La  déclaration du magistère, Fiducia supplicans, (« la confiance suppliante ») du 18 décembre 2023 et traitant des bénédictions pour les couples de même sexe, a été source de beaucoup d’émoi parmi les chrétiens. Plusieurs questions se posent à eux.
A quelle condition les laïcs sont-ils tenus à un assentiment ? Le concile apporte un éclairage essentiel : quand il s’agit de questions temporelles, les laïcs ne doivent pas attendre de leurs pasteurs, qu’ils apportent des solutions concrètes (GS 2-1). Ainsi, quand il s’agit de question climatique, par exemple, ils ne sont pas tenus à un quelconque assentiment surtout quand Laudato si rappele que « l’Église n’a pas la prétention de juger des questions scientifiques » (LS 188). En revanche, sur les questions spirituelles et morales, les laïcs doivent embrasser ce que les pasteurs décident au nom de leur magistère (LG 37-2).
Mais comment adhérer sincèrement à un document sans l’avoir lu et analysé ? Quel est le contenu réel de cette déclaration qui concerne les bénédictions, non seulement « des couples de même sexe », mais également, des « couples en situation irrégulière » ? Soulignons qu'à aucun moment, cette déclaration ne légitime ces pratiques.
Et chacun de nous ? Qui serions-nous pour espérer  que Dieu bénisse nos vies, plus que celle de n’importe quel autre pécheur ?

Analyse "les2ailes.com"

1.    La loi conciliaire en matière d’assentiment des laïcs au magistère

a. Aux laïcs reviennent en propre les activités séculières

« Aux laïcs reviennent en propre, quoique non exclusivement, les professions et les activités séculières… Qu’ils ne pensent pas pour autant que leurs pasteurs aient une compétence telle qu’ils puissent leur fournir une solution concrète et immédiate à tout problème, même grave, qui se présente à eux, ou que telle soit leur mission » (GS,2-1). Voilà qui plaide pour que l'Eglise soit prudente sur les questions de gérance des choses temporelles (LG 31-2).
Mais, en ce qui concerne l'ordre de la foi, « la collectivité des fidèles, ayant l’onction qui vient du Saint[1], ne peut se tromper dans la foi » . Voilà qui dépasse donc la question de l'infaillibilité pontificale ! Dans quelles conditions peut se manifester ce don collectif ? Le concile explique qu'il se vérifie lorsque, « des évêques, jusqu’aux derniers des fidèles laïcs », apportent aux vérités concernant la foi et les mœurs un "consentement universel". Grâce en effet « à ce sens de la foi qui est éveillé et soutenu par l’Esprit de vérité, et sous la conduite du magistère sacré, pourvu qu’il lui obéisse fidèlement, le Peuple de Dieu reçoit non plus une parole humaine, mais véritablement la Parole de Dieu[2], il s’attache indéfectiblement à la foi transmise aux saints une fois pour toutes[3] il y pénètre plus profondément par un jugement droit et la met plus parfaitement en œuvre dans sa vie » (LG 12-1). 
Nous nous devrions donc d'obéir fidèlement au magistère sacré. Si cela heurte notre entendement, il faut travailler et recourir à l'intelligence. 

b. Le recours à « l’intelligence pratique ou à la pensée spéculative » ? 

Gaudium et spes évoque cette distinction (GS, 8-2). L’intelligence humaine se manifeste selon deux modalités : la Raison spéculative et la Raison pratique. Cette distinction a été reprise par Emmanuel Kant dans sa Critique de la raison pure.
- La raison spéculative a pour objet la connaissance de ce qui est vrai. Elle s’applique à connaître méthodiquement le réel en tant qu’objet de connaissance. Il est symptomatique que la déclaration Fiducia supplicans n’utilise à aucun moment, l’adjectif « homosexuel », comme si elle refusait de résumer une personne dans une caractéristique. S’agit-il d’un état, d’une fatalité biologique inéluctable d'origine biologique ou d’une pratique, plus ou moins influencée par une éducation et une culture ambiante ? Toute personne de bonne volonté est tenue d’approfondir ces questions en Vérité.
- La raison pratique est une autre dimension de notre intelligence qui s’intéresse à ce qui est bien, plus qu'à ce qui est vrai, notamment pour chercher ce qu’il est bien de faire pour bien faire.

Mais quelle attitude adopter lorsque notre intelligence nous conduit à penser que notre entourage ne pratique pas le bien ? 
Paul VI répond qu'il existe un primat de la conscience de chacun, même pécheur : les Apôtres, disait Paul VI, « annonçaient …, vis-à-vis des faibles, même vivant dans l’erreur, et leur attitude était faite de respect ». Autrement dit « la charité du Christ [nous] presse aussi d’agir avec amour, prudence, patience, envers ceux qui se trouvent dans l’erreur »[4]

c. L’éclairage des laïcs, grâce au ministère des évêques

Le concile rappelle que nous sommes tenus à « une adhésion sincère aux affirmations du Souverain Pontife, en conformité à ce qu’il manifeste de sa pensée et de sa volonté et que l’on peut déduire en particulier du caractère des documents, ou de l’insistance à proposer une certaine doctrine, ou de la manière même de s’exprimer ... même lorsqu’il ne parle pas ex cathedra, ce qui implique la reconnaissance respectueuse de son suprême magistère ». (LG 25-1)
Dès lors, « les laïcs, comme tous les fidèles, doivent embrasser, dans la promptitude de l’obéissance chrétienne, ce que les pasteurs sacrés, représentant le Christ, décident au nom de leur magistère et de leur autorité dans l’Église ; en cela, c’est l’exemple du Christ qu’ils suivent, lui qui, en obéissant jusqu’à la mort, a ouvert aux hommes la voie bienheureuse de la liberté des fils de Dieu. » (LG 37-2)

2.    Le contenu de la déclaration Fiducia supplicans,

 a. Une distinction entre bénédiction ascendante et descendante

Fiducia suppicans distingue deux types de bénédiction : « le don divin qui "descend", l'action de grâce de l'homme qui "monte" » (FS § 17).

  • La bénédiction ascendante, "monte" de la terre vers le ciel, vers Dieu. Elle équivaut alors à louer, célébrer, remercier Dieu pour sa miséricorde et sa fidélité, pour les merveilles qu'il a créées et pour tout ce qui est arrivé par sa volonté : « Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être »[5] (FS §15)
    La bénédiction ascendante de Jésus se réfère au Père (FS § 18) : « Du point de vue de la dimension ascendante, lorsqu'on prend conscience des dons du Seigneur et de son amour inconditionnel, même dans des situations de péché, en particulier lorsqu'une prière est entendue, le cœur du croyant élève sa louange et sa bénédiction vers Dieu. Cette forme de bénédiction n'est interdite à personne. Chacun - individuellement ou en union avec d'autres - peut élever sa louange et sa gratitude à Dieu ». (FS § 29)
  • La bénédiction descendante « représente l'invocation de la bénédiction qui descend de Dieu sur l'homme » (FS §15). On la trouve dans l’ancien testament : « Que le Seigneur te bénisse et te garde. Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu'il te prenne en grâce. Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t'apporte la paix »[6]. La bénédiction descendante est « répandue sur les autres comme un geste de grâce, de protection et de bonté » (FS §18). La bénédiction descendante, est celle de Jésus qui « embrassait [les enfants] et les bénissait en leur imposant les mains » (FS § 18).

Fiducia supplicans propose que ce soit cette bénédiction descendante de Dieu qui puisse être invoquée pour "ceux qui, se reconnaissant indigents et ayant besoin de son aide" (FS 31).

b. Une distinction entre bénédictions liturgiques et bénédictions non ritualisées

Cette distinction permet au Saint-Père d'expliquer de quelle bénédiction il parle pour les couples en situation irrégulière :

  • « D'un point de vue strictement liturgique, la bénédiction exige que ce qui est béni soit conforme à la volonté de Dieu telle qu'elle est exprimée dans les enseignements de l'Église » (FS § 9).
    « Les bénédictions sont en effet célébrées en vertu de la foi et sont ordonnées à la louange de Dieu et au profit spirituel de son peuple. Comme l'explique le Rituel romain, « pour que cette fin soit plus évidente, selon l'ancienne tradition, les formules de bénédiction ont avant tout pour but de rendre gloire à Dieu pour ses dons, de demander ses faveurs et de vaincre le pouvoir du malin dans le monde ». C'est pourquoi ceux qui invoquent la bénédiction de Dieu par l'intermédiaire de l'Église sont invités à intensifier « leurs dispositions, en se laissant guider par cette foi pour laquelle tout est possible » et à se confier à « cet amour qui pousse à observer les commandements de Dieu ». C'est pourquoi, si d’un côté « il y a toujours et partout l'occasion de louer, d'invoquer et de rendre grâce à Dieu par le Christ, dans l'Esprit Saint », il faut veiller de l’autre à « ce qu'il ne s'agisse pas de choses, de lieux ou d'événements contraires à la loi ou à l'esprit de l'Évangile ». Ceci est une compréhension liturgique des bénédictions, en tant qu’elles deviennent des rites officiellement proposés par l'Église » (FS § 10).
    « Lorsqu'une bénédiction est invoquée sur certaines relations humaines au moyen d'un rite liturgique approprié, il est nécessaire que ce qui est béni puisse correspondre aux desseins de Dieu inscrits dans la Création et pleinement révélés par le Christ Seigneur. C'est pourquoi, étant donné que l'Église a toujours considéré comme moralement licites uniquement les relations sexuelles vécues dans le cadre du mariage, elle n'a pas le pouvoir de conférer sa bénédiction liturgique lorsque celle-ci peut, d'une certaine manière, offrir une forme de légitimité morale à une union qui se présente comme un mariage ou à une pratique sexuelle extra maritale » (FS § 11).
  • Les bénédictions non ritualisées ne cessent pas d'être un simple geste qui constitue un moyen efficace pour accroître la confiance en Dieu des personnes qui le demandent, en évitant qu’elles deviennent un acte liturgique ou semi-liturgique, semblable à un sacrement.
    Ce type de bénédiction, vis à vis des couples en situation irrégulière ou de même sexe, doit « relever de la prudence pastorale ». Il s’agit d’une bénédiction spontanée dans laquelle le « ministre ordonné pourrait demander pour eux …la lumière et la force de Dieu pour pouvoir accomplir pleinement sa volonté » (FS 38). Fiducia supplicans s’étend longuement sur ce caractère de « prière de demande d’aide ».

c. La bénédiction ascendante : une prière de demande d’aide.

Le mot « aide » est utilisé 10 fois dans Fiducia supplicans[7]. Il précise : les personnes qui invoquent la bénédiction « expriment une supplication à Dieu pour qu'il accorde les aides qui proviennent des impulsions de son Esprit, afin que les relations humaines puissent mûrir et grandir dans la fidélité au message de l'Évangile, se libérer de leurs imperfections et de leurs fragilités » (FS § 31).

Comment ne pas rapprocher le rappel du Pape François aux supplications incessantes des psaumes :

  • Psaume 4, 2 : « Quand je crie, réponds-moi, Dieu de ma justice, … pitié pour moi, écoute ma prière » ; « Fils d’homme, jusqu’où s’alourdiront vos cœurs, pourquoi ce goût du rien, cette course au mensonge ? » (Ps 4, 3) 
  • Psaume 22 (21) 20 : « Mais toi, Yahvé, ne soit pas loin, ô ma force, vite à mon aide » ; « Délivre de l’épée mon âme » (Ps 22,21)
  • Psaume 30 (29), 11 : « Ecoute, Seigneur, pitié pour moi ! Seigneur, sois mon secours »
  • Psaume 38 (37) 22-23 : « Ne m’abandonne pas, Yahvé… vite, viens à mon aide »
  • Psaume 70 (69), 2 : « O Dieu, vite mon secours, Yahvé, à mon aide » ; « Arrière ! Honnis soient-ils, ceux que flatte mon malheur » (70, 3)
  • Liturgie des Heures : « Dieu, viens à mon aide, Seigneur, à notre secours ».

d. Le nécessaire discernement préalable à une bénédiction.

Fiducia supplicans insiste sur le nécessaire accompagnement personnel d’un pasteur auprès d’un couple en situation irrégulière ou de personnes de même sexe : « Ce qui est dit dans la présente Déclaration sur la bénédiction des couples de même sexe est suffisant pour guider le discernement prudent et paternel des ministres ordonnés à cet égard » (FS § 41). 
En la matière et d’une façon générale, on peut facilement imaginer que le conseiller spirituel saura orienter la prière de demande d’aide des intéressés
- pour « mieux vivre » (FS § 21 et 40),
- pour être « guéri et élevé », pour « avancer » (FS § 20),
- pour comprendre le dessein divin « d’amour et de vérité » (FS § 30),
- et « réaliser pleinement la volonté de Dieu dans leur vie » (FS § 32),
- pour se « libérer de leurs imperfections et de leurs fragilités » (FS § 31),
- pour « accroître leur confiance en Dieu » (FS § 33),
- pour vivre « les valeurs de l’Evangile avec fidélité » (LS § 40).

Comment imaginer une bénédiction sans cette recherche préalable ? Et comment, en la matière et comme le dit le psalmiste, les aider à se libérer d’une forme de « course au mensonge » (Ps 4, 3) ?
Dans Amoris Laetitia, le Pape François avait déjà insisté sur le nécessaire « discernement pastoral face à des situations qui ne répondent pas pleinement à ce que le Seigneur nous propose » (AL §6). Il y avait inclus un chapitre n° 8 entier intitulé : « Accompagner, discerner et intégrer la fragilité » (AL §291). Il soulignait qu'il appartient aux évêques, non seulement d'assurer la promotion du mariage chrétien, mais aussi « le discernement pastoral des situations de beaucoup de gens qui ne vivent plus dans cette situation » pour « entrer en dialogue pastoral avec ces personnes afin de mettre en évidence les éléments de leur vie qui peuvent conduire à une plus grande ouverture à l’Évangile du mariage dans sa plénitude ». Dans le discernement pastoral, il convient d’identifier « les éléments qui peuvent favoriser l’évangélisation et la croissance humaine et spirituelle » (AL § 293).
Face aux situations difficiles et aux familles blessées, Jean-Paul II rappelait, lui aussi, que ‘‘les pasteurs doivent savoir que, par amour de la vérité, ils ont l'obligation de bien discerner les diverses situations’’[8]
Mais il n’est pas de discernement possible sans recours à une forme de vérité spéculative sur ce qu’est la doctrine familiale de l’évangile.
Et que serait une sollicitude pastorale qui n’inviterait pas le fidèle, sans juger ni condamner personne, à évaluer sa vie et son comportement par rapport aux paroles de l’Alliance et à l’Evangile ? Ces paroles disent le dessein bienveillant de Dieu à l’égard des hommes, en vue d’y conformer leur vie, avec la grâce de Dieu, et selon un chemin de croissance, appelé par Jean Paul II : « loi de gradualité ou voie graduelle » (cf. Familiaris Consortio n. 34). La bénédiction accordée à deux personnes unies par une relation homosexuelle ou à un couple en situation irrégulière ne risquerait-elle pas de leur faire croire que leur union est une étape légitime dans leur cheminement ? Or Jean Paul II a bien pris soin de préciser : « C’est pourquoi ce qu’on appelle loi de gradualité ou voie graduelle ne peut s’identifier à la gradualité de la loi, comme s’il y avait, dans la loi divine, des degrés et des formes de préceptes différents selon les personnes et les situations diverses » (Ibid.).

Quel est le rôle du prêtre dans une telle bénédiction. Il ne s'agit pas de reconnaître un couple irrégulier, mais de « s’associer aux prières des personnes qui, bien que vivant une union qui ne peut en aucun cas être comparée au mariage, désirent se confier au Seigneur et à sa miséricorde, invoquer son aide et être guidées vers une plus grande compréhension de son dessein d’amour et de vérité.» (FS § 30)

e. Discerner l’acte contre nature et le péché contre l’esprit

Ce discernement est nécessaire:

  • Les trois évangélistes rappellent que « quiconque aura blasphémé contre l'Esprit Saint … est coupable d'une faute éternelle »[9]
    De quoi s’agit-il ?
    Jean-Paul II expliquait que « le blasphème contre l'Esprit Saint est le péché commis par l'homme qui présume et revendique le "droit" de persévérer dans le mal - dans le péché quel qu'il soit - et refuse par là même la Rédemption. »[10]
    La source première du péché contre l’Esprit Saint est donc le rejet de l’existence du péché, ce que l’on qualifie de « perte du sens du péché ». Ceux qui perdent le sens du péché ne savent plus s’accuser du péché, ils ne savent plus se confesser, ils n’ont jamais péché, ils sont leur propre référence. Dans le fond, le péché contre l’Esprit Saint est le péché où l’homme ne se reconnaît plus pécheur pour avoir besoin de se repentir et de recourir à la miséricorde divine.
  • Reste donc à savoir si la pratique de l’homosexualité est un péché, un acte contre nature ?
    Comment aider des personnes de même sexe à lire la Parole divine très claire à ce sujet en Romain 1, 18-31  :

« 18 La colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes, qui tiennent la vérité captive dans l'injustice ; 19car ce qu'on peut connaître de Dieu est pour eux manifeste : Dieu en effet le leur a manifesté. 
20Ce qu'il a d'invisible depuis la création du monde se laisse voir à l'intelligence à travers ses oeuvres, son éternelle puissance et sa divinité, en sorte qu'ils sont inexcusables;
 21puisque, ayant connu Dieu, ils ne lui ont pas rendu comme à un Dieu gloire ou actions de grâces, mais ils ont perdu le sens dans leurs raisonnements et leur coeur inintelligent s'est enténébré: 22dans leur prétention à la sagesse, ils sont devenus fous 23et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible contre une représentation, simple image d'hommes corruptibles, d'oiseaux, de quadrupèdes, de reptiles. 
24Aussi Dieu les a-t-il livrés selon les convoitises de leur coeur à une impureté où ils avilissent eux-mêmes leurs propres corps ;
 25eux qui ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge, adoré et servi la créature de préférence au Créateur, qui est béni éternellement ! Amen. 26Aussi Dieu les a-t-il livrés à des passions avilissantes : car leurs femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature ; 27 pareillement les hommes, délaissant l'usage naturel de la femme, ont brûlé de désir les uns pour les autres, perpétrant l'infamie d'homme à homme et recevant en leurs personnes l'inévitable salaire de leur égarement. 28Et comme ils n'ont pas jugé bon de garder la vraie connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à leur esprit sans jugement, pour faire ce qui ne convient pas: 29remplis de toute injustice, de perversité, de cupidité, de malice; ne respirant qu'envie, meurtre, dispute, fourberie, malignité; diffamateurs, 30détracteurs, ennemis de Dieu, insulteurs, orgueilleux, fanfarons, ingénieux au mal, rebelles à leurs parents, 31insensés, déloyaux, sans cœur, sans pitié; 32connaissant bien pourtant le verdict de Dieu qui déclare dignes de mort les auteurs de pareilles actions, non seulement ils les font, mais ils approuvent encore ceux qui les commettent ».

Toute pastorale auprès des couples en situation irrégulière ou de même sexe ne peut jamais renoncer au principe "de la vérité et de la cohérence, en vertu duquel elle n’accepte pas d’appeler bien ce qui est mal et mal ce qui est bien" (Reconciliatio et paenitentia n. 34).

f. Qui sommes-nous vis-à-vis des bénédictions et des sacrements ?

Fiducia supplicans met en garde les fidèles contre le risque de se constituer en juge: « Il faut aussi éviter le risque de réduire le sens des bénédictions à ce seul point de vue [qui] nous conduirait à exiger, pour une simple bénédiction, les mêmes conditions morales que celles qui sont exigées pour la réception des sacrements… Le danger existe qu'un geste pastoral, si aimé et si répandu, soit soumis à trop de conditions morales préalables qui, sous prétexte de contrôle, pourraient obscurcir la force inconditionnelle de l'amour de Dieu sur lequel se fonde le geste de la bénédiction.» (FS § 12 et 13).
Le risque existe, dit le Pape, de « nous constituer en juges qui ne font que refuser, rejeter, exclure »[11]. Dès lors, le Pape François nous a exhortés à ne pas « perdre la charité pastorale qui doit passer par toutes nos décisions et nos attitudes » (FS § 13). A chacun de s’interroger sur la qualité de l’aide qu’il demande à Dieu au début du sacrement de réconciliation : « Bénissez-moi mon père parce que j’ai péché ». Ainsi nous pourrons nous engager dans une compréhension plus large des bénédictions.

3.    Conclusion et appels à certains éclaircissements

En définitive, on ne voit pas en quoi les laïcs trouveraient motif à ne pas adhérer à ce document magistériel, s'il est suivi avec foi et discernement. Au demeurant, l’Eglise, par sa déclaration Fiducia supplicans, « n'entend pas légitimer quoi que ce soit » (FS § 40), et demandent aux couples en situation irrégulière et aux couples de même sexe de « ne pas revendiquer la légitimité de leur propre statut » (FS § 31).
L’Eglise est sainte, même si elle est constituée de pécheurs, y compris parmi ses pasteurs. Prier pour l’Eglise, c’est également implorer Dieu pour que les prêtres n’oublient pas que leur mission de « discernement ne pourra jamais s’exonérer des exigences de vérité et de charité de l’Évangile proposées par l’Église » (AL § 300).

C'est pourquoi, certains éclaircissements seraient tout de même bienvenus. L'évêque de Bayonne, dans un commentaire s'interroge pour éclairer les prêtres de son diocèse:

a. Bénédiction d'un couple ou de personnes individuelles?

"La dénomination de « couple » peut-elle raisonnablement être donnée à la relation de deux personnes de même sexe ? N’a-t-on pas intégré un peu hâtivement la sémantique que le monde nous impose mais qui jette la confusion sur la réalité du couple ? Dans son exhortation apostolique Ecclesia in Europa (2003), Jean Paul II écrit : « On observe même des tentatives visant à faire accepter des modèles de couples où la différence sexuelle ne serait plus essentielle » (n. 90). Autrement dit : la différence sexuelle n’est-elle pas essentielle à la constitution même d’un couple ? C’est une question anthropologique qui mériterait d’être précisée pour éviter toute confusion et ambiguïté, car si le monde a élargi cette notion à des réalités qui n’entrent pas dans le Dessein du Créateur, la parole magistérielle ne doit-elle pas assumer une certaine rigueur dans sa terminologie pour correspondre le mieux possible à la vérité révélée, anthropologique et théologique ?" (note du 27 décembre 2023).

b. Quid des relations homosexuelles ?

"Accorder une bénédiction à un « couple » homosexuel, non plus seulement à deux personnes individuelles, semble cautionner par le fait même l’activité homosexuelle qui les relie, même si, encore une fois, on précise bien que cette union ne peut pas être assimilée au mariage. Cela pose donc la question, qui n’est pas abordée dans cette déclaration, du statut moral des relations homosexuelles. Or l’enseignement de l’Eglise, conformément à l’Ecriture Sainte et à l’enseignement constant du Magistère, tient ces relations pour « intrinsèquement désordonnées » (Catéchisme de l’Eglise Catholique n. 2357) : si Dieu ne répugne pas à bénir le pécheur, peut-il dire du bien de ce qui n’est pas conforme concrètement à son Dessein ? Cela ne contredirait-il pas la bénédiction originelle de Dieu quand il crée l’homme à son image : « homme et femme il les créa. Dieu les bénit et leur dit : ‘soyez féconds et multipliez-vous’ » (Gn 1, 28) ?" (note du 27 décembre 2023).

c. Les situations particulières aux divers diocèses. 

Que penser de toutes les églises locales, en particulier africaines, qui appellent leurs diocèses à ne pas pratiquer les bénédictions proposées par Fiducia supplicans. Il n’y a là rien de nouveau. Il s’agit d’une pastorale globale de la famille et le Pape François a toujours reconnu qu’« il y a diverses manières légitimes d’organiser la préparation immédiate au mariage, et chaque Église locale discernera ce qui est mieux » (AL § 207). 


[1] (cf. 1 Jn 2, 20.27)

[2] (cf. 1 Th 2, 13)

[3] (cf. Jude 3),

[4] Paul VI, encyclique Dinitatis Humanae (7.12.1965, § 11-2 et 14-4)

[5] (Ps 103,1).

[6] (Nb 6, 24-26).

[7] « Celui qui demande une bénédiction à l'Église reconnaît l'Église comme sacrement du salut que Dieu offre. Chercher une bénédiction dans l'Église, c'est admettre que la vie de l'Église jaillit du sein de la miséricorde de Dieu et nous aide à avancer » (§ 20).
« Lorsqu’on demande une bénédiction, il s’agit d’une demande d’aide adressée à Dieu, d’une prière pour pouvoir vivre mieux, d’une confiance en un Père qui peut nous aider à vivre mieux » (§ 21).
« Le but de la bénédiction « est d'exprimer aux personnes âgées un témoignage fraternel de respect et de gratitude, et de remercier le Seigneur avec elles pour les bienfaits qu'elles ont reçus de lui et pour les bonnes actions qu'elles ont accomplies avec son aide » (§ 28).
« Le ministre ordonné s'associe aux prières des personnes qui, bien que vivant une union qui ne peut en aucun cas être comparée au mariage, désirent se confier au Seigneur et à sa miséricorde, invoquer son aide et être guidées vers une plus grande compréhension de son dessein d'amour et de vérité » (§ 30).
« On donne une bénédiction qui n'a pas seulement une valeur ascendante, mais qui est aussi l'invocation d'une bénédiction descendante de Dieu lui-même sur ceux qui, se reconnaissant indigents et ayant besoin de son aide, ne revendiquent pas la légitimité de leur propre statut, mais demandent que tout ce qui est vrai, bon et humainement valable dans leur vie et dans leurs relations soit investi, guéri et élevé par la présence de l'Esprit Saint » (§ 31).
« Ces formes de bénédiction expriment une supplication à Dieu pour qu'il accorde les aides qui proviennent des impulsions de son Esprit …afin que les relations humaines puissent mûrir et grandir dans la fidélité au message de l'Évangile, se libérer de leurs imperfections et de leurs fragilités et s'exprimer dans la dimension toujours plus grande de l'amour divin ». (§ 31).
« Avec une sagesse et une maternité inlassable, l'Église accueille tous ceux qui s'approchent de Dieu avec un cœur humble, en les accompagnant avec ces aides spirituelles qui permettent à tous de comprendre et de réaliser pleinement la volonté de Dieu dans leur vie » (§ 32).
« Cette bénédiction … unit la prière d'intercession à l'invocation de l'aide de Dieu par ceux qui s'adressent humblement à lui. Dieu ne rejette jamais celui qui s'approche de lui ! Au fond, la bénédiction offre aux personnes un moyen d'accroître leur confiance en Dieu » (§ 33).
« …proximité de l'Église avec toute situation où l'on recherche l'aide de Dieu au moyen d'une simple bénédiction » (§ 38).
« Par ces bénédictions, …on entend … seulement ouvrir sa vie à Dieu, lui demander son aide pour mieux vivre, et invoquer aussi l'Esprit Saint pour que les valeurs de l'Évangile soient vécues avec une plus grande fidélité ». (§ 40)

[8] Familiaris consortio, n. 84

[9] Mathieu 12, 31-32 : « tout péché et blasphème sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit ne sera pas remis. 32Et quiconque aura dit une parole contre le Fils de l'homme, cela lui sera remis ; mais quiconque aura parlé contre l'Esprit Saint, cela ne lui sera remis ni en ce monde ni dans l'autre. »
Marc 3, 28-29 : « En vérité, je vous le dis, tout sera remis aux enfants des hommes, les péchés et les blasphèmes tant qu’ils en auront proféré ; 29mais quiconque aura blasphémé contre l'Esprit Saint n'aura jamais de rémission : il est coupable d'une faute éternelle ».
Luc 12, 10 : « quiconque … aura blasphémé contre le Saint Esprit, cela ne sera pas remis »

[10] Jean-Paul II, Encyclique Dominum vivificantem, § 46

[11] François, Respuestas a los Dubia propuestos por dos Cardenales, ad dubium 2, d.