Guillaume de Thieulloy lui a demandé, son sentiment dans son émission « Terres de Missions » du 26 novembre 2023.
Stanislas de Larminat a rappelé sa gêne : « je suis fondamentalement fidèle à l'église : je fais mienne la parole qui a été développée par le fondateur des petits frères de l'Évangile qui dit : « on peut critiquer l'église à condition de l'aimer ». Or j'aime ma mère, ma Sainte Mère l'Église ; même si ma mère est bourrée de défaut ! Et l’auteur de cette citation ajoute : « à condition également de ne pas se tenir à côté d'Elle comme un pur ». Je ne suis pas un pur ! ...Je pense qu’il faut beaucoup d'humilité pour oser critiquer un texte. Mais je ne vais pas critiquer le pape. ...Je peux me permettre, là où je suis, compte tenu de ma compétence et de ma situation, critiquer un texte mais je ne critiquerai jamais le Pape. Le Pape a certainement ses raisons de baiser la main de l'ennemi. Pour moi, aujourd'hui, l'ennemi numéro 1, c'est le consensus ! Benoit 16, parlait du « consensus du mal » (Devant la Commission biblique pontificale, le 16.4.2010). Il y a dans l'ONU une forme de « consensus du mal ». Jean-Paul II allait voir tous les grands dictateurs ; et finalement il les ébranlait ! On ne savait jamais ce qu'il leur disait, les yeux dans les yeux ! Que va dire le pape à la COP 28 ? J'ai un peu peur au niveau scientifique d'entendre des choses qui ne soient pas fondées ; mais qu'est-ce qu'il va leur dire les yeux dans les yeux ? Il a peut-être une stratégie que je veux respecter et ce n'est pas simple ! ... Dans le concile qu’ il est bien dit que « les laïcs ont le devoir de manifester leur sentiments auprès de leur pasteur ». Je me permets de ressentir ce devoir sur la lettre elle-même. Il est même dit dans le droit canon que le c'est même le devoir d'alerter les autres fidèles sur un point quand on s'estime convaincu ».

La video de l’interview est disponible ICI (https://youtu.be/T-wSIkyQLf8?t=01m37s

Transcription de « Les2ailes.com »

Guillaume de Thieulloy
Nous revenons sur le plateau de Terres de mission et j'ai le plaisir d'accueillir de nouveau Stanislas de Larminat. Bonjour Stanislas, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes ingénieur agro. Vous défendez des positions iconoclastes avec tous les guillemets que l'auditoire voudra bien entendre sur les questions écologiques. Vous avez écrit récemment un Entretiens avec Monseigneur, parce que vous débattez beaucoup dans l'église sur les questions écologiques ; et vous venez aujourd'hui parler du 2nd volet de l'enseignement du pape François sur l'écologie, Laudate Deum, exhortation apostolique qui est paru le 4 octobre dernier pour la fête de Saint-François d'Assise. Qu'est-ce que vous a inspiré ce texte d'abord ?

Stanislas de Larminat
Eh bien, d'abord il y a quelque chose qui m'a surpris, c'est que, depuis sa publication, l'église n'en parle pas beaucoup. A Rome on en parle, bien sûr, en particulier parce qu'il est question que le pape aille à la COP 28 ; mais dans l'Église de France, je trouve que c'est un espèce de silence-radio comme si ça gênait. Et donc, je crois que beaucoup de chrétiens, en France, ne savent pas très bien ce qu'il y a dans ce texte-là. Donc, peut-être : deux mots de ce qu'est le contenu de cette exhortation apostolique. Eh bien d'abord, il y a une introduction assez catastrophistes ; il y a un point de rupture auquel on serait arrivé sur la planète ; on est dans une situation urgente ;  on est à un point critique.

Guillaume de Thieulloy
Et, il n’y a plus de débat sur le fait que c'est d'origine anthropique et le fait qu'on est rentré dans une aire catastrophique

Stanislas de Larminat
Voilà ! Et c'est le deuxième point : c'est qu'au niveau scientifique, le texte présente la problématique, en particulier climatique, comme une chose entendue : il n’y a plus de débat ! Et puis, il y a des préconisations politiques, puisqu’il y a un appel à ce que la COP 28 agisse d'une manière pressente et urgente. D'ailleurs comme je viens de le dire le Pape envisage d'y aller ! L'autre contenu, à part cela : il n’y a quasiment rien, sauf, peut-être un petit paragraphe supplémentaire, par rapport au paradigme technocratique. Et ça, c'est vrai qu'il y a certains aspects qui rendent l'homme aveugle dans sa possession de la technique. Donc ça n'est pas ce qui me choque, car effectivement je suis choqué. Mais bon voilà !

Guillaume de Thieulloy
Alors dites-moi pourquoi vous êtes choqué parce que c'est qu'est-ce qu'il y a de problématique dans ce texte ?

Stanislas de Larminat
Eh bien, moi, en fait j'ai tendance à répondre, plus que par des affirmations, par des interrogations ! Parce que je suis un peu étonné du ton : ceux qui auront eu le temps de lire verront qu'il y a presque un ton de colère, un ton d'exaspération et, ça, ce n'est pas dans le style du Pape. Pour moi, il y a un entourage du pape qui est visiblement exaspéré de l'existence même de dissidents. 

Guillaume de Thieulloy
En fait l'impression, pour être tout à fait franc, … je vous laisse la parole tout de suite, mais l'impression qu'on a, c’est que cette encyclique est écrite parce que il y a des Stan de Larminat qui disent : « vous savez, c'est plus compliqué ». Et il dit « non, non, non : c'est pas du tout compliqué c'est comme ça » !

Stanislas de Larminat
Oui, oui, et d'ailleurs ce qui les choque le plus cet entourage du Vatican, c'est qu’il y ait des dissidents même dans l'église !
Bon et l'autre chose qui m'interpelle, c'est qu'on ne retrouve plus du tout un certain souffle qu'il y avait dans Laudato si, qui avait ses forces et ses faiblesses aussi. Mais Laudato si avait, quand même, développé le thème de l'écologie intégrale -on ne trouve plus du tout ça-, avait développé une ouverture sur l'eschatologie la fin des temps :  L'horizon du salut de la planète, ce n'est pas tellement cela qui est le plus important ; c’est le salut de l'homme. Il y avait un appel à la vertu de frugalité ; il n’y a plus rien à ce sujet, il y avait….

Guillaume de Thieulloy
Même la théologie de la création est très faible dans Laudate Deum,

Stanislas de Larminat
Oui, et puis il n’y a absolument plus d'appel au dialogue, alors que deux fois dans Laudato si, il y a un appel au dialogue ; et puis il y a plus la moindre allusion au devoir de réserve :  Laudato si, et c'est d'ailleurs dans le concile, il était écrit que l'Église n'avait pas la prétention de de juger des questions scientifiques, ni de se substituer à la politique.
Et puis, d'une certaine manière où est l'appel du pape qui a l'habitude de de dire qu'il faut aller vers les périphéries ?  Et quand on lit bien le pape sur les périphéries, il y a bien entendu les périphéries liées à la pauvreté mais, il y a également les périphéries de la pensée. Et là le dissident qui est, en fait, dans les périphéries de la pensée… Euh enfin ! là aussi je pourrais faire un aparté et dire que faut pas oublier qu'il y a, je viens de découvrir ça : il y a 37 % des Français qui sont climatosceptiques ce qui n'est pas rien ! Cela fait 37 % de gens dans la périphérie ! Alors les ridiculiser ? je m'interroge ! …Il y a une forme de procès d'intention qui est fait dans cette exhortation apostolique en disant : « ils se moquent de…, ils ne prennent pas en compte… » ! Mais ouvrons le dialogue, et on verra s’il y a des éléments que nous ne prenons pas en compte !

Guillaume de Thieulloy
Moi j'ai été très frappé, quand même, du ton très péremptoire : je lisais au numéro 11 « on ne peut plus douter de l'origine humaine –Anthropique, entre guillemets- du changement climatique » ; … On ne peut plus douter ? On peut quand même sérieusement penser qu'il y a d'autres causes. Cela ne veut pas dire du tout que l'homme n'est pour rien ; ce n'est pas le sujet ;  il n'empêche que on peut quand même sérieusement douter que tout le réchauffement climatique soit intégralement dû à l'homme

Stanislas de Larminat
Oui, Oui ! Ne m'interrogez pas trop là-dessus, parce que je serais dithyrambique sur les questions scientifiques pour montrer qu'il y a objet à un vrai débat contradictoire ! Et j'en ai pratiqué, des débats contradictoires, sur la question scientifique ! Donc je n'en ai pas.
Donc, cette exhortation apostolique m'interpelle. Je m'interroge beaucoup et je finis par être gêné parce que je suis fondamentalement fidèle à l'église : je fais mienne la parole qui a été développée par le fondateur des petits frères de l'Évangile qui dit : « on peut critiquer l'église à condition de l'aimer ». Or j'aime ma mère et …c'est la Sainte Mère l'Église ; et même si ma mère est bourrée de défaut, je l'aime ! Mais je ne peux la critiquer que si je l'aime. Et l’auteur de cette citation ajoute : « à condition également de ne pas se tenir à côté d'Elle comme un pur ». Je ne suis pas un pur ! Je ne suis pas puriste non plus ! Je pense qu’il faut beaucoup d'humilité pour oser critiquer un texte.  
Mais je ne vais pas critiquer le pape. Mon deuxième thème c'est que je peux me permettre, là où je suis, compte tenu de ma compétence et de ma situation, critiquer un texte mais je ne critiquerai jamais le Pape. Le Pape a certainement des raisons de baiser la main de l'ennemi. Pour moi, aujourd'hui, l'ennemi numéro 1, c'est le consensus !  Benoit 16, parlait du « consensus du mal » (Devant la Commission biblique pontificale, le 16.4.2010). Il y a dans l'ONU une forme de « consensus du mal ». Jean-Paul II allait voir tous les grands dictateurs ; et finalement il les ébranlait ! On ne savait jamais ce qu'il leur disait, les yeux dans les yeux ! Que va dire le pape à la COP 28 ? J'ai un peu peur au niveau scientifique d'entendre des choses qui ne soient pas fondées ; mais qu'est-ce qu'il va leur dire les yeux dans les yeux ? Il a peut-être une stratégie que je veux respecter et ce n'est pas simple !

Guillaume de Thieulloy
D'ailleurs il y a dans Laudate Deum, des remarques qui sont pas du tout fausse par ailleurs quand il parle en particulier : « cela exclut l'idée que l'être humain serait un étranger un facteur externe capable simplement de nuire à un environnement ». Evidemment que c'est très hostile à l'écologisme radical qui voudrait voir l'homme comme un parasite de la création ! Le pape rappelle que l'environnement est l'environnement de l'homme et que, d'une certaine façon, l'homme est le sommet de la création.

Stanislas de Larminat
Tout à fait : vous mettez en valeur des points que je n'avais pas forcément vu, tellement j'étais interrogatif sur cette exhortation apostolique au niveau scientifique. Mais, une fois encore, je peux me permettre de critiquer le texte ; je ne me lancerai pas sur le terrain de critiquer le pape. Je crois que c'est dans le concile qu’il est bien dit que « les laïcs ont le devoir de manifester leur sentiment auprès de leur pasteur ». Je me permets de ressentir ce devoir sur la lettre elle-même. Il est même dit dans le droit canon que le c'est même le devoir d'alerter les autres fidèles sur un point quand on s'estime convaincu.

Guillaume de Thieulloy
On pourrait terminer par cela ! Mais moi, il y a une chose qui m'a un peu troublé : une partie de l'écologisme est clairement au service de l'oligarchie pour, j'allais dire, aggraver encore l'exploitation de la planète au détriment des plus pauvres : je suis très frappé du fait que, à plusieurs reprises dans ce texte, le pape rappelle qu’on a une responsabilité à l'égard des plus pauvres. Et on a presque envie de lui dire : « mais dans ces cas-là, pourquoi est-ce que vous voulez lutter avec cet acharnement contre les énergies fossiles, contre ceci, contre cela… »

Stanislas de Larminat
C'est un thème qui me va droit au cœur parce que je suis convaincu que quand le pape dit qu'à la COP 28 il rêve qu'on en finisse avec les énergies fossiles, j'ai bien peur que ce rêve ne soit un cauchemar pour les pays les plus pauvres. Il ne faut pas oublier qu'ils consomment 10 fois moins d'électricité que nous. Or l'énergie est indispensable au développement. Il ne peut pas y avoir de développement des pays pauvres sans énergie abondante et bon marché. Et les priver de l'énergie fossile, non seulement c'est contreproductif au niveau de la de la planète, -j'en suis profondément convaincu-, mais, en plus, c'est complètement injuste ; …c'est vraiment l'injustice climatique par excellence celle-là !

Guillaume de Thieulloy
Merci beaucoup, cher Stanislas de Larminat. On parlait de Laudate Deum. Je rappelle que vous êtes l'auteur de plusieurs ouvrages sur le débat écologique dans l'église, notamment le dernier : « Entretiens avec Monseigneur ». L'idée est vraiment de débattre de ce qui est débattable. Il y a une morale ; et puis il y a un débat scientifique qui, hélas, n'est pas mené. Merci Stanislas.