" Sur beaucoup de questions concrètes, l’Église n’a pas de raison de proposer une parole définitive... 
...Je répète que l’Église n’a pas la prétention
de juger des questions scientifiques" 

(Pape François - Laudato si - § 61 et 188)

Le Pape a été empêché par un « état grippal » de se rendre à la COP28. Le discours qu’il avait préparé a été lu le 2 décembre 2023 par le Cardinal Parolin. Ce discours a repris la sempiternelle sémantique confondant « gémissement de la terre » et cri de l’ONU et des ONG, parlant de « changement climatique » au lieu de « variations climatiques », évoquant la cause de  « l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, provoquée elle-même par l’activité humaine », sans imaginer que la cause puisse être solaire, parlant de « lutte contre le changement climatique, » au lieu « d’adaptation aux dites variations », … Bref, parlant d’un « climat devenu fou » et d’une « situation grave ».
Soulignons, heureusement un passage relevant, plus que la science, de la compétence de l’Eglise : « les tentatives de faire retomber la responsabilité sur les nombreux pauvres et sur le nombre de naissances sont particulièrement frappantes. Ce sont des tabous auxquels il faut absolument mettre fin. … Les naissances ne sont pas un problème, mais une ressource : elles ne sont pas contre la vie, mais pour la vie, alors que certains modèles idéologiques et utilitaristes, imposés avec des gants de velours aux familles et aux populations, représentent de véritables colonisations ».

Ce message du pape n’a pas le retentissement qu’il aurait eu s’il l’avait prononcé lui-même. Comme si son absence éventuelle avait été crainte, un Sommet mondial des dirigeants religieux qualifié de « pré-COP28 », s’est déroulé à Abu Dhabi les 6 et 7 novembre. Il était organisé avec « la collaboration de la 28e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP28), l'Église catholique et le Programme des Nations Unies pour l'environnement ».
Le sommet avait prévu, là encore, la lecture d’un discours du Pape François, de Ahmed Al-Tayeb, grand Imam d’Al-Azhar, de l'archevêque de Cantorbéry Justin Welby, du secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres, du président désigné de la COP28, le Dr Sultan Al Jaber…
Côté catholique, la séance d’ouverture donnait la parole au Cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’état du Vatican, et au Cardinal Miguel-A Ayuso, préfet du dicastère pour le dialogue inter-religieux.
« L’approche intégrée » a été confiée à deux personnalités proches du Vatican, Jeffrey Sachs, académicien pontifical des sciences et le Dr Carlos Zepeda, directeur adjoint de l’Institut de Recherche Laudato si du « Campion Hall » (salle des Jésuites de l'Université d'Oxford en Angleterre).

Pour une meilleure information de la pensée de Jeffrey Sachs, nous reproduisons ci-après l’intégralité du discours de Jeffrey Sachs. Nous mettrons ce discours en perspective avec les fréquents propos wokistes et malthusiens de cette personnalité se targuant d’être proche du Pape.

Source : site https://precop28gfls.com/en_US/

Analyse: Les2ailes.com

1- Résumé du discours

Le ton du discours de Jeffrey Sachs parait vif et convaincant d’autant plus qu’il sort de ses propos alarmistes habituels sur le climat pour s’insurger contre les guerres et contre la politique de son pays : « De plus, alors même que la guerre à Gaza fait rage, les États-Unis continuent leur tentative imprudente de pousser l’élargissement de l’OTAN à l’Ukraine, malgré les vives objections de la Russie. Le résultat est une guerre par procuration continue entre les États-Unis et la Russie qui détruit complètement l’Ukraine ».
La main sur le cœur, il cache à peine le malthusianisme bien connu de sa pensée en parlant d’une « planète surpeuplée ».
Il accuse les nations riches et puissantes de « gouverner le monde par la tromperie », mais n’hésite pas à collaborer à la tromperie mondiale en affirmant que « la Terre est plus chaude aujourd’hui qu’elle ne l’a été depuis 125 000 ans ». L’affirmation est à la fois fausse et habile : Pourquoi 125.000 ans[1] si ce n’est pour englober toutes les glaciations du quaternaire !


Que sont belles les envolées de Jeffrey Sachs citant Isaïe, appelant l’auditoire à « prier pour la paix » et surtout se référant au Pape et à son exhortation apostolique Laudate Deum dont de bonnes sources savent qu’il en a été lui-même un des rédacteurs.

 2- Discours de Jeffrey Sachs aux chefs religieux

Lors de ce Sommet des chefs religieux pré-COP28, à Abu Dhabi, 6 novembre 2023, Jeffrey Sachs a prononcé cette allocution : 

« Vos Saintetés, Éminences, Excellences, Mesdames et Messieurs,
Nous sommes confrontés à la plus grande épreuve de l’humanité, pour vivre en paix et durablement une planète surpeuplée et interconnectée.
Nous échouons actuellement dans ce procès. Le monde est en proie à des guerres. La dévastation environnementale causée par l’homme s’accélère. La Terre est plus chaude aujourd’hui qu’elle ne l’a été depuis 125 000 ans. 
Je blâme les politiciens, en particulier ceux des États riches et puissants. 
En ces jours précis, alors que nous avons besoin que les dirigeants du monde prêtent attention à la crise climatique avant la COP28, nous sommes au contraire empêtrés dans une guerre dévastatrice au Moyen-Orient. 
Le gouvernement israélien a déjà tué 10 000 civils innocents à Gaza et pourtant il rejette les appels mondiaux en faveur d’un cessez-le-feu. Israël commet des crimes de guerre, assiège Gaza tout en bombardant des hôpitaux, des ambulances, des écoles et des quartiers entiers, créant ainsi un carnage. 
Le gouvernement des États-Unis, pour sa part, mets son veto aux appels du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale de l’ONU en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza, prolongeant ainsi le déchaînement d’Israël. 
De plus, alors même que la guerre à Gaza fait rage, les États-Unis continuent leur tentative imprudente de pousser l’élargissement de l’OTAN à l’Ukraine, malgré les vives objections de la Russie. Le résultat est une guerre par procuration continue entre les États-Unis et la Russie qui détruit complètement l’Ukraine. 
Les politiciens des nations puissantes, en particulier le mien, nous ont entraînés dans des guerres dont les peuples ne veulent pas et ont retardé l’action contre le changement climatique au point que celui-ci met notre survie en danger. 
Par leur corruption implacable, les politiciens ont dilapidé le labeur de milliards de personnes. 
Pourquoi le font-ils ? Les réponses sont aussi anciennes que pertinentes aujourd’hui. 
Le premier péché est l’arrogance. Netanyahu estime que lui seul peut décider de la vie ou de la mort à Gaza. Il estime qu’il n’a besoin de négocier avec personne, encore moins avec les Palestiniens. Il méconnaît complètement le chemin vers une véritable sécurité pour Israël, qui passe par la justice et non par la guerre. 
Le deuxième péché est la cupidité. Beaucoup de nos guerres visent à obtenir du lucre, mais elles détruisent bien plus de richesses que la conquête ne pourrait jamais en rapporter.
Le troisième péché est la corruption. Les campagnes des membres du Congrès américain sont financées par la machine de guerre américaine, c’est-à-dire par des sociétés géantes avec des centaines de milliards de dollars de contrats d’armement, pour qui la guerre est un business et pour qui les contributions aux campagnes sont un moyen d’encourager davantage de guerres.   
Le quatrième péché est l’hérésie. Les politiciens écoutent les faux prophètes qui proclament que leurs nations sont les dirigeants naturels des autres. Qui a dit au président Biden que les États-Unis étaient le pays « indispensable » ? C’est faux. C’est un pays parmi 193 nations. Cela ne représente que 4,1 pour cent de la population mondiale. Le monde n’a pas besoin des États-Unis pour diriger. Le monde a besoin que les États-Unis coopèrent pacifiquement.   
Je suis impliqué dans le conseil politique depuis plus de 40 ans. Je peux vous dire la dure vérité. Les nations riches et puissantes croient qu’elles peuvent gouverner le monde par la tromperie. 
Les États-Unis se sont engagés dans des dizaines d’opérations secrètes pour renverser les gouvernements d’autres pays, y compris 64 cas bien documentés d’opérations secrètes de changement de régime au cours de la seule période 1947-1989.

 Au cours des 20 dernières années, les États-Unis ont renversé des gouvernements en Afghanistan, à Haïti, en Irak, en Libye et en Ukraine, pour ne citer que quelques cas. En 2011, le président Barack Obama a ordonné à la CIA de renverser Bachar al-Assad, entraînant ainsi une guerre prolongée en Syrie qui a coûté un demi-million de morts. 
Cette campagne de guerre et cette tromperie implacable doivent cesser.
Nous devons écouter Isaïe, pour transformer les épées en socs de charrue. Avec les technologies d’aujourd’hui, nos socs de charrue et nos serpes modernes sont suffisamment puissants pour mettre fin à la faim dans le monde, nourrir toute l’humanité et protéger l’environnement. 
La guerre à Gaza doit cesser immédiatement, avant qu’Israël ne commette encore davantage de carnage, et de peur que nous nous retrouvions dans une guerre régionale. Israël peut trouver sa véritable sécurité dans la paix avec la Palestine, et seulement dans la paix avec la Palestine. Lorsque la Palestine sera en sécurité dans son propre État, avec sa capitale à Jérusalem-Est et le contrôle des lieux saints musulmans, Israël trouvera également la sécurité et la paix, et la vision d’Isaïe se réalisera.
La guerre en Ukraine peut s’arrêter et cessera lorsque les États-Unis cesseront enfin de tenter d’étendre l’OTAN à l’Ukraine et s’engageront directement avec la Russie sur des questions urgentes de sécurité mutuelle, notamment une diplomatie renouvelée en faveur du désarmement nucléaire.   
Malgré les péchés des riches et des puissants, il existe néanmoins un espoir de paix, Vos Saintetés et Excellences. Oui, il y a de l’espoir. Et vous apportez cet espoir. 
L’opinion publique mondiale réclame massivement la paix.
Vous, dirigeants religieux du monde, exigez la paix et priez pour la paix. Les États membres de l’ONU exigent massivement la paix, même si Israël et les États-Unis ont jusqu’à présent ignoré les appels de la grande majorité des États membres de l’ONU en faveur d’un cessez-le-feu et d’une solution à deux États au conflit israélo-palestinien. 
Lorsque le reste du monde sera uni pour la paix, comme c’est le cas actuellement, les États-Unis et Israël devront écouter et répondre à l’appel de l’humanité. 
Dans son récent message mondial avant la COP28, Laudate Deum, le pape François appelle à un nouveau multilatéralisme, pour que les voix du monde entier soient entendues et pour que la tromperie des puissants soit limitée. 
Comme l’écrit le Saint-Père :« Notre monde est devenu si multipolaire et en même temps si complexe qu’un cadre différent pour une coopération efficace est nécessaire… Tout cela présuppose le développement d’une nouvelle procédure de prise de décision et de légitimation de ces décisions, puisque celui mis en place il y a plusieurs décennies n’est pas suffisant et ne semble pas efficace. Dans ce cadre, il y aurait nécessairement besoin d’espaces de conversation, de consultation, d’arbitrage, de résolution des conflits et de contrôle et, en fin de compte, une sorte de « démocratisation » accrue dans le contexte global, pour que les différentes situations puissent s’exprimer et être incluses. »
Appelons donc ici à Abou Dhabi à un dialogue nouveau et honnête entre les riches et les pauvres, les puissants avec les impuissants et les grandes nations avec les petites. Disons non aux guerres, oui à la paix et oui à la survie planétaire. 
Que le nouveau dialogue commence aujourd’hui même, ici dans cette assemblée de chefs religieux et dans les couloirs des Nations Unies, foyer de Nous, les Peuples et du meilleur espoir de l’humanité pour un monde multilatéral et une planète durable.   
Disons aux dirigeants du monde, clairement et sans ambiguïté : « Vous devez faire votre travail, promouvoir le bien commun. Vous devez mettre de côté votre arrogance, votre cupidité, votre corruption et vos hérésies. Votre approche actuelle ne fonctionne pas, alors vous changez beaucoup.
Soyons également clairs : il n’existe pas de pays indispensable. Il n’y a qu’une justice indispensable. Et avec la justice, tous les pays sont indispensables. 
Merci pour ce rassemblement. Puissions-nous trouver l’amour et le respect pour nos semblables à travers le monde dont nous avons un besoin si urgent ».    

3- Les propos wokistes de Jeffrey Sachs au Forum de la Démocratie à Athènes

Ce forum s’est déroulé à Athènes en octobre 2022 et était organisé par le New-York-Times.

« Quand je regarde mon pays – les États – Unis- c’est une société raciste, semi-démocratique et hiérarchisée à prédominance blanche qui cherche à préserver les privilèges de l’élite. C’est ainsi qu’elle a été créée en 1787. C’était un pays génocidaire esclavagiste qui tuait des Amérindiens pour imposer la culture blanche, mais ce qui est surprenant c’est qu’il ressemble toujours à cela, même si nous sommes beaucoup plus diversifiés maintenant … Le pays le plus violent du monde depuis 1950, ce sont les États-Unis… Vous pouvez être des démocrates à la maison et des impérialistes impitoyables à l’étranger. »

Difficile de tenir publiquement des discours plus wokistes ! Il s’est fait interrompre par le modérateur de la table ronde qui lui a dit « Jeffrey, arrête maintenant, je suis le modérateur et ça suffit !»… et Jeffrey Sachs de s’arrêter en disant : « j’ai fini » !

4- Les propos malthusiens de Jeffrey Sachs

Jeffrey Sachs a pris position publique sur l'avortement dans son livre « Common wealth : Economics for a Crowded Planet » de 2008, dans lequel il « a fait un plaidoyer pour légaliser l’avortement comme un coût efficace pour parvenir à éliminer "les enfants non-désirés" quand la contraception a échoué. Il décrit l’avortement comme » une option à faible risque et low-cost[2] "préférable à de nouvelles vies humaines dans le monde". Il a aussi écrit avec enthousiasme que "la légalisation de l’avortement réduit significativement le taux global de fertilité en moyenne d’au moins un demi-enfant »[3]. Tout cela est-il conforme à la dignité humaine et à la « culture de vie » de la Doctrine sociale de l’Eglise ?


[1] 125.000 ans englobent le Pléistocène supérieur, et tout l’holocène et le début du Pléistocène supérieur qui a commencé il y a 125.000 ans et est considéré comme une borne climatique correspondant à et englobe. Ces variations commençant par la pointe de température (l’Eémien) et englobant la dernière période glaciaire dite de Würm résultent de changements dans les paramètres orbitaux (plus grande inclinaison de l'axe et plus grand périgée) par rapport à aujourd'hui. 
La courbe ci-dessus montre le peu d’intérêt que représente ce type de variation à l’échelle des décisions économiques que nous devons prendre. Ce qui importe est d’expliquer et de quantifier les variations depuis 1000 ans. Jeffrey Sachs ne s’y aventure pas et on sait que les modèles du Giec ne retiennent que 150 ans d’observations pour « se débarrasser de la période chaude médiévale », comme le disait, en 1995, Jonathan Overpeck, principal coordinateur du rapport AR4 du Giec.

[2] L'expression "low cost" semble tirée du livre "Age of Sustainable Development" publié en mars 2015 par Jeffrey Sachs où il affirme très clairement que le taux de fécondité en Afrique doit être réduit. Il propose trois méthodes de réduction des taux de fertilités, la troisième étant que les gouvernements encouragent leur population à réduire la taille de leur famille par la promotion du contrôle des naissances et en leur donnant accès à une contraception libre ou à "low cost, et au planning familial.  Lire également: http://www.egaliteetreconciliation.fr/Jeffrey-Sachs-ou-comment-l-avortement-et-la-contraception-sont-promus-aupres-du-pape-Francois-40606.html
et http://reinformation.tv/jeffrey-sachs-laudato-si-objectifs-developpement-durable-onu-dolhein-58038-2/

[3] https://c-fam.org/friday_fax/who-is-jeffrey-sachs-and-why-was-he-at-the-vatican/