Deux articles de Stanislas de LARMINAT publiés dans LSDJ, font une analyse conjointe des actions à mener contre sècheresse et inondations. Deux aléas et une solution commune : les réserves d’eau !
Pourtant, dans le même temps, on voit se développer un activisme agricole et diverses formes de saccage sur le terrain : en pleine sécheresse, deux réserves d’eau ont été sabotées, le 8 août 2022 à Pouillé et à Nalliers, en Vendée. En Haute Marne, douze bovins sont morts après quatre sabotages d’abreuvoirs en juillet.  Motif : ces installations sont mal vues des activistes, opposés au stockage de l’eau.
C’est en réalité une litanie de dégradations qui se développe due à l’activisme environnemental: Grillages sectionnés, bâches d'étanchéité lacérées, train de blé intercepté et vidé un train de blé, croyant s’attaquer à une cargaison de sojales saccages de cultures expérimentales (le plus souvent non OGM) par des opposants aux OGM, rhabillés en Robins des bois de la nature, agressions et menaces de mort adressées par courrier aux professionnels de la forêt accusés d’être des « assassins d’arbres » dans les régions forestières, dégonflage  nuitamment de pneus des SUV, jugés trop polluants. Depuis vingt ans et dans l’indifférence, ce sont au total des dizaines et des dizaines d’actes de sabotage, lesquels n’ont pas été — à une exception près — condamnés. Personne n’est à l’abri des gardiens autoproclamés de la morale environnementale. 
Eddy Fougier, politologue, chercheur associé à l’Iris, spécialiste des mouvements contestataires, explique que le recours au saccage n’est pas nouveau : « Ces techniques de sabotage à visée environnementale visant les intérêts économiques ont leurs théoriciens, leurs manuels. Elles trouvent leurs racines aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, avec le Earth Liberation Front. En France, cela a été moins marqué historiquement, même si, dans les années 1990, certaines actions de la Confédération paysanne, contre les OGM, en relevaient. Mais de plus en plus, les dégradations, d’abord réservées au monde agricole, se généralisentet touchent de nouveaux secteurs. »
les réserves d'eau sont pourtant des solutions, tant aux risques de sècheresse que d'inondations. Les deux articles ci-dessous permettent de prendre du recul:
SÉCHERESSE : ÉMOTION DANS LES VILLES, PROBLÈME DANS LES CHAMPS, publié le 12 août
SÉCHERESSE : UNE FATALITÉ AU MÊME TITRE QUE LES INONDATIONS ? , publié le 15 août

Source :        LSDJ 12 et 15 août 2022
                    Activisme agricole : la tentation du saccage gagne du terrain- Par Emmanuelle Ducros 10 août 2022

 

1- SÉCHERESSE : ÉMOTION DANS LES VILLES, PROBLÈME DANS LES CHAMPS

Par Stanislas de Larminat - Publié le 12 août 2022

En pleine période de sécheresse, les bâches de réserves d’eau ont été sabotées le 8 août à Pouillé et à Nalliers, en Vendée. En Haute Marne, douze bovins sont morts après quatre sabotages d’abreuvoirs en juillet. Les auteurs de ces actes de vandalismes, poussés par leur sensibilité écologique, ont compris l’enjeu  : provoquer un réflexe de sidération psychique, mettant en panne nos capacités de d’analyse et de décisions.

Il faut déjà éviter deux confusions. D’abord entre périodes estivales et sécheresses. Il existe des sécheresses d’hiver qui impactent les nappes phréatiques, comme en 1924-25. La sécheresse actuelle a, du reste, commencé dès cet hiver. Confusion également entre réchauffement climatique et sécheresse météorologique. Le Giec, dans son rapport, a d’ailleurs nié la corrélation entre les deux : « Les épisodes de sécheresse du dernier millénaire étaient d’une plus grande ampleur et plus longue que ceux observés dans de nombreuses régions depuis le début du XXe ».
Les problèmes consécutifs aux sécheresses sont toutefois réels. Posons quelques données simples : le géographe Ghislain de Marsilly estime les besoins humains en eau à 1.030 m3/hab./an. L’eau domestique ne représente que 1% de ce volume, l’eau nécessaire à la production de nos industries en représente le double (2%). 97% de nos besoins concernent l’agriculture. 70% des Français, majoritairement urbains, sont prêts à changer de comportement en cas de sècheresse, mais souhaitent au préalable imposer des contraintes aux agriculteurs. L’émotion se manifeste donc dans les villes alors que le problème est dans les champs.
Or l’eau nous est donnée en abondance  : les précipitations, en excluant celles tombant sur les océans, représentent 11.900 m3/hab./an (en les ramenant à 10 milliards d’habitants). Le rapport est donc onze fois supérieur aux besoins humains ! Certes il s’agit d’une moyenne et il faut distinguer, selon les régions, l’eau «  consommée  », rejetée ensuite dans l’atmosphère, essentiellement par la transpiration des plantes, et l’eau «  prélevée  » par l’homme dans les nappes ou les rivières et qui y retourne après usage.

La problématique de l’eau est donc une question d’accès à l’eau. C’est un sujet économique et agricole avant d’être écologique. Comme toute ressource naturelle, l’eau nécessite des investissements pour être rendue accessible.L’urbain qui consomme 97% de ses besoins en eau sous forme de produits agricoles souhaite légitimement les acquérir au plus bas prix. Or un élément important de coût est le stock de sécurité en cas de sécheresse. Au siècle précédent, un agriculteur stockait un an de récolte au cas où. Il stockait indirectement, dans son grenier à blé, l’eau qui avait été nécessaire pour faire pousser un an de récolte. Aujourd’hui, concurrence mondiale oblige : on ne stocke plus et il faudra bien, pour compenser, stocker de l’eau.
Dans ce contexte, deux boucs émissaires sont désignés à la vindicte des urbains : les bovins et le maïs. Sur ces deux points, il y a des malentendus. La production d’un Kg de viande nécessiterait entre 13 et 70 m3 d’eau.  Ces chiffres, répétés à l’envie, ont été complètement surestimés. En effet, 95% de l’empreinte eau des bovins correspond à de l’eau de pluie, prise dans les sols et consommée en particulier dans des prairies dont le sol argileux est incompatible avec d’autres cultures. Un rapport de février 2017 de l’INRA avance un chiffre d’environ 0,6 m3 d’eau seulement pour produire 1 kg de viande de bœuf. À titre de comparaison, en moyenne, une lessive de linge consomme 0,1 m3. Voilà comment le rat des villes accuse à tort le rat des champs ! Par ailleurs, en France, la consommation de viande bovine est issue, pour l’essentiel, de « vaches réformées ». C'est dire que, pendant son cycle de production, le bovin produit 10 fois plus de lait qu’il ne produit de viande.

Quant au maïs, il faudrait 238 litres d’eau pour cultiver 1 kg de maïs ensilage et 454 litres pour le maïs grain.  Mais, le site très gouvernemental «  EauFrance  » souligne qu’il en faut 590 litres par kg de pomme de terre ou de blé ! Certes, les besoins du blé sont plutôt printaniers, alors que le maïs a des besoins en plein été. C'est oublier les cultures « dérobées » qui accompagnent souvent le blé et sont indispensables pour une agriculture raisonnée.  Ce maïs est, lui aussi une manière de « stocker de l’eau » pour nourrir les bovins quand ils ne peuvent plus retourner dans les prairies. Mais surtout, le maïs est utilisé pour l’élevage des volailles et des porcs, le glucose alimentaire, la pharmacie, les biotechnologies produisant la levure de boulangerie, le glaçage de nos papiers, la brasserie, les colles, etc. L’Europe est déficitaire en maïs. Les Européens sont-ils prêts à une dépendance extérieure de tous ces produits, comme ils l’ont été pour la moutarde ?

2- SÉCHERESSE : UNE FATALITÉ AU MÊME TITRE QUE LES INONDATIONS ?

Par Stanislas de Larminat - Publié le 15 août 2022

En période de sécheresse, il paraît anachronique de parler d’inondations. Dans les deux cas, on parle volontiers de « catastrophes naturelles ». Certes elles sont initiées par un événement météorologique, mais notre insouciance à anticiper mériterait de qualifier ces événements de « catastrophe humaine ». On justifie nos inerties en accusant le réchauffement climatique d’être cause des inondations. Pourtant, le GIEC reconnaît qu’« on peut dire, avec un degré de confiance élevé, que des inondations plus importantes que celles observées depuis 1900 se sont produites au cours des cinq derniers siècles dans le nord et le centre de l’Europe, dans l’ouest de la région méditerranéenne et dans l’est de l’Asie ». Voilà qui met à mal le slogan « penser global pour agir local ».

Pour faire face aux inondations, il est préférable de « penser local pour agir local »On découvre alors trois négligences classiques. D'abord, en aval, l’insuffisance de dragage des embouchures. Certes, les inondations évoquent le plus souvent des petits ports d’estuaires abandonnés. Pensons aux inondations de Quimperlé  et Hennebont (janvier 2001), d’Abbeville (avril 2001), d’Arles (déc. 2003), de Bayonne (février 2014), et tant d’autres. Les activités portuaires justifiaient des budgets de dragage. Ce n’est plus le cas et l’envasement de tous ces estuaires freinent l’écoulement des eaux… et les écologistes s’opposent à tous travaux qui bouleverseraient les flores et faunes sous-marines. Dans le lit moyen des rivières, les berges ne sont plus entretenues, les arbres y poussent, sont arrachés lors des crues et constituent de véritables barrages en se bloquant sous les ponts. Certes, il y a de moins en moins d’agriculteurs riverains, mais trop de contrôles les exaspèrent : après les inondations de Fréjus en 2010, des élus municipaux se sont plaint en sept. 2012 auprès des sénateurs qu’un des points les plus problématiques réside dans la "police écologique de l'eau". Certains exploitants ont même été verbalisés pour avoir entretenu des berges, par exemple en taillant des arbres plongeants !

En amont, il serait nécessaire de construire des réservoirs de précaution. C’est sur ce dernier point que la problématique des inondations rejoint celle des sécheresses. Nous ne reviendrons ni au cabotage dans les estuaires, ni à une agriculture stockant  d’avance une année de récolte ou suffisamment nombreuse pour entretenir les berges de nos rivières. Il faudra donc se faire à l’idée d’investir dans des bassins en amont de nos rivières. La création de bassins contribue à maintenir les niveaux d’étiage en cas de sécheresse. En matière de besoins, l’eau qui n’est pas utilisée par l’homme est en effet utilisée à alimenter tous les écosystèmes de la planète. Comme le dit le géographe Ghislain de Marsilly : « Il n’y a aucune perte : Toute l’eau est utilisée par les écosystèmes naturels ».

De l’importance de maintenir l’étiage des rivières à des niveaux suffisants. À Bordeaux, les crues de décembre 1981 et les déficits fréquents d’étiage ont montré l’utilité du plan Garonne 2050 pour répondre au triple objectif de limitation du dégâts des crues, de maintien de l’étiage pour la biodiversité et le dragage naturel de la Gironde, et, accessoirement, d’allocations en eau agricole négociées avec les parties. Le projet prévoit 415 millions de m3, dont seulement 1/5 pour la satisfaction des besoins agricoles. Certes la satisfaction des besoins agricoles nécessite des budgets publics, mais toutes les agricultures du monde sont indirectement subventionnées par des prêts bonifiés, des protectionnismes douaniers ou des aménagements agraires !  Où en est-on du plan Garonne 2050 publié en 2014 ? Sommes-nous condamnés à être paralysés par les ZADistes de Sivens qui ont bloqué un projet de seulement 1,5 million de m3 ?

Les réservoirs contribuent également à réduire les risques d’inondations. Doit-on avoir honte des grands lacs construits à cette fin entre 1960 et 1990 en stockant plus de 700 millions de m3 en amont de Paris. Ils sont aujourd’hui devenus des zones naturelles classées tant les grues cendrées y ont fait souche. Les inondations de juin 2016 ont rappelé qu’ils ne contrôlent que 17% des apports du bassin versant de la Seine à Paris. C’est encore insuffisant. Quand engagera-t-on la construction indispensable des "casiers réservoirs de la Bassée", dans la région de Marolles sur Seine ? La maîtrise de l’eau par l’homme est d’abord anthropologique avant d’être écologique. Elle oblige à se poser des questions: quelle nature voulons-nous ? Quel rapport voulons-nous entre l’homme et la nature ? La nature sauvage est-elle bonne par essence ? Toute maîtrise de la nature serait-elle illégitime ? Le géographe Christian Lévêque se plaît à souligner qu’avoir une position équilibrée sur ces sujets, c’est être capable de répondre à ces questions.