Un groupe de travail dédié[1] a participé à la préparation d’un document qui a été présenté par l’Académie Pontificale des Sciences sociales. Ce travail intitulé "Mensuram Bonam" a été publié le 10 novembre 2022 après une session qui avait rassemblé 28 participants[2] en juillet précédent. Le sous-titre du document est : « Mesures conformes à la foi pour les investisseurs catholiques : un point de départ et un appel à l'action ».
La presse a commenté ce document de façon très partiale : même le Figaro[3] retient comme titre d'article que ce texte « exclut fermement plusieurs secteurs d’investissements ». Mais le journaliste, Jean-Marie Guénois, fait une liste très partielle des exclusions : « parmi les secteurs bannis figurent "l’armement" mais aussi les industries qui conduisent à des "dépendances", comme le "tabac, l’alcool" mais aussi les "jeux électroniques" ou la "pornographie" ». Jean-Marie Guénois n’évoque pas l’approche du document concernant l’avortement, les contraceptifs, ni la recherche sur les cellules souches embryonnaires comme étant des secteurs d’activité portant atteinte au "respect de la dignité inhérente à la vie humaine". Ce commentaire du Figaro illustre combien il est facile d'instrumentaliser un document du magistère au profit d'une idéologie. Le Figaro ne parle pas, non plus, de certaines dérives de la société actuelle alors que Mensuram Bonam y insiste à juste titre : les droits libres de pratiquer un culte, d'exercer sa conscience, (§ 23).
Pourtant, le document Bonnam mesuram est bien plus fondamental qu’il n’y paraît. On ne peut que se réjouir de lire que deux personnalités françaises reconnues ont participé aux travaux : d’une part Pierre de Lauzun, président de l’Association des économistes catholiques, et Jean-Baptiste de Franssu, président de l’IOR (L'Institut pour les œuvres de religion (IOR), dit « banque du Vatican », est la principale institution financière du Saint-Siège). Le document fait allusion à un document élaboré par l’IOR de « normes pour gérer les finances en toute conscience » (§ 11).

Le document n’est disponible qu’en italien et en anglais nous en publions ci-après une traduction (provisoire et imparfaite) et en faisons un commentaire.

Sources : Mensuram Bonam – Pontifical Academy of Social Sciences

Commentaire et transcription: "les2ailes.com"

Table des matières

1- Commentaires « les2ailes.com ». 
2- Traduction française de Mensuram Bonam.. 
   AVANT-PROPOS. 
   INTRODUCTION.. 
   Chapitre I. LES PRINCIPES DE MENSURAM BONAM... 
   Chapitre II. LES CONSEILS PRATIQUES DE MENSURAM BONAM... 
   CONCLUSION.. 
   APPENDICE - Critères d'exclusion. 

1-     Commentaires « les2ailes.com »

Le document donne des définitions utiles.
Il commence par définir ce qu’il entend par Fiance : « la finance … peut être défini comme la gestion des actifs financiers ou des investissements. » (Avant-propos).
Il sensibilise le lecteur sur le fait que tout individu peut « se voir confier des actifs à investir, plutôt qu'à dépenser simplement ».
Dans son rappel des grands principes de la Doctrine Sociale Catholique, les auteurs utilisent des définitions très justes, même si leur formulation est rarement utilisée.  Ainsi au § sur la subsidiarité, les auteurs écrivent : « les personnes méritent la dignité d'être les protagonistes de leur propre croissance et de leur bien-être. … La subsidiarité est l'engagement de permettre aux personnes d'exercer une influence et un choix au sein du processus décisionnel et social le plus proche de leur expérience. » (§ 23)

Le document s’appuie sur des fondements théologiques essentiels :
Il rappelle que « l'activité financière, en particulier la gestion des actifs, vise à refléter le don de Dieu à la famille humaine, à servir le bien commun et à respecter la justice et les normes éthiques » (Avant-propos).
Il insiste sur le fait que « les dons de la "surabondance" de Dieu définissent … la norme éthique de la foi » (§4).

On citera, en particulier, cette interprétation très intéressante de la Genèse :

« Dans la Bible, le premier acte littéral d'investissement se trouve dans le livre de la Genèse, lorsque Dieu, après avoir expulsé Adam et Eve du jardin d'Eden en raison de leur désobéissance, "fit à l'homme et à la femme des tuniques de peaux et les habilla" (Genèse 3:21). Adam et Eve s'étaient cachés de Dieu à cause de la honte de leur nudité. En créant ces vêtements pour eux, Dieu a en fait apaisé leurs craintes et restauré leur capacité de relation. L'acte miséricordieux de Dieu est tourné vers l'avenir et est générateur. Elle anticipe la vulnérabilité d'Adam et d'Eve et leur fournit, par ce don de protection, la sécurité personnelle et corporelle pour qu'ils puissent assumer leur rôle dans la Création. Et il en est ainsi aujourd'hui, alors que tout investissement accepte le risque (ou la vulnérabilité) en échange de protections et d'avantages futurs. L'investissement peut à juste titre être considéré comme une vocation, car il s'agit d'une capacité héritée de Dieu de prévoir, d'atténuer et de résoudre de manière créative les vulnérabilités humaines. » (§ 8)

Le document fait très souvent référence à « Foi et raison » (§ 9, 16, 22)
Il fait un parallèle entre l’investisseur, immergé dans le monde et Jésus, « vrai Dieu et vrai homme, l'incarnation de Jésus est, en un sens, l'ultime contradiction, brisant la séparation supposée entre le divin et l'humain, entre le temporel et l'éternel, entre la mort et la vie » (§ 16).

Limites et incertitudes du document
Le document rappelle un préalable essentiel : « l'Église n'a pas de solutions techniques à offrir [...] » et insiste en disant que « Mensuram Bonam adopte la même attitude à l'égard du monde de la finance. » (Avant-propos)
Le document reconnait que sa mission « n'a jamais été aussi …ardue qu'aujourd'hui. Les nombreuses incertitudes, notamment les tensions géopolitiques, les pandémies et le changement climatique, ajoutent une ambiguïté considérable aux analyses de risque » (§1).
Le document insiste sur la complexité du sujet : « plutôt que de gérer les transactions de manière stratégique et responsable, les investisseurs religieux sont invités à se considérer comme immergés dans une pluralité de relations. » (§ 15).
Les auteurs rappellent d’ailleurs que « les principes de la DSC sont par nature un système » (§ 27)

Malgré tout, le document continue à affirmer la tâche qui nous attend de « contrer par des mesures concrètes … le changement climatique » ; Les2ailes.com n’arrêteront pas de répéter que c’est un rêve dans la mesure où l’homme ne peut pas « contrer » l’activité du soleil qui est le moteur du changement climatique. On en arrive d’ailleurs à se demander si le document Bonam mesuram croit à ce qu’il écrit puisqu’il ajoute aussitôt après que « les investisseurs jouent un rôle crucial dans ce rêve » (§ 32). On ne comprend pas comment, dans un même document, on peut lire d’une part que « l'Église n'a pas de solutions techniques à offrir [...] » et que le document soit, d’autre part, si explicite en appelant à « réduire drastiquement les émissions de dioxyde de carbone » (appendice § 4). Laudato si est pourtant très clair sur ce sujet en écrivant « l’Eglise n’a pas à prendre parti sur les questions scientifiques. J’appelle à un débat honnête et transparent » (LS 188). Nous dirions que c’est notre principal regret est que l’Académie pontificale n’a jamais organisé de débat sur ce sujet.
Dès lors, il est difficile d’éviter de sacrifier aux idées du monde, en faisant référence aux « objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies » (§4), même si, reconnaissons-le, il n’en fait pas trop d’éloge. Rappelons que les ODD sont pétris de bonnes intentions inapplicables parce que contradictoires (par exemple en voulant éradiquer la pauvreté tout en supprimant les frais de douanes).
Dès lors, le discours catastrophiste est toujours un peu de mise dans Bonam mesuram : « Le défi urgent de la protection de notre maison commune » (§7). Pourtant, les auteurs s’interrogent : « Les implications sociales et humaines des impacts environnementaux sont-elles claires ? » (§ 17)
Le document tombe également dans l’écueil d’une dialectique consistant à extrapoler. Or l’extrapolation est rarement un argument de raison. Ainsi les auteurs appellent à corriger « l'exploitation illimitée d'une économie basée sur la croissance et sans respect des limites » (§ 23). L’argument est classique, mais on aimerait que soient cités des exemples "d'exploitation illimitée".
Heureusement, les auteurs rappellent la définition centrale de Laudato si à propos de l’écologie intégrale : « l'écologie intégrale est une conviction qui embrasse et souligne l'interdépendance de toutes les choses » (§ 23)

Un document pédagogique sur les grands principes de la Doctrine Sociale Catholique (DSC).
Les grands principes sont énumérés, et très bien vulgarisés: La personne humaine et la dignité humaine, le Bien commun, la Solidarité, la Justice sociale, Subsidiarité, le Soin à notre maison commune, l’Inclusion des plus vulnérables, l’Écologie intégrale (§ 23).
De manière également très pédagogique, les auteurs introduisent des concepts nouveaux : celui de « L'investissement à impact » (§ 42-i), de « L'approche "best in class" » (§ 42-ii), et d’« investissement ESG (environnemental, social et de gouvernance) » (§ 42-iii),

Un document appelant à se questionner
Quand les auteurs entrent dans le concret, les auteurs ne se précipitent pas dans une liste de normes souvent étriquées, mais appelle à une « recherche du vrai, du beau et du bon, et la communion avec d'autres personnes en vue d'une croissance commune » (§ 16). Ils rappellent les grands principes de la DSC, évoquent les diverses implications pour l’investissement, mais ne donnent pas de recettes sans, au préalable, engager chaque opérateur dans des « questions pour le discernement » (§ 25).
Après un long travail pédagogique, le document entre progressivement dans une liste d'avertissements puis d'interdictions, en retenant très précisément ce qui relève du « respect de la dignité inhérente à la vie humaine » (avortement, armement, peine de mort, contraceptifs, recherche sur les cellules souches embryonnaires, les abus d’expérimentation animale).  Il appelle à « éviter les comportements destructeurs » (Substances addictives et services, Jeux et jouets informatiques déshumanisants) et à « reconnaître les impacts globaux et durables » que peuvent avoir « les infractions au droit du travail, la corruption, les violations des droits de l'homme et des peuples autochtones, les régimes totalitaires, et le commerce déloyal et injuste ». Il appelle à « assurer la protection de l'environnement » (§ 42).
Sur ce dernier appel, l’appendice donne des éclairages sur le génie génétique en disant que « les risques pour l'environnement et la santé qui ne sont pas encore précisément définis par la nouvelle technologie ». Concernant les Mines et matières premières minières, le document reconnait que « les produits miniers sont indispensables à l'économie moderne. Cependant, l'extraction peut impliquer une exploitation de l'environnement ou des violations des droits fondamentaux du travail, notamment dans les pays en développement, où l'exploitation minière est souvent au cœur de conflits » (appendice § 4). On aurait apprécié que la même prudence scientifique soit de mise sur le changement climatique.

Un document plein d’espérance,
Cette espérance donne du courage aux investisseurs malgré les difficultés qui sont les leurs : « Chaque moment, chaque tâche, chaque décision, a le potentiel de recevoir la grâce de l'Esprit Saint pour la construction du Royaume de Dieu » (§ 18). Les auteurs rappellent les analyses théologiques de Laudato si : « toute réalité contient en elle-même une empreinte proprement trinitaire." Ils en tirent la belle remarque suivante : « Dans l'empreinte de la Trinité, la foi reconnaît un potentiel créatif d'unité dans la diversité. » (§ 17)

2-     Traduction française de Mensuram Bonam

AVANT-PROPOS

Les Pères conciliaires, dans la deuxième session du Concile Vatican II (1962-65), ont donné à l'Église le mandat de s'engager avec toute la famille humaine, avec laquelle elle a un lien de conversation et de dialogue sur les divers problèmes qui l'affligent. Ils pensaient que ce geste "témoignerait de la foi de l'Église et [serait] un témoignage éloquent et une preuve de sa solidarité et de son respect pour le genre humain"[4]. Depuis lors, diverses initiatives des dicastères de la Curie romaine ont cherché à mettre en œuvre le premier mandat du Conseil.  MENSURAM BONAM (MB), l'œuvre présentée ici, s'inscrit dans cette tradition d'initiatives de l'Église visant à dialoguer avec la famille humaine sur ses diverses expériences et défis. Par sa publication, Mensuram Bonam entend apporter la lumière de l'Évangile et de la Doctrine sociale catholique (DSC) sur le domaine spécifique de l'économie et du monde de la finance qui peut être défini comme la gestion des actifs financiers ou des investissements.

En tant qu'agents des institutions et en tant qu'individus, les gens peuvent se voir confier des actifs à investir, plutôt qu'à dépenser simplement. La finance ayant pris une place croissante dans toutes les activités humaines, il est devenu crucial pour l'Église de réfléchir aux besoins des disciples chrétiens, y compris ceux qui ont une vocation de gestionnaire dans ce domaine. Il est important que leur gestion des biens créés, y compris toutes les formes d'activité financière, en particulier la gestion des actifs, vise à refléter le don de Dieu à la famille humaine, à servir le bien commun et à respecter la justice et les normes éthiques[5].

La manière dont l'Église équipe ses fidèles pour mener à bien ces activités rappelle l'observation du pape Benoît XVI sur l'Église et la politique. Faisant écho à l'enseignement du concile Vatican II, le pape Benoît note que "l'Église n'a pas de solutions techniques à offrir [...].[6]" Par conséquent, elle n'interfère en aucune façon dans la politique des États. Cependant, l'Église "a une mission de vérité à remplir, en tout temps et en toutes circonstances, pour une société à la mesure de l'homme, de sa dignité, de sa vocation. [...... ] La fidélité à l'homme exige la fidélité à la vérité, qui seule est la garantie de la liberté (cf. Jn 8,32) et la possibilité d'un développement humain intégral"[7]. Mensuram Bonam adopte la même attitude à l'égard du monde de la finance. Par conséquent, la lumière de l'Évangile et de la Doctrine sociale catholique que MB cherche à apporter sur la "gestion des activités financières" appartient à la mission de vérité de l'Église, qui n'est pas seulement la vérité de la foi, mais aussi la vérité de la raison. La doctrine sociale de l'Église est une application particulière de cette rencontre entre la lumière de la foi et la lumière de la raison.[8]

L'appel de MB ne pouvait pas mieux tomber. Comme le fait souvent remarquer le pape François, la crise actuelle due à la pandémie de Covid-19 a mis en lumière d'autres pandémies dues à des systèmes sociaux dysfonctionnels, comme la précarité de l'emploi, le faible accès aux soins de santé, l'insécurité alimentaire et la corruption. Mais le Pape François croit que cette crise offre aussi l'occasion de regarder un avenir dont nous pouvons rêver ensemble et de découvrir les valeurs et les priorités dans l'enseignement de notre foi et sa sagesse pour construire cet avenir et laisser les critères cohérents avec la foi inspirer nos investissements.

Enracinée dans les enseignements de la foi et de la doctrine sociale de l'Église, MB tend la main et offre son soutien à tous ceux qui travaillent chaque jour dans le secteur financier (institutions mais aussi individus) et cherchent des moyens de vivre leur foi et de contribuer à la promotion d'un développement inclusif et intégral des personnes. MB vise à offrir une telle opportunité de discernement en fournissant des conseils et des principes pour leur permettre de répondre à l'appel de l'Évangile et à la sagesse de la Tradition de l'Église en intégrant plus pleinement l'enseignement social et moral de l'Église dans la gestion de leurs activités financières, en mettant l'accent sur les investissements dans des titres cotés ou des fonds communs de placement.

L'objectif de cette publication est double :

  1. Lorsque des directives et des critères d'investissement sont en place, les institutions doivent être encouragées à persévérer dans l'intégration systématique de l'enseignement social catholique dans leurs politiques d'investissement et à les adapter de temps à autre si nécessaire.
  2. Lorsque de telles directives n'ont pas encore été élaborées, MB fournit un stimulus et un modèle/exemple pour aider et encourager les institutions à définir des politiques d'investissement claires en intégrant l'enseignement social catholique dans leurs processus d'investissement.

En nous appuyant sur le bon travail accompli par de nombreux membres de l'Église, par nos sœurs et frères d'autres traditions religieuses et par des hommes et des femmes de bonne volonté, nous espérons que cette Perspective catholique sur l'investissement conforme à la foi sera une source d'inspiration et d'orientation pour les institutions et les croyants catholiques et pour toute personne de bonne volonté prête à écouter. En effet, puisées dans le trésor de l'enseignement de l'Église, les propositions de ce document sont destinées à aider chaque personne de notre temps, qu'elle croie en Dieu ou qu'elle ne le reconnaisse pas explicitement. Si elles sont adoptées, elles favoriseront au sein de la famille humaine une perception plus claire de la plénitude de son destin, et la conduiront ainsi à façonner un monde plus conforme à l'éminente dignité de l'homme, à rechercher une fraternité universelle reposant sur des bases plus profondes, et à répondre aux urgences de notre époque par un effort généreux et solidaire né de l'amour (cf. GS n. 91)[9].

Dans les années à venir, Mensuram Bonam entend poursuivre son engagement auprès des personnes travaillant dans le secteur des investissements, afin de réfléchir aux principes qui découlent de la foi, des systèmes de valeurs et de la mission de vie.

Nous profitons de cette occasion pour remercier sincèrement tous ceux qui ont contribué à la rédaction de cet appel à l'action, en tant que membres d'un groupe de travail dévoué et engagé[10] dans la mission de vérité de l'Eglise, ainsi que l'ECHo[11] qui a facilité la discussion de Mensuram Bonam dans le hall de l'Académie des Sciences Sociales du Saint-Siège.

Peter Kodwo Cardinal Turkson, Chancelier de l’Académie Pontificale des Sciences et des Sciences sociales
Vatican, 10.11.2022

Après avoir prononcé les Béatitudes, dans l'évangile de Luc, et prêché l'amour de l'ennemi, Jésus dit : "Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonné ; donnez, et il vous sera donné. Une bonne mesure, pressée, pleine et débordante sera versée dans votre giron, car on vous mesurera avec la mesure avec laquelle vous mesurez, on vous mesurera en retour" (Lc 6, 38)

INTRODUCTION

Ce dont les investisseurs ont besoin. Et ce dont les investisseurs ont besoin.

  1. Investir n'a jamais été aussi essentiel ou ardu qu'aujourd'hui. Les nombreuses incertitudes, notamment les tensions géopolitiques, les pandémies et le changement climatique, ajoutent une ambiguïté considérable aux analyses de risque, même les plus avancées. Les considérations toujours plus nombreuses exigées dans l'évaluation des actifs financiers pour tenir compte des implications sociales et écologiques compliquent encore les décisions. Que les investisseurs exigent des options pour tenir compte de ces différentes responsabilités ou qu'ils s'y opposent, la nature même de l'investissement subit des transformations fondamentales. La volatilité découlant des multiples crises mondiales ébranle les marchés et les théories économiques, mettant les investisseurs dans des situations précaires. Bien qu'ils gèrent en fonction du paradigme économique du passé - qui persiste et exerce un grand pouvoir - les investisseurs doivent introduire de nouveaux critères pour les activités et les risques financiers afin de créer l'économie nécessaire pour l'avenir. Chaque investissement est indispensable. En plus de créer les facteurs matériels du changement requis, chaque investissement est une expression tangible des valeurs qui peuvent contribuer à l'avenir ou à son abandon. Les questions abondent. Il s'agit non seulement de questions difficiles qui poussent les capacités d'évaluation des investisseurs à leur limite, mais aussi de questions sans réponse ; des questions urgentes auxquelles les investisseurs doivent commencer à répondre avant même que les nouvelles architectures de théories et de normes ne soient définies.
  2. Ce document - Mensuram Bonam (MB) - est aux côtés des investisseurs dans ce patchwork de dilemmes et de questions. Compte tenu des enjeux pour l'humanité et les générations futures, MB lance un fervent "appel à l'action" pour des investissements fondés sur la foi, cohérents avec la foi et inspirés par elle à la lumière de l'Évangile et selon les orientations de la doctrine de l'Église. Le pape François affirme que "l'achat est toujours un acte moral, ainsi qu'un acte économique[12]". Compte tenu de leur pouvoir et de leur potentiel, les investissements sont particulièrement chargés et débordants de ces dimensions morales. Ce qui rend ce moment encore plus déroutant et menaçant pour les investisseurs, c'est que les théories économiques dominantes ne tiennent pas encore compte de ces dimensions. Au lendemain de la crise financière mondiale, le pape Benoît XVI a corrigé l'idée selon laquelle l'économie peut fonctionner indépendamment de l'éthique. Il a souligné que la validité et la crédibilité des activités économiques dépendent d'une éthique ancrée dans le potentiel du "développement humain intégral"[13]. Qu'est-ce que cela signifie ? Simplement que la véritable norme pour le développement et l'économie est le progrès de l'être humain - ce que saint Paul VI a décrit comme le "passage de conditions moins humaines à des conditions plus humaines"[14].

Le développement humain à partir des valeurs de la foi

  1. En stimulant la réflexion des investisseurs sur les valeurs humaines du développement, MB s'adresse spécifiquement aux investisseurs catholiques en leur proposant les principes de la foi à l'aune desquels évaluer tous leurs instruments financiers. Il faut reconnaître que de nombreux investisseurs, y compris des catholiques inspirés par les conférences épiscopales locales, sont déjà engagés dans le travail très difficile de discernement de nouveaux modèles d'investissement responsable en fonction de leur foi ou de leurs valeurs personnelles. Leurs efforts ont été parmi les pionniers qui ont conduit à la croissance exponentielle actuelle des fonds éthiques, verts, socialement responsables ou écologiquement durables. MB célèbre ces efforts et ces mouvements et, en même temps, reconnaît que l'élan vers un changement structurel est plus difficile pour deux raisons fondamentales : les motivations et les mesures. Par exemple, les objectifs et les revendications de l'investissement responsable sont-ils réellement ancrés dans le développement humain intégral ? Ou les valeurs humaines sont-elles utilisées de manière instrumentale ? Les investisseurs ont toujours plus d'options, mais elles créent souvent plus de confusion car l'objectif et la crédibilité des innovations sont peu transparents, voire indéchiffrables. De nouvelles mesures sont nécessaires pour définir les normes du développement humain intégral et pour créer des paramètres fiables pour cette performance multidimensionnelle. MB puise à la source de la foi en utilisant les leçons de l'Écriture et de l'enseignement social catholique pour améliorer de façon mesurable l'aptitude des investisseurs à la réflexion éthique et à l'innovation morale.

De bonnes mesures. Juste un début

MB puise à la source de la foi en utilisant les leçons de l'Écriture et de l'enseignement social catholique pour améliorer de façon mesurable l'aptitude des investisseurs à la réflexion éthique et à l'innovation morale.

  1. Mensuram Bonam signifie une bonne mesure ; il poursuit l'implication de l'Église dans les affaires et les finances afin d'exercer sa mission de vérité à la lumière de l'Évangile. Comme le dit Jésus dans l'Évangile de Luc, la bonne mesure a de multiples implications. Il s'agit de la surabondance personnelle et sociale que l'on peut obtenir lorsque les relations humaines fertilisent les normes de réciprocité existantes avec la miséricorde et le pardon donnés par Dieu. Ces dons de la "surabondance" de Dieu définissent également la norme éthique de la foi - l'instrument moral permettant de mesurer comment la foi est vécue.

D'autres implications nécessiteront une réflexion et une étude plus approfondies. Pour les investisseurs, et dans ce contexte, la bonne mesure initiée par MB a deux implications. La première consiste à proposer un processus préliminaire pour la formulation de normes fondées sur la foi - les étapes ou les mesures à prendre pour discerner ce que la foi exige ici et maintenant. Démêler les tensions entre le devoir financier fiduciaire et les devoirs de foi pour un foyer commun juste et durable ne peut être réduit à une simple liste de contrôle. Sans vouloir anticiper les résultats, MB définit des processus de réflexion pour développer davantage la facilité d'utilisation de la foi et de la raison, et pour dialoguer afin d'apprendre des innovateurs et d'inspirer la collaboration.

L'autre sens de l'expression "bonne mesure" est de commencer le travail très difficile et de longue haleine qui consiste à générer des paramètres valables pour évaluer le développement humain intégral. Des critères de référence importants, tels que ceux relatifs aux objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, ont déjà été introduits. Aux Nations unies et ailleurs, des trajectoires sont conçues pour mesurer les pratiques équitables, inclusives et écologiquement saines. Cependant, il n'existe pas d'algorithme d'investissement permettant de simuler la conscience humaine. Même les mesures les plus judicieuses, utilisant les données les plus complètes disponibles, sont limitées par le fait qu'elles doivent projeter les possibilités futures à partir des possibilités précédentes. Sous les auspices de l'Académie pontificale des sciences sociales (PASS), MB encourage le travail interdisciplinaire des scientifiques et des universitaires afin de mieux comprendre la complexité et les systèmes fondamentaux des mesures d'investissement. Pourtant, l'éthique implique un autre niveau de calcul que les chiffres ne représentent qu'imparfaitement. MB sert l'économie réelle, et ses ancrages éthiques, en promouvant le bien commun au service du développement humain intégral. En bref, MB défend l'identité de chaque être humain comme une mesure centrale de l'ordre social pour créer "un récit de la dignité humaine qui ne laisse personne de côté"[15].

A qui s'adresse MB ?

  1. MB invite tous les catholiques impliqués dans des investissements à adopter et à appliquer formellement des critères basés sur la foi dans l'administration de leurs finances. Plus précisément, MB s'adresse à la fois aux investisseurs qui se lancent dans ce processus de révision et à ceux qui continuent à affiner leur horizon et leurs pratiques d'investissement. À la lumière du Concile Vatican II, chaque emploi est considéré comme une occasion de mettre en pratique la vie de disciple dans la vie quotidienne[16]. Saint Paul VI affirme que "tout travailleur est un créateur". Soulignant ce concept, le pape Benoît XVI écrit que "l'esprit d'entreprise, avant d'avoir une signification professionnelle, a une signification humaine", c'est-à-dire que "tant la préparation professionnelle que la cohérence morale sont nécessaires"[17]. Pour les investisseurs croyants, cela signifie accorder toute l'attention nécessaire à la conciliation des objectifs économiques avec les principes généraux de l'enseignement moral et social de l'Église. En outre, MB exhorte les investisseurs catholiques à utiliser leurs connaissances, leurs compétences en matière d'engagement et leurs préoccupations éthiques pour contribuer à changer la culture économique afin d'accélérer les progrès du développement humain intégral.
  2. Le Compendium de la doctrine sociale de l'Église a été la principale source de principes d'investissement conformes à la foi développés dans MB. De nombreux projets ont déjà été initiés pour promouvoir la prise en compte de la Doctrine sociale de l'Église dans toutes les sphères humaines. Pour servir le monde des affaires et de l'économie, divers symposiums et publications ont exploré les aspects professionnels du leadership et de l'éducation commerciale[18], et analysé les fondements éthiques du renouvellement de l'économie après la crise financière mondiale[19]. Plus récemment, le pape François a appelé les professionnels travaillant dans les domaines de l'audit, de la finance et de la stratégie à former une nouvelle génération qu'il appelle "les conseillers intégraux". Le Saint-Père a expliqué qu'il est possible de faire beaucoup pour gérer les multiples crises qui affligent notre monde si le conseiller est prêt à "établir ses analyses et ses propositions selon un regard et une vision intégrale". En extrapolant l'analyse du pape François, MB soutient une nouvelle génération de personnes que l'on pourrait appeler "investisseurs intégraux"[20], offrant les enseignements de l'Église pour inspirer une vision et développer une perspective plus large et plus inclusive.
  3. MB vise spécifiquement les catholiques - ceux qui administrent les biens de l'Église et ses investissements et institutions, les dirigeants d'organisations, d'institutions et d'ordres catholiques ainsi que les investisseurs catholiques individuels, les éducateurs catholiques et les étudiants en commerce, finance et investissement, entre autres. En même temps, MB reconnaît que les conseils aux investisseurs fondés sur la foi ont une résonance rationnelle dans de multiples traditions religieuses. L'honnêteté, la confiance, la vérité, la justice, la miséricorde, la sincérité, la responsabilité et la réciprocité sous-jacente de la règle d'or sont des exemples de vertus largement partagées. Le pape François souligne les dons de cette collaboration entre frères et sœurs : " Le défi urgent de la protection de notre maison commune inclut le souci d'unir toute la famille humaine dans la poursuite d'un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer... L'humanité a encore la capacité de travailler ensemble pour construire notre maison commune.[21] "

CHAPITRE I. LES PRINCIPES DE MENSURAM BONAM

Le guide de la foi et l'enseignement social catholique

  1. L'éthique de l'"investissement" pour les catholiques est déjà codifiée dans l'étymologie du mot. En latin, investire signifie "couvrir, orner" et "conférer une autorité". Dans la Bible, le premier acte littéral d'investissement se trouve dans le livre de la Genèse, lorsque Dieu, après avoir expulsé Adam et Eve du jardin d'Eden en raison de leur désobéissance, "fit à l'homme et à la femme des tuniques de peaux et les habilla" (Genèse 3:21). Adam et Eve s'étaient cachés de Dieu à cause de la honte de leur nudité. En créant ces vêtements pour eux, Dieu a en fait apaisé leurs craintes et restauré leur capacité de relation. L'acte miséricordieux de Dieu est tourné vers l'avenir et est générateur. Elle anticipe la vulnérabilité d'Adam et d'Eve et leur fournit, par ce don de protection, la sécurité personnelle et corporelle pour qu'ils puissent assumer leur rôle dans la Création. Et il en est ainsi aujourd'hui, alors que tout investissement accepte le risque (ou la vulnérabilité) en échange de protections et d'avantages futurs. L'investissement peut à juste titre être considéré comme une vocation, car il s'agit d'une capacité héritée de Dieu de prévoir, d'atténuer et de résoudre de manière créative les vulnérabilités humaines. Pour assumer cette vocation, et promouvoir son développement, les investisseurs doivent compléter leurs connaissances techniques par une réflexion priante. Pour les investisseurs de foi, la vision du monde des chiffres et des techniques analytiques sera toujours incomplète. Même de brefs moments en présence de l'Écriture ou de rapides références aux enseignements de l'Église peuvent combler ces lacunes éthiques dans la perspective ou le processus avec grâce et sagesse.

Pour les investisseurs de foi, la vision du monde des chiffres et des techniques analytiques sera toujours incomplète. Même de brefs moments en présence de l'Écriture ou de rapides références aux enseignements de l'Église peuvent combler ces lacunes éthiques dans la perspective ou le processus avec grâce et sagesse.

  1. Selon le plan de Dieu, les femmes et les hommes ont été dotés de pouvoirs intellectuels qui peuvent leur permettre d'accroître leur sagesse afin de comprendre leur responsabilité collective les uns envers les autres et envers la création, tous faisant partie d'une écologie intégrale. En s'appuyant sur la foi et la raison, et sous la direction du Saint-Esprit, les gens peuvent discerner ensemble les fondements et les principes qui sous-tendent les systèmes qui fonctionnent bien, y compris les finances et les investissements. À leur tour, ces vérités contribuent à la formation de processus et de pratiques opérationnels qui sont essentiels pour guider les institutions et les individus dans leur participation à la finance. En MB, la proposition de conseils d'investissement conformes à la foi, s’inspire principalement de la sagesse transmise par l'Église catholique, qui se fonde sur les Saintes Écritures et la Tradition vivante de l'Église, telle qu'interprétée par le Magistère. Grâce au don de la foi, la révélation de Dieu élargit les horizons de l'humanité et satisfait notre aspiration à la vérité et au sens ultime de la vie humaine.
  2. Fondé sur la foi est peut-être la manière originale de désigner la charnière de l'investissement comme la mise en œuvre de la vie de disciple en Jésus-Christ. D'autres utilisent aujourd'hui une variété de termes tels que formé par la foi, informé par la foi, conforme à la foi, aligné sur la foi et inspiré par la foi, entre autres. En pratique, les investisseurs réfléchissent à leur foi en utilisant une matrice de questions et d'idées, en analysant les Écritures, en remettant en question les enseignements de l'Église, en s'appuyant sur leur propre sagesse éthique et en s'efforçant, à leur manière, de s'ouvrir aux dons du Saint-Esprit.
  3. une expérience réelle a été acquise dans le domaine des motivations de MB. De nombreuses conférences épiscopales locales et régionales ont déjà lancé des analyses sociales à la lumière de l'enseignement de l'Église. Et des différents contextes locaux, les évêques ont tiré des principes de changement à appliquer aux fidèles, y compris aux investisseurs. Par exemple, la Conférence épiscopale autrichienne a noté que la "richesse" constitue "la base économique des institutions et des personnes". Elle exerce une influence profonde sur la structure d'une société. Ainsi, les évêques autrichiens concluent que "puisqu'il est possible de faire quelque chose [avec la richesse], il y a une obligation d'utiliser cette capacité de manière responsable"[22]. De même, et en écho aux enseignements sur le développement humain intégral, les évêques américains soulignent que "la vie économique soulève des questions sociales et morales importantes pour chacun d'entre nous et pour la société dans son ensemble. Comme la vie familiale, la vie économique est l'un des principaux domaines dans lesquels nous mettons notre foi en pratique, aimons notre prochain, affrontons les tentations, réalisons le dessein créateur de Dieu et atteignons notre sainteté"[23]. S'investir avec foi fournit donc un contexte pour la vocation. Outre 20 conversions personnelles, la DSC vise à rendre la sphère commune, y compris les marchés et la culture, plus humanisante. À cette fin, la Conférence épiscopale italienne rappelle aux fidèles que "l'éthique appartient à la finance comme quelque chose qui lui est propre et qui naît de l'intérieur. Elle ne s'y ajoute pas après coup, mais émane d'un besoin intime de la finance elle-même de poursuivre ses propres objectifs, puisque celle-ci est aussi une activité humaine".[24]

Pour les nombreux autres cas où les critères d'investissement éthique n'existent pas encore, MB appelle à leur développement immédiat. Il propose aux investisseurs des principes et des outils pour les politiques confessionnelles, ainsi qu'une feuille de route pour leur mise en œuvre.

D'autres institutions catholiques et ecclésiastiques (telles que l'IOR - Istituto per le Opere di Religione) ont également élaboré des normes pour gérer les finances en toute conscience, conformément aux préceptes de la foi. Des progrès significatifs ont été réalisés pour préciser la responsabilité et engager les émetteurs de valeurs mobilières vers le changement. Enrichi par les innovations introduites par les grandes institutions, ce travail a porté des fruits abondants, comme le confirme le fait que le secteur des valeurs mobilières utilise désormais largement le terme "Filtres d'investissement catholiques" pour développer et commercialiser de nouvelles offres. Le Secrétariat pour l'économie du Saint-Siège a défini le processus d'élaboration de ces directives pour la politique d'investissement du Vatican. Cela inclut un processus préliminaire de changement structurel : le renouvellement du périmètre fiduciaire de la gouvernance ; la refonte des stratégies d'investissement ; la création de normes pour les partenariats et les consultants ; et l'évaluation des résultats en fonction de leurs dimensions multiples et intégrales. MB s'appuie sur ce travail de base provenant de diverses sources pour étendre les orientations et les principes de l'Église vers de bonnes mesures au profit de tous les investisseurs catholiques.

  1. pour les nombreux autres cas où les critères d'investissement éthique n'existent pas encore, MB appelle à leur développement immédiat. Il propose aux investisseurs des principes et des outils pour les politiques confessionnelles, ainsi qu'une feuille de route pour leur mise en œuvre[25]. En effet, compte tenu des risques partagés que représentent les menaces pesant sur notre maison commune, toute personne ayant une responsabilité financière doit élaborer des lignes directrices éthiques afin d'aligner ses décisions et stratégies d'investissement sur le bien commun. Aussi difficile qu'il soit de démêler ces objectifs souvent conflictuels et parfois contradictoires, l'investissement ne peut plus ignorer ses nombreuses conséquences éthiques. Le pape Benoît XVI affirme que "le développement est impossible sans des hommes droits, sans des agents économiques et des hommes politiques qui vivent fortement dans leur conscience l'appel du bien commun". Il explique qu'il faut dépasser la "confusion entre les fins et les moyens par laquelle l'entrepreneur considère le profit maximum comme le seul critère d'action"[26]. En effet, la fonction objective réelle de l'investissement doit être réimaginée comme un processus de raisonnement qui reflète des valeurs, des responsabilités et des résultats multiples.

Les piliers de la foi. Investir dans le catholicisme

  1. L'invitation de MB arrive au bon moment. Alors que le monde est plongé dans de multiples crises[27], "ceux qui, par la foi et le baptême, appartiennent au Christ doivent confesser la foi de leur baptême"[28], car "toute préoccupation pour la doctrine et son enseignement doit être orientée vers l'amour qui ne finit jamais."[29] Pour faire face à ces crises qui se chevauchent et qui sont aussi mondiales que locales, de nombreux gestionnaires, conseillers financiers et investisseurs reconnaissent que les marchés sont entrés dans une nouvelle phase de volatilité et d'incertitude. MB oriente cette reconnaissance factuelle vers ses implications morales, à savoir que, comme jamais auparavant, toute l'humanité, y compris les générations futures, est unie par un ensemble de vulnérabilités entrelacées. MB demande : sur le chemin de la foi, comment aborder et atténuer ces vulnérabilités ? Dans la vérité de la foi, quelles responsabilités éthiques doivent être appliquées aux investissements ? À la lumière de la foi, quelles compétences devons-nous développer ensemble en tant qu'Église pour façonner de nouvelles économies pour le développement intégral ?

La formulation de bonnes mesures pour les investissements confessionnels se réfère à deux sources primaires dans lesquelles MB a puisé. L'un est le Catéchisme de l'Église catholique ; l'autre est le Compendium de la doctrine sociale de l'Église.

  1. La formulation de bonnes mesures pour les investissements confessionnels se réfère à deux sources primaires dans lesquelles MB a puisé. L'un est le Catéchisme de l'Église catholique ; l'autre est le Compendium de la doctrine sociale de l'Église. Outre les Écritures, elles représentent les éléments fondamentaux pour tous les catholiques et nécessitent une consultation et une réflexion fréquentes. Nombreux sont ceux qui ont travaillé de longues heures à la rédaction du MB, et ces efforts ont donné lieu à un important travail de synthèse du Catéchisme et du Compendium. Pour revenir à la tâche urgente qui nous occupe, cet appel à l'action offre un résumé, qui sera suivi d'un matériel théologique et pastoral plus riche pour une étude plus approfondie.
  • L'autorévélation de Dieu comme fondement de la foi et de l'engagement commun pour le bien commun
  1. Dieu est le Créateur de toutes choses et a parlé à l'humanité par les prophètes et son Fils Jésus-Christ. En révélant l'amour salvateur de Dieu pour l'humanité, Dieu a confié, par le don de la foi, une capacité humaine à découvrir au fond de soi que nous sommes en relation avec Dieu, et avec les autres personnes créées par le même Dieu et avec le reste de la création. Dans sa dignité, chaque personne est donc aussi bien relationnelle qu'individuelle.
    • Une invitation à l'investigation et à l'examen de conscience : à la lumière de la foi, l'identité même de l'investisseur et son rôle sont redéfinis. Plutôt que de gérer les transactions de manière stratégique et responsable, les investisseurs religieux sont invités à se considérer comme immergés dans une pluralité de relations. En effet, une bonne partie du sens et du bonheur d'une personne provient de la contribution de sa vie, de ses talents, de son travail et de ses ressources aux autres et au monde.
    • Comment les décisions que prend un investisseur aujourd'hui collaborent-elles spécifiquement avec le plan de Dieu pour la Création et l'humanité ?
  • Fidélité à l'alliance de Dieu en Jésus-Christ
  1. Jésus entre dans l'histoire humaine pour annoncer le Royaume de Dieu. Vrai Dieu et vrai homme, l'incarnation de Jésus est, en un sens, l'ultime contradiction, brisant la séparation supposée entre le divin et l'humain, entre le temporel et l'éternel, entre la mort et la vie. L'ordre nouveau incarné par Jésus modifie les normes humaines de justice et de droiture. L'amour de Dieu doit se concrétiser dans toutes les relations par un amour qui inclut le prochain, s'étend à ceux qui sont considérés comme les plus petits et les derniers, et va même jusqu'à accueillir les ennemis. Jésus met en pratique les bonnes mesures de Dieu que sont l'offrande de soi, la miséricorde et le pardon. Et Jésus enseigne les bonnes mesures, comme dans les Béatitudes, pour que ses sœurs et frères humains puissent s'épanouir avec les normes d'amour qui humanisent la justice.
    • Une invitation à la vocation : les choix des investisseurs sont chargés de priorités concurrentes et souvent conflictuelles, avant même que le prisme de la foi ne soit appliqué. C'est pourquoi le pape Benoît XVI insiste sur la nécessité de conjuguer foi et raison : non seulement pour "corriger les dysfonctionnements" du système économique, mais aussi pour "orienter la mondialisation de l'humanité en termes de relationnalité, de communion et de partage"[30]. Les dimensions pratiques et sacramentelles d'une telle collaboration méritent d'être soulignées : une communion d'idées, des leçons apprises, des expériences, des meilleures pratiques, des espoirs audacieux et un appel partagé, en tant que communauté de foi, à des résultats plus humanisants.
    • La voix de Dieu, l'appel de Dieu à chaque personne de foi, est-elle entendue ? Au milieu du tumulte des marchés et de l'agitation des exigences professionnelles, comment se ménager des moments de réflexion dans la prière ?
    • Une optique professionnelle modifie la perspective professionnelle et personnelle. Le pape Benoît XVI "appelle la société d'aujourd'hui à revoir sérieusement son style de vie, qui, dans de nombreuses régions du monde, est enclin à l'hédonisme et au consumérisme, tout en étant indifférent aux dommages qu'il cause. Ce qu'il faut, c'est un changement effectif de mentalité qui nous amène à adopter de nouveaux modes de vie "dans lesquels la recherche du vrai, du beau et du bon, et la communion avec d'autres personnes en vue d'une croissance commune sont les éléments qui déterminent les choix de consommation, d'épargne et d'investissement""[31]. Les changements que l'on cherche à opérer en tant qu'investisseur de foi s'accompagnent-ils d'autant de changements dans le mode de vie personnel ? Comment l'investisseur façonne-t-il la foi et ses valeurs à un niveau personnel ?
    • Les valeurs qui régissent et guident l'investissement ont-elles été spécifiquement identifiées et définies ? Les bonnes mesures d'intégrité d'un investisseur de confiance ont-elles été explicitement clarifiées ? Les principes ou mesures de globalité, qui visent à considérer et à respecter l'unité des interrelations humaines, sociales et écologiques, ont-ils été intégrés dans les processus liés aux objectifs et stratégies d'investissement ?
  • La participation à l'amour et la merveille de la Trinité
  1. L'imagination et la vie catholiques sont formées et informées dans le mystère essentiel et toujours nouveau de la Trinité. Le pape François souligne que "pour les chrétiens, croire en un seul Dieu qui est communion trinitaire conduit à penser que toute réalité contient en elle-même une empreinte proprement trinitaire."[32] Dans l'empreinte de la Trinité, la foi reconnaît un potentiel créatif d'unité dans la diversité. Dans l'empreinte de la Trinité, la personne humaine, la société et le monde naturel font partie les uns des autres, un décor qui est aussi une danse ; une interdépendance qui est aussi une source de liberté. Dans l'empreinte de la Trinité, les personnes humaines sont appelées à la plénitude et à l'intégralité : à une plénitude personnelle et à une sainteté à la fois relationnelle et responsable en raison de l'entrelacement des dons accordés par le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
    • Une invitation à "lire la réalité dans une clé trinitaire"[33]. Les travaux sur les options d'investissement responsable sont en cours depuis plusieurs décennies. Au cœur de celle-ci se trouvent de nouvelles mesures (environnementales, sociales et de gouvernance ESG), de plus en plus nombreuses, qui reflètent une vérité fondamentale : l'économie est ancrée dans la société, elle a des effets positifs et négatifs sur les êtres humains et elle est confinée dans des limites naturelles. En utilisant une clé trinitaire, le calcul pour les investisseurs passe de l'analyse des différentes dimensions à une considération affectueuse de l'ensemble. Comme l'écrit le pape François, "les Personnes divines sont des relations subsistantes, et le monde, créé selon le modèle divin, est un tissu de relations. Les créatures tendent vers Dieu, et à son tour, il est propre à chaque chose vivante de tendre vers quelque chose d'autre, de sorte qu'au sein de l'univers, nous pouvons rencontrer d'innombrables relations subsistantes qui sont secrètement entrelacées. "[34]
    • En plus de considérer les critères existants pour les dimensions sociales, environnementales et de gouvernance, les interconnexions entre elles ont-elles été explorées et examinées ? Les implications sociales et humaines des impacts environnementaux sont-elles claires ? Qui est lésé ? Qui en profite ? Comment la justice est-elle renforcée ou affaiblie ? Les impacts écologiques des comportements sociaux ou de la consommation personnelle ont-ils été évalués en termes de coûts ? Comment les entreprises ou les fonds communs de placement influencent-ils la gouvernance ? Les activités de lobbying des entreprises ou leur influence sur les régulateurs sont-elles conformes aux objectifs et aux valeurs des investisseurs ?
  • Dans l'étreinte de la grâce
  1. La foi chrétienne révèle que toutes les activités humaines atteignent leur plénitude dans la miséricorde et l'amour de Dieu, qui a créé les êtres humains à son image et racheté l'humanité par Jésus-Christ. Lorsque des individus s'ouvrent à une relation avec Jésus, la grâce qu'ils reçoivent a un impact qui abonde et résonne dans toute la société et la création. Parce que Jésus a pris sur lui la plénitude de l'humanité, il n'y a pas de domaine, de projet ou d'entreprise humaine qui soit hors de portée de la grâce de Dieu. La prière et les sacrements ne sont pas non plus le seul point de distribution de la grâce. Chaque moment, chaque tâche, chaque décision, a le potentiel de recevoir la grâce de l'Esprit Saint pour la construction du Royaume de Dieu, pour répondre au grand don de l'amour de Dieu par notre vie. L'un des dons de cette grâce est le discernement de la vraie valeur, et donc de la mesure, de toutes choses.
    • Une invitation au discernement. Investir avec une perspective et des critères dérivés de la foi place les objectifs et les résultats dans la grâce extraordinaire de Dieu. Étant donné que tous les investissements participent à l'abondance des dons divins, aucun investissement ne peut jamais être considéré comme moralement neutre. Soit le royaume de Dieu est promu par l'utilisation des biens, soit il est négligé et sapé. De nombreux investisseurs et gestionnaires reconnaissent que les calculs linéaires, qui se limitent à des choix de "ceci ou cela", sont incomplets ou inadéquats. En fait, les préoccupations relatives aux incidences environnementales et sociales révèlent une évolution vers le principe "ceci et cela", qui respecte la complexité de l'économie, laquelle implique l'interconnexion de multiples facteurs. Imaginer et pratiquer l'approche "ceci et cela" est nécessaire, mais aussi très difficile. Une perspective de foi et la grâce sont indispensables. Avec la foi, la véritable valeur des options ou des résultats émerge (si nous le permettons), avec la grâce (si nous lui faisons confiance), les innovations et les possibilités dépassent la portée de la logique actuelle.
    • Pour discerner les bonnes mesures, les actifs éthiques et les passifs éthiques des investissements ou des stratégies sont-ils identifiés ? Outre les facteurs économiques externes positifs et négatifs, quels sont, sur la base de faits et de jugements qualitatifs, les actifs et les passifs humains, sociaux et écologiques ? Les bénéfices sont-ils "vrais" dans le sens où ils apportent une valeur honnête, équitable et favorable aux êtres humains et à la société ? Ou bien les effets néfastes sont-ils transmis à d'autres, ou aux générations futures, afin de réaliser de faux profits ?
  • Façonnés par la Parole de Dieu
  1. Les évangiles sont l'étoile polaire de la foi catholique, pour s'identifier à la pensée du Christ et l'imiter dans la réalité concrète de son temps et de son lieu. L'avènement du Royaume prêché par Jésus est encore en train de se réaliser, pris entre les tensions de l'ici et maintenant et du pas encore ; entre le présent et le futur ; entre "sur la terre comme au ciel". La vie de disciple avec Jésus ne consiste pas seulement à suivre des préceptes ou des rituels. Il s'agit plutôt d'une amitié vivante par laquelle chaque baptisé participe avec Jésus au projet quotidien de construction du Royaume de Dieu. Jésus prêche l'audace et la patience, l'urgence de suivre la voie du disciple et de croire qu'avec l'attention de Dieu, même la plus petite graine deviendra le plus grand des arbres. Jésus parle de questions pratiques, comme les semailles et les plantations, et de questions humaines, comme l'accumulation et la thésaurisation, pour faire ressortir le contraste entre les valeurs communes et celles de Dieu. Au cours de son ministère terrestre, les paraboles de Jésus ont souvent invité les auditeurs (et aujourd'hui les lecteurs) à se plonger dans une situation et à laisser filtrer leur propre sagesse humaine. Ceux qui ont "des yeux pour voir et des oreilles pour entendre" deviennent des participants joyeux à leur propre conversion personnelle, combinant leur initiative humaine, leur créativité, leurs talents et leur générosité avec les dons et la grâce de l'Esprit Saint pour contribuer à l'œuvre de Jésus en tant que manifestation du Royaume de Dieu.
    • Un appel à la "lectio divina". Comme nous l'avons déjà dit, il n'existe aucun domaine ou expérience humaine, y compris les investissements, qui échappe à la vigilance de Dieu ou qui soit hors de portée de sa grâce. Dans son catéchisme sur la prière, le Pape François explique à la fois la centralité de l'Écriture et son efficacité : " Les paroles de la Sainte Écriture n'ont pas été écrites pour rester emprisonnées sur du papyrus, du parchemin ou du papier, mais pour être reçues par une personne qui prie, les faisant germer dans son propre cœur "[35]. La lecture de la Parole de Dieu comme prière, en particulier lorsque le travail est exigeant ou que les temps sont agités, "nous donne force et sérénité et même lorsqu'elle nous interpelle, elle nous donne la paix".
    • Parmi les passages qui peuvent toucher la corde sensible de l'investisseur figurent des paraboles telles que la parabole du trésor caché de la perle et du filet (Mt.13:44-49) ; les talents (Mt. 25:14-30) ; les vignerons méchants (Mt. 21:33-45) ; et la parabole des ouvriers d'heures différentes (Mt. 20:1-16).
    • Les Écritures et surtout les Évangiles n'ont pas un but utilitaire dans le sens de trouver des solutions aux problèmes. Leur but est la rencontre avec Jésus et la transformation qui en découle : comme un sarment dans la Vraie Vigne (Jn.15:1-11) ; devenir le Sel de la Terre et la Lumière du Monde (Mt.5:13-16) ; ou servir de levain (Lc.13:20-21). Les passages et les versets sont nombreux, les leçons et l'inspiration inépuisables.
    • La fidélité est la clé. "Un passage de l'Écriture, entendu maintes fois auparavant, me parle soudain un jour et éclaire une situation que je vis. Mais je dois être là, ce jour-là, au rendez-vous avec ce Verbe".[36]
  • Avec le Saint-Esprit. "Tu resteras dans mon amour"
  1. En résumé, la lumière de la foi éclaire une nouvelle vision par laquelle la personne humaine reconnaît le projet d'amour de Dieu et se l'approprie dans sa vie quotidienne. Ainsi enracinés dans une foi vivante, le but personnel et le sens de la vie imprègnent toutes les décisions et les actions. Dans Populorum Progressio, St Paul VI déclare que : "Il faut affronter courageusement la situation actuelle et combattre et surmonter les injustices qu'elle entraîne". En effet, c'est la présence active de l'Esprit Saint qui "a suscité et continue de susciter dans le cœur de l'homme une exigence irrépressible de dignité"[37]. L'écoute de la Parole de Dieu, avec le cœur, l'esprit et l'imagination, accroît l'intégrité personnelle afin qu'elle soit en accord avec les bénédictions et les valeurs d'amour de Dieu. En faisant nôtres ces bonnes mesures, nous devenons tous des instruments indispensables au sein du grand plan de Dieu pour la création et le salut : "racheter et faire toutes choses nouvelles" (Ap 21,5 ; 2 Co 5,17). Comme l'ont montré de nombreux investisseurs, l'exercice de l'administration financière avec les conseils et l'inspiration de la foi produit non seulement de meilleurs résultats mais aussi de meilleures réglementations. Le MB s'associe à ce travail en cours, en célébrant le travail entamé, en tirant des enseignements des bonnes pratiques et en invitant à la collaboration pour rendre les processus et les mesures plus solides. Comme l'explique le pape Benoît XVI, "l'action de l'homme sur terre, lorsqu'elle est inspirée et soutenue par la charité, contribue à la construction de la cité universelle de Dieu vers laquelle progresse l'histoire de la famille humaine".[38]

Doctrine sociale catholique (DSC). De bonnes mesures pour guider les investisseurs et la pratique.

  1. La foi en Christ, ouverte au dynamisme de la grâce de Dieu, ne signifie pas seulement l'adhésion intellectuelle à la vérité révélée. Pour être salvatrice, elle doit être formée par la charité, comme le souligne saint Paul : "Ce qui compte, c'est la foi qui fait sentir sa force par la charité" (Ga 5,6). Au fil du temps, un mouvement parmi les fidèles pour vivre les principes de leur foi dans la société a généré une tradition vivante dans l'Église qui sert maintenant de source de principes directeurs pour la pratique de la foi chrétienne dans le monde[39]. La foi ne peut pas être une réalité privée, un ensemble de convictions personnelles formées par une doctrine et un culte individuels. La foi est incomplète sans une vision du monde enracinée dans la parole de Dieu et sans que nous y participions par nos œuvres[40]
  2. Une synthèse de l'enseignement social de l'Église et de sa tradition peut être trouvée dans le Compendium de la doctrine sociale de l'Église[41] et dans les encycliques[42] et enseignements actuels du pape[43], ainsi que dans les 38 39 40 enseignements des conférences épiscopales. La DSC s'appuie sur les dons du raisonnement humain, y compris les connaissances de la philosophie, de l'économie, de l'écologie, de la science et de la politique, etc. Combinées et résumées avec les enseignements de la foi et de la théologie, ces connaissances contribuent à une doctrine sociale qui place la personne humaine au centre de tous les systèmes de pensée et d'action.[44] Fondamentalement, la DSC contribue au développement de la culture humaine, qui "doit se développer aujourd'hui de manière à perfectionner la personne humaine dans son intégrité et dans l'ordre voulu, et à aider les hommes à accomplir les tâches auxquelles tous, mais surtout les chrétiens fraternellement unis au sein de l'unique famille humaine, sont appelés"[45]. Pour le croyant, donc, l'Évangile éclaire, approfondit et élève ces concepts, en leur donnant un sens entièrement nouveau, conforme à la nature transcendantale de la personne. C'est pourquoi le pape Benoît XVI parle de l'impact de la foi sur la raison, où " la raison a toujours besoin d'être purifiée par la foi ". De même, poursuit-il, "la religion a toujours besoin d'être purifiée par la raison pour montrer son authentique visage humain".[46]

Cette vision transcendante de la personne humaine, enracinée dans les Écritures, s'exprime dans les principes de dignité, de droits de l'homme, de bien commun, de solidarité, de subsidiarité et de participation, et de destination universelle des biens de la terre.[47] Les papes Benoît XVI et François ont tous deux ajouté de nouveaux éléments à la Doctrine sociale pour éclairer les réalités actuelles à la lumière de la foi vivante. Les concepts de durabilité, d'écologie intégrale, de justice sociale, de soin des pauvres et de soin de notre maison commune sont apparus comme des éléments de référence essentiels dans les discours de l'Église sur les questions contemporaines. Toutes les sphères de l'activité humaine, y compris la finance, sont profondément affectées par ces questions. Par son action, la DSC offre aux investisseurs des outils de discernement permettant de prendre des décisions prudentes et fondées sur la foi, afin d'obtenir une valeur positive qui a également un impact sur le bien commun (une mensuram bonam). En effet, un ROI au carré, c'est-à-dire un retour sur investissement qui contribue à un retour sur le développement intégral.

  1. Les principes de la DSC (et leur application) continuent d'être renouvelés et enrichis. De nombreux aspects de ces principes sont bien connus puisqu'ils sont le reflet du droit naturel. D'autres nécessitent une étude et une réflexion, car les enseignements papaux ultérieurs ont permis d'approfondir la compréhension.
  • La personne humaine et la dignité humaine [48]: l'Être Personne ou la Personnalité de l'être humain est le 45 principe social suprême de la doctrine sociale de l'Église ; et le libre développement de la personne humaine est la mesure centrale de l'ordre social. Créé à l'image de Dieu (Gn 1, 27), chaque homme, femme et enfant possède la dignité d'être une personne. Les enseignements bibliques ultérieurs soulignent que la dignité est partagée par toutes les personnes en tant que sœurs et frères, indépendamment des distinctions sociales ou économiques (Ep 1,5 ; Rm 8,29)[49]. Personne n'a plus de dignité inhérente qu'un autre. Il s'ensuit que toute activité humaine qui entraîne un "déficit de la dignité humaine fondamentale", tel que l'appauvrissement, l'asservissement ou la privation de liberté de quelque nature que ce soit, viole l'intégralité fondamentale du dessein de Dieu pour la création et l'humanité. Le progrès personnel, qui réalise l'épanouissement, le bien-être ou la dignité de l'être humain, doit s'appliquer à tous. Chaque personne individuelle est une fin en soi, jamais un simple instrument valorisé uniquement à des fins utilitaires (telles que la production ou la consommation). Le véritable développement du potentiel humain ne répond aux normes et aux exigences de la dignité humaine[50] que lorsque les capacités personnelles disposent d'un espace et d'une sphère pour s'épanouir. Cette dimension universelle n'est pas abstraite[51]. Cela signifie en termes concrets et pratiques qu'une personne n'est pas quelque chose, mais quelqu'un[52]. Avec cette dignité donnée par Dieu, la vocation de chaque homme et de chaque femme est le développement humain intégral[53] destiné à se réaliser dans l'amour authentique[54]. La liberté est une expression fondamentale de cette dignité et comprend les droits libres de pratiquer un culte, d'exercer sa conscience et de former des associations ou des communautés dans un but commun. Le pape François pointe du doigt le cœur sacré de la dignité humaine, écrivant que "l'humanité est ce "temple sacré" dans lequel les "marchands" sont empêchés de spéculer", et qu'"elle ne peut être réduite à servir l'argent "[55].
  • Le bien commun : Le principe du bien commun, "auquel tous les aspects de la vie sociale doivent se référer pour trouver une plénitude de sens", découle de la dignité, de l'unité et de l'égalité de toutes les personnes et en protège chaque dimension[56]. Le bien commun désigne "l'ensemble des conditions sociales qui permettent à personnes, tant en tant que groupes qu'en tant qu'individus, de se réaliser plus pleinement et plus facilement"[57]. Un synonyme puissant du bien commun est ce que les papes Paul VI, Benoît XVI et François ont appelé le "développement humain intégral". Ainsi, en transposant ce concept dans la réalité d'aujourd'hui, le pape François affirme que "l'écologie intégrale est inséparable de la notion de bien commun, un principe qui joue un rôle central et unificateur dans l'éthique sociale[58]. Peut-être plus que jamais auparavant, chacun d'entre nous peut témoigner personnellement que le bien de chaque être humain est interconnecté avec le bien naturel, que la réalisation des capacités personnelles, la sécurité et l'espoir pour les familles, et le développement de communautés et d'institutions résilientes sont liés à une seule écologie. Dans cette écologie de réciprocité abondante, chaque groupe ou communauté partage la responsabilité de veiller à ce que les conditions garantissent le bien personnel, familial et associatif de ses membres.[59] Une vie digne pour la réalisation de son propre développement complet et personnel est intégralement liée aux autres et à la nature. Aristote envisageait une interpénétration éthique fondamentale[60]. Saint Jean XXIII a fait la même déclaration de foi en appelant à un "État-providence moderne" qui assure la sécurité sociale et l'assistance à ceux qui ne peuvent pas se permettre de participer pleinement aux biens de la communauté[61]. Selon le pontife, la mesure de gouvernance réside dans la vitalité du bien commun. Il a déclaré que chaque société devrait avoir des personnes "investies de l'autorité publique" qui "tiennent compte de toutes les conditions sociales qui favorisent le plein épanouissement de la personnalité humaine[62]". Dans la continuité de cet enseignement, le pape François appelle à ce que "les États et les institutions de la société civile qui ... se préoccupent avant tout des individus et du "bien commun"[63], enraciné dans l'amitié sociale et la charité sociale[64]. Lorsque l'économie perd son visage humain de, les gens deviennent des serviteurs de l'argent[65]. Le pape François affirme que "c'est une forme d'idolâtrie contre laquelle nous sommes appelés à réagir en reproposant l'ordre rationnel des choses qui ramène au bien commun, selon lequel l'argent doit servir et non gouverner"[66].
  • Solidarité : Les obligations relationnelles de prendre soin d'intérêts communs génèrent la solidarité. Ce principe s'enracine dans la fraternité essentielle de la famille humaine qui implique de vivre pour et avec l'amour social[67]. La solidarité est un engagement actif à travailler ensemble, en partageant les dons et en appliquant la conscience aux défis à relever pour que l'harmonie et l'espoir du bien commun portent leurs fruits. Selon le pape François, "les gestes de générosité, de solidarité et de soin germent en nous, parce que nous avons été créés pour aimer[68]. En effet, la solidarité peut impliquer un sentiment de compassion, mais elle est bien plus. Saint Jean-Paul II l'a décrit comme "une détermination ferme et persévérante de s'engager pour le bien commun, c'est-à-dire pour le bien de chacun et de tous, car nous sommes tous réellement responsables de tous..."[69] La solidarité est un acte d'inclusion et d'appartenance, qui garantit et défend 66 les conditions de la libre participation de tous à l'œuvre commune de la société[70]. L'économie et les investissements, qu'ils soient conscients ou non, dépendent de la confiance sociale que seul le bien commun génère. Par conséquent, la solidarité est une lentille à travers laquelle nous évaluons nos gestes inter-corrélés, y compris les initiatives telles que la responsabilité sociale des entreprises ou les investissements éthiques. Comme la confiance, la solidarité est fragile, facilement considérée comme acquise ou négligée. En définitive, l'humanité ayant par nature une dignité partagée, personne n'est dispensé d'assumer une responsabilité personnelle pour le bien commun des autres personnes et de la création (c'est-à-dire l'écologie intégrale).
  • Justice sociale : le souci réel de l'intérêt commun passe par la justice, et notamment par la réalisation intégrale et le respect de la justice sociale. Ce qu'on appelle la "justice générale" (commutative, légale) régit les relations en définissant et en appliquant la loi. Ces règles garantissent des protections cruciales des droits dans l'exécution des contrats, l'application de l'utilité et la protection de la propriété. La justice sociale va au-delà de l'observance obligatoire pour inclure des normes et des idéaux moraux qui se réfèrent à l'intérêt partagé d'un potentiel intégral. Informée par la vision globale de la justice et de la miséricorde de Dieu, elle s'ouvre à la justice expansive qui va au-delà de la lettre de la loi et qui est nécessaire pour réaliser de nouveaux horizons d'inclusion basés sur la solidarité et l'amour[71]. Comme l'a observé le pape Benoît XVI, le marché est soumis aux principes de la "justice commutative". Les échanges entre les parties sont réglementés comme une simple transaction. La Doctrine sociale de l'Église souligne sans relâche l'importance d'adapter les fonctions du marché et de l'économie pour y inclure la justice distributive et la justice sociale. Pourquoi ? Parce que les marchés participent à un réseau plus large de relations et de biens publics. S'ils ne sont régis que par des principes d'équivalence contractuelle de la valeur des biens échangés, ils ne peuvent à eux seuls produire la cohésion sociale nécessaire à l'efficacité et à la coopération. La justice distributive n'est pas la charité. Elle ne peut être laissée à la seule philanthropie. Toute personne impliquée dans la gouvernance, et en particulier dans la politique, mais aussi dans toutes les autres sphères de la société, a le devoir de contribuer à la justice sociale afin de renouveler et d'améliorer le bien commun. La bonne mesure consiste ici à donner la priorité aux défavorisés, par le biais de la redistribution, afin que chacun se voie reconnaître la dignité d'être inclus.[72]
  • Subsidiarité : les personnes méritent la dignité d'être les protagonistes de leur propre croissance et de leur bien-être. Quel que soit son statut - travailleur ou réfugié, étudiant ou travailleur social, professionnel ou migrant - chaque personne mérite la dignité d'être vue et entendue pour contribuer à façonner son propre destin. La subsidiarité est l'engagement de permettre aux personnes d'exercer une influence et un choix au sein du processus décisionnel et social le plus proche de leur expérience. Ce principe répond à la norme fondamentale de la liberté d'agir. Et c'est impératif car "chaque personne, chaque famille et chaque corps intermédiaire a quelque chose d'original à offrir à la communauté". Ainsi, la valeur de chaque personne augmente de manière tangible lorsqu'elle est autorisée à participer activement à l'agenda social commun[73]. La subsidiarité exige l'attention et le respect de la part des entités plus grandes et plus éloignées, afin de cultiver l'initiative personnelle, la liberté et la responsabilité des entités plus petites et locales, pour qu'elles assument la dignité de la responsabilité de leurs décisions.
    La subsidiarité est bien plus qu'une simple délégation, qui permet souvent à l'entité politique ou à l'entreprise la plus importante de conserver le pouvoir et le contrôle. Lorsqu'elles sont déléguées, les personnes sont responsables des résultats devant leurs chefs, leurs supérieurs ou leurs gestionnaires. La solidarité distribue les rôles et les pouvoirs horizontalement, créant une responsabilité mutuelle de tous les niveaux pour le bien commun. En effet, il existe une corrélation profonde entre l'autorité morale confiée aux dirigeants et l'action réalisée par la subsidiarité. Les dirigeants de grandes organisations expriment les possibilités sociales qui fermentent dans le bien commun et définissent la vision ainsi que les paramètres de la gouvernance. Toutefois, l'autorité et la crédibilité de ce leadership reposent sur la volonté de donner aux gouvernements locaux et aux individus les moyens de prendre des risques et des responsabilités[74]. La subsidiarité se développe dans un échange à double sens entre les hiérarchies : elle fournit aux dirigeants un retour d'information qui contribue à définir l'objectif et les principes des relations sociales, tout en offrant une expertise à ceux qui, sur le terra, contribuent à la mise en œuvre et à l'innovation.
  • Prendre soin de notre maison commune : les sensibilités environnementales, désormais inscrites dans la conscience mondiale, représentent un réveil social aux vérités sur la création de Dieu révélées il y a si longtemps dans les Saintes Écritures. Il y a deux récits de la création dans la Genèse. Dans la première, Dieu crée l'homme "à l'image de Dieu, il le créa ; homme et femme, il les créa" (Gn 1,27). Immédiatement, Dieu accorde aux premiers êtres humains deux bénédictions et avec chacune une obligation correspondante. Il a été dit à Adam et Eve : "Soyez féconds et multipliez, remplissez la terre et soumettez-la à vous". Et ils ont reçu la "domination" sur toutes les créatures et tous les organismes vivants de la terre, y compris les graines et les fruits pour la nourriture (Gn 1, 28-30). Ayant reçu ces bénédictions de Dieu, Adam et Eve devaient travailler la terre pour produire les nécessités de la vie, tout en protégeant la capacité productive de la terre elle-même pour servir aux générations futures. Toutes les dimensions de ce que nous appelons aujourd'hui la durabilité ont été établies dans le cadre de ces obligations initiales données à nos premiers parents. Avec de tels précédents moraux, la durabilité prend une dimension sacramentelle, corrigeant l'exploitation illimitée d'une économie basée sur la croissance et sans respect des limites.[75] Prendre soin de notre maison commune, par exemple, avec moins de consommation ou d'expérience personnelle, ouvre deux possibilités : pour ceux qui ont plus, profiter de ce qu'ils ont en l'appréciant ; et pour ceux qui ont beaucoup moins, accéder à une part équitable des dons de Dieu en tant que membres décents de la famille humaine habitant une maison planétaire commune.
    La terre n'est pas une ressource morte. C'est un organisme vivant avec une infinité de créatures et de matières en constante évolution au service de la vie. Saint François d'Assise avait un sens profond du caractère sacré de la nature, il prêchait aux oiseaux et invitait les arbres et les autres créatures à se joindre à lui pour remercier Dieu le Créateur. Dans son Cantique des créatures, il appelle notre planète "Douce, Mère Terre".[76]
  • Inclusion des plus vulnérables. L'autorévélation et l'alliance de Dieu ont toujours émergé dans des promesses et des consolations spécifiques offertes à ceux qui vivent en marge - les pauvres, les souffrants, les vulnérables. Dans le livre de l'Exode, "Les Israélites gémissaient à cause de leur esclavage, ils poussaient des cris de lamentation, et leur cri d'esclave montait vers Dieu. Alors Dieu entendit leurs gémissements, il se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob" (2, 23-24). Tout au long de l'histoire, l'Église a toujours souligné que les mesures en faveur du bien commun et de la justice sont inextricablement liées à la dignité, au respect et à l'inclusion des moins puissants. Dans Evangelii Gaudium, sa première exhortation apostolique, le pape François insiste sur ce concept fondamental : "De notre foi dans le Christ fait pauvre, et toujours proche des pauvres et des exclus, découle le souci du développement intégral des plus abandonnés de la société"[77]. L'extension de l'"option pour les pauvres" est donc une "catégorie théologique", un principe de foi qui stimule la conscience en politique, en culture et en économie. L'inclusion des plus vulnérables ne peut être une simple question de charité ou de philanthropie. Même les meilleurs systèmes humains sont faillibles en tant qu'humains, et même les décisions les mieux informées sont limitées par les imperfections des informations disponibles. Inévitablement, il en résulte des distorsions structurelles qui privilégient le pouvoir et excluent implicitement ou explicitement les personnes en marge. L'exemple le plus urgent aujourd'hui est que bon nombre des communautés du monde qui souffrent en premier des effets catastrophiques du changement climatique sont celles qui ont le moins contribué au réchauffement de la planète causé par les activités humaines. Résoudre les inégalités, et générer l'inclusion, exige une asymétrie correspondante de soins déséquilibrés envers les vulnérables qui, paradoxalement, aide l'ensemble de l'Église à apprendre et à vivre le véritable message de l'Évangile de Jésus.[78]
  • Écologie intégrale : comme nous l'avons mentionné précédemment, les papes Benoît XVI et François ont tous deux abordé les réalités de plus en plus pressantes de la crise écologique en introduisant des enseignements sociaux novateurs qui font référence à une "écologie intégrale". La crise profonde du système financier mondial a désintégré une grande partie de l'unité promise par la mondialisation. Il s'est avéré que les grandes innovations résultant des capacités de la finance et du commerce mondiaux n'avaient pas conduit à une aussi grande maturité en matière d'éthique. La mondialisation, comme le note le pape Benoît XVI, a fait de nous des voisins mais pas des frères et des sœurs[79]. Les marchés se sont rapidement remis de la crise, tandis que les inégalités se sont creusées. Cette fracture, exacerbée par l'"hyper-individualisme", est un affront à l'interconnexion sous-jacente de la société et de la création. Le pape Benoît XVI écrit : "Le livre de la nature est un et indivisible, du côté de l'environnement comme du côté de la vie, de la sexualité, du mariage, de la famille, des relations sociales, en un mot, du développement humain intégral"[80]. La typologie qui se dégage de cet enseignement est décisive : la personne humaine n'est entière que par rapport aux autres membres de la société, et la société n'est entière que par rapport à l'écologie naturelle qui l'accueille. Le pape François ajoute que l'écologie intégrale est une conviction qui embrasse et souligne l'interdépendance de toutes les choses[81]. Ainsi, l'écologie intégrale requiert "une écologie économique capable de nous inciter à considérer la réalité de manière plus large".[82] En fin de compte, l'écologie intégrale sert donc à élargir la portée et la vision de l'application du bien commun à tout ce qui fait partie de la prise en charge de notre maison commune[83]. Le défi éthique se réfère aux multiples dimensions de la globalité, tout en s'opposant au "danger que représentent les visions utopiques et idéologiques" de la personne humaine et de la nature[84] .

Ces principes de la DSC, dans lesquels s'enracinent les recommandations de MB, inspirent un engagement basé sur la solidarité. Il s'agit de promouvoir non seulement les retours, mais aussi la dignité humaine, la protection de la création et la croissance inclusive par une action conjointe liée par l'amour[85]. Par conséquent, ces principes sont plus qu'une simple liste de contrôle. Chacune d'entre elles présente une intégrité totale, nécessitant réflexion et discernement.

  1. D'intérêt pour tous les êtres humains, la DSC présente trois points d'intérêt particulier pour les investisseurs :
  • La première consiste à échapper à l'"absolutisme fiduciaire", c'est-à-dire à la logique fermée de l'ingénierie financière axée uniquement sur les gains à court terme, qui rejette toute responsabilité éthique en faisant de la personne humaine, des biens sociaux et du don divin de la création une marchandise. Avec les conseils de l'Évangile et de la DSC, MB vise à ramener le devoir fiduciaire à sa tâche originelle (encore reconnue dans de nombreuses juridictions), à savoir l'exercice de considérations éthiques répondant aux exigences de la confiance et du devoir de diligence.
    • Une invitation à redéfinir la vision et la responsabilité. Pour les investisseurs, les implications de cette redéfinition fiduciaire auront également des répercussions sur la gouvernance, notamment sur le champ d'action des comités d'investissement, la formation des gestionnaires et des fiduciaires, et les priorités éthiques à exiger des régulateurs et des émetteurs de titres.
  • Un autre point d'appel ou d'implication réside dans l'utilisation de mesures fondées sur la foi pour animer éthiquement les nombreux mouvements au sein de la société et de l'économie qui prônent le changement. Comme indiqué, de grands progrès ont été réalisés au cours des dernières décennies pour s'adapter aux crises qui touchent tous les êtres humains. Les institutions et les ordres religieux ont été à l'avant-garde de ces changements et, avec MB, il s'agit maintenant d'élargir la base de l'application de la sagesse de la foi aux questions complexes auxquelles les investisseurs sont confrontés aujourd'hui.
    • Un appel à développer et à intensifier les bonnes pratiques en matière de responsabilité. Pour les investisseurs, les implications sont doubles : il s'agit de s'assurer que la vision, la stratégie, les processus d'investissement et les évaluations des risques appliquent les normes les plus récentes des initiatives de responsabilisation en constante évolution ; et de collaborer avec d'autres pour enrichir ces filtres d'investissement multidimensionnels avec des questions et des bonnes mesures fondées sur la foi.
  • Une troisième utilité de la DSC est d'orienter les espoirs et les mesures d'une société et d'une économie encore embryonnaires vers ce dont l'humanité et ses cultures ont concrètement besoin pour prospérer. Le paradigme actuel du changement reste embourbé dans l'imagination qui tente de le transcender : la confiance est considérée comme un "capital social", les personnes comme un "capital humain", les idées ou les innovations comme un "capital intellectuel", les arts et la beauté comme un "capital culturel", la sagesse comme un "capital expérientiel" et les valeurs éthiques et religieuses comme un "capital moral". Les implications de ces mesures sont que tout ce qui est inestimable dans la création de Dieu, y compris la capacité de l'humanité à aimer et à créer, est réduit à une seule mesure d'utilité. La durabilité et la justice véritables exigent le génie du capital financier, mais comme un service à l'humanité et non comme sa seule et ultime mesure.[86]
    • Une invitation à imaginer ce qui est nécessaire - et ce qui est possible - pour un développement humain intégral. Pour les investisseurs, les implications impliquent un changement radical de perspective. Même si ce n'est que brièvement ou provisoirement, la tâche consiste à travailler à partir de la vision générée par les principes de la foi plutôt que de tenter de saisir le statu quo. Il est important de mener des expériences d'investigation éthique, ainsi que de faire de la place dans chaque portefeuille pour la recherche et le développement (R&D) éthiques - ces initiatives conduisent à utiliser ces valeurs comme base de la valeur.
  1. Pour la tâche à accomplir, c'est-à-dire inviter à l'action et offrir une orientation préliminaire, MB propose un résumé introductif dans lequel chaque ligne présente le principe de base, ses implications et les questions préliminaires pour les investisseurs :

Principes de la DSC

Implications pour l'investissement

Questions pour le discernement

La personne humaine et la dignité humaine

- La personne humaine, dans son incarnation et sa dignité, est la mesure de tout développement social, économique et politique.

- En tant qu'activité humaine, les investissements ne sont jamais neutres. Le développement intégral est soit promu soit brisé

- La liberté humaine est-elle renforcée ou diminuée ?

- Les droits de l'homme sont-ils pleinement respectés ?

- Les opportunités sont-elles équitables et également accessibles ?

- Les externalités négatives sont-elles supportées équitablement par les bénéficiaires ?

Le bien commun

           

           

 

- Les droits et les possibilités de développement intégral découlent du bien commun qui s'épuise ou se détruit s'il n'est pas alimenté par des devoirs entrepris avec charité.

 

- Les valeurs sociales sont-elles élevées ou négligées ?

- Comment la communauté en bénéficie-t-elle spécifiquement ?

- La participation d'autres personnes est-elle incluse ou exclue ?

- Les capacités individuelles peuvent-elles s'épanouir ?

La personne humaine et la dignité humaine

           

 

- La personne humaine, dans son incarnation et sa dignité, est la mesure de tout développement social, économique et politique.

- En tant qu'activité humaine, les investissements ne sont jamais neutres. Le développement intégral est soit promu, soit brisé.

- La liberté humaine est-elle renforcée ou diminuée ?

- Les droits de l'homme sont-ils pleinement respectés ?

- Les opportunités sont-elles équitables et également accessibles ?

- Les externalités négatives sont-elles supportées équitablement par les bénéficiaires ?

Le bien commun

Les droits et les possibilités de développement intégral découlent du bien commun qui s'épuise ou se détruit s'il n'est pas alimenté par des devoirs entrepris avec charité.          

 

- Les valeurs sociales sont-elles élevées ou négligées ?

- Comment la communauté en bénéficie-t-elle spécifiquement ?

- La participation d'autres personnes est-elle incluse ou exclue ?

- Les capacités individuelles peuvent-elles s'épanouir ?

Solidarité

 

- Avec sa dignité et ses talents, chaque personne a un rôle indispensable dans le plan de Dieu pour la création et le salut. La solidarité ouvre la participation en permettant à chaque personne de contribuer à ce qui est nécessaire pour prospérer ensemble.  

 

- Les autres personnes sont-elles respectées ou chosifiées ?

- L'impact social est-il fédérateur ou diviseur ?

- Comment l'abondance de la nature est-elle valorisée et préservée pour les générations futures ?

- Cet investissement va-t-il accroître ou éroder la confiance sociale ?

Justice sociale

 

- Inspirer et soutenir la justice exige plus qu'une simple équivalence. Pour atteindre son objectif social et sa finalité divine, la justice doit investir et redistribuer les capacités excédentaires afin de créer les conditions qui nourrissent et soutiennent le mieux les espoirs humains.

- Comment les inégalités seront-elles réduites ?

- Les parties prenantes sont-elles écoutées et prises en compte ?

- Les personnes exclues, vulnérables ou marginalisées sont-elles reconnues et respectées ?

- Les résultats attendus posent-ils un problème d'ordre éthique ?

Subsidiarité

 

- Maintien de l'échelle humaine, exercice de la responsabilité au niveau local ou communautaire où la politique répond aux besoins de la pratique.

- Déléguer l'autorité pour élargir la prise de décision en accordant aux participants la dignité de leurs tâches pour le bien commun.

- La gouvernance donne-t-elle à la communauté un pouvoir de décision ?

- Les risques sont-ils cartographiés pour inclure les menaces ou les implications sociales et locales ?

- La responsabilité de la gouvernance génère-t-elle une harmonie sociale généralisée ?

- Les personnes les plus directement touchées ont-elles voix au chapitre ?

Prendre soin de notre maison commune       

 

- Les êtres humains partagent la terre avec d'autres espèces ainsi qu'avec les générations futures. Les hommes ont toujours compté sur la prospérité de la planète pour leur subsistance et leurs besoins humains. Comme nous l'avons compris grâce aux sciences écologiques, les êtres humains font partie d'un réseau complexe et fragile d'interdépendances dont il faut prendre conscience et dont il faut se préoccuper.

- La véritable durabilité est-elle réalisée (et l'écologisme de façade évité) ?

- Comment les stratégies d'investissement gèrent-elles le compromis entre la durabilité à long terme et les rendements à court terme ?

- Comment l'intendance donnée par Dieu est-elle mise en œuvre ?

- Les innovations pour un nouveau paradigme plus responsable sont-elles semées et soutenues ?

Inclusion des plus vulnérables

           

 

- Les systèmes humains sont imparfaits et, tout au long de l'histoire, ils ont créé des conditions qui excluent, pénalisent ou marginalisent les pauvres.

- Précieux pour Dieu, les plus vulnérables sont la mesure de l'efficacité de la justice et de la dignité partagée dans la solidarité et la participation au bien commun.

- Les politiques d'investissement intègrent-elles les enseignements tirés des personnes marginalisées ?

- Au-delà de l'effet d'entraînement, quels sont les avantages pour ceux qui sont en marge du pouvoir ?

- Comment les distorsions et exclusions structurelles ayant un impact sur les plus vulnérables sont-elles traitées ?

- Les portefeuilles incluent-ils des activités de R&D pour promouvoir l'inclusion ?

Écologie intégrale

 

- Chaque personne reçoit la vie et la dignité comme des dons de Dieu. Ils forment des personnes capables de nouer des relations à plusieurs niveaux : avec la famille, au sein d'une communauté, avec les collègues et la société, ainsi qu'avec l'air, l'eau, la nourriture et la subsistance de la terre. Immergée dans ces dons, la personne a pour vocation de devenir "plus humaine".

Quel effet cela a-t-il sur l'ensemble de la personne humaine ? Les relations sociales sont-elles renforcées ou affaiblies ?

- Les critères du développement intégral dans les dimensions humaine, sociale et écologique sont-ils remplis ?

- Les mesures quantitatives et qualitatives fournissent-elles des données systémiques pour évaluer les résultats ?

- Que devons-nous aux générations futures pour leur durabilité, leur dignité et le bien commun ?

La DSC apporte un complément éthique à ces instruments importants, en orientant également les investisseurs vers des modèles fondés sur la foi que les méthodologies techniques seules ne peuvent imaginer.

  1. Il y a plusieurs considérations à souligner concernant ces principes et ces résumés. L'un d'eux est que ces principes, bien que formulés en fonction de leur pertinence pour les investisseurs, utilisent des termes et des thèmes issus de la tradition catholique vivante. Par exemple, l'"interdépendance" qui modifie le "bien commun" est reprise de saint Jean-Paul II ; le principe consistant à donner la priorité aux plus vulnérables (un enseignement de longue date de l'Église) a de nouveau été mis en avant par le pape François, qui souhaite que l'on prenne soin des personnes vivant en marge de la société et que l'on apprenne d'elles. Il est important de noter que ce résumé n'est qu'un point de départ, une référence préliminaire pour une réflexion sur les principes de l'investissement confessionnel. Il faut espérer que cela stimulera d'autres questions et un dialogue entre de nombreuses personnes (catholiques et non catholiques) engagées dans le développement de nouvelles normes et pratiques d'investissement.
  2. Tout en appréciant la qualité de chaque principe, il est important de reconnaître que la DSC fonctionne comme un système. Chaque principe est à la fois indispensable et incomplet sans l'orientation morale des autres. Par exemple, la dignité de la personne ne peut être séparée du bien commun, et ne peut s'accomplir sans le potentiel mutuel libéré par la solidarité. Et l'écologie intégrale est une priorité à la fois locale et mondiale. Elle exige une subsidiarité ancrée dans le lieu local, ainsi que la reconnaissance du fait que la dégradation naturelle nuit à la justice pour les personnes les plus vulnérables aux conséquences négatives, aujourd'hui et à l'avenir. Les problèmes économiques et sociaux d'aujourd'hui sont en effet reconnus comme extrêmement complexes. Les principes de la DSC sont par nature un système, une méthode composée de différents éléments d'évaluation morale qui respecte les difficultés et le potentiel créatif de la complexité.
  3. Mesurer la dignité ou la vulnérabilité est aussi difficile que de formuler des mesures définitives de la durabilité. Mais en tant qu'êtres humains, nous connaissons ces qualités de manière intime, pour nos vies et nos âmes. Le bon sens humain, vivifié par un sentiment de foi dans le Fils de Dieu incarné, nous donne des normes qualitatives qui anticipent efficacement les mesures quantitatives. L'impact combiné d'un investissement peut généralement être évalué en fonction de la manière dont il évite les dommages (défense de la vie) et renforce l'humanité (dignité) ; dont il profite à la société (promotion du bien commun, de la justice, de la paix, de l'harmonie, de la croissance) ; et dont il contribue à résoudre les problèmes urgents auxquels les sociétés sont confrontées (faim, conflit, maladie, inégalité, éducation, etc.). L'utilisation de certains des outils récemment développés dans le domaine de l'investissement à impact est un point de départ[87]. La DSC fournit un complément éthique à ces outils importants, en guidant également les investisseurs vers des modèles fondés sur la foi que les méthodologies techniques seules ne peuvent imaginer.
  4. Bien que les mesures relatives au bon MB soient principalement axées sur les investissements sur le marché des capitaux, elles s'appliquent également à tous les investissements qui imitent l'initiative originale de Dieu consistant à habiller Adam et Eve, c'est-à-dire à prendre à cœur la vulnérabilité de l'autre. L'invitation faite par le pape François à l'Église de servir d'"hôpital de campagne"[88] est un exemple de cet investissement, qui consiste à panser littéralement et éthiquement les blessures les plus graves de l'humanité causées par la pauvreté et l'exclusion. Investir avec les bonnes mesures de la foi est par définition multiforme : investir dans la prière et la réflexion ; investir dans l'apprentissage, en particulier à partir de sources non financières ; investir dans l'inclusion ; investir dans l'écoute et le dialogue ; investir dans la compassion et la compréhension de l'autre ; et investir dans des rêves qui semblent improbables par anticipation et essentiels a posteriori.

Chapitre II. LES CONSEILS PRATIQUES DE MENSURAM BONAM

  1. Les principes identifiés au chapitre 1, avec leurs implications et leurs questions, animent les investissements conformes à la foi et motivés par la foi. Ces principes se traduisent par une application pratique immédiate, tout en générant un élan vers une nouvelle finance intrinsèquement éthique. En effet, les impératifs prophétiques de la foi sont, à l'heure actuelle, de plus en plus alignés sur les exigences de justice sociale et de durabilité écologique recherchées par les experts de multiples secteurs. Dans le contexte économique général, nombreux sont ceux qui acceptent la nécessité de l'éthique avant tout pour obtenir des résultats équitables et durables, même si, jusqu'à présent, peu de progrès ont été réalisés dans la transformation de la finalité globale de l'activité économique. Trop souvent, l'éthique reste facultative ou une contrainte à résoudre, alors que l'accent est mis sur la maximisation d'autres résultats. Un réalignement de l'économie sur l'éthique ne peut plus être ignoré ou reporté. Le pape François insiste sur ce point : "Il ne suffit pas de concilier, de manière médiane, le soin de la nature et le gain financier, ou la conservation de l'environnement et le progrès. Sur cette question, les voies médianes ne sont qu'un petit retard dans le "désastre"[89]. MB aspire à une nouvelle culture d'investissement capable de combiner les connaissances techniques avec les conseils moraux de la foi. Bien que similaire aux innovations recherchées par le secteur financier, avec ses nombreux produits liés à la responsabilité tels que les ESG, la clé de MB est que l'éthique faisant écho à la foi catholique est désormais cruciale dans la fonction objective de l'investisseur.

"L'activité des entrepreneurs est en effet une noble vocation orientée vers la production de richesses et l'amélioration du monde pour tous... Ces capacités des entrepreneurs, qui sont un don de Dieu, doivent être clairement orientées vers le progrès d'autres personnes et le dépassement de la misère, notamment par la création d'opportunités d'emploi diversifiées."

  1. MB s'adresse à tous les investisseurs catholiques. Étant donné que les investisseurs institutionnels auront des questions, des objectifs et des ressources très différents de ceux des particuliers, chacun, à sa manière, peut utiliser le MB pour insuffler des qualités de foi dans les pratiques existantes. Chaque choix contribue à élever le niveau de l'investissement confessionnel. Outre le partage de lignes directrices et l'invitation à la réflexion, nous espérons que MB fournira une base de dialogue et d'analyse approfondie, afin que les groupes et les communautés puissent étudier et questionner ensemble le projet commun de développement humain intégral. D'autres religions ont offert leur point de vue sur les marchés et l'économie. Divers groupes de différentes confessions dialoguent sur ces urgences et opportunités mondiales communes[90]. Avec tant de choses à apprendre ensemble, MB contribue à cette conversation permanente avec l'enseignement social que les catholiques ont glané dans leur foi et leur loi naturelle.
  2. Selon le pape François, une double tâche nous attend dans un avenir immédiat : contrer par des mesures concrètes "les pandémies cachées de ce monde, les pandémies de la faim, de la violence et du changement climatique" ; et répondre à l'appel de Dieu de notre temps "pour oser créer quelque chose de nouveau"[91]. Les investisseurs jouent un rôle crucial dans ce rêve et cette action, en appliquant leur foi, leur imagination, leur amour et leurs connaissances à la poursuite et au service d'une économie éthiquement intégrale. Les informations qui suivent ne constituent qu'un point de départ et ne sont pas destinées à être complètes ou définitives. Il propose tout d'abord des suggestions pour démarrer, à l'intention des investisseurs individuels ou des petites institutions qui souhaitent jeter les bases d'un investissement conforme à la foi (ICF). Elle est suivie de conseils plus détaillés pour la promotion des pratiques confessionnelles par les grands investisseurs institutionnels catholiques. Les décisions réelles prises par les investisseurs, les propriétaires d'actifs et les gestionnaires d'actifs peuvent amplifier le bien-être de la famille humaine, en allant au-delà des rendements financiers pour prendre également soin de la société et de la création au profit de tous, y compris des générations futures.

Commençons. L'adoption d'un processus basé sur la foi.

  1. Dans un sens, la DSE est comme un GPS confessionnel qui fournit une carte, une vue d'en haut, avec des panneaux indicateurs et des conseils pour naviguer sur un itinéraire difficile. Il n'est jamais facile de changer un horizon ou une culture d'investissement. Il faut apprendre et désapprendre, changer les hypothèses et les attentes et commencer à redéfinir chaque étape du processus d'investissement avec un contrôle de confiance approprié. Le pape François a introduit une méthodologie de lecture des signes des temps qui peut être utilement appliquée aux exigences d'un investissement conforme à la foi. Ses trois étapes sont : contempler, discerner et proposer. La contemplation sert à s'immerger dans l'activité à entreprendre, à prendre la mesure de la complexité et du désordre, à laisser les émotions et l'intellect s'informer dans le tiraillement de l'angoisse et de l'espoir. La prière ici ne vise pas la résolution ou les résultats, mais plutôt à permettre humblement à la vérité d'émerger et d'être rencontrée. Le discernement accorde une attention particulière aux événements paradoxaux, voire contradictoires, qui caractérisent la vie humaine. Plus qu'une simple analyse rationnelle, le discernement implique une ouverture volontaire à de nouvelles alternatives fondées sur "les motifs, l'invitation et la volonté de Dieu". Selon les mots du pape François : "Les idées sont débattues mais la réalité est l'objet du discernement." Comme le mot lui-même le suggère, proposer est une recommandation qui n'est pas encore définie ou complète. Les intuitions de la contemplation et les innovations créatives nées du discernement évoquent des actions qui sont, en elles-mêmes, nouvelles et donc source d'apprentissage et de vérification[92].
  2. Pour les investisseurs qui s'engagent dans cette voie, la clé est de prendre le temps d'un examen honnête, de remettre en question les pratiques et les hypothèses, et de formuler les termes applicables aux investissements conformes à la foi. Tous les objectifs ou dilemmes ne seront pas résolus. La priorité est de commencer, en utilisant les délibérations et les décisions préliminaires pour continuer à apprendre, pour continuer à développer la capacité d'aligner les investissements avec la foi. Ce processus pourrait également inclure :
  • La formulation d'une déclaration de politique d'investissement qui identifie les principes directeurs choisis avec foi et fixe un horizon d'investissement. La définition ou la redéfinition d'une telle politique place les considérations de foi en relation directe avec les priorités de l'investisseur, sa tolérance au risque, ses objectifs de rendement et son horizon temporel. En effet, il remplit la fonction d'un "bilan" proactif, identifiant les actifs ou objectifs, les passifs ou moraux ainsi que les risques financiers. (Voir le tableau au chapitre 1, 23)
  • En utilisant cette politique comme guide, les paramètres de risque sont révisés pour refléter à la fois les conditions financières et les attentes éthiques. Ce cadre pour les risques, dans leurs multiples dimensions, devient la pierre angulaire sur laquelle se fonde la construction prudente de portefeuilles financiers.
  • L'identification spécifique de valeurs reflétant la tolérance au risque et le degré d'urgence à obtenir des résultats conformes à la foi. Les normes habituelles de prudence et de vérification des investissements sont, dans ce cas, exigées dans leur intégralité et étendues à des considérations plus éthiques ayant un impact sur les choix et les résultats.
  • De manière significative, avec l'adoption d'objectifs conformes à la foi, le système même du raisonnement d'investissement est redéfini. Les questions et les critères de performance ont un impact sur les stratégies d'investissement et deviennent un filtre pour évaluer les choix et les résultats. De petits changements peuvent faire une grande différence, surtout lorsqu'ils sont combinés aux efforts d'autres personnes pour mettre en œuvre des investissements conformes à la foi.
  • Des critères conformes à la foi permettent ainsi aux investisseurs de prendre des décisions plus précises sur les actifs, les titres, les propriétés, les émetteurs et autres options. Par le biais de l'implication, du renforcement et des exclusions, ces critères régulent la participation et influencent les acteurs du marché et les performances (de plus amples détails sur ces processus sont donnés au paragraphe 39).
  • Le suivi des progrès est essentiel à la réalisation d'un véritable devoir fiduciaire, à la sécurité et à la durabilité, en garantissant l'alignement sur la vision et les valeurs de la foi. Le suivi permet également de faire le point sur l'apprentissage, de renforcer le processus d'investissement basé sur la foi et de développer des compétences pour les investissements futurs.

L'investissement conforme à la foi est un parcours plutôt qu'une recette ou un résultat défini. C'est pourquoi les leçons offertes par les grandes is0tutions catholiques qui se sont mesurées à des investissements conformes à la foi sont utiles à tous les investisseurs.

Les méthodes de gestion financière et de négociation peuvent, bien entendu, varier d'une région à l'autre et d'un investisseur à l'autre. Tous les grands investisseurs n'ont pas encore adopté ce processus. Les petits investisseurs, ou ceux qui gèrent leurs propres actifs personnels, apporteront également différents niveaux d'expertise ou de ressources. Investir de manière cohérente avec la foi est un voyage plutôt qu'une recette ou un résultat défini. C'est pourquoi les leçons offertes par les grandes institutions catholiques qui se sont mesurées à des investissements conformes à la foi sont utiles pour tous les investisseurs. En déclinant l'approche d'investissement, les gestionnaires ou les propriétaires d'actifs financiers peuvent choisir différentes voies. MB en décrit quelques-uns ci-dessous. Comme indiqué au chapitre 1, diverses conférences épiscopales et certains organes du Vatican ont également publié des règles beaucoup plus détaillées qui peuvent être consultées pour référence et inspiration (voir 25).

Les leçons des innovateurs catholiques.

  1. Comme indiqué, l'Église et les institutions catholiques ont longtemps mené l'étude des approches visant à appliquer la vision et les impératifs de la foi à leurs stratégies et pratiques d'investissement. Les enseignements tirés de ces années d'expérience ont des implications pour tous les investisseurs inspirés par la foi.

Une institution catholique à laquelle sont confiées des ressources, dans l'accomplissement de sa mission, doit une double responsabilité :

  • Un devoir professionnel de gérer ces ressources de manière prudente et de financer les programmes, projets et activités par lesquels sa mission est réalisée.
  • Un devoir moral d'utiliser les principes de la foi et de la DSC, au mieux de leurs capacités, pour aligner leurs pratiques d'investissement et de gestion sur le grand dessein de Dieu (pour un développement humain intégral).

Dans leur gestion compétente, socialement et moralement responsable des ressources de l'Église, ceux qui ont ces responsabilités rejoignent les efforts des croyants qui, au fil des siècles, ont cherché à intégrer leurs convictions dans leur propre vie et dans leurs activités professionnelles[93]. Pour être fidèles à cette responsabilité, ces institutions et leurs organes directeurs doivent porter une attention réfléchie et constante à la manière dont ils intègrent la grande tradition de la DSC dans leurs décisions d'investissement, dans l'intention de témoigner de l'amour de Jésus et de servir le bien commun de la communauté mondiale. Ce faisant, ils font du résultat de leurs activités une véritable mensuram bonam - une bonne mesure.

  1. Certains propriétaires catholiques d'actifs financiers commencent maintenant à réaliser que les décisions d'investissement doivent intégrer les principes moraux dérivés de la foi, tandis que d'autres ont déjà adopté de tels principes et pratiques. En fonction de leur situation spécifique, ces investisseurs ont bénéficié de la recherche, des avancées opérationnelles et des nombreux outils qui ont été développés dans le domaine de l'investissement confessionnel et socialement responsable. Forts de cette base solide pour une véritable responsabilité fiduciaire, ils se sont concentrés sur des opportunités d'investissement qui évitent les options superficielles ou à caractère commercial.
  1. Pour une avancée des pratiques standard, il faut d'abord décrire la stratégie d'une approche confessionnelle dans une déclaration de politique d'investissement. Comme indiqué ci-dessus (paragraphe 34), cette politique doit être rédigée par le gestionnaire d'actifs financiers de manière à définir les priorités de l'investisseur, sa tolérance au risque, ses objectifs de rendement et son horizon temporel. Cela peut dépendre des règles et réglementations en vigueur dans les différentes juridictions concernant la propriété, l'utilisation et le transfert de capitaux, les instruments et les titres disponibles pour les investisseurs, et les compétences des superviseurs. Par conséquent, ces structures peuvent influer sur la manière dont les procédures et les critères relatifs aux investissements confessionnels sont appliqués, dans l'espoir que ces efforts ne soient pas contrecarrés.
  2. De nombreux instruments peuvent être utilisés pour les FCI ou les investissements conformes à la foi. La participation directe à des titres cotés en bourse est un choix d'investissement possible. Les fonds communs de placement en actions ou en titres à revenu fixe (et/ou les ETF) peuvent également constituer l'instrument approprié[94]. Les fonds communs de placement orientés vers les investisseurs socialement responsables, ou orientés vers la DSC et ses objectifs de développement intégral, sont de plus en plus nombreux, bien que les options viables soient encore limitées ou ne s'appliquent qu'à certains segments spécifiques du portefeuille d'investissement ou ne soient pas disponibles dans tous les pays[95]. Comme l'activité de développement d'instruments et d'approches appropriés dans ce domaine est en constante évolution, les propriétaires catholiques d'actifs financiers doivent suivre ces développements, tout en encourageant les responsables de la recherche. Pour les segments de marché où aucun fonds commun de placement axé sur la DSC n'est disponible, les fonds communs de placement eux-mêmes peuvent être différenciés par une analyse de leur exposition aux zones d'exclusion ou d'investissement positif, en plus de la politique de vote par procuration. En outre, ces dernières années, l'investissement d'impact, l'investissement ESG et l'investissement lié à des programmes ont fourni aux gestionnaires d'actifs catholiques de nouvelles approches et options diversifiées et multiples (bien que des efforts soient en cours pour tenter d'apporter plus de cohérence globale aux références spécifiques à l'ESG). Les nouveaux outils qui peuvent être intégrés dans leurs programmes d'investissement peuvent en même temps répondre à certains des défis sociaux et environnementaux critiques auxquels la société est confrontée, afin que les résultats soient réellement bénéfiques et intégraux.
  3. Il peut être difficile de déterminer comment un investissement intègre les principes de la DSC. Les informations sont souvent incomplètes ou non disponibles. Il peut être difficile de valider des affirmations, mais cela ne doit pas décourager les investisseurs de faire des investissements éthiques lorsque de telles options sont disponibles dans un portefeuille diversifié. Dans certains cas, l'incertitude causée par des doutes potentiels sur la nature éthique ou confessionnelle d'une opportunité d'investissement peut amener l'investisseur à conclure que l'investissement doit être évité. Les institutions confessionnelles ont cartographié nombre de ces questions. En s'appuyant sur les principes fondamentaux de la foi, ils ont utilisé les principes de la DSC pour définir et affiner l'orientation éthique des investissements. Dans ce cadre conforme à la foi, ils explorent ensuite différentes options, telles que ESG ou best-in-class, pour sélectionner des actions et des obligations. Ce processus et ces critères (détaillés au paragraphe 41 et dans l'appel à l'action qui s'ensuit) peuvent être appliqués, bien qu'avec une certaine prudence, au processus de prise de décision pour d'autres classes d'actifs. Lorsque les choix sont confus et peu clairs, MB encourage le discernement dans la prière, ainsi que la flexibilité et la créativité pour prendre des décisions d'investissement qui soient conformes à la foi et reflètent la DSC. Aussi difficile que cela puisse être, innover pour faire des investissements inspirés par la foi fait partie de la vocation d'investir. À leur tour, ces efforts peuvent également ouvrir de nouvelles voies à d'autres investisseurs confessionnels, déplaçant le centre de gravité vers des investissements de plus en plus responsables.
  4. On pense souvent que mélanger la foi et l'éthique avec les critères d'investissement pourrait compromettre les rendements. Ces préoccupations ont été largement réfutées. Lorsque les critères de foi et d'éthique sont élaborés avec les niveaux de considération et de connaissance appropriés, il n'y a pas lieu de craindre une sous-performance ou le risque de ne pas remplir sa responsabilité fiduciaire[96]. En fait, il est de plus en plus reconnu que l'investissement responsable peut finalement produire une performance équivalente ou supérieure (mensuram bonam) à long terme : faire bien en faisant bien ! En effet, le risque est de ne pas considérer la valeur financière des aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance. En négligeant les innovations éthiques sur le marché, les investisseurs peuvent manquer des occasions d'améliorer les rendements ajustés au risque et donc de générer une plus grande valeur pour l'ensemble de leurs parties prenantes. Par exemple, après la crise des marchés financiers de 2020, provoquée par la pandémie de Covid-19, les indices boursiers durables ont enregistré de meilleures performances que les indices non durables. Les chercheurs ont également montré qu'en temps de crise, les entreprises qui bénéficiaient d'une plus grande confiance ont subi des pertes moins importantes que la moyenne du marché et se sont rétablies plus rapidement lorsque la situation s'est améliorée[97]. Cela peut être appelé un Prix de la durabilité.
  5. Alors que les propriétaires catholiques d'actifs financiers s'efforcent d'adopter des politiques d'investissement fondées sur la foi et conformes à la foi, applicables à toutes les catégories d'actifs, ils doivent prêter attention aux impacts immédiats, à long terme et collatéraux que leurs avoirs peuvent avoir sur les personnes, les communautés, le climat et la terre, "notre maison commune". Une fois de plus, les questions de gouvernance des investissements doivent être soulignées. La complexité des choix de gestion des actifs avec différents filtres de responsabilité nécessite une expertise spécifique. Il est possible qu'un groupe dédié (un comité d'investissement) puisse être créé ou convoqué pour conseiller sur la politique d'investissement d'une institution individuelle. Afin d'augmenter la taille, des opportunités peuvent être recherchées pour mieux coordonner les politiques d'investissement et de dette des institutions catholiques, au niveau national ou même international (y compris les entités du Vatican et du Saint-Siège). Grâce à la collaboration et à la cohérence, un tel réseau de spécialistes deviendra une ressource fiable et efficace pour l'évaluation confessionnelle des nouvelles propositions d'investissement et des développements dans le secteur financier.

L'investissement conforme à la foi (ICF) en pratique

  1. MB ne prescrit pas une approche unique en matière d'investissement. Parce qu'ils évoluent rapidement, les structures, les priorités et les options en matière d'investissement responsable sont essentiellement des "travaux en cours". Les FCI apportent la clarté des valeurs pour identifier la meilleure solution parmi des options confuses et souvent concurrentes. Assurer cette cohérence avec la foi est en soi un processus vivant d'apprentissage, de collaboration et de prise de décision. Il faut s'engager à faire participer les autres, à améliorer les offres actuelles et les innovations futures, tout en excluant les options d'investissement qui violent les enseignements de l'Église. Chacun de ces aspects, l'engagement, la responsabilisation et l'exclusion, implique une décision de foi ainsi qu'une action pratique.
  • Une invitation à s'engager : L'objectif du processus d'engagement actif est que les investisseurs utilisent activement leur propriété pour influencer, par le dialogue, l'apprentissage mutuel et la collaboration, les entreprises dans lesquelles ils investissent. Cela signifie généralement la création d'un plus grand alignement entre les opérations, non seulement par rapport aux principes juridiques et éthiques internationaux, mais aussi conformément à l'esprit des principes de la DSC. Le dialogue donne corps à la solidarité, en accordant aux participants la dignité d'être entendus sur des questions d'intérêt mutuel, telles que le bien commun ou l'écologie intégrale. L'engagement actif est donc un élément indispensable de toute politique d'investissement conforme à la foi. S'il est soigneusement organisé et stratégiquement géré, le dialogue issu d'un engagement actif peut conduire à des améliorations constructives et être une source d'inspiration. Les propriétaires d'actifs financiers et les investisseurs catholiques peuvent également étendre ce dialogue en invitant et en motivant les autres, en particulier les croyants, à soutenir les propositions qui offrent la possibilité d'obtenir des résultats professionnels conformes à l'éthique de leur foi. L'engagement dans ce domaine exige le même temps et la même patience que pour tout autre changement culturel ou structurel. Même les entreprises qui répondent positivement au dialogue actif sur la base de critères de foi auront besoin de temps pour comprendre pleinement la question et élaborer leur propre justification stratégique.

L'engagement actif implique une série de stratégies, dont celles appelées "vote, voix et sortie" :

  • Dans le cas des sociétés cotées en bourse, les actionnaires peuvent exercer activement leurs responsabilités de coparticipation concernant les politiques et les pratiques d'une société en votant en fonction de leurs actions et en assistant à l'assemblée générale annuelle (la stratégie de "vote").
  • Les investisseurs peuvent également engager un dialogue avec les dirigeants d'une entreprise afin de promouvoir le changement au niveau financier et non financier (stratégie de la "voix").
  • Si ces stratégies n'ont aucune chance de réussir à long terme, les stratégies de désinvestissement doivent être envisagées en dernier recours en prenant les décisions correspondantes (stratégie de "sortie").

L'engagement direct ou la participation active doivent être adoptés lorsque les propriétaires d'actifs financiers le jugent approprié. Les décisions relatives à des actifs spécifiques doivent être évaluées dans le contexte des politiques et objectifs d'investissement. Pour être plus influentes, les stratégies d'engagement actif devraient être exercées de manière collaborative, en travaillant avec d'autres investisseurs (confessionnels et socialement responsables), ou en transférant la responsabilité du dialogue actif à des prestataires de services financiers spécialisés dans les activités d'engagement. Comme toujours, il convient de faire preuve de prudence dans le choix du bon prestataire, qualifié en termes d'expérience et de taille, abordable et disposé à travailler selon la politique et les valeurs définies par les responsables des stratégies d'engagement actif. Ces fournisseurs mettent en œuvre des actions d'engagement actif par procuration de leurs clients, soit indépendamment, soit en collaboration avec d'autres acteurs à différents niveaux, en exerçant des droits de vote, en prenant la parole lors des réunions annuelles ou en contactant directement les responsables au sein des entreprises. Leur voix est particulièrement entendue lorsqu'ils soulèvent de manière crédible des questions spécifiques liées aux politiques, produits ou activités d'une entreprise.

  • Une invitation à valoriser : La politique de valorisation des investissements positifs à la lumière de la DSC adopte une position proactive vis-à-vis de la contribution réelle ou potentielle des fonds ou des entreprises aux biens environnementaux, sociaux et humains nécessaires au développement intégral. Les éléments à valoriser comprennent les relations avec les employés, les fournisseurs, les clients, les communautés, les parties prenantes, les partenaires et les actionnaires. Les mesures et les rapports sont des outils utiles pour mettre en œuvre la politique de valorisation en faveur d'investissements plus positifs. Cet engagement en faveur de la valorisation commence par l'identification d'objectifs sociaux, notamment la résolution ou la correction de problèmes tels que l'insécurité de l'emploi, l'accès limité aux soins de santé, le manque de sécurité alimentaire ou hydrique et la corruption. Une bonne mesure peut être discernée en énumérant et en approfondissant les principes de la DSC (tels que la personne et la dignité humaine, ou le bien commun, etc.) qui s'appliquent le plus directement ou le plus urgemment à notre tâche. Les implications et les questions sur le discernement, décrites dans les principes et la matrice de la DSC (voir ci-dessus sous 23, 24 et 25) sont utiles ici. Il est important non seulement de prêter attention à la situation actuelle, mais aussi de reconnaître ce qui est en train de se développer, en tenant compte des voies de transition déjà empruntées ou en analysant les "listes de surveillance" pour la phase initiale des "investissements mixtes". Les indications et les classements des différentes initiatives responsables, qu'elles relèvent de catégories telles que l'investissement d'impact, le best in class ou l'ESG, peuvent contribuer à formuler ou à orienter la politique d'évaluation de l'investisseur. Sans vouloir être définitif, un engagement de valorisation peut impliquer les éléments suivants :
  1. L'investissement à impact est motivé par une mission et une vision visant à répondre aux différents défis sociaux et environnementaux auxquels sont confrontés les communautés et la société. Il s'agit d'une option viable disponible dans cette catégorie d'investissement et elle est efficace et prometteuse pour aider les investisseurs à dépasser les filtres négatifs de "ne pas nuire" ou "éviter de nuire". Plutôt que de simplement attendre l'émergence de développements innovants, l'investissement à impact vise à activer et à promouvoir des projets spécifiquement alignés sur la foi. En fait, les portefeuilles comprennent un type d'investissement dans les entreprises sociales ou celles orientées vers le développement intégral. Comme le souligne le pape Benoît XVI, "il faut faire des efforts - l'observation est ici essentielle ! - non seulement pour que des secteurs ou des segments "éthiques" de l'économie ou de la finance émergent, mais pour que l'ensemble de l'économie et de la finance soit éthique, et qu'il en soit ainsi non pas en raison d'un étiquetage extérieur, mais en raison du respect d'exigences intrinsèques à leur nature même. La Doctrine sociale de l'Église s'exprime clairement à cet égard, rappelant que "l'économie, avec toutes ses branches, est un secteur de l'activité humaine"[98].
  • Sur la base de leur mission ou d'autres objectifs de valeur, les catholiques pratiquant l'investissement d'impact identifient un ensemble de thèmes, de questions, de défis ou de catégories pour canaliser les investissements vers la promotion du développement humain intégral et du bien commun. Ces objectifs sont affinés dans l'optique de la DSC et sont souvent guidés par l'expérience des praticiens. L'efficacité de l'impact qu'ils visent à obtenir devrait être évaluée au moyen de méthodologies d'évaluation solides et transparentes et de l'utilisation de paramètres de plus en plus détaillés et validés.
  • Les stratégies d'investissement à impact social et environnemental positif et proactif ont toujours été considérées comme faisant partie des engagements confessionnels, choisis parce que leur objectif spécifique est de contribuer à la promotion du bien commun universel ou à la sauvegarde de la création.
  • L'approche "best in class" s'inspire des innovateurs confessionnels. Comme dans le cas de la stratégie d'amélioration, il s'agit souvent de combiner l'investissement d'impact ou les critères ESG avec les facteurs humains, sociaux et environnementaux qui constituent l'"écologie intégrale"[99] pour évaluer et classer les émetteurs d'actions et d'obligations d'entreprises. Dans le meilleur des cas, l'approche "best-in-class" reflète des préoccupations qui font écho aux béatitudes de Jésus (Matthieu 5:1-12) : la faim et la soif de justice, la contribution d'un travail acharné à la paix et à l'harmonie, la volonté d'inclure les pauvres et les marginalisés, et le souci miséricordieux de toutes les relations touchées ou affectées par un investissement. Cette façon positive et proactive d'investir offre à l'investisseur une occasion unique de s'aligner sur la foi et d'être guidé par la DSC en ce qui concerne les objectifs et les types d'investissement. Comme dans le cas de l'investissement à impact, les meilleures stratégies de classe exigeront un niveau particulier d'expertise professionnelle. Ces stratégies ne doivent pas être confondues avec les investissements parfaitement légitimes réalisés pour soutenir la mission sociale ou écologique d'un fonds ou d'une organisation tout en protégeant le capital investi et en bénéficiant d'un taux de rendement minimum ou subventionné. Au contraire, l'investissement d'impact et les stratégies connexes les plus performantes offrent des rendements raisonnables conformes aux objectifs d'investissement et en ligne avec les rendements d'autres investissements.
  • En comparant directement les concurrents dans leur secteur, l'approche susmentionnée permet d'identifier les innovateurs et les exemples sur la base des priorités éthiques déclarées. Ces critères, comme nous le verrons plus loin, comprennent à la fois la mise en valeur et l'exclusion, les évaluations positives et négatives[100]. Les questions à évaluer concernent la qualité et l'intégrité de la gouvernance et la manière dont sont gérées les relations humaines avec les actionnaires, les employés, les clients, les fournisseurs, les régulateurs, les parties prenantes et même les critiques et les concurrents. Le respect de la dignité est fondamental. En outre, les émetteurs doivent également être évalués en fonction de leur engagement en faveur des principes sociaux et du travail (par exemple, logement abordable, responsabilité sociale des entreprises) et des régimes de participation tels que l'intéressement aux bénéfices et l'actionnariat salarié. En ce qui concerne la sphère écologique, la protection du climat, les activités liées aux énergies renouvelables et les autres systèmes de gestion de l'environnement doivent être utilisés comme critères d'évaluation, soit pour une gestion efficace du risque des investissements, soit pour les opportunités qu'ils peuvent offrir.[101]
  • L'amélioration signifie l'engagement : une participation active avec les entreprises ou les émetteurs par laquelle les investisseurs utilisent leur position d'actionnaires pour aider à façonner les politiques, les réformes et les décisions par le biais d'un dialogue avec les dirigeants de l'entreprise et les parties prenantes. Les propriétaires d'actifs financiers doivent choisir des domaines prioritaires conformes à leurs objectifs, leur identité et leur mission, en recherchant les projets, les fonds et les opportunités d'investissement conformes à leur déclaration de politique d'investissement. Ceux qui cherchent des conseils peuvent étudier les récents enseignements sociaux du pape Benoît XVI (Caritas in veritate) et du pape François (Laudato Si' et Fratelli tutti) seuls ou avec le groupe Goveno. Ils peuvent également étudier en profondeur les parties des objectifs de développement durable de l'ONU (adoptés en 2015) qui sont conformes à la foi et à la DSC. Comme toujours, l'expérience des autres peut être une référence précieuse.
  • ESG renforcé par la DSC. Les investisseurs peuvent bénéficier des plateformes d'investissement ESG en cours de développement, qui permettent de noter et de classer les entreprises en fonction de leurs engagements et de leurs performances par rapport à des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Bon nombre des facteurs qui sous-tendent l'ESG présentent des similitudes avec les objectifs qui sous-tendent la DSC, ce qui crée le potentiel d'une nouvelle synergie entre la valeur et les valeurs. À l'avenir, en s'appuyant sur l'approche confessionnelle, il sera possible d'appliquer la DSC de deux manières. Premièrement, contribuer à améliorer la qualité des performances de chaque facteur, par exemple en renforçant les mesures des performances environnementales par les termes moraux de la justice sociale et de l'écologie intégrale, ou en insufflant aux mesures de la gouvernance les normes éthiques de la dignité humaine, de la solidarité et de la protection de notre maison commune. Deuxièmement, donner un élan à un véritable développement intégral en reliant systématiquement ces mesures, par exemple en liant les mesures sociales aux résultats environnementaux obtenus par une gouvernance qui applique l'éthique du bien commun, ou à l'inclusion des plus vulnérables.
  • Il est essentiel de souligner que l'ESG n'est pas synonyme de DSC. Fondamentalement, la DSC infléchit la trajectoire de l'économie et de la culture pour la rendre plus humaine et humanisante. Elle sert l'objectif de construire le Royaume de Dieu sur terre. Par exemple, la dignité de la personne est une catégorie beaucoup plus riche que la "satisfaction du client" ou "l'engagement des employés". De même, la dignité du devoir et de la responsabilité transcende l'"audit" ou la "vie privée". En outre, le bien commun et le soin de notre maison commune, définis dans la DSC, imprègnent chacune des catégories ESG : par exemple, le développement intégral de l'individu ne peut être dissocié de son contexte social, ni de l'environnement naturel qui soutient la vie. Tout cela pour dire que si les facteurs ESG peuvent effectivement se référer à certains aspects du développement intégral, ils ne complètent pas le champ d'application de la DSC ni ne réalisent spécifiquement ces dimensions transcendantes qui sont utiles pour reconnaître le caractère sacré de la vie, le caractère sacré et la beauté de la création, et la qualité sacramentelle (eucharistique) de notre interconnexion humaine.
  • Comme d'autres initiatives concernant la responsabilité sur les marchés, l'ESG continue d'être un "travail en cours". Pour l'instant, il n'y a pas de critères d'évaluation qui aient été vérifiés et validés au niveau international. Au-delà de l'écologie cosmétique, il existe des exemples d'entreprises et d'associations d'entreprises qui font pression sur les régulateurs pour s'opposer aux engagements de responsabilité sociale pris devant les parties prenantes et le public. Toute évaluation ESG doit donc être analysée en fonction des priorités et des critères de cohérence avec la foi[102]. Il faut se rappeler que les principes d'information financière se sont développés sur plusieurs décennies et continuent d'évoluer. Les critères tels que l'ESG impliquent un autre niveau de complexité qui signifie que la normalisation sera beaucoup plus difficile. MB apporte la perspective de la foi catholique à ce travail crucial pour rappeler, renouveler et renforcer les aspects moraux qui sont intrinsèques à tout échange économique. Au fur et à mesure que l'intérêt pour ce type d'investissement confessionnel grandit, la quantité et la qualité des informations à partir desquelles on peut établir des comparaisons significatives des opportunités d'investissement continueront à augmenter.
  • Dans les régions du monde où les possibilités d'investissements financiers fiables ne sont pas aussi facilement accessibles, les institutions peuvent utiliser la DSC pour investir dans des initiatives locales telles que le développement immobilier, les infrastructures communautaires ou l'agriculture. En l'absence de repères, il peut être difficile d'adopter une gestion d'actifs conforme à la foi et socialement responsable. Mais dans tous les cas, ces obstacles peuvent en partie être surmontés par une collaboration avec d'autres groupes ou investisseurs qui partagent un engagement envers les principes de la DSC.
  • Une invitation à exclure : la politique d'exclusion adopte les valeurs de référence de la foi, déterminant ce qui peut être défini comme un domaine d'investissement autorisé, exclu ou restreint. Les critères de filtrage et d'exclusion permettent à l'investisseur d'éviter les contradictions éthiques entre un investissement et les enseignements de l'Église. La clé est d'utiliser la " lentille " de la DSC pour une évaluation dans la prière des actifs financiers.

L'application des critères d'exclusion génère une liste d'entreprises, de produits, de services et de fonds qui doivent être exclus de l'univers d'investissement. Dans ce processus, les opportunités d'investissement doivent être évaluées en fonction des croyances et des valeurs d'une institution et des critères de durabilité sociale, environnementale et de gouvernance (ESG). Souvent, les critères utilisés englobent certains des problèmes et des défis les plus urgents auxquels sont confrontées les sociétés et les communautés. Les critères portent souvent sur les menaces fondamentales pour la dignité humaine et les droits de l'homme, la cohésion sociale et le respect de la création, ainsi que sur les menaces liées aux domaines d'activité et aux pratiques commerciales du secteur examiné. Les critères d'exclusion doivent être appliqués en fonction du secteur d'activité particulier d'une entreprise, comme l'implication dans l'avortement ou la pornographie, ou en fonction de pratiques commerciales indépendantes du secteur d'activité, comme le travail des enfants ou l'esclavage.

Pour les responsables de la gestion des biens de l'église, l'éventail des critères d'exclusion possibles est considérable. Le tableau ci-dessous énumère 24 catégories d'avertissement ou d'interdiction. Il ne s'agit pas d'une liste définitive, mais elle identifie les questions qui, pour les investisseurs, nécessitent un discernement de la foi et qui ont déjà été examinées par plusieurs conférences épiscopales locales.

Respecter la dignité inhérente à la vie humaine

Éviter les comportements destructeurs

Reconnaître les impacts globaux et durables

Assurer la protection de l'environnement

Avortement

 

- Substances addictives et services

 

 

- Infractions au droit du travail

 

- Menaces liées au changement climatique

Armement

 

- Jeux et jouets informatiques déshumanisants

- Corruption

 

- Externalités négatives exploitées

 Peine capitale

 

 

- Violations des droits de l'homme

 - Génie génétique

Contraceptifs

 

- Violation des droits des peuples autochtones

- Produits chimiques dangereux

Recherche sur les cellules souches embryonnaires

 

- Régimes totalitaires

- Mines et produits miniers

Abus/expérimentation/ animal

 

 

- Commerce déloyal injuste

 

- Inaccessibilité à l'eau potable

 

Il existe d'autres situations dans lesquelles une politique conforme à la foi peut interdire à l'investisseur d'entrer en relation avec des entreprises apparemment exemplaires, comme celles qui obtiennent un score élevé sur toutes les dimensions ESG tout en produisant ou en commercialisant un produit spécifique incompatible avec les normes et valeurs de la foi. Comme nous l'avons déjà mentionné, l'ESG ne peut pas se substituer à la DSC. L'essentiel d'une approche confessionnelle consiste à trouver un équilibre entre une gestion prudente des ressources pour financer la mission de l'entité qui investit et un investissement qui reflète son identité, sa foi et sa mission catholiques. La première responsabilité ne doit pas remplacer la seconde. En d'autres termes, certains instruments et formes d'investissement, compte tenu de leurs caractéristiques intrinsèques, ne sont pas adaptés pour combiner l'utilisation du capital avec la promotion du bien commun - même si cela signifie que les investisseurs perdent les avantages (par exemple, la diversification) de ces produits[103].

  1. L'impératif moral présente parfois des situations claires dans lesquelles l'exclusion devrait s'appliquer sans exception, comme la participation à l'avortement et au meurtre. Dans d'autres situations, cependant, il existe des zones d'ombre qui peuvent nécessiter des recherches plus approfondies, de nouveaux paramètres ou la consultation de tiers avant qu'une décision éclairée et morale puisse être prise. Il s'agit notamment de l'abus de "produits ou techniques d'investissement spéculatifs" ou de l'utilisation de pratiques comptables qui exploitent la protection des paradis fiscaux. Une autre complication concerne les investissements mixtes, où une entreprise peut s'engager dans des activités positives tout en étant directement ou indirectement impliquée dans des résultats ou des pratiques indésirables. Compte tenu de ces nuances, les investisseurs peuvent décider, par souci de cohérence, d'exclure une telle société. Ou bien ils peuvent décider d'influencer le changement en fixant des seuils d'exclusion conformes à la foi. Comme pour la mise en œuvre de l'approche "best-in-class", les institutions doivent entreprendre cette analyse en interne ou mandater des agences externes expertes en la matière. Si ces ressources ne sont pas disponibles, les institutions peuvent mandater leurs conseillers financiers pour qu'ils suivent les principes prescrits dans la sélection des investissements.

Habitudes pour la pratique

  1. Changer l'horizon ou la culture d'investissement commence par redéfinir toutes les étapes de la diligence raisonnable des investisseurs.
  2. Intégrer les principes de la DSC dans les décisions d'investissement. Les conseils d'administration et la direction doivent avoir des objectifs de gouvernance et d'investissement basés sur la foi ou cohérents avec celle-ci.
  • Allouer le temps et les ressources nécessaires pour mettre en œuvre correctement une politique axée sur les principes de la DSC et contrôler régulièrement le respect des investissements ;
  • Se tenir au courant des évolutions et de la disponibilité des options d'investissement qui reflètent la DSC;
  • Lorsque vous traitez avec des gestionnaires d'investissement externes, évaluez leur expertise et leurs valeurs pour traduire la politique d'investissement en décisions conformes à la foi ;
  • Exiger que les principes de la DSC soient inclus dans les nouvelles recherches, avec une analyse continue capable de rendre compte des performances liées aux principes de la DSC.[104]
  1. S'engager activement et positivement dans la mise en œuvre d'une politique d'investissement conforme à la foi et basée sur la DSC. Les paramètres de risque doivent être revus pour inclure des dimensions éthiques en plus des considérations économiques. Sur la base des principes de la DSC, un nouveau système à double entrée peut être ajouté à la comptabilité et à l'audit, en spécifiant dans ce cas les actifs et passifs éthiques qui montrent l'image complète de la performance.
  • Rechercher des sources tierces crédibles ou interrogez directement les entreprises au niveau national et international sur les normes, standards et codes de conduite pertinents ;
  • Poursuivre, dans la mesure du possible, une stratégie d'engagement basée sur les principes de la DSC ;
  • Pour les entreprises cotées en bourse, soutenir les initiatives et les résolutions des actionnaires, promouvoir leur divulgation et exiger un rapport standardisé sur l'application des principes de la DSC ;
  • Exercer les droits de vote relatifs aux sociétés cotées ou contrôler le respect de la politique de vote.
  • Être proactif, en soutenant et en promouvant des investissements conformes à la foi et basés sur la DSC. Élargir les normes de prudence et de professionnalisme pour inclure davantage de considérations éthiques.
  • Dans un esprit de solidarité, encourager et aider les autres institutions à développer et mettre en œuvre leur politique FCI ;
  • Soutenir les acteurs financiers qui produisent des solutions d'investissement conformes à la DSC ;
  • Revoir l'allocation stratégique et remettre en question les méthodes conventionnelles de raisonnement financier afin d'accroître l'habitude de tenir compte des principes de la foi ;
  • Lorsqu'ils engagent des prestataires de services d'investissement ou des conseillers, les propriétaires catholiques d'actifs financiers doivent évaluer à la fois les compétences financières et les facteurs d'intégrité, tels que la réputation, la cohérence entre les déclarations de responsabilité sociale de l'entreprise et ses performances, la qualité de la gouvernance éthique, la conformité réglementaire avérée et l'alignement de foi des stratégies proposées.
  1. Innover, apprendre et partager les leçons. La mission ou la vocation d'aligner les investissements sur la foi devient un processus vivant, dans lequel chaque étape du processus décisionnel est harmonisée avec le résultat du développement intégral. Une partie de cette mission comprend l'apprentissage continu, avec l'adoption d'un système d'analyse et de formation, pour favoriser méthodiquement les compétences, les attitudes et les valeurs nécessaires aux investissements confessionnels.
  • Chercher à coopérer, dans la mesure du possible, avec des collègues œcuméniques et interreligieux pour promouvoir le programme d'investissement éthique ;[105]
  • Promouvoir une formation appropriée des participants pour mieux comprendre les principes de la DSC en matière d'investissement.
  • Des critères conformes à la foi permettent aux investisseurs de prendre des décisions concrètes sur les évaluations et les exclusions (voir 41). Compte tenu de la créativité de chaque institution et gestionnaire d'actifs, la politique d'exclusion et de bonification des investissements positifs fera partie de la déclaration de politique d'investissement.
  • Suivre les progrès de la mise en œuvre du processus d'investissement basé sur la foi et surveiller les résultats à travers le prisme de la foi, afin de renforcer les compétences pour les investissements futurs.
  • Suivre les activités et les progrès au niveau des organes directeurs et communiquer ces stratégies et résultats aux parties prenantes institutionnelles ;
  • D'une manière appropriée à la gouvernance de chaque institution, communiquer aux bénéficiaires la manière dont la DSC est intégrée dans une politique conforme à la foi ;
  • Revoir régulièrement la politique pour s'assurer de sa pertinence par rapport aux considérations éthiques actuelles, aux activités et aux ressources actuelles de l'institution, et à l'examen de nouvelles options d'investissement qui reflètent les objectifs de la politique.
  1. À ce stade, le MB ne peut pas examiner toutes les situations ni répondre à toutes les questions. L'important est qu'il encourage et aide les catholiques et les gestionnaires d'actifs d'inspiration catholique à commencer ou à poursuivre sur la voie, à intégrer la DSC dans leur processus de prise de décision en matière d'investissement, et à développer des politiques et des pratiques appropriées (même si elles sont initialement limitées à certaines classes d'actifs). Investir avec foi est un processus critique et continu, qui s'améliorera en fonction des défis que les propriétaires et gestionnaires d'actifs relèveront avec succès grâce à leurs dons de fidélité et de créativité. Dans cet esprit, cette politique de bonnes mesures n'est pas un document statique, fixe et définitif, mais plutôt un stimulus pour l'apprentissage partagé nécessaire que la complexité d'aujourd'hui exige. Le MB sera revu et mis à jour régulièrement, afin de partager l'enseignement papal ou social, d'explorer de nouvelles questions ou défis éthiques, et de partager les pratiques innovantes des investisseurs dans l'application de la DSC. Les investissements conformes à la foi sont déjà un facteur croissant sur les marchés. Pour des raisons de cohérence morale dans la réponse aux crises de notre époque, cette cohérence et cet alignement sur la foi ne sont plus une option pour les investisseurs et les propriétaires catholiques.
  2. En préconisant un changement de valeurs et de priorités, le MB ajoute un autre élément aux contributions de l'Église catholique à une gestion plus humaine dans tous les secteurs de l'économie. Conformément à sa mission, l'Église continuera à renforcer les fondements éthiques et anthropologiques du système financier. Comme dans tous ses enseignements sociaux, l'Église ne cessera de réorienter les activités économiques afin de promouvoir la dignité et le développement intégral de chaque être humain ainsi que le soin de notre maison commune. Dans ce contexte, le MB présente un moyen par lequel l'Eglise peut continuer à s'engager concrètement et positivement dans les principes et les opérations du système financier et s'assurer qu'ils servent le bien commun. MB invite au dialogue avec les financiers, les politiciens et les organisations internationales, telles que l'ONU, qui partagent un intérêt marqué pour ces questions. Pour avancer ensemble sur ce chemin, MB propose une vision de la manière dont les objectifs de l'investissement éthique ou socialement responsable peuvent évoluer vers une plus grande fécondité à la lumière de l'enseignement social catholique.

CONCLUSION

Partage du travail

  1. En guise d'appel à l'action, MB se réjouit des innovations et des enseignements des investisseurs catholiques qui continuent à s'efforcer de contribuer de manière tangible au développement humain intégral.
    De nouveaux paramètres sont certainement nécessaires pour quantifier les résultats en termes de responsabilité. Cela dit, la foi est une conviction que l'on tient fermement avant que des réponses ou des données ne la confirment. Dans la réalité actuelle des marchés et des investissements, les qualités humanisantes d'un objectif plus profond et d'une perspective historique font souvent défaut. La sagesse de la foi est essentielle, non pas pour obtenir des réponses précises, mais pour exposer les possibilités morales découlant de notre relation avec le Dieu qui aime. Lorsque les choses semblent improbables, voire impossibles, nous pouvons nous rappeler que les enseignements généraux sur le Royaume de Dieu dans l'Écriture se déroulent dans une tension entre l'ici et maintenant et le pas encore ; entre le présent et le futur. Dieu est toujours au centre. Dieu est toujours proche.[106]

"A vous, jeunes, venant de 115 pays, j'adresse l'invitation à reconnaître que nous avons besoin les uns des autres pour donner vie à cette culture économique, capable de faire germer les rêves, d'éveiller les prophéties et les visions, de faire fleurir les espoirs, de stimuler la confiance, de lier les blessures, de tisser les relations, ressusciter une aube d'espoir, apprendre les uns des autres et créer une image positive qui éclaire les esprits, réchauffe les cœurs, redonne de la force aux mains et inspire les jeunes - tous les jeunes, sans exception - avec la vision d'un avenir rempli de la joie de l'Évangile". Pape François - Message vidéo au pa r tecipan0 de l'incon t ro "L'économie de François" 21 novembre 2020

  1. Autant ce document s'inspire de la DSC et autant les étapes pour une mise en œuvre conforme à la foi des politiques d'investissement sont urgentes, autant MB invite tous les investisseurs à faire preuve de discernement dans la prière lorsqu'ils analysent les options et prennent des décisions. Une partie de cette approche réflexive implique de se reposer du travail, comme Dieu l'a fait après les six jours de la création (Genèse 2:1-3), ainsi que de savourer la sainteté du sabbat, que Dieu a établi comme un commandement de délivrance et de récréation (Exode 20:8-11). Les marchés sont toujours agités et peuvent donc épuiser l'attention de chacun.

Cependant, comme le souligne le pape François dans ses écrits et ses enseignements, les crises mêmes qui exigent nos efforts et notre conscience nous obligent à rêver, à regarder au-delà des besoins du moment pour imaginer ce qui est nécessaire et possible pour faire progresser le développement humain intégral[107]. Chaque investisseur aura ses propres objectifs et fera jouer ses engagements religieux à sa manière dans ses décisions et ses pratiques. L'invitation à rêver a pour but d'aider "le cœur de l'homme à s'ouvrir avec confiance au Dieu qui a non seulement créé tout ce qui existe, mais qui s'est aussi donné à nous en Jésus-Christ". Le Seigneur, qui prend soin de nous en premier lieu, nous apprend à prendre soin de nos frères et sœurs et de l'environnement".[108]

  1. Pour réitérer les objectifs clés exposés dans l'introduction, MB appelle à la mise en œuvre et au développement urgents de mesures d'investissement fondées sur la foi. En guise de point de départ et d'appel à l'action, MB propose des conseils moraux issus de la foi et de la DSC pour aider les investisseurs et les institutions à dépasser les objectifs ordinaires et à contribuer au bien-être de tous en termes pratiques et concrets. L'intégration de l'enseignement social et moral de l'Église dans la gestion des activités financières est cruciale tant pour la cohérence morale personnelle que pour contribuer positivement aux changements nécessaires dans l'économie et la société. Des politiques encore plus spécifiques et détaillées ont été publiées par les conférences épiscopales locales, que MB garde et cherche à intégrer.
  2. En effet, les efforts pour un meilleur alignement entre la gestion des actifs et la mission plus large de l'Église devraient être renforcés par une coopération entre les propriétaires d'actifs catholiques aux niveaux national et international, y compris les entités du Vatican et du Saint-Siège. Le partage des ressources et des stratégies, la promotion d'actions conjointes pour s'engager de manière plus efficace et efficiente avec des entreprises spécifiques, et la coordination des approches de plaidoyer auprès des décideurs politiques à différents niveaux de gouvernement sont autant de mesures à encourager. Grâce à ce "réseau" de spécialistes, la DSC deviendra un point de référence fiable et efficace pour l'ensemble du secteur des services financiers. Influencer ainsi des secteurs financiers influents ouvre de nouveaux horizons pour l'évangélisation. En contribuant à l'ouverture ou à la croissance de canaux de communication responsables entre tous les investisseurs de bonne volonté, cette collaboration accrue produira des synergies et accélérera le développement d'initiatives de responsabilité similaires. MB établit la nouvelle norme pour les investisseurs catholiques. C'est aussi un exemple de leçons tirées de l'expérience sociale et des enseignements de l'Église qui peuvent servir de guide pour l'économie et la culture en général.

Juste un premier pas. Quelle est la prochaine étape ?

  1. Dans l'Évangile de Luc, la promesse de Jésus d'une bonne mesure vient de notre participation à la relation avec Dieu et de l'inclusion des autres dans ces bénéfices de l'amour. Les mathématiques de l'abondance de Dieu ne sont pas les nôtres, ou du moins pas encore. Pourtant, chaque fois que nous récitons le Notre Père, nous invoquons la bonne mesure de l'abondance de Dieu, à la fois comme un mystère d'espoir et comme une promesse transformatrice d'être en relation les uns avec les autres et avec Dieu. Il est important pour nous tous, et en particulier pour les investisseurs, de vivre dans ce nœud de relations : agir, parler et se réunir régulièrement pour suivre, revoir et proposer des ajustements au projet partagé (et à la responsabilité partagée) du développement intégral sous toutes ses formes. Le partage de ce dialogue est crucial si l'on considère, en particulier, le processus d'innovation en cours dans le secteur financier. Ce n'est ni le premier ni le dernier mot sur les investissements conformes à la foi, mais MB continuera à contribuer au flux de bonnes mesures. Les leçons des conférences épiscopales et les bonnes pratiques des investisseurs seront partagées en permanence, y compris les questions spécifiques et les innovations issues de la tradition de foi vivante de l'Église. Des études et des ateliers sur la mise en œuvre des investissements seront entrepris avec la DSC, toujours dans le but de diffuser des orientations nouvelles et plus précises. En plus de collaborer avec d'autres sciences et disciplines pour forger de nouvelles mesures éthiques, MB continuera à fournir de bonnes mesures dans le sens de processus et d'outils recommandés pour la recherche et l'intégration morales. "Les anciennes méthodes s'effacent, note le pape Benoît, mais d'autres, plus prometteuses, se profilent à l'horizon[109]. C'est vers cet horizon que nous sommes tous appelés à nous diriger, en vivant notre foi, en investissant nos dons et nos talents, ainsi que nos biens, de manière intégrale.

APPENDICE - Critères d'exclusion

1. La dignité intrinsèque de la vie humaine

La question en bref

Avortement

La suppression d'une vie humaine, même au tout premier stade de l'union d'un ovule et d'un spermatozoïde, est condamnée sans équivoque par l'Église, qui y voit une expression dérogatoire de la domination humaine sur la vie et la mort. (Compendium, n° 233).

Armement

Les conflits militaires ont toujours un coût en vies humaines. La prolifération incontrôlée des armes facilite souvent de nombreuses explosions de violence et compromet une paix sûre. Par conséquent, les industries qui prospèrent grâce à la production de ces instruments de guerre et de destruction sont engagées dans une activité répréhensible.

Armes nucléaires

L'enseignement de l'Église, tel que réitéré par le pape François, est que "l'utilisation d'armes nucléaires, ainsi que leur simple possession, est immorale." Le postulat de l'arme nucléaire comme moyen de dissuasion est erroné, car il "conduit inévitablement à des relations empoisonnées entre les peuples et fait obstacle à toute forme possible de véritable dialogue." (Message lors de la première réunion des États parties au Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TPNW), 21 juin 2022).

Peine de mort

Les pays qui appliquent la peine de mort se placent au-dessus du droit fondamental à la vie. Il existe d'autres moyens de punir les délinquants, de protéger la société et de dissuader d'autres criminels potentiels.

Contraception

Le maintien des significations unitive (projet de vie commun) et procréative de la sexualité humaine au sein du mariage protège contre le glissement vers une approche purement récréative de la sexualité qui engendre l'égoïsme et conduit souvent à d'autres abus.

(Compendium n° 233 et Saint Paul VI, Humane Vitae, 11).

Recherche sur les cellules souches embryonnaires

La priorité de la préservation de la vie humaine interdit l'utilisation des cellules souches embryonnaires à des fins de recherche. Les intérêts économiques qui peuvent conduire à l'exploitation et à l'utilisation industrielles des êtres humains doivent toujours être subordonnés au droit à la vie.

Expérimentation animale

En tant que partie intégrante de la création, les animaux sont soumis à un devoir de soin et de protection de la part de ceux que Dieu a créés à son image. Les expériences sur les animaux qui vont au-delà des besoins de la science médicale, par exemple dans le domaine des cosmétiques, sont difficiles à concilier avec la protection de la création non humaine.

2. Modèles de comportement menant à la dépendance et aux abus

La question en bref

Substances et services addictifs

Les substances telles que le tabac, l'alcool et les drogues, ou la fourniture de services tels que les jeux d'argent, qui entraînent une dépendance, peuvent nuire aux personnes. La toxicomanie est une maladie qui porte gravement atteinte à la santé humaine, détruit des vies humaines et entraîne des coûts sociaux élevés.

Jeux et jouets électronique

Les jeux informatiques ou les jouets électroniques qui glorifient la violence peuvent potentiellement provoquer une dépendance. Ils peuvent rendre les joueurs, en particulier les jeunes enfants, plus agressifs et réduire leur sensibilité aux images violentes. Ils peuvent également contribuer à brouiller les frontières entre le monde virtuel et le monde réel.

Pornographie

La pornographie porte atteinte à la dignité personnelle, car la personne concernée devient un simple objet et la personne qui regarde est déformée. La pornographie constitue une faute morale.

3.impact global et promotion du développement durable

La question en bref

Infractions au droit du travail

Le droit à un travail décent est explicitement exigé par l'Église, qui considère le travail comme une expression de la dignité humaine. L'objectif doit donc être de définir des conditions de travail qui permettent à la personnalité humaine de se développer. L'exploitation du travail des enfants, le travail forcé, la traite des êtres humains, les restrictions à la liberté de réunion et la discrimination sur le lieu de travail fondée sur le sexe, la race, l'origine, la religion ou les opinions politiques doivent donc être résolument combattus.

Corruption

Les facteurs qui limitent le plus le développement durable sont l'abus de pouvoir et la corruption. Présents dans tous les domaines, des phénomènes tels que la corruption et l'abus de pouvoir exacerbent les inégalités, faussent la justice et abusent du bien commun pour enrichir une minorité au détriment du plus grand nombre.

Discrimination

Comme l'affirme le Catéchisme de l'Église catholique : "Toute forme de discrimination sociale ou culturelle dans les droits fondamentaux de la personne, fondée sur le sexe, la race, la couleur, la condition sociale, la langue ou la religion, doit être surmontée et éliminée, comme contraire au dessein de Dieu" (Catéchisme, 1935).

Violation des droits de l’homme

L'Église reconnaît les droits de l'homme de toutes les personnes, sans distinction d'aucune sorte. Ces droits de l'homme doivent être promus et défendus avec un engagement sans faille. Les violations des droits de l'homme détruisent à la fois la dignité et les possibilités de développement.

Les droits négligés des peuples autochtones

Souvent invisibles parce qu'ils sont en marge, les droits des peuples autochtones doivent être correctement protégés, y compris leur relation avec la terre, la culture, les arts et les ressources.

Violence et oppression totalitaire

Les régimes totalitaires ou les dictatures militaires altèrent l'humanité des citoyens. Ni la vie humaine ni la société civile ne peuvent se développer pleinement lorsque les pouvoirs sont enfermés dans des privilèges et que les droits des citoyens sont malmenés.

Pratiques commerciales déloyales/non éthiques

La formation de cartels, la fixation des prix, les délits d'initiés, la fausse comptabilité, le blanchiment d'argent, la corruption, le trafic d'êtres humains et de drogue, le manque de transparence et l'évasion fiscale font partie des pratiques commerciales qui trompent la société et sapent l'efficacité des marchés.

4. Protection de l'environnement

La question en bref

Changement climatique

   "La civilisation a besoin d'énergie, mais l'utilisation de l'énergie ne doit pas détruire la civilisation…. Il est urgent de développer des politiques visant à réduire drastiquement les émissions de dioxyde de carbone et d'autres gaz très polluants dans les années à venir, par exemple en remplaçant les combustibles fossiles et en développant les sources d'énergie renouvelables " (Pape François, discours sur La transition énergétique et le soin de notre maison commune, Cité du Vatican, 14 juin 2019).

Exploitation de l'environnement

La mission chrétienne consiste à prendre soin de la création et à la préserver comme un don de Dieu. La DSC condamne le manque de respect des normes écologiques, d'autant plus que les coûts de la consommation et de la pollution retombent souvent sur des personnes vulnérables qui n'ont pas ou peu participé à des pratiques non durables.

Produits alimentaires et agricoles

Le droit à l'alimentation, comme le droit à l'eau, est ancré dans la dignité de la personne humaine et doit toujours être activement promu. Sa disponibilité et son approvisionnement constituent un impératif éthique qui transcende la logique purement économique et rend la spéculation sur les matières premières non durable. La science de la production alimentaire est encouragée, mais elle ne doit pas privilégier les puissants dans la distribution et l'utilisation des terres.

Génie génétique/vert

Le potentiel de conflit éthique existe au moins à plusieurs niveaux : les risques pour l'environnement et la santé qui ne sont pas encore précisément définis par la nouvelle technologie, sa relation avec la culture traditionnelle des plantes, et les conséquences pour la sécurité alimentaire, en particulier dans les pays en développement où les groupes multinationaux brevètent les semences pour dominer le marché.

Substances chimiques dangereux et nuisibles pour le climat

Les produits chimiques dangereux constituent une menace pour l'humanité et l'environnement. Les déchets toxiques et la contamination des écosystèmes entachent la création, compromettent la santé humaine et laissent des résidus qui auront des conséquences incalculables pour les générations futures.

Mines et matières premières minières

Les produits miniers sont indispensables à l'économie moderne. Cependant, l'extraction peut impliquer une exploitation de l'environnement ou des violations des droits fondamentaux du travail, notamment dans les pays en développement, où l'exploitation minière est souvent au cœur de conflits.

Eau potable

"Le droit à l'eau, comme tous les droits de l'homme, est fondé sur la dignité humaine et non sur des évaluations purement quantitatives qui considèrent l'eau uniquement comme un bien économique. Sans eau, la vie est menacée. Par conséquent, le droit à l'eau potable est un droit universel et inaliénable" (Compendium, n° 485).

 


[1] Liste des membres du groupe de travail dédié

Paolo Camoletto, John Della Costa, Jean-Baptiste Douville de Franssu, Rev. Père Séamus Finn, Mark Krcmaric, Pierre de Lauzun, Rev Père Thomas McClain, Rev. Père Nicola Riccardi, Antoine de Salins, Alessandra Viscovi, Helge Wulsdorf, Robert G. Kennedy.

[2] Liste des participants à la session de juillet 2022

Pr Elena Beccalli, Pr Leonardo Becchetti, Mme Beth Collins, Pr John Dalla Costa, Pr Jean-Baptiste Douville De Franssu, Mgr. Brian Ferme, Rév. Seamus Finn, Fr. Gordian Gudenus, Prof. Federica Ielasi,  Rév. Thomas McClain SJ, Rév. Nicola Riccardi, SE Mgr. Marcelo Sánchez Sorondo, Rév. Peter Schallenberg, Rév. Andrew Small, Prof. Anna Maria Tarantola, Card. Peter KA Turkson, Chancelier, Prof. Alessandra Viscovi, Prof. Stefano Zamagni, Président,
Par Zoom : Sr Helen Alford, Pr Bernard Brenninkmeijer, Pr Paolo Camoletto, Pr Pierre de Lauzun,  Paul Dembinski, Pr Antoine de Salins, Pr Maurizio Grifoni, Pr Martin Palmer, Pr Jeffrey Sachs, Pr Helge Wulsdorf .

[3] Le Vatican milite pour une finance éthique
« Mensuram bonam », un texte de l’Église catholique, exclut fermement plusieurs secteurs d’investissement.  JEAN-MARIE GUÉNOIS
RELIGION La foi catholique et la ­finance ne feraient pas bon ménage. Le document Mensuram bonam, qui va être publié ce vendredi par le Vatican, entend prouver le ­contraire. Son titre latin signifie « bonne mesure ». Il est inspiré par ce passage de l’Évangile de Saint-Luc : « Donnez, et il vous sera donné : on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée et qui déborde. » Quant au sous-titre du texte, c’est tout un programme : « Mesures cohérentes avec la foi pour des investisseurs catholiques : un point de départ et une invitation à agir. »
Très à l’aise avec l’argent serviteur, et non maître, ce texte dit oui à l’investissement financier, dont il explique la nécessité et les bienfaits. Il dit également oui à une finance éthique, dont il liste les huit critères - avec des questions précises pour les appliquer - dont la « dignité de la personne humaine » et la « solidarité ».
Mais il prononce un non très ferme à la démesure de l’argent qui se générerait pour lui-même, sans foi ni loi et coupé de l’économie réelle, sociale, écologique. Ce document, qui se veut concret et d’application « immédiate » - notamment pour les conférences épiscopales et les ordres religieux qui confient parfois aveuglément leurs fonds à des banques -, lance un non définitif à une série d’investissements qui sont littéralement « exclus ».
Des propositions de « mesures » 
Parmi ces secteurs bannis figurent « l’armement » mais aussi les industries qui conduisent à des « dépendances », comme le « tabacl’alcool » mais aussi les « jeux électroniques » ou la « pornographie ». Un tableau final résume 24 « critères d’exclusion » qui refusent par exemple tout investissement dans des productions de minerais où les « conditions d’extraction » seraient inhumaines.
Longuement préparé sous l’égide du cardinal d’origine ghanéenne Peter Turkson, quand il était préfet du dicastère pour le service du ­développement humain intégral, ce manuel de 50 pages a mobilisé des théologiens de la doctrine sociale de l’Église mais aussi des spécialistes internationaux du monde de la ­finance. Il souhaiterait déclencher « un élan vers une nouvelle finance intrinsèquement éthique » et marquer « une réconciliation entre des objectifs économiques et des prin­cipes des enseignements moraux et sociaux ».
Mais ce document ambitieux, qui espère surfer sur l’orientation de la « nouvelle économie » de sortie de la crise mondiale du Covid, prévient aussi : « Aucun algorithme d’investissement ne sera jamais capable de simuler la conscience humaine » et ces propositions de « mesures » ne sauraient « se réduire à une check-list » du permis et du défendu en matière de finance. Ces grilles de placement ne sauraient encore moins être assimilées à des placements déjà labellisés en ESG (environnementaux, sociaux, de bonne gouvernance) ; il faudrait plutôt les appeler « FCI, investissements cohérents avec la foi ».
Enfin, à ceux qui penseraient que « le mélange de la foi et de l’éthique avec des critères d’investissement pourrait compromettre les rendements », Mensuram bonam assure que « l’on reconnaît de plus en plus que l’investissement responsable, en ultime analyse, peut produire des performances équivalentes ou meilleures, sur le long terme (…). Les chercheurs ont démontré qu’en période de crise, les entreprises qui bénéficient d’une plus grande confiance ont subi moins de pertes que la moyenne du marché et ont récupéré plus rapidement ».

[4] Constitution pastorale sur l'Église dans le monde de ce temps – Gaudium et spes, 7 décembre  1965, 3, https://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_const_19651207_gaudium-etspes_it.html.

[5] La finance est un secteur important de l'économie qui englobe diverses activités, dont l'investissement. La finance, cependant, en tant qu'activité, doit servir activement l'économie réelle et ne pas être utilisée uniquement comme un moyen de spéculation improductive.

[6] Caritas in veritate, 9.

[7] Idem

[8] Idem

[9] Gaudium et spes, 91.

[10] Elena Beccalli, Paolo Camoletto, John Dalla Costa, Jean-Baptiste Douville de Franssu, Rev Father Séamus Finn, Robert 7 G. Kennedy, Mark Krcmaric, Pierre de Lauzun, Rev Father Thomas McClain, Rev Father Nicola Riccardi, Antoine de Salins, Anna Maria Tarantola, Alessandra Viscovi, Helge Wulsdorf, Stefano Zamagni.

[11] ECHo Fund est un groupe de conseil basé au 55 Silwood Road Bramely Johannesburg, avec des représentations en Afrique de l'Est (Kenya), en Afrique de l'Ouest (Ghana) et en Afrique centrale (RD Congo) pour aider les églises locales à financer leur mission.                   

[12] Papa Francesco, Lettera Enciclica, Evangelii Gaudium, Città del Vaticano, 3 Novembre 2013, 57, https://www.vatican.va/content/francesco/it/apost_exhortations.index.html, consultata il 21 luglio, 2022

[13] Papa Benedetto XVI, Lettera Enciclica, Caritas in veritate, Città del Vaticano, 29 Giugno 2009, 45-46, https:// 10 www.vatican.va/content/benedict-xvi/it/encyclicals/documents/hf_ben-xvi_enc_20090629_caritas-in-veritate.html, consultata 21 luglio, 2022.

[14] San Paolo VI, Lettera Enciclica, Populorum Progressio, 26 Marzo 1967, 20, https://www.vatican.va/content/paul-vi/it/encyclicals/documents/hf_p-vi_enc_26031967_populorum.html consultata il 21 luglio 2022.

[15] Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-Moon, lors de la présentation du cadre des objectifs de développement durable (ODD) à l'Assemblée générale des Nations unies (2015). Il convient de noter qu'étant donné qu'au cœur de l'enseignement social catholique se trouve une vision de la personne humaine, de son développement intégral et de sa vocation en relation avec Dieu, les autres personnes et la création, la DDC va bien au-delà en termes de responsabilité morale de tous les principes existants de l'investissement socialement responsable (ISR) et de la gouvernance environnementale, sociale et d'entreprise (ESG). Par conséquent, l'Église doit promouvoir activement la DDC et ses avantages dans la gestion et l'administration des actifs financiers. De même, l'Église demande instamment à toutes les entités réglementaires ecclésiastiques d'adopter pleinement les principes présentés dans MENSURAM BONAM et ceux élaborés par les différentes conférences épiscopales.

[16] La Costituzione Dogmatica sulla Chiesa, Lumen Gentium, 21 Novembre 1964, https://www.vatican.va/archive/ 13 hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_const_19641121_lumen-gentium_it.html consultata il 16 settembre 2022.

[17] Caritas in veritate, 41, 71.

[18] Dicastère pour le service du développement humain intégral, Vocation du chef d'entreprise : une réflexion, 5ème édition 15 2018 ; e 8° Conférence internationale sur la pensée sociale catholique et l'enseignement de la gestion : "Renouveler la mission et l'enseignement de la gestion". Identity in Catholic Business Education", Université de Dayton, 18-20 juin 2012.

[19] " Banking on the common good, finance for the common good ", Seminar Paper, San Calisto, 13 mai 2013 e Peter. Turkson, "L'avenir de l'entreprise : From Best in the World to Best for the World", Università delle Ande, Cile, 2016.

Voir aussi le blog de Michael Sean Winter (https://www.ncronline.org/blog/distinctly-catholic/cardinal-turkson-businessvocation).

[20] Bureau de presse du Saint-Siège, Bulletin n° 075, 22 septembre 2022, Audience aux participants de la rencontre mondiale Deloitte

[21] Papa Francesco, Lettera Enciclica Laudato si', 24 maggio 2015, 13 18 https://www.vatican.va/content/francesco/it/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html consultata il 16 juillet 2022.

[22] Conferenza episcopale austriaca, "Linee guida per investimenti etici"; (Katholische Kirche Österreich 2018), Amtsblatt  der Österreichischen Bischofskonferenz Nr.74, 1 gennaio 2018

[23] Vescovi cattolici degli Stati Uniti, "Giustizia economica per tutti": lettera pastorale sulla Dottrina Sociale Cattolica e l'economia americana, 1986, 6.

[24] Conferenza episcopale italiana, La Chiesa Cattolica e la gestione delle risorse finanziarie con criteri etici di responsabilità sociale, ambientale e di governance, Documentazione CEI, 9 Marzo 2020, 3 (https:// economato.chiesacttolica.it/ linee-guida-per-gli-investimenti-sostenibili-ed-etici/).

[25] Ce concept est développé dans le chapitre 2 de MB

[26] Caritas in veritate, 71.

[27] Papa Francesco (in conversazione con Austen Ivereigh), Let us Dream: A Path to a Better Future, New York, Simon & Schuster, edizione Kindle, 2020, 4-6.

[28] Catechismo della Chiesa Cattolica, 14.

[29] Idem, 25

[30] Caritas in veritate, 42.

[31] Ibid, 51.

[32] Laudato Si’, 239.

[33] Ibid, 239.

[34] Laudato Si’, 240.

[35] Papa Francesco, Udienza Generale del 27 gennaio 2021, https://www.vatican.va/content/francesco/it/audiences/2021/documents/papa-francesco_20210127_udienza-generale.html, consultato il 26 luglio 2022.

[36] Comme ci-dessus

[37] Populorum Progressio, 32.

[38] Caritas in veritate, 7.

[39] Cfr. Journal of Catholic Social Thought, vol.10 Numero 2, 2013.

[40] Saint Jean-Paul II a dit d'Adolf Kolping : "Kolping a essayé de secouer les chrétiens de leur indolence et de les appeler à leur responsabilité envers le monde. Pour lui, le christianisme ne doit pas être compris comme une simple "salle de prière", mais doit être intégré dans la vie quotidienne et avoir pour objectif de façonner la réalité sociale. Les lieux où doit s'exercer la responsabilité humaine et chrétienne sont pour lui : la famille, l'Eglise, le travail et la politique" (St Jean Paul II, Homélie, 27 octobre 1991). Notre traduction. Voir aussi Laudato si', 231

[41] Compendium de la doctrine sociale de l'Église, éd. Conseil pontifical Justice et Paix. Librairie d'édition du Vatican, 2004. Le Compendium de la doctrine sociale de l'Église est l'ultime explication et présentation de la tradition vivante de la pensée sociale de l'Église. La tradition sociale commence dans les Écritures, se développe avec l'histoire et la culture humaines et n'a pas encore pris fin. Elle s'est orientée vers le marché avec le pontificat du pape Léon XIII (Rerum Novarum), et sous le pontificat de saint Jean-Paul II, elle a identifié comme principes clés : la personne et la dignité humaine, le bien commun, la solidarité, la subsidiarité et la participation, la destination universelle des biens de la terre, et divers thèmes sur la personne, la famille, la société, le travail, la guerre et la paix, etc. Avec les pontificats du pape Benoît XVI et du pape François, il est également devenu habituel de parler d'écologie intégrale, de durabilité et de soin de la création comme de concepts directeurs fondamentaux.

[42] Cfr. Papa Benedetto XVI, Caritas in veritate, 2009. Papa Francesco, Evangelii Gaudium, 2013; Laudato si': Sulla cura della casa comune, 2015; Fratelli tutti, Sulla fraternità e l'amicizia sociale, 2020

[43] Cfr. Papa Francesco e Ahmad Al Tayyeb, Fratellanza umana per la pace nel mondo e la convivenza comune, Libreria Vaticana 2019

[44] Non seulement la raison humaine est capable d'avoir une connaissance systématique de la réalité (cf. Fides et ratio), mais elle peut aussi connaître les principes objectifs et les lois de l'action et de la conduite morales (Veritatis splendor). Cependant, la nature après la chute (péché originel) a besoin de la Grâce pour être la nature !

[45] Costituzione Pastorale della Chiesa nel Mondo Moderno, Gaudium et spes, 7 Dicembre 1965, 56. https://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_const_19651207_gaudium-et-spes_it.html

[46] Caritas in veritate, 56.

[47] "Ces principes ont un caractère général et fondamental, car ils concernent la réalité sociale dans son ensemble : des relations interpersonnelles caractérisées par la proximité et l'immédiateté à celles qui sont médiatisées par la politique, l'économie et le droit ; des relations entre communautés ou groupes aux relations entre peuples et nations. En raison de leur permanence dans le temps et de l'universalité de leur signification, l'Église les indique comme les paramètres de référence premiers et fondamentaux pour l'interprétation et l'évaluation des phénomènes sociaux, nécessaires parce qu'on peut y puiser les critères pour discerner et orienter l'action sociale, dans tous les domaines " (Compendium, 161).

[48] Le terme de dignité humaine englobe la dignité de chaque être humain, de chaque communauté humaine et la dignité dans les droits de l'homme.

[49] Le grec adelphos/adelphē (frère/sœur) signifie "issu du même ventre".  Issus du même sein, ils sont égaux en dignité (cf. Frères Tous, 22, 98).

[50] Voir le but des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, tels que formulés par Ban Ki Moon lors de l'Assemblée générale des Nations unies en 2015 (note de bas de page 22).

[51] Sen, Amartya, Development as Freedom, 2001, Oxford New York : Oxford University Press, 291 ; Si veda anche, Martha C. Nussbaum, Creating Capabilities : The Human Development Approach, 2011, Harvard University Press, 21-22.

[52] Cfr. Catechismo della Chiesa Cattolica, 11 aprile 2003, 357 https://www.vatican.va/archive/ENG0015/_INDEX.HTM

[53] Cfr. Caritas in veritate, 18.

[54] C'est l'amour pour nos frères et sœurs dans la vérité (Caritas in Veritate.1) Aider à promouvoir la vocation divine des personnes, c'est collaborer avec le plan de Dieu qui précède la création (cf. Ep 1,4-5).

[55] Cf. Pape François, Discours au Comité d'experts Moneyval, 8 octobre 2020 https://www.vatican.va/content/ francesco/fr/speeches/2020/october/documents/papa-rancesco_20201008_committee-moneyval.html, (cf. Evangelii Gaudium, 58)

[56] Compendio, 164.

[57] Ibid.

[58] Laudato si', 156.

[59] Compendio, 61.

[60] Selon un usage contemporain courant ancré dans la philosophie aristotélicienne, le bien commun désigne "un bien propre et atteignable uniquement par la communauté, mais individuellement partagé par ses membres". Les membres de la société sont également impliqués dans une relation qu'Aristote décrit comme une forme d'amitié. Cette amitié consiste dans le fait que les citoyens désirent le bien-être de chacun, sont conscients que leurs concitoyens désirent leur bien-être et participent à une vie commune qui répond à cette préoccupation mutuelle. (Cf. Aristote, Éthique à Nicomaque, V. 2 (1130b 25) ; VIII, 14 (1163b 5-15). Voir St Jean XXIII Mater et Magistra, 48, 65 ; Pacem in Terris,58

[61] San Giovanni XXIII, Lettera Enciclica, Mater et Magistra, 15 Maggio, 1961, 48, 136, https://www.vatican.va/content/johnxxiii/it/encyclicals/documents/hf_j-xxiii_enc_15051961_mater.html, consultata il 14 Settembre, 2022.

[62] Comme ci-dessus Mater et Magistra, n° 65 ; également la lettre encyclique de St Jean XXIII, Pacem in Terris, 11 avril 1963, 58 https://www.vatican.va/content/john-xxiii/it/encyclicals/documents/hf_j-xxiii_enc_11041963_pacem.html, consulté le 14 septembre 2022.

[63] Papa Francesco, Lettera Enciclica Fratelli Tutti, 3 Ottobre 2020, 108. https://www.vatican.va/content/francesco/it/encyclicals/documents/papa-francesco_20201003_enciclica-fratelli-tut.html, consultata l’8 Agosto, 2022.

[64] Idem, 182

[65] https://www.coe.int/en/web/Moneyval (7 novembre 2020)

[66] Cfr. Papa Francesco, Discorso a Moneyval, 8 ottobre 2020.

[67] Fratelli Tutti, 94, 99 ; surtout, 106, 142. En effet, "en partant de l'"amour social", il est possible de progresser vers une civilisation de l'amour à laquelle nous pouvons tous nous sentir appelés. La charité, avec son dynamisme universel, peut construire un monde nouveau, car elle n'est pas un sentiment stérile, mais la meilleure façon de réaliser des voies de développement efficaces pour tous" (183).

[68] Laudato si', 58.

[69] San Giovanni Paolo II, Lettera Enciclica Sollecitudo Rei Socialis, 30 Dicembre 1987, 38. https://www.vatican.va/content/john-paul-ii/it/encyclicals/documents/hf_jp-ii_enc_30121987_sollicitudo-rei-socialis.html, consultata il 21 Luglio, 2022.

[70] Pontificio Consiglio della Giustizia e della Pace. Il lavoro come chiave della questione sociale: le grandi trasformazioni sociali ed economiche e la dimensione soggettiva del lavoro, Città del Vaticano; Libreria Editrice Vaticana, 2022, 356.

[71] Cfr. Compendio, 201-203

[72] Pape Benoît XVI, Caritas in veritate, 35-36. Voir aussi Pape François Frères tous, 22. La Journée internationale de la justice sociale, célébrée par les Nations unies le 20 février, confirme également que "la justice sociale est un principe fondamental de la coexistence pacifique et prospère au sein des pays et entre eux" (https://www.un.org/en/observances/socialjustice-da).

[73] Cfr. Compendio, 187.

[74] Cfr. Compendio, 186-189; Vocazione del leader d’impresa, 51-52.

[75] Papa Benedetto XVI, Messaggio per la Giornata Mondiale della Pace, 2010 "Se vuoi coltivare la pace, custodisci il creato". https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/it/messages/peace/documents/hf_ben-xvi_mes_20091208_xliiiworld-day-peace.html

[76] Saint François d'Assise "Cantique des créatures", Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur la Terre Mère, qui nous soutient et nous gouverne, et produit des fruits variés avec des fleurs et des herbes colorées.

[77] Evangelii Gaudium, 186.

[78] Evangelii Gaudium 198.

[79] Caritas in Veritate, 19

[80] Ibid, 51.

[81] Laudato Si', 70

[82] Ibid, 141.

[83] Ibid 120, 138. Cfr. La vocazione del leader di impresa, 55.

[84] Caritas in Veritate, 14, 22, 52.

[85] Gaudium et Spes, 9

[86] Idem, Laudato Si’, 141

[87] Global Impact Investing Network; cfr. https://www.thegiin.org, 7 Novembre 2020.

[88] Papa Francesco, “A Big Heart Open to God,” America, 19 Settembre 2013, https://www.americamagazine.org/faith/2013/09/30/big-heart-open-god-interview-pope-francis.

[89] Laudato Si’, 194.

[90] Par exemple, voir: https://www.faithplans.org; e https://www.faithinvest.org/_files/ugd/72b7c5_8f781c73c1bc4691a18cb9b3ace4e53b.pdf.

[91] Let us Dream, 5-6.

[92] Let Us Dream, 54-61, 145-146.

[93] Il convient de dire ici qu'une partie de ce riche héritage de l'implication de l'Église dans la finance est l'initiative franciscaine du Monte di Pietà au 15ème siècle, considérée par certains comme la base de la finance moderne, qui a établi des règles pour rendre les activités financières cohérentes avec l'Évangile. Le premier exemple a eu lieu à Pérouse en 1462 et se reflète encore aujourd'hui dans les formes de microcrédit et de finance éthique.

[94] Un ETF ou Exchange Traded Fund est un fonds qui suit un indice, un secteur, une matière première ou un autre actif. Il peut être acheté ou vendu en bourse comme les actions normales.

[95] Le règlement européen SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) est un exemple d'harmonisation réglementaire en Europe.

[96] Morningstar Manager Research: Sustainable investing research suggest no performance penalty. https://www.morningstar.com/articles/779758/sustainable-investing-research-suggests-no-performance-penalty.

[97] The World's Most Ethical Companies, 'Five Year Ethics Premium : 24%', 2022, https://worldsmostethicalcompanies.com,  consulté le 12 septembre 2022.

[98] Caritas in veritate, 40, 45.

[99] Laudato Si’, 10, 11, 62.

[100] Deutsche Bischofskonferenz/Zentralkomitee der deutschen Katholiken, Inves=re in modo e=camente sostenibile, n. 25 (https://www.nachhal=g-predigen.de/dokumente/cmsj/...).

[101] Ibid, n. 25. "Le travail de recherche qui doit être effectué pour l'approche "best-in-class" va au-delà de ce que les petites et moyennes institutions peuvent gérer. Dans ce cas, le soutien est offert par des agences de recherche, qui effectuent des analyses approfondies des entreprises et les classent selon des critères éthiques établis individuellement. Les agences de recherche peuvent également montrer si et dans quelle mesure les critères d'évaluation éthique que l'investisseur souhaite voir appliquer peuvent être mis en œuvre dans le domaine de l'investissement. Jusqu'à présent, cependant, il n'existe pas de critères éthiques standard pour évaluer la durabilité des émetteurs, ce qui explique pourquoi les classements des agences peuvent différer les uns des autres. Il est donc important de se demander sur quoi se base le rapport de durabilité de l'agence concernée et s'il est compatible avec les valeurs chrétiennes".

[102] Dans ses Guidelines for Socially Responsible Investing, la Conférence des évêques catholiques des États-Unis a défini des lignes directrices qui englobent et vont au-delà de l'ESG. Les politiques d'investissement sont organisées selon cinq catégories : i) protéger la vie humaine ; ii) promouvoir la dignité humaine ; iii) améliorer le bien commun.

(iv) la poursuite de la justice économique ; (v) la sauvegarde de notre maison commune mondiale. Novembre 2021, https://www.usccb.org/resources/ Socially%20Responsible%20Investment%20Guidelines%2021%20(003).pdf

[103] Cfr. Conferenza Espiscopale Austriaca: https://www.bischofskonferenz.at/dl/ 100 MNlrJmoJKlOJqx4KJKJKJKknlkO/Amtsblatt_74_pdfp.15. “In definitiva, il discepolato ha un costo, che il discepolo-investitore deve aspettarsi".

[104] HYPERLINK: https://en.wikipedia.org/wiki/Investment.

[105] Cfr. The Zug Guidelines to faith-consistent investing, FAITH IN FINANCE, ARC, 2017 (http://www.arcworld.org/ downloads/ZUG_Guidelines_to_FCI_2017.pdf

[106] En septembre 2022, de jeunes économistes, entrepreneurs et acteurs du changement se sont réunis à Assise pour officialiser le "Pacte pour l'économie" de la jeunesse avec le pape François. Reconnaissant les nombreux défis auxquels l'humanité est confrontée, le Pacte que les jeunes ont signé assume volontiers la "responsabilité qui incombe à notre génération", en s'engageant personnellement et professionnellement "pour que l'économie d'aujourd'hui et de demain devienne une économie de l'Évangile". https://francescoeconomy.org/it/il-patto-per-leconomia-di-papa-francesco-con-i-giovani-2/.

[107] Exhortation apostolique post-synodale du pape François, Querida Amazonia, 8, 28, 41, 61, 2 février 2020, https://www.vatican.va/content/francesco/it/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazioneap_20200202_querida-amazonia.html consulté le 17 septembre 2022.

[108] Ibid, 41.

[109] Caritas in veritate, 40.