« Lorsque le débat est perdu, la calomnie devient l’instrument du perdant » (Socrate)

L’Exhortation apostolique Laudate Deum, vient d’être publiée par le Saint-Père François ce 4 octobre 2023. Dans le prolongement de l’encyclique « Laudato Si », dont il rappelle quelques éléments, ce texte se focalise tout particulièrement sur le thème de la « crise climatique » ; et de manière très conjoncturelle à l’approche de la COP-28, il comporte un vibrant plaidoyer en faveur de décisions radicales lors de cette COP pour réduire les émissions de CO2.

Sur nombre de ses points, le ton de Laudate Deum semble traduire une forme de colère et d’exaspération surprenante de la part d’un Souverain Pontife. Il existe certes de saintes colères comme celle de Jésus chassant les marchands du temple ; mais cette exaspération n’est-elle pas plutôt celle d’un entourage qui ne supporte plus les contestations croissantes de la doxa climatique, doxa dont s’alarment des scientifiques de très haut niveau comme par exemple John Clauser, prix Nobel de physique 2022, déclarant que "le narratif commun sur le changement climatique constitue une dangereuse corruption de la science qui menace l’économie mondiale et le bien-être de milliards de personnes. Une science climatique mal orientée s’est métastasée en une pseudoscience journalistique massive". Or, Laudate Deum semble faire une allégeance sans réserve à ce « Narratif commun », se livrant au contraire à de virulentes attaques contre les auteurs de tels questionnements.  

Où est le souffle de la papauté dans ce texte ? On ne retrouve plus la profondeur de Laudato si sur l’écologie intégrale. Ce concept avait le mérite de ne pas enfermer le lecteur dans "l’intégralité de l’écologie", mais de l'inciter à rétablir "l’intégralité de ses relations" avec Dieu, avec sa terre intérieure, avec autrui et avec toutes les créatures, même non humaines. On ne retrouve plus les élans vers l’eschatologie. On ne trouve plus l’appel à la vertu de frugalité qui dépouille l’homme pour le rapprocher de Dieu et de ses frères.

Ceci est en rupture avec l’appel au dialogue « honnête et transparent » sur les questions scientifiques (LS § 61 et 188). Au contraire, les « dissidents » sont tournés en dérision en qualifiant leurs positions d’ "opinions... déraisonnables" et de leur reprocher d'être "méprisants"(LD § 14). Est-ce du mépris d'appeler à participer à des débats honnètes. Les laïcs engagés dans les diocèses, en refusant tout dialogue contradictoire, ne se sont-ils pas rendus complices de la situation de blocage dans laquelle se retrouve enfermée la nouvelle exhortation apostolique? 
Elle se lance dans une dialectique consistant à entrer dans leurs arguments, en leur lieu et place : « ils font appel à des données supposées scientifiquement solides » … « oublient de mentionner » tel ou tel fait (§ 6 et 7). Le texte leur fait des procès d’intention : ils chercheraient "à ridiculiser ceux qui parlent de réchauffement global" (§ 7). Cette véhémence révèle, en fait, une faiblesse d’autant plus grave que les responsables de la réflexion scientifique vaticane n’ont jamais invité la nombreuse communauté scientifique dissidente au dialogue contradictoire et public. Puisque les auteurs de cette exhortation semblent si mal comprendre cette position, il n’y a plus aucune raison de refuser que l’Académie pontificale des Sciences lance un véritable appel international à recherches contradictoires, préalable à un débat contradictoire et public. Les procédures existent s’appuyant sur des objectifs clairs, en respectant le temps nécessaire à des recherches de fonds et à des publications dans des revues à comité de lecture, et sur une sélection finale équilibrée entre des équipes prêtes à une confrontation publique. Les2ailes.com proposent au téléchargement une telle procédure[1].
Une audience au Chancelier de l’Académie avait été sollicitée par l’auteur de ces lignes pour présenter ce projet. Il avait reçu une réponse lapidaire qui ne peuvent qu'étonner le lecteur et susciter un sentiment de tristesse [2].

Notre proposition est empreinte de ce que disait le fondateur des Petits frères de l’Évangile : « Non, ce n’est pas mal de critiquer l’Église quand on l’aime. C’est mal de la contester quand on se tient sur la touche comme des purs »[3]. L’auteur de ces lignes a accepté de suivre le conseil du Pape François de « troquer le canapé pour une paire de chaussures" (Pape François, Cracovie, 30.7.2016). En faisant 3200 km à pied à la rencontre des pasteurs français pour évoquer les sujets de pastorale d’écologie intégrale, il a manifesté son attachement inflexible à l’église, ce qui légitime, lui semble-t-il, son questionnement filial mais critique sur ce texte.

Analyse les2ailes.com

  1. Une introduction catastrophiste

Une enquête menée par le CSA (Conseil sondages analyses) auprès de plus de 3.000 jeunes a dévoilé le 11 juillet 2022 que 70% des étudiants se disent en situation de mal-être et 36% avouent avoir eu des pensées suicidaires. Dans ce même climat d’angoisse, nombre de jeunes couples renoncent à avoir des enfants par peur d’enfanter de futurs pollueurs qui aggraveraient encore les catastrophes annoncées. Le Saint Père s’alarme à juste titre de ce refus de la vie. Mais Laudate Deum n’alimente-t-il pas une telle psychose ? Une exhortation apostolique a-t-elle pour rôle d’exacerber ce climat de peur : « Le monde … s’approche peut-être d’un point de rupture » (§ 2) ; « la situation est en train de devenir encore plus urgente » (§ 4) ; « la possibilité de parvenir à un point critique est réelle » (§ 17). L’humour est même appelé à la rescousse pour amplifier encore ce climat de peur : « Il y a lieu de répéter aujourd’hui l’ironie de Soloviev : un siècle tellement avancé qu’il a des chances d’être le dernier » (§ 28).

Où est passé l’antidote de la peur qui est l’appel à la joie évangélique : "N'ayez pas peur ! … Soyez dans la joie" (Jean 6, 20 ... Matthieu 5, 12); ou « Vous n’avez pas reçu un esprit d’esclaves pour demeurer dans la crainte. Vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui vous fait vous écrier Abba, c’est-à-dire Père ». (Romains 8, 12-17).

  1. La crise climatique globale

Laudato si avait répété à deux reprises : « L’Église n’a pas la prétention de juger des questions scientifiques ni de se substituer à la politique » (§ 61 et 188). Ce propos du Pape François était dans une parfaite "herméneutique de la continuité" avec la loi conciliaire rappelant que les laïcs ne doivent pas attendre de leurs pasteurs qu’ils « aient une compétence telle qu’ils puissent leur fournir une solution concrète et immédiate à tout problème, même grave, qui se présente à eux, ou que telle soit leur mission ». (Gaudium et spes, § 43-2). 

Laudate Deum sort de ce devoir de réserve et entre dans une "herméneutique de rupture": elle est essentiellement consacrée à justifier la thèse de l’origine exclusivement anthropique du changement climatique (15 alinéas), puis à présenter ses préconisations d’ordre politique pour la COP-28. Au plan scientifique, elle affirme qu'« il est vérifiable que certains changements climatiques provoqués par l’humanité augmentent considérablement la probabilité d’événements extrêmes de plus en plus fréquents et intenses. » La référence retenue est celle du Giec[5] : « chaque fois que la température mondiale augmente de 0,5 °C, l’intensité comme la fréquence des fortes pluies et des inondations dans certaines régions, des sécheresses graves en d’autres, des chaleurs extrêmes en certains lieux et des chutes de neige abondantes en d’autres, augmentent également » (§ 5). Même le Giec a contesté cette corrélation [4]. On est également étonné que l'Exhortation se risque à dire que "les populations détruites par des raz-de-marée ... ont en définitive la même origine" (§ 7)!

Sur ces sujets, Laudate Deum évoque implicitemment l’existence de dissidents. Ils sont systématiquement disqualifiés sur le fond comme sur la forme: ils auraient « tenté de se moquer de ce constat » … ; ils feraient « appel à des données supposées scientifiquement solides »… « oublient de mentionner » tel ou tel fait (§ 6 et 7), ils chercheraient à « ridiculiser ceux qui parlent de réchauffement global » (§ 7). Ils confondraient « projections climatiques… sur des décennies » et « prévisions météorologiques sur quelques semaines » (§ 8). L’invective est surprenante dans un texte apostolique qui qualifie leurs positions d’ « opinions ...déraisonnables » (§ 14).

Alors que Laudato si appelait "au dialogue honnête et transparent" (LS § 61 et 188), l’Académie Pontificale des Sciences n’a rien engagé de tel depuis 8 ans. Au contraire, la présente exhortation n’est pas dans le ton d’une recherche commune de la vérité, mais plutôt d’un affrontement polémique ne permettant aucune ouverture au dialogue. L’affaire semble entendue, sur un ton catégorique : « On ne peut plus douter de l’origine humaine, - “anthropique” - du changement climatique » (§ 11). Il le répète : « nous ne pouvons plus douter que la cause de la rapidité inhabituelle de ces changements dangereux est un fait indéniable : les énormes changements liés à l’intervention effrénée de l’homme sur la nature au cours des deux derniers siècles. »  (§ 14). « L’évolution des températures moyennes à la surface ne peut être expliquée sans l’effet de l’augmentation des gaz à effet de serre » (§ 14).

Dans ce discours péremptoire, les auteurs de ce texte s’appuient sur une simple corrélation dont tout scientifique sait que ce n’est pas une preuve de relation de cause à effet : « La concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, qui provoquent le réchauffement de la terre, est restée stable jusqu’au XIX ème siècle, en dessous de 300 ppm en volume. Mais, au milieu de ce siècle, coïncidant avec le développement industriel, les émissions ont commencé à augmenter… (§ 11) … En même temps, … la température a augmenté à une vitesse jamais vue (§ 12) ».

La conclusion des considérations d’ordre scientifique est sans appel : « Les éléments d’origine naturelle qui provoquent généralement un réchauffement, tels que les éruptions volcaniques et autres, ne suffisent pas à expliquer l’ampleur et la rapidité des changements survenus au cours des dernières décennies.[11] L’évolution des températures moyennes à la surface ne peut être expliquée sans l’effet de l’augmentation des gaz à effet de serre. » (§ 14). Incidemment, la référence à un réchauffement par les volcans est surprenante, car les scientifiques sont unanimes à constater que les volcans ont, au contraire, un effet de refroidissement. Quoi qu’il en soit de cette bévue, on voit que la conclusion exclut totalement la possibilité de contributions naturelles au réchauffement climatique, ce qui est grave. Il y a, en effet, ample matière à débat. La question n’est pas de s’écharper pour trancher de façon binaire si les changements sont d’origine exclusivement anthropiques ou exclusivement naturelle ; c’est une question de degré pour quantifier les parts relatives des causes humaines ou naturelles. Et c’est bien là qu’il y aurait matière à un vrai débat tenant compte notamment de l’éventuelle importance de l’activité solaire, mot qui n'est même pas prononcé dans le texte apostolique.

Avec un tel constat, il ne faut donc pas s’étonner que Laudate Deum regrette que « les énergies éolienne et solaire, en abandonnant les combustibles fossiles, [n’aille] pas assez vite » (§ 55).

  1. Une nouvelle condamnation du paradigme technocratique

Laudate Deum reprend un thème développé dans Laudato si. Elle rappelle sa définition de ce paradigme comme « une manière de comprendre la vie et l’activité humaine qui a dévié et qui contredit la réalité jusqu’à lui nuire » (§ 20) et consistant à penser « comme si la réalité, le bien et la vérité surgissaient spontanément du pouvoir technologique et économique lui-même » (§ 20).

On comprend bien le discours consistant à souligner que les capacités accrues de la technologie donnent « à ceux qui ont la connaissance, et surtout le pouvoir économique d’en faire usage, une emprise impressionnante sur l’ensemble de l’humanité et sur le monde entier. Jamais l’humanité n’a eu autant de pouvoir sur elle-même et rien ne garantit qu’elle s’en servira bien » (§ 23).

Le pape appelle donc, à juste titre, à « repenser notre usage du pouvoir » (§ 24) : « Nous devons repenser la question du pouvoir humain, de sa signification et de ses limites » (§ 28). Le pape parle à juste titre de « la décadence éthique du pouvoir réel » (§ 29)

  1. L’appel à un renforcement de la politique internationale

Déjà dans Laudato si, on était en droit de s’interroger. Cette encyclique ne passait pas sous silence la question de la gouvernance mondiale. Elle parlait à plusieurs reprises de la nécessité "de régulation ... de contrôles suffisants" (§ LS 29), de la difficulté à mettre en œuvre des "mécanismes adéquat de contrôle, de révision périodique et de sanction en cas de manquement, ... de missions de vérification... du respect effectif des conventions" (§ LS 167). Elle regrette "l’absence de mécanismes sévères de réglementation, de contrôle et de sanction [qui] finissent par miner tous les efforts" (§ LS 174).  Laudato si évoquait la nécessité d’un "pouvoir pour sanctionner" (§ LS 175). Le pape soulignait le besoin d'un « accord sur les régimes de gestion, pour toute la gamme de ce qu’on appelle les ‘‘biens communs globaux’’» (§ LS 174).

Le mot subsidiarité n’était prononcé que deux fois[6] : une fois pour qualifier la structure familiale, mais, curieusement, une seule autre fois à propos de la gouvernance mondiale.
Laudato si faisait sienne le propos de Benoît XVI dans Caritas in veritate : "Pour le gouvernement de l’économie mondiale, pour assainir les économies frappées par la crise, pour prévenir son aggravation et de plus grands déséquilibres, pour procéder à un souhaitable désarmement intégral, pour arriver à la sécurité alimentaire et à la paix, pour assurer la protection de l’environnement et pour réguler les flux migratoires, il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale telle qu’elle a déjà été esquissée par mon Prédécesseur, le bienheureux Jean XXIII[7]" (§ 175).
Mais, paradoxalement, Laudato si coupait la phrase qui suit immédiatement après dans le texte de Caritas in veritate : "Une telle autorité devra être réglée par le droit, se conformer de manière cohérente aux principes de subsidiarité et de solidarité". Or parler de gouvernance mondiale et de subsidiarité est un exercice subtil.
Laudate Deum n’apporte pas de nouveaux éclairages du Saint-Siège pour voir si ce recul, par rapport au principe de subsidiarité, traduit ou non un réel point d’évolution dans la doctrine de l’Église.

Dans une première approche, l’Exhortation apostolique Laudate Deum semble faire marche arrière sur la gouvernance mondiale. Elle insiste sur « le fait que « les accords multilatéraux entre les États doivent avoir une place de choix ». (§ 34). Elle distingue en effet : « le multilatéralisme [qui] ne doit pas être confondu avec une autorité mondiale concentrée sur une seule personne ou sur une élite au pouvoir excessif » (§ 35). 
Mais la suite du texte dit le contraire : « Nous parlons surtout d’organisations mondiales plus efficaces, dotées d’autorité pour assurer le bien commun mondial, appelant à les doter d’une véritable autorité pour “assurer” la réalisation de certains objectifs ». (§ 35). Il est donc question d’une organisation mondiale dotée d’une autorité qui lui permettrait, par exemple, d’engager les états dans une « transition énergétique qui présentent trois caractéristiques : efficaces, contraignantes et facilement contrôlables » (§ 59).
Le texte appelle à des contrôles effectués par cette gouvernance mondiale : « les accords n’ont été que peu mis en œuvre parce qu’aucun mécanisme adéquat de contrôle, de révision périodique et de sanction en cas de manquement » (§ 52)

Dans Laudate Deum, le mot subsidiarité est prononcé dans un contexte très particulier : « Les revendications qui émergent d’en bas, partout dans le monde, où les militants des pays les plus divers s’entraident et s’accompagnent, peuvent finir par exercer une pression sur les facteurs de pouvoir. On peut espérer qu’il en sera ainsi concernant la crise climatique ». (§ 38). Le texte qualifie l’existence de ces pressions comme une application du « principe de subsidiarité … à la relation mondial-local ». On pourrait accepter cette idée si le principe de subsidiarité s’appliquait aux médias et aux débats scientifiques. Sans subsidiarité dans ces domaines, les réactions populaires ne seront toujours que celles de militants ventriloques du discours des élites majoritaires. La subsidiarité est un tout qui s’effondre si on n’en retient que certains domaines d’application.

Dans ce contexte, que peut-on espérer de la COP28 de Dubaï ? Laudate Deum répète ! « Nous ne pouvons renoncer à rêver que cette COP28 conduira à une accélération marquée de la transition énergétique, avec des engagements effectifs et susceptibles d’un suivi permanent » (§ 54). 

  1. Des motivations spirituelles peu développées

Il y a pourtant de belles citations dans Laudate Deum (§ 62) : « À Dieu appartiennent « la terre et tout ce qui s’y trouve » ( Dt 10, 14). C’est pourquoi il nous dit : « La terre ne sera pas vendue avec perte de tout droit, car la terre m’appartient et vous n’êtes pour moi que des étrangers et des hôtes » ( Lv 25, 23). ». Mais on est loin de l’appel à la vertu de sobriété longuement développée dans Laudato si. On ne retrouve plus les élans de Laudato si en matière d’eschatologie

  1. Conclusion

Nous faisons nôtre le commentaire d’Aleteia : « Le langage de ce document est donc délibérément laïc, plus proche des interventions des diplomates du Saint-Siège à l’Onu que de celui des précédents textes du pontificat, y compris Laudato si qui avait assumé une tonalité plus spirituelle et biblique ».

On a le sentiment d’un entourage pontifical sous pression. D’ailleurs, un des orateurs de la conférence de presse pour la présentation de Laudate Deum, le lendemain de sa publication, a été le professeur Giorgio Leonardo Renato Parisi, lauréat du prix Nobel de physique en 2021. Son manque d'ouverture au dialogue l'avait conduit à demander la révocation de l’invitation de Sa Sainteté le pape Benoît XVI à la cérémonie d’inauguration de l’année académique de l'université vaticane « La Sapienza » en novembre 2007. 

Certes, nous préférons avoir tort avec le Pape que de croire avoir raison contre lui. Car l'enjeu, dans cette affaire, n'est pas l'égo de tel ou tel dissident qui voudrait avoir raison. L'enjeu est une question de justice climatique. Encore faut-il s’interroger : de quelle injustice parle-t-on ? La doxa majoritaire a beau jeu de dire que les pays développés sont responsables des émissions de CO2 et que les pays pauvres seraient victimes du réchauffement climatique. Mais la surestimation de la cause humaine du réchauffement actuel est démesurée et entraîne les pays pauvres dans une décarbonation qui les rendra encore plus pauvres.
On sait, en effet, que les pays du Sud ne pourront se développer qu’à partir d’une énergie abondante et bon marché. Or, leur consommation électrique n’est que de 10% de celle des pays développés. Quand la COP26 de 2021 interdit le financement de centrales énergétiques à partir de fossiles, elle contribue indirectement à accroître la pauvreté des pays pauvres ! Yoweri K. Museveni, président de l’Ouganda, l’a bien compris : « Nous voulons la levée du moratoire sur les investissements dans les combustibles fossiles pour l'Afrique, afin que nous puissions répondre aux besoins de nos propres populations. Il ne faut pas s'étonner que les Africains se tournent vers d'autres pays pour y trouver des investissements sans discours moralisateur. La surabondance d'investissements énergétiques chinois en Afrique au cours des dernières décennies peut être vue à travers ce prisme. Des arrivées plus récentes, notamment des Turcs et des Indiens, aident à construire les infrastructures dont les Africains ont besoin pour sortir leur continent de la pauvreté et le hisser sur la scène internationale… au lieu de cela, l'argent occidental s'est déversé dans des projets éoliens et solaires dont des esprits vertueux se félicitent dans les couloirs du Congrès et les chancelleries d'Europe, mais qui laissent les Africains sans électricité lorsque le vent ne souffle pas et que le soleil ne brille pas… l'Europe est complice de l'imposition de la pauvreté à l'Afrique » [8].

Comme indiqué dans notre introduction, il ne s’agit pas de critiquer l’autorité pontificale. Les combats entre la tiare et le sceptre, entre le Pape et l’empereur, ont été de tous les temps, depuis Saint-Pierre martyrisé sous l’empereur Néron, ou, a contrario, avec le pape Grégoire VII excommuniant l’empereur Romain germanique Henri IV. Au 20ème siècle, ces luttes ont pris une autre forme entre Pie XII et Hitler, entre Jean-Paul II et l’empire soviétique.
L’ONU serait-elle le nouvel empire? Cette institution fait basculer le concept individualiste de « droits de l’homme » au mépris de ses « devoirs vis-à-vis de la société » en imposant à l’Occident la tolérance vis-à-vis des idéologies LGBT et la culture de l’avortement sous une sémantique habile de "droits reproductifs et sexuels".  
A Canossa, le Pape était en position de force ! Quels sont les rapports de force aujourd'hui entre papauté et ONU ? Il ne nous appartient pas de juger les stratégies du Pape.

Face à ce mystère, l’Espérance ne nous empêche pas, avec la déférence nécessaire, d'être de ces laïcs qui, "dans la mesure de leurs connaissances, de leurs compétences et de leur situation, ont la faculté et même parfois le devoir de manifester leur sentiment en ce qui concerne le bien de l’Église "(Lumen Gentium, n° 37). Le droit canon ajoute même le droit des laïcs à  faire « connaître [leur opinion] aux autres fidèles, restant sauves l'intégrité de la foi et des mœurs et la déférence due aux pasteurs » (Can  212,3).
Nos questionnements, que suscite cette exhortation apostolique, ont ce souci du bien de l'Eglise et de la déférence due à son auteur. 


 

[1] Procédure élaborée avec la contribution du président d’une association mondiale de scientifiques d’identification des systèmes complexe.

[2] Dear Mr de Larminat, As you will understand, the Pontifical Academy of Sciences follows Pope Francis' Magisterium on climate change as expressed in the Encyclical Laudato si’ (paragraph 23). Therefore, I am not interested in any theories of climate change denial. Yours sincerely » (mail de Mgr Sorondo à la disposition des pasteurs intéressés)

[3] Carlo Carretto, J’ai cherché et j’ai trouvé, Paris, Cerf, 1983 p.159., cité par Mgr Dupuis le 7 nov. 2021 à Lourdes devant l’Assemblée plénière des évêques de France

[4] Spontanément on associe sècheresse et température élevée. Il existe pourtant des sécheresses d’hiver. C’est pourquoi le Giec n’établit pas de corrélation entre réchauffement climatique et sècheresse : « il y a une faible confiance concernant la tendance observée à l’échelle mondiale de la sècheresse depuis le milieu du 20e siècle » (IPCC. AR5 WG1 Section 2.6.2.3).
Concernant les inondations, le Giec ajoute: « il y a une faible confiance concernant le signe de la tendance en termes de magnitude et/ou de fréquence des inondations à l’échelle mondiale » (IPCC. AR5 WG1 Section 2.6.2.2). Et, si les précipitations ne sont pas plus abondantes, seraient-elles plus violentes ? Le GIEC parle également d’une « faible confiance dans la tendance des phénomènes sévères à échelle réduite comme la grêle et les orages » (IPCC. AR5 WG1 Section 2.6.2.4). Il affirme, dans le même rapport, « avec une confiance élevée, que des inondations plus importantes que celles qui ont été enregistrées depuis le 20e siècle se sont produites pendant les 500 dernières années en Europe et en Asie orientale » (IPCC AR5, section 5.5)

[5] Cf. Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), Climate Change 2021,The Physical Science Basis, Cambridge and New York 2021, B.2.2.

[6] Caritas in veritate avait rappelé 14 fois l’importance de ce mot.

[7] Benoit XVI, Lettre encyclique. Caritas in veritate (29 juin 2009), § 700.

[8] Yoweri K. Museveni, Président de l’Ouganda, « Europe's Failure to Meet Its Climate Goals Should Not Be Africa's Problem | Opinion » (Newsweek - 11/8/22)