustements de flux dans les modèles climatiques est courante. Il en est longuement question  dans une étude: « Adjusting to Policy Expectations in Climate Change Modeling: An Interdisciplinary Study of Flux Adjustments in Coupled Atmosphere-Ocean General Circulation Models » publiée par Simon Shackley, James Risbey, Peter Stone and Brian Wynne en mars 1998 dans la revue du Center for Global Change Science  du Massachusetts Institute of Technology

[4] Anouk Barberousse, professeur d'histoire des sciences à l'Université Lille 1, « Méthodes bayésiennes dans l'étude du climat » § 2.3, p. 18

[5] Anouk Barberousse, Ibid § 2.3, p. 19

[6] En particulier :

  • Hegerl G.C., K. Hasselmann, &al, 1997 : « Multi-fingerprint detection and attribution of greenhouse-gas and aerosol-forced climate change ». Clim. Dyn., 13, 613–634.
  • Hegerl G.C.,   Hasselmann, &a, 1996: « Detecting greenhouse gas induced Climate Change with an optimal fingerprint method ». J. Clim. 9, 2281-2306.

[7] IPCC-92, (p. 238 et 310)

[8] IPCC-92, (p. 347)

[9] IPCC-92, (p. 310 et 245)

[10] IPCC-90, (p. 87, 123)

[11] Douglas V. Hoyt, Kenneth H. Schatten, « The role of the sun in climate change » , Oxford University Press, 1997, p. 48

[12] IPCC-95, p. 249