Sir Richard Roberts, Prix Nobel de physiologie et de médecine en 1993, spécialiste de biologie moléculaire et pilier de New England Biolabs se bat, dans un interview, contre les discours larmoyants dénonçant les OGM. Ce qu'on attend d'un prix Nobel, c'est qu'il ait les connaissances pour nier qu’il puisse exister le moindre risque à l'utilisation des OGM. Son argument sur l'utilité pour les pays pauvres est à considérer avec circonspection, car la morale de l'utilité n'est pas toujours une bonne morale. Mais en scientifique, il affirme: "Il n’existe aucun danger avéré. Tout est une question d’utilisation".

Sources: "l'opinion.fr" - 31 août 2015

Transcription "les2ailes.com"

Nous transcrivons intégralement l'interview de Richard Roberts

Comment jugez-vous l’évolution de la question des OGM en Europe ?

Je suis forcé d’admettre qu’il est très compliqué de détecter le moindre progrès, même si certaines avancées ont été faites. Le vrai problème est que Greenpeace et l’ensemble des partis écologistes ont répandu des mensonges à travers le continent et qu’il est devenu très difficile pour le public et même les politiques de comprendre où se situe la réalité.

Les écologistes ne sont-ils pas dans leur rôle en mettant en garde contre de possibles dangers ?

Je dirais qu’ils ont surtout réalisé l’intérêt politique qu’il y avait à être contre les OGM. Ces partis se sont tenus au fait qu’en voulant introduire des récoltes OGM en Europe, Monsanto a créé une sorte de peur généralisée de l’appropriation de l’approvisionnement européen en nourriture. Les Verts, ne pouvant attaquer Monsanto directement car celui-ci fournit par ailleurs l’essentiel des semences qui poussent à travers l’Europe, ont choisi de s’attaquer aux OGM pour s’en prendre indirectement à Monsanto. Ces deux problématiques leur ont permis de gagner du pouvoir et de récolter des fonds, alors même que ce qu’ils faisaient était moralement répréhensible. Ce n’est pas parce que l’Europe n’a pas besoin d’OGM que c’est le cas pour le reste du monde.

Comment les pouvoirs publics et la communauté scientifique doivent-ils répondre face à ces discours ?

La seule réponse valable passe par l’éducation. Il faut expliquer aux acteurs politiques, aux enseignants et à tous ceux qui sont en charge de transmettre que Greenpeace ment et établit des contre-vérités. Le problème est qu’ils ont pour eux l’aspect émotionnel, qui sert à convaincre les gens que les OGM sont dangereux. C’est toujours beaucoup plus simple de convaincre de cette manière qu’en essayant de faire comprendre qu’il n’y a rien à craindre. D’ailleurs, lorsque vous essayez de faire valoir ce point de vue, vous êtes immédiatement accusé d’être payé par les grandes firmes internationales. Les scientifiques, quant à eux, doivent s’attacher à rappeler que seul un très faible nombre d’entre eux sont opposés à l’utilisation des OGM et que tous les grands chercheurs du monde disent qu’ils ne représentent aucun danger. Tous.

Pourtant leur message n’est pas entendu. Comment pensez-vous pouvoir faire entendre vos arguments ?

A mes yeux, il n’y a qu’une manière de contrer l’émotion : la morale. Nous ne pouvons pas laisser les gens des pays en développement mourir de faim en leur refusant l’utilisation des OGM. Le Golden Rice, littéralement le riz doré, est à ce sujet un excellent exemple. Il y a plus d’un million d’enfants qui meurent chaque année à cause d’un manque de vitamine A. Une manière de se prémunir de ce problème, dans de nombreux pays, serait de leur fournir du Golden Rice. Cela pourrait empêcher la mort de très nombreux enfants. A mes yeux, voici un argument moral suffisamment fort pour que le monde puisse le comprendre et changer le regard qu’il porte sur la question des OGM. Ce que je veux vous faire comprendre, c’est que lorsque Greenpeace s’oppose aux OGM, il s’oppose à ce que l’on aide ces enfants.

Pouvez-vous expliquer ce qu’est le Golden Rice, que vous prenez en exemple ?

Il s’agit d’une forme particulière de riz génétiquement modifié qui peut créer du bêta-carotène, un système précurseur de la vitamine A. Il ne s’agit que d’une modification génétique très simple. Or il faut comprendre que tout ce que l’on mange a été transformé génétiquement. Un exemple, à Hawaï. Il y a vingt ans, un virus transmis par un insecte venu du Japon a failli détruire toute la production de papaye. Les agriculteurs ont tout essayé pour le faire disparaître, mais en vain. Un scientifique a donc eu l’idée de transformer un gène issu d’une partie inoffensive du virus, pour l’implanter dans la papaye et lui permettre de se défendre. Le chercheur s’est rapproché de Monsanto pour produire cette cellule. L’entreprise a accepté et a fourni une licence gratuite de sa technologie à une association de fermiers hawaïens. Cette association s’est ensuite chargée de livrer, gratuitement dans un premier temps, cette semence aux agriculteurs. Cela a sauvé ceux qui vivent de l’exploitation de la papaye et, bien sûr, sans le moindre incident pour la santé. Comme d’ailleurs pour l’ensemble des OGM, dont jamais personne n’a été en mesure de dire qu’ils avaient provoqué le moindre mal. Il y a des millions de personnes qui en consomment chaque année sans problème et pourtant Greenpeace ne cesse de répéter qu’ils sont dangereux. Nous avons aujourd’hui toutes les techniques nécessaires pour les développer sans le moindre danger.

Vous niez qu’il puisse exister le moindre risque à leur utilisation ?

Absolument. Tout le monde cherche à savoir ce qui est bon ou mauvais dans les OGM, mais en fait, il n’existe aucun danger avéré. Tout est une question d’utilisation. Regardez ce qu’à fait Alfred Nobel, il a inventé la dynamite ! Eh bien, il y de bons et de mauvais usages de la dynamite. Grâce à elle, nous avons pu creuser des tunnels, explorer des chemins où il était impossible d’aller, etc. Puis les militaires sont arrivés et se sont approprié cette technique pour de mauvaises raisons. Regardez l’automobile. Voilà sans doute une des choses les plus dangereuses que nous ayons construites, il n’y a pourtant aucun mouvement réclamant qu’elle soit supprimée à cause de tous les accidents qu’elle cause. Il n’y a aucune différence avec les OGM. Personne n’a jamais suggéré d’en faire de mauvais usages. Ils doivent permettre d’aider les plus pauvres de notre monde et ne pas le faire est criminel.
Une partie du problème est qu’il est facile de faire peur aux gens et le travail de ceux qui luttent contre les OGM s’en trouve facilité. Les scientifiques, eux, doivent être plus prudents. Ils ne peuvent jamais garantir telle ou telle hypothèse car oui, il y aura toujours une façon d’utiliser un procédé à mauvais escient. Mais la façon dont aujourd’hui les OGM sont utilisés, notamment par l’industrie agricole, n’est pas mauvaise. Si les militaires s’en emparaient, je m’inquiéterais, mais je n’ai pas à m’en faire vis-à-vis des agriculteurs et des sociétés qui investissent dans ces recherches. Ces gens, pour la plupart, veulent aider ceux qui en ont besoin, pas les tuer.

A quoi attribuez-vous ce que vous assimilez à de la désinformation ?

Un des problèmes actuels est que l’éducation se fait aujourd’hui par le biais de la télévision. Or, les commentateurs et les journalistes n’aiment rien tant que prétendre qu’il existe des controverses, alors même que 99,9  % des scientifiques sont d’accords sur le sujet. Comme s’il y avait un équilibre dans les points de vue… Il en va de même avec le dérèglement climatique. Il ne s’agit pas d’un pseudo-phénomène, ce réchauffement est bien réel. Certains veulent se mettre la tête dans le sable en prétendant que cela n’existe pas, alors que toutes les études raisonnables faites par les scientifiques reconnus prouvent qu’ils ont tort. Et, parfois, les journalistes ont tendance à vouloir dire que les choses ne sont pas aussi claires.

Le Premier ministre indien a récemment autorisé l’usage des OGM, pourquoi les choses sont-elles plus compliquées en Europe ?

Je pense qu’au fond, le problème est que l’Europe n’en a pas besoin. Son peuple ne manque pas de nourriture. Pourtant cette malnutrition affecte les peuples pauvres du reste du globe, qui ont besoin des OGM pour survivre. L’Europe est dans un sens trop riche pour comprendre l’importance que cela revêt. L’Europe a développé des techniques agricoles très perfectionnées, très en avance sur ce que peuvent faire les pays en développement. Ma préoccupation actuelle est que les OGM puissent aider ceux qui en ont besoin. C’est idiot d’être contre. J’aime prendre l’exemple d’une chose qui ne souffre d’aucune contestation alors même qu’il s’agit d’un organisme génétiquement modifié. Il s’agit d’une bactérie qui produit l’insuline. Or je n’entends aucun mouvement écologiste demander à ce que nous arrêtions de l’utiliser. A ce que j’en sais, les gens meurent du diabète, pas d’utiliser un produit issu de gènes modifiés. Parfois, il faut utiliser le sens commun plutôt que de se laisser submerger par l’émotion avec laquelle on veut effrayer les gens. Greenpeace se bat pour que l’on ne tue pas les baleines mais dans le même temps, ses membres semblent ravis de laisser mourir plus d’un million d’enfants chaque année en refusant qu’on leur donne du Golden Rice.