Stanislas de Larminat a été interviewé le 20 décembre 2021 par RCF CŒUR DE CHAMPAGNE lors de son passage dans cette ville. Il s'est lancé, depuis février 2020, dans un pèlerinage de 4000 km autour la France sur les chemins mariaux et de l'écologie intégrale. Il est connu pour sa conception critique de l'écologie.
Dans cet interview, il a rappelé quelques souvenirs de méditation de l'évangile. « C'est étonnant de voir que, tous les jours, il y a quelque chose qui nous est destinée … Par exemple de tomber un jour sur l'évangile de l'indissolubilité du mariage. Alors, on se dit : « Qu’est-ce que ça vient faire dans l'écologie ? ». Et je lis sur mon portable un commentaire du Cardinal Cantalamessa qui dit : « vous savez les écologistes ont bien raison de parler du ‘raccommodage créatif’ ». Vous savez, pour ceux qui ne connaissent pas le jargon : c'est mettre une rustine rouge sur votre bluejean bleu quand il est percé. Eh bien, il disait : « il faut appliquer les règles du raccommodage créatif des écologistes dans le mariage, c’est-à-dire se raccommoder » ! ..
Stanislas de Larminat a évoqué également certaines rencontres : « J'ai le souvenir d'un père abbé chez qui je m'étais arrêté. Il avait eu une bonne vingtaine de malades du COVID dans sa communauté, dont un mort. Ils avaient été très surpris que cela puisse leur arriver. Et ils ont eu une réunion de chapitre. Il m’a dit : « nous avons vécu cela dans la joie » ! C'était, pour eux, le prix à payer d’être resté ouvert et d’avoir laissé la possibilité à tout le monde de venir se confesser tous les jours. Ils ont vécu cela dans la joie ! J'en ai tiré un bel exemple que l'antidote de la peur c'est la joie ; et il faut donc commencer nos pastorales sur l'écologie en disant « soyons dans la joie, n’ayons pas peur ».

Source : https://youtu.be/XTWLLZuq5ss

Transcription complète "les2ailes.com"

Christofer Fausten
Stanislas de Larminat, Bonjour

Stanislas de Larminat
Bonjour 

Christofer Fausten
Merci d'être avec nous aujourd'hui. Vous êtes de Bretagne ; vous avez 75 ans ; vous vous êtes lancé, depuis février 2020, dans un pèlerinage autour de l'écologie intégrale sur les chemins mariaux ! Comment vous est venue l'idée de réaliser ce tour de France et pourquoi elle verra le jour?

Stanislas de Larminat
En quelque sorte c'est plus qu'un pèlerinage, c'est une retraite itinérante ; c’est à dire que, dans le mot retraite, il y a le côté spirituel ; de ce côté-là ce sont les étapes mariales avec toutes les apparitions de la Sainte Vierge ; et également itinérante : ça veut dire qu'au cours de ma route, je cherche à entrer en dialogue avec les responsables de pastorale sur l'écologie intégrale pour dire un petit peu comment je vois les choses et donc voilà l'objet.
Et je me suis dit que, si je voulais un peu bousculer -si tant est qu’il le faille- bousculer les regards de beaucoup de gens sur Laudato si, il fallait que je commence par me bousculer moi-même et, donc je suis parti sur les routes.

Christofer Fausten
Alors, ces dialogues, on va en parler dans un court instant. Vous avez parcouru plus de 2500 km aujourd'hui ; un tour de France sur les chemins mariaux. Alors sur les chemins mariaux ça veut dire que Marie a une place importante dans ce pèlerinage pour vous ?

Stanislas de Larminat
Tout à fait et, si vous voulez, il faut savoir que l'écologie intégrale, pour moi, ce n'est pas l'intégralité de l'écologie. L'écologie intégrale, c'est l'intégralité des relations qui unissent Dieu aux hommes, à son prochain et à la création ; et la Sainte Vierge, pour moi, est un modèle d'écologie intégrale dans la mesure où personne ne va douter de la qualité de ses relations avec Dieu, ni avec les hommes puisqu’elle est la mère de l'humanité ni avec la création puisqu'elle est la reine de la création

Christofer Fausten
Une démarche de dialogue autour de l'écologie intégrale, c'est ce que nous venons de dire dans l'introduction. Vous organisez des conférences sur votre parcours

Stanislas de Larminat

Alors des conférences, ou des débats, ou des rencontres ! Ça dépend des opportunités et des souhaits des personnes que je rencontre. Je pense en particulier, par exemple récemment, à une rencontre avec des étudiants dont l'aumônerie m'avait demandé de parler avec eux de la Création : « Dans la genèse, Dieu dit que cela était bon » et de faire le lien avec l'écologie intégrale. Et c'était absolument passionnant ! J'ai eu une autre occasion, à Rennes, avec les personnes qui avaient accompagné l'évêque de Rennes à Lourdes en novembre 2019. Et, là, c’était un dialogue. Il y avait dans la salle, également, six ou sept jeunes séminaristes -et, comme sans doute vous en parlerez : moi je ne me sens pas bien du tout dans le discours de peur qu'il y a autour de l'écologie- Et j'ai montré à quel point il fallait plutôt commencer nos conférences par « soyons dans la joie » -là, j'ai sous les yeux l’accroche publicitaire de RCF : « La joie se partage » ! Mais qu’attend-on pour dire dans nos conférences sur la pastorale écologique : « soyons dans la joie », au lieu de dire qu'il y a des catastrophes à venir etc ? Et, je me suis rendu compte à quel point, à Rennes, les jeunes étaient heureux de m'entendre et me disaient : « mais qu'est ce qu'on respire à entendre quelqu'un qui fuit le discours de peur ».

Christofer Fausten
C'est l'objectif principal que vous voulez transmettre ? Ou il y a d'autres objectifs 

Stanislas de Larminat
Je pense que, aujourd'hui, l'ennemi numéro 1, c'est la peur ! Et pas besoin de vous faire de grands dessins sur ce qui se passe en ce moment, et je pense que c'est très délicat de voir des conférences sur la pastorale écologique qui commencent par faire venir, comme si c’était un moyen d'attirer les chrétiens, de faire venir des spécialistes de collapsologie ou des catastrophistes Et moi je dis, d’une manière un petit peu violente : « mais cela devient une forme de collaboration avec la peur ! ».
D'une part, et d'autre part, ce n'est pas la mission de l'église -Laudato si l'a dit au paragraphe 188, vous voyez que je connais mes sources, - le pape écrit : « en tout état de cause, il n'appartient pas à l'église de prendre parti sur les questions scientifiques et j'appelle au débat honnête et transparent ». Comment est-ce qu'un débat peut être honnête s'il n'est pas contradictoire et comment est-ce qu'il peut être transparent s'il n'est pas public ? Et c'est en cela que je vous suis reconnaissant de me recevoir parce que, là au moins, on est en public

Christofer Fausten
…Et c'est un grand plaisir de vous recevoir, Stanislas de Larminat. Alors, selon vous, en quelques mots, l'idée est de revoir notre façon de vivre et de consommer ?... En quelques mots ?

Stanislas de Larminat
Alors oui ! Mais pas forcément pour les raisons que l'on imagine : j'ai eu, à mes débuts de retraite, un cours de bioéthique qui était donné par Fabrice Hadjadj, le grand philosophe qui est spécialiste de la mort. Il expliquait ce que c'est qu'une « culture de mort », et j'avais été très impressionné quand il disait : « finalement est culture de mort, tout ce qui nous fait oublier que nous sommes mortels ». Et, d'une certaine manière : « Consommons ! Consommons ! Et pendant que je consomme, j'oublie que je suis mortel ! » En cela la consommation fait d'énormes dégâts sur la personne que je suis -et j’en suis victime comme tout le monde, comme vous et moi- Et donc, il faut changer nos formes de consommation mais pas du tout pour sauver la planète : je n'y crois pas une seconde d'ailleurs.
J'ai dit un jour à un évêque : « vous savez il va falloir changer de discours dans l'église parce que la ‘frugalité par précaution’, je n’en crois pas un mot. La frugalité c'est une vertu qui me permet de me dépouiller pour mieux me tourner vers Dieu et pour mieux être à l'écoute de la problématique des pauvres ».
Parce que, même le partage, qui est une nécessité de comportement, eh bien, je ne suis pas sûr que ce soit cela qui va permettre de répondre à toute la pauvreté qu'il y a dans le monde. Il y a des choses beaucoup plus graves : je pense, en particulier, au commerce international qui rend les pauvres encore plus pauvres.

Christofer Fausten
Stanislas de Larminat, vous réalisez donc des milliers de kilomètres à pied afin de prendre conscience de l'état de la planète, mais aussi, eh bien pour rencontrer, on vient de le dire, pour rencontrer et échanger, mais aussi de partager. Ce pèlerinage n'est pas encore terminé. Mais, pour vous, quels sont les souvenirs, ou les choses que vous retenez, jusqu'à présent ?

Stanislas de Larminat
Oh, j'aurais envie de dire qu’il y a deux choses : d'abord il y a les souvenirs de méditation de la parole de l'évangile tous les jours. C'est étonnant de voir que, tous les jours, il y a quelque chose qui nous est destinée ; je pense que beaucoup de vos auditeurs doivent en faire l'expérience ; chaque jour, il y a quelque chose pour moi, et pour chacun de vos auditeurs. Sur la route, j'en ai eu des occasions étonnantes. Par exemple de tomber un jour sur l'évangile de l'indissolubilité du mariage. Alors, on se dit : « Qu’est ce que ça vient faire dans l'écologie ? ». Et je lis sur mon petit portable un commentaire du Cardinal Cantalamessa qui dit : « vous savez les écologistes ont bien raison de parler du ‘raccommodage créatif’ ». Vous savez, pour ceux qui ne connaissent pas le jargon : c'est mettre une rustine rouge sur votre bluejean bleu quand il est percé. Eh bien, il disait : « il faut appliquer les règles du raccommodage créatif des écologistes dans le mariage, c’est-à-dire se raccommoder » ! Donc, vous voyez que, pour l'écologie quand on veut bien écoutez il y a des souvenirs formidables dans la parole quotidienne.
Et puis les rencontres multiples que j'ai eues. Tout à l'heure, je vous parlais de la peur et j'ai le souvenir d'un père abbé où je m'étais arrêté, dans une abbaye. Et le père abbé avait eu une bonne vingtaine de malades du COVID dans sa communauté et dont un mort. Ils avaient été très surpris que cela puisse leur arriver. Et ils ont fait une eu une réunion de chapitre. Il m’a dit : « nous avons vécu cela dans la joie » !  C'était, pour eux, le prix à payer d’être resté ouvert et d’avoir laissé la possibilité à tout le monde de venir se confesser tous les jours. Ils ont vécu cela dans la joie ! Donc là, vraiment, j'en ai tiré un bel exemple que l'antidote de la peur c'est la joie ; et il faut donc commencer nos pastorales sur l'écologie en disant « soyons dans la joie, n’ayons pas peur ». C’est une parole de l'évangile.

Christofer Fausten
En quelques secondes, Stanislas de Larminat on disait : des rencontres exceptionnelles ! Le tout dans un esprit de joie, mais aussi un esprit fraternel ! C'est un moment important pour vous ?

Stanislas de Larminat
Ah je vous avoue que deux ans à pèleriner comme cela, ça change ! D'abord ça donne beaucoup d'humilité. Plus j'avance, moins j’ai le souci de bousculer l'église. Comme m'a dit, un jour, un moine également : « Ne vous prenez pas pour sainte Catherine de Sienne ; ce n’est pas votre vocation ; mais commencez donc par vous convertir vous-même ». Donc à force de marcher, cela donne beaucoup d'humilité. Un autre évêque m'a dit : « continuez votre démarche, mais ne vous inquiétez pas : vous ne verrez pas les fruits de votre vivant » ! Vous savez, tout cela donne beaucoup d'humilité. Et les souffrances physiques qui accompagnent la marche également !

Christofer Fausten
Stanislas de Larminat ! Un grand merci de vous être arrêté ici au studio de RCF-Coeur de Champagne à Châlons en Champagne. On peut vous retrouver sur un site internet ?

Stanislas de Larminat
Un site internet qui s'appelle les deux ailes.com ; 2 en chiffres ; tout attaché ! Les deux ailes, c'est « foi et raison sont les deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité ». C'est la première phrase de l'encyclique de Jean-Paul II « Foi et raison »