L’union Européenne veut imposer, dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC) que les exploitations agricoles consacrent 7% de leurs surfaces à des espaces d’intérêt écologique.
Lors d’un colloque organisé par Proléa, le 31 mai à Paris, sous le thème « Agriculture et biodiversité, quelles réflexions ? Quelles actions ? », Michel Griffon, président de l’Association pour l’agriculture écologiquement intensive (AEI), a déclaré qu’il était possible de cultiver l’ensemble des terres d’une exploitation agricole tout en favorisant la biodiversité.
Certains participants se sont inquiétés d’une dérive de l’Europe vers une gestion administrative et policière de la biodiversité.

Source : AGRA Presse Hebdo - N° 3353 - Lundi 4 juin 2012 (page 46)

Commentaire "les2ailes.com"

Quelles sont les propositions de l’UE en la matière ?

Les ministres de l’agriculture de l’UE ont débattu des options de « verdissement » de la PAC mardi 15 mai 2012. En novembre 2011, la Commission avait proposé qu’un paiement « vert » soit octroyé à chaque agriculteur éligible, en contrepartie du respect de trois mesures là où elles sont pertinentes :

  • au moins trois cultures sur les terres arables,
  • maintien des prairies permanentes à 95%
  • et avoir 7% de surfaces d’intérêt écologique.

Dans ces propositions, le plus incroyable ressort de l’idée que les agriculteurs biologiques puissent recevoir ce paiement automatiquement.

Pourquoi une telle discrimination quand on sait que la réglementation « bio » n’exige aucune obligation de résultat[1], et que les engagements  de moyens sont, par principe assortis de clauses de sauvegarde surprenantes par rapport à ce qu’attendent les consommateurs : « en cas de menace avérée pour une culture, des produits phytopharmaceutiques ne peuvent être utilisés que s'ils ont fait l'objet d'une autorisation d'utilisation »[2].

Les propositions de l’Union européenne ont suscité de nombreuses réactions, notamment sur la meilleure manière de « verdir » la PAC. La première critique tient au manque de flexibilité des trois mesures pour pouvoir s’appliquer uniformément sur toutes les fermes de l’UE. La seconde critique porte sur la crainte des Etats d’une surcharge administrative alors que la simplification est un des objectifs de la réforme. Combien faudra-t-il de fonctionnaires pour contrôler lesdites obligations ? Une approche basée sur la confiance, l’expertise et les expériences existantes ne serait-elle pas plus efficace ?

Les contre propositions de l’Agriculture intensivement écologique

Lors d’un colloque organisé à Paris le 31 mai par Proléa, Michel Griffon remet ainsi en cause la volonté de la PAC 2014-2020 d’imposer 7% de surfaces d’intérêt écologique sur les exploitations agricoles, déclarant « qu’il y a mieux à faire….Les agriculteurs doivent proposer des mesures d’Agriculture Ecologiquement Intensive (AEI) acceptées par la société et la PAC », a indiqué Michel Griffon, président de l’association AEI.

De son côté, Christian Rousseau, membre fondateur de l’Institut de l’agriculture durable (IAD) et président délégué de Vivescia, a prôné la conciliation de la productivité et de la protection de l’environnement en modifiant les pratiques agricoles autour et au niveau des parcelles cultivées. Il a ainsi montré que les techniques culturales simplifiées ou de non-labour permettaient d’augmenter significativement la vie des sols, qui constitue une forme de biodiversité. Selon lui, « en minimisant le travail du sol, en pratiquant les inter-cultures et en favorisant les rotations tous les indicateurs du développement durable se mettent au vert sans antagonisme avec la productivité ».

Il faudrait définir une grille plus ouverte pour les surfaces d’intérêt écologique.

Pour Christian Rousseau, « il faut définir une grille pour atteindre les 7% de surfaces d’intérêts écologiques valorisant les systèmes de cultures innovants ». Il propose de donner des coefficients à différentes mesures favorisant la biodiversité en estimant leurs effets. Ainsi, la mise en place de haies, de bandes enherbées, de surfaces jamais labourées ou le nombre de jours où les parcelles sont couvertes, pourrait constituer des points favorables à la biodiversité. Il a aussi cité les plans de campagne incitant aux associations de cultures en colza, permettant d’étouffer les adventices lors de la croissance de la plante, puis restituant de la matière organique aux cultures par la suite. Il a ensuite souligné le caractère dynamique du développement de la biodiversité, qui selon lui nécessite un accompagnement des agriculteurs par les politiques agricoles qui doivent pouvoir s’ajuster.


[1] En matière d’obligation de résultat, on s’étonne de cette déclaration faite au Sénat, devant la mission d’information sur les pesticides, le 17 avril 2012, par André Picot, toxico-chimiste, directeur de recherche honoraire au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) : « en Alsace, à Colmar… une veuve a repris la tradition familiale d’élevage de moutons. Dans sa ferme, au-dessus de la plaine d’Alsace, des sources alimentaient le cheptel et l’habitation. Une mortalité inquiétante des moutons a fini par alerter un vétérinaire de Lyon : la couleur vert foncé des foies autopsiés signalait du cuivre. On s’est alors aperçu que des bouteilles contenant un mélange de pesticides connu sous le nom de bouillie bordelaise avaient été volontairement enterrées près des points d’eau. Outre la mort de 600 moutons, la mère de l’éleveuse est décédée d’une cirrhose, alors qu’elle n’avait jamais bu une goutte d’alcool de sa vie. Il faut savoir que le cuivre en excès est stocké dans le foie mais qu’on n’en décèle pas l’excès dans le sang. L’éleveuse est alors allée voir des toxicologues allemands, qui ont fait les bonnes analyses. C’est ainsi qu’a été découverte l’intoxication au cuivre. L’affaire est ensuite allée au pénal, un empoisonnement étant suspecté.
Le juge, opiniâtre, a suggéré à la plaignante de trouver un expert. Le cuivre est une substance dont la nocivité est connue depuis la nuit des temps. Les viticulteurs qui voulaient se débarrasser de leur voisin se passaient, paraît-il, le mot. Stocké dans le foie et les cartilages, le cuivre est difficilement décelable, et, en tout cas, pas au moyen d’une simple analyse de sang ».
Cette information n’a fait l’objet d’aucun gros titre dans la presse. Elle aurait risqué de porter ombrage à l’image de l’agriculture « dite bio », qui fait croire que ses pratiques sont une garantie de résultat pour la santé humaine et pour la protection de l'environnement!

[2] Règlement de la Commission Européenne n° 834/2007 (art 12-1,h)