La revue Sciences express a publié le 15 janvier 2015, une prétendue étude scientifique intitulée : "Planetary Boundaries: Guiding human development on a changing planet". Dix neuf auteurs y analysent une série de neuf critères justifiant, selon eux, des entraves à l’activité humaine sous forme de "limites planétaires".
Johan Rockström,  un des co-auteurs, a longuement présenté les conclusions au « forum économique mondial » de Davos, les 21-24 janvier 2015. Nul doute que les principaux dirigeants de la planète seront convaincus de l’urgence de mesures de décroissance puisque, selon un des auteurs,  "la civilisation a dépassé quatre des neuf soi-disant limites planétaires".
Cette étude vient à l'appui de l'ONU qui doit adopter les "Objectifs du développement durable" pour les années 2015-2030 et qui a associé "limites planétaires" et population. Elle en a fait son Groupe Thématique n°1  intitulé "Macroéconomie, dynamique des populations, et limites planétaires". Cette association est un aveu évident du malthusianisme qui règne au sein des instances internationales sous couvert de développement durable.
Les2ailes.com proposent une série d’articles, de (1) à (9), reprenant chacune de ces limites pour montrer leur caractère pseudo-scientifique. Un dixième article (10) tirera une conclusion sur l’absurdité même de ce concept de « limites planétaires ».
Ce cinquième article concerne les engrais, considérés comme la cinquième limite de l’étude  « Planetary Boundaries » (PB). Qu’en est-il ?

Commentaires "les2ailes.com"

1- Le contenu général de l’étude "Planetary boundaries"

L’étude utilise le concept de « limites planétaires » définies  comme « un espace de fonctionnement sûr pour l'humanité basée sur les processus biophysiques intrinsèques qui régulent la stabilité du système terrestre ».
Dans cette étude, les auteurs prétendent « réviser et actualiser le cadre des limites de la planète, avec un accent mis sur les fondements de la science biophysique fondement, basés sur les observations ciblées des communautés de recherche d'experts ainsi que les avancées scientifiques plus générales réalisées au cours des 5 dernières années. Plusieurs des limites ont maintenant une approche à deux niveaux, ce qui reflète l'importance des interactions trans-sectorielles et de l'hétérogénéité des processus au niveau régional que sous-tendent les limites. Deux limites fondamentales - le changement climatique et l’intégrité  de la biosphère -  ont été identifiées, chacun d’eux ayant un potentiel sur la manière de gérer le « Système-Terre » vers un nouvel état à ne pas transgresser substantiellement et continuellement ».

2- Les critères retenus par l’étude "Planetary boundaries"

L’étude retient 9 critères: 

  1. Le Changement climatique, fixant une limite d’émission de CO² dans l’air
  2. L’intégrité de la biosphère, fixant une limite de disparition d’espèces
  3. La réparation du « trou d’ozone » est considéré comme un fait acquit du fait de limites antérieures, le zéro CFC.
  4. L’acidification des océans serait évitée en appliquant la limite de CO2 retenue pour le climat
  5. Les flux de phosphore et d’azote en fixant des limites d’usages d’engrais
  6. Les changements de macro-écosystèmes en limitant les déforestations
  7. Les usages d’eaux douces en limitant les usages aux « exigences de flux écologiques des rivières »
  8. Les nouvelles entités chimiques dont l’analyse n’a pas encore permis de fixer une valeur limite
  9. Les aérosols et particules fines atmosphériques dont l’analyse n’a pas encore permis de fixer une valeur limite

Ils sont représentés et mesurés sous forme d’un graphique. Les couleurs sont sensées représentées la gravité des situations par rapport à chacune de ces limites.

Nous tirerons des conclusions dans un dixième article, mais, analysons le cinquième critère : l'usage des engrais.

3- Ce que dit l’étude "Planetary boundaries" sur l’usage des engrais

L’étude ne s’intéresse pas à tous les éléments chimiques. Elle fait un choix arbitraire : « pour l'instant nous nous concentrons sur le phosphore (P) et l'azote (N) seulement ».  Le choix n’est pas anodin, car il s’agit de deux éléments essentiels pour la fertilisation et l’agriculture. Sans ces éléments, c’est toute la sécurité alimentaire qui serait remise en cause.

3.1-  En ce qui concerne le Phosphore

L’étude utilise un indicateur de flux de Phosphore exprimé en mégatonnes/an (Tg Py-1).
L’étude évoque les risques d’eutrophisation par le Phosphore, c’est à dire les risques de certains milieux terrestres ou aquatiques exposés à un « excès » chronique de nutriments. Certes, il peut y avoir localement des constats d’eutrophisation. Mais faut-il parler de « limite planétaire » globale quand on voit les grandes masses qui sont en jeu dans le cycle du Phosphore ?

3.2- En ce qui concerne l’Azote

L’étude utilise comme indicateur les flux d’Azote exprimés en Tg Ny-1.  L’étude "Planetary boundaries", propose une limite globale de fixation d’azote d’origine humaine et industrielle de 62 Tg N y-1. De la même manière que pour le Phosphore, l’étude « suggère une redistribution des N », avec le même argument plus émotionnel que scientifique : « Ce pourrait simultanément augmenter cultures production mondiale et réduire la transgression de la limite de niveau régional ».

4- Le cycle du Phosphore

4.1- Les mécanismes du cycle du phosphore

Le cycle du phosphore est unique car il n’existe pas sous forme de gaz dans l’air.. Dans la nature, il existe sous forme de minerais d’oxydes de calcium ou de fer qu’on appelle les phosphates de calcium. Le transfert du phosphore d’un réservoir à un autre n’est pas contrôlé par les microbes. Ce sont des enzymes qui cassent ces phosphates pour que le phosphore soit absorbable par les plantes. Les excédents de phosphore sont dissous dans les eaux, rejoignent la mer et sont absorbés par les petites algues et bactéries marines appelée le « plancton ». A la mort de ces organismes vivants, le phosphore réagit à nouveau avec le calcium contenu dans les océans et se dépose pour constituer de nouveaux stocks de phosphates.

4.2- Faut-il limiter les usages d’engrais phosphorés.

L’étude "PB" a une approche globale et moyenne des limites qui n’a pas grand sens. Elle suggère une redistribution des épandages de  Phosphore « des zones où il est actuellement en excès pour les zones où le sol est naturellement pauvre en Phosphore ». La proposition faite est de  « simultanément augmenter la production agricole mondiale et de réduire la transgression de la limite au niveau régional P ». L’idée est certes généreuse mais peu scientifique. En effet, on peut souhaiter que les transferts de technologie de fertilisation augmente dans les pays à faible productivité agricole, mais, cette thématique de « redistribution » induit deux idées fausses :

  • Celle qu’il y aurait pénurie de ressources de Phosphore. 
    Or les stocks de phosphore sont considérables 4 milliards de gigatonnes dans le seul réservoir sédimentaire. Selon les sources, il y aurait entre 10.000 et 140.000 gigatonnes exploitables selon les conditions d’extraction retenues [1].
    Les flux d’origines naturelles les plus importantes sont de l’ordre de 1000 Tg Py-1 entre les milieux vivants et les océans. Au niveau des sols, l’intervention humaine n’est que de 12 Tg Py-1 alors que la seule dégradation des plantes génère un flux de 63,5 Tg Py-1 dans les sols.
  • Celle que la «  redistribution » limiterait les « risques d'eutrophisation généralisée des systèmes d'eau douce, à un débit de 6,2 Tg y P-1 (provenant des engrais (P extrait) à sols sensibles à l'érosion ». Mais rien ne prouve que ce type de limite moyenne puisse s’appliquer à l’immense diversité des écosystèmes, de leurs composantes pédologiques, géologiques, ou géographiques, ni des technologies agricoles utilisées.

Dès lors, il n’est pas sérieux d’utiliser, dans une étude scientifique, un langage moral en parlant de « transgression des limites ».

 

5- Le cycle de l’azote

Le cycle de l’azote est une accumulation de processus cycliques :  la fixation biologique, la minéralisation (ammonification et nitrification), la dénitrification, la volatilisation ammoniacale et immobilisation

5.1- Les mécanismes en jeu dans le cycle de l'azote

  • Les mécanismes d’oxydation de l’azote

* La fixation de l'azote est la transformation du N2 de l'atmosphère en ammoniac et son intégration directe ou indirecte dans le métabolisme de la plante.
Les éclairs dans l’atmosphère, est une source peu importante de fixation de l’azote (2 à 20 Tg Ny-1).
La fixation de l’azote de l’air est le processus qui permet à certaines bactéries, algues ou plantes de transformer l’azote en ammoniac, que ce soit l’azote contenu dans l’air, dans les sols ou dissous dans les océans. La formule est la suivante : 2N2 + 3 (CH2O) + 3 H2O → 4NH4+ + 3 CO2
L’assimilation organique est ensuite  directe par l’intermédiaire des radicaux organiques (R) de la plante : NH3 → R-NH2 , ou indirecte après une nitrification : NH3 + O2 → NO2- →NO3-→R-NH2
Cette assimilation représente environ 135 Tg Ny-1.

* La nitrification NH3 + O2 → NO2- →NO3-→R-NH2 se fait, elle aussi, sous l’effet des micro-organismes. Elle est source d’acidification des sols. Les nitrates sont très solubles dans l’eau du sol ce qui permet leur acheminement facile vers les racines.

* La fixation anthropique de l’homme, sous forme de fertilisation est aussi importante que celle d’origine biologique.

  • Les mécanismes de désoxydation de l’azote

 

* La minéralisation, par "ammonification", c’est à dire     R-NH2 → NH4

* La dénitrification résulte de la respiration des bactéries dé-nitrifiantes : 
4NO3 + 5R-OH  → N2+ CO2 . Dans l’océan, ce processus, aussi appelé anammox, représente la moitié de l’azote émis vers l’atmosphère. 
Le taux de dénitrification dans les sédiments est difficile à estimer, mais se situe vraisemblablement entre 180 et 300 TgNy-1. Celui dans les océans est également difficile à mesurer à cause des larges variations spatiales. Il se situe dans une fourchette comprise entre 65 et 150 TgNy-1. Des taux particulièrement élevés sont mesurés dans des zones à faibles taux d’oxygène comme l’est de la zone tropicale du Pacifique et le nord-ouest de l’océan Indien.

 

  • Le cycle de l’azote : un moteur bactérien

 

Le cycle de l’azote est donc, pour l’essentiel, d’origine bactérienne, comme le montre bien ce schéma.

5.2- Les masses en jeu du cycle de l’azote

L’immobilisation de l’azote se constate sous plusieurs formes [3].

* Dans les minerais et les matières organiques fossilisées
Cette réserve représente environ 190.000.000 Tg N et Le taux d’enfouissement dans les sédiments marins est estimé entre 10 et 25 Tg Ny-1.  Il a été observé dans les sédiments marins que la perte d’azote de l’océan est particulièrement élevée durant les périodes de déglaciation. En soustrayant un élément nutritif essentiel et limitant ainsi la production phyto-planctonique et la fixation de CO2, et en conséquence permettant à la concentration atmosphérique de CO2 d’augmenter, le cycle de l’azote agirait ainsi dans le sens d’une rétroaction positive aux changements de température.
Les nitrates sont très solubles. C’est pourquoi on parle de lixiviation de l’azote des sols, c’est à dire d’une forme de lavage des sols. Dès lors, l’azote migre d’un milieu humide vers d’autres environnements liquides, (nappes phréatiques, rivières, puis océans). On parlera d’eutrophisation du milieu si l’azote s’y accumule en excès.
Malgré tout, on trouve de l’azote, à l’état de minerai, par exemple sous forme de Caliche, forme de salpêtre, au Chili et au Pérou (Nitrates de sodium), ou de nitrates de potassium.
L’azote est également immobilisé sous forme de matières organiques fossilisées dans les pétroles.

* Dans l’atmosphère
La masse d’azote dans l’air est de l’ordre de 3.900.000 TgN. L’azote, sous forme de N2, constitue 78,08 % du volume de l’atmosphère. Le N2 est un composé chimiquement inerte. Cela explique que 99% de l’azote à la surface de la Terre se retrouve sous forme de N2 dans l’atmosphère. L’atmosphère contient aussi des petites quantités de NO, NO2 et N2O.

* Dans les océans
L’azote y est présent sous forme ionique, soit les anions de nitrite NO2 - ou de nitrate NO3 -, soit le cation ammoniac NH4+.
La quantité est faible : 23.500 TgN,

* Dans les sols
Le complexe argilo-humique est une structure formée d'argile et d'humus. L'humus est la fraction "stable" de la matière organique du sol, c'est-à-dire qu'elle est peu sujette à la minéralisation. Les particules d'argiles et d'humus étant tous deux chargés négativement, ils retiennent les cations, en particulier ammoniaqués. Ils retiennent moins fermement les anions, PO43- ou NO3- provenant, par exemple, des engrais. C’est ce qui rend les anions assimilables par les plantes.
Les quantités d’azote bloquées par les sols, sont encore plus faible : 460 TgN

* Dans les plantes et les animaux, la masse d’azote ne représente que 15 TgN, sous forme d'azote organique.

6- Les liens entre le phosphore et l’azote dans le monde du vivant

6.1- Que dit l’étude "Planetary boundaries" ?

 

L’étude s’appuie sur l’idée que « la principale perturbation anthropique des deux cycles N et P découle de l'application d'engrais ». Or, disent les auteurs, « les liens entre les limites de  N et P déterminées indépendamment  doivent être analysés en l’intégrant avec le concept de rapport N/ P sur l’ensemble des cultures de plantes agricoles. L’application de ce ratio, qui est en moyenne de 11,8 [4], à la limite P (6,2 Tg Py-1) donne une limite de 73 N TgNy-1. Inversement, son application à la limite N (62 TgNy-1) donne une limite de P de 5,3 TgP y-1. Les petites différences entre les limites établies à l'aide du rapport N/P et celles calculées indépendamment, qui sont des différences non significatives probable étant donné la précision des données disponibles pour les calculs, montrent la cohérence interne dans notre approche les limites biogéochimiques ».

6.2- Que penser du rapport N/P ?

  • Un indicateur N/P éminemment variable

 

La cohérence n’est qu’apparente. Le rapport de 11,8 est calculé comme une moyenne de « 38 champs d’expérience » [5]. On ne peut tirer de ce ratio un objectif moyen planétaire. Tout dépend des biotopes locaux, terrestres ou marins. Tout dépend si on veut observer les milieux végétaux cultivés ou sauvages, ceux des micro-organismes vivant en eaux douces ou marines.
On ne peut pas, en même temps, se réjouir de la biodiversité et en même temps vouloir enfermer les biotopes dans de tels ratios.
Ce ratio signifie simplement qu’il y a des équilibres nutritifs qui obligent les flores à minéraliser plus d’azote libre en présence d’un excès de phosphate et réciproquement : on a observé, dans les milieux marins éloignés des côtes, que les cyanobactéries marines fixent l’azote nécessaire au rétablissement du rapport N/P qui correspond à la composition planctonique. Une telle constance du rapport N/P de l’eau de mer et sa coïncidence avec celui du plancton témoignent du contrôle de la composition du milieu par les organismes [6].
Un rapport d’Ifremer explique que « le rapport N/P est en fait très variable selon les milieux : les rapports N/P, comme l'avait déjà pressenti Cooper (1938) sont en général très variables. Ainsi, McGill (1965) mentionne des variations très importantes de ce rapport en Méditerranée, avec des valeurs extrêmes comprises entre 1,39 et 23,44 » [7]. Cette fourchette est donc très large par rapport à la valeur moyenne retenue par les auteurs de notre étude.

  • Un indicateur N/P induisant de faux dangers

Mais, un rapport peut rester constant, si on augmente les deux termes du rapport. Ce qui conduit les auteurs à ne pas augmenter les limites de chacun des termes du rapport, tient à la volonté de ne pas augmenter les apports de nitrates dans les eaux. Les directives fixent la limite de concentrations en nitrate à 50mg/l de nitrate. Cette cohérence globale induit, à tort, deux types de dangers :

-   Le faux danger sanitaire des nitrates dans l’eau.

La limite de 50 mg/l n’est fondée sur aucune réalité sanitaire . Or, la toxicité des nitrates est très discutée. L’oxyde nitrique (NO) joue dans le rein un effet tonique et empêche la production de collagène. Le professeur Cabrol dit également : « Les nitrates sont des nutriments tellement utiles qu’il importe d’en informer le public, en attendant l’évolution des normes et des recommandations alimentaires » [8]. Un régime riche en nitrates favorise la réduction de la consommation d’oxygène pendant l’exercice physique. Le Dr Jean-Louis L’hirondel ajoute : « Les autorités sanitaires considèrent que le nitrate dans l’eau de boisson constitue un danger car le nitrate est transformé en nitrite dans le corps humain, particulièrement chez le nourrisson, nitrite qui empêche la fixation d’oxygène par le sang (méthémoglobinémie) et provoque l’asphyxie. En suivant la logique de ce raisonnement, toute préparation à base de légumes devrait être interdite, ce qui serait absurde sur un plan nutritionnel et sanitaire. Les légumes contiennent parfois de fortes doses de nitrate : 1 kg de radis en contient par exemple plus de 2000 mg » [9].

Quant aux risques de méthémoglobinémie liés aux nitrites, ils sont tellement rares que le Pr. Christophe Dupont, pédiatre qui devait intervenir à un colloque en 2000, avait eu du mal à préparer son exposé, faute de cas avérés et n’ayant jamais pu observer lui‐même ce syndrome. Pour le colloque 2011, il a décliné l’invitation du Dr L’hirondel, n’ayant jamais observé depuis 10 ans le moindre cas de méthémoglobinémie. Pour le professeur John Fawell, « une norme plus flexible (50 à 100 mg/l ?) serait souhaitable car il reconnaît qu’il n’y a pas de base à son élaboration. La norme pourrait très bien être relevée à 100 mg/l si l’eau du robinet est saine microbiologiquement.   C’en est au point que l’OMS demande qu’on lui prouve scientifiquement que les nitrates sont bénéfiques alors qu’elle a instauré les normes sans aucune justification scientifique solide. Pourquoi donc maintenir une norme nitrate complètement infondée ?

Le Dr Jean-Marie Bourre n’hésite pas à conclure que « les nitrates et nitrites sont utilisés depuis des milliers d’années comme conservateurs alimentaires, notamment pour leur effet bactéricide. L’oxyde nitrique a un rôle de régulation du système immunitaire ce qui en fait l’une des plus importantes molécules pour notre corps . L’effet bénéfique sur le plan cardiovasculaire est tel qu’il est totalement irresponsable de ne pas prescrire une alimentation riche en nitrates. Les implications dans la prévention et le traitement des pathologies cardiovasculaires sont colossales. Le prix Nobel Louis Ignarro est formel : il faut reconsidérer le nitrate et le nitrite  ».

Reste que le thème du nitrate est une bombe sur un plan politique et électoral. Comment une erreur aussi grossière peut‐elle perdurer aussi longtemps ? La seule puissance du lobby écologiste suffit elle à l’expliquer ? Les mouvements écologistes, donneurs de leçons, tentent de se draper d’une légitimité scientifique pour faire passer leurs idées.

- Le faux danger des nitrates pour l’environnement.

Ce thème de l’eutrophisation des milieux a un écho particulier en France avec la manière dont les médias ont mis en exergue le sujet des « algues vertes ». Or, cette question est loin, également, de faire l’unanimité.

Certains faits sont incontestables :
-    C’est la décomposition par putréfaction des ulves et entero-morphes, dites « algues vertes », qui peut produire de l’hydrogène sulfuré (H2S), gaz toxique au-delà de certaines concentrations, difficilement atteintes en plein air.
-    En dehors de ce phénomène, les ulves ne sont pas toxiques. Elles sont même comestibles par l’homme et par les animaux. Dans la nature, elles sont consommées par de nombreux animaux tels que les bigorneaux, les ormeaux, les oursins…

Mais est-il prouvé que l’agriculture intensive soit la cause de ces proliférations?
Une fois de plus, il semble bien que les scientifiques en mal d'écologie tombent dans la vieille manie de courir aux explications avant d’avoir examiné les faits dans leur objective complexité. Comme le disait Bossuet, " le plus grand dérèglement de l’esprit, c’est de croire que les choses sont comme on voudrait qu’elles fussent". Dans le scientifiquement correct, ce dérèglement-là est bien connu. Pourtant:
-    La prolifération des algues vertes est un phénomène répandu dans de nombreuses régions du monde : Chine, Cuba, Espagne, fjords de Norvège, Pays-Bas, Danemark, lagunes de Venise et de Tunis, Sénégal… Il n'y a pas que la Bretagne nord à être concernée!
-    Même en France, au-delà de certaines côtes bretonnes, elles sont observées dans le Cotentin, en baie de Somme, en Charente-Maritime, en Martinique ou dans les étangs et lagunes du Languedoc - Roussillon.
-    C’est un phénomène ancien puisque des échouages d’ulves sur les côtes de la Manche sont rapportés depuis le début du XXème siècle. Dès les premières photographies aériennes de l'IGN en 1952, les rideaux d’ulves sont visibles sur les baies aujourd'hui  les plus concernées.
-    Sur les bassins versants de la baie de Lannion, très touchée par la prolifération des algues vertes, on rencontre des systèmes de polyculture-élevage relativement peu intensifs ; on n’y compte pratiquement pas d’élevage hors-sol, et de nombreuses surfaces sont occupées par des prairies permanentes.
-    La prolifération d’ulves
* se manifeste dans les baies propices, quels que soient les flux d’azote déversés par les cours d’eau. De plus, les quantités d’ulves ne sont nullement corrélées aux flux d’azote rejetés. 
* Est observée dans les baies présentant deux caractéristiques: du sable à faible pente, favorisant l’effet de lagunage, et l’absence de dispersion des masses d’eau vers le large qui reste piégée en fond de baie.
-    L’azote du milieu marin ne provient pas uniquement des cours d’eau et les apports des cours d’eau ne représentent qu’une partie de l’azote disponible dans le milieu marin. Aussi, compte tenu des masses en jeu et des besoins des ulves, aucune carence en azote capable de réduire la croissance des algues ne pourra jamais être observée. Les actions sur les nitrates dans les bassins versants n’auront pas d’effet sur la prolifération des ulves. 
Resterait alors la question de la nocivité prétendue des nitrates sur la consommation humaine des eaux provenant des nappes phréatiques. C’est un autre sujet très contesté qui a été étudié dans un livre de Jean L’Hirondel « les nitrates et l’homme – toxiques inoffensifs ou bénéfiques ? ». Ce livre a reçu l’appui des Professeurs Christian Cabrol, Henri Lestradet et Maurice Tubiana.
-     D’autres facteurs peuvent expliquer la prolifération des algues vertes, parmi lesquels on peut citer la diminution des consommateurs d’ulves dans la chaîne alimentaire, le développement de la mytiliculture dans la baie de Saint-Brieuc, l’accumulation de phosphore dans les sédiments côtiers…

Nous n'avons pas vocation à conclure de façon définitive. Nous voulons souligner, une nouvelle fois, qu'il n'y a pas de consensus sur ce sujet comme sur bien d'autres thèses écologistes. Disons seulement que les faits ci-dessus sont troublants et compréhensibles par n'importe quel ingénieur. 
Soulignons simplement que la modélisation qui a été développée prend pour hypothèse le rôle déterminant des apports d’azote des cours d’eau. Les observations et les mesures effectuées ont montré que cette hypothèse n’est pas vérifiée. 

7- Une limitation de l’usage des engrais typiquement malthusienne

La fixation de ces limites en terme d’azote est d’essence malthusienne. Vouloir limiter fixation d’azote d’origine humaine et industrielle de 62 TgNy-1 revient à fixer une limite aux rendements agricoles des années 1980. Pourquoi ne pas revenir à la population mondiale de cette époque, c’est à dire seulement 5 Md. d’habitants ?
On dira volontiers que limiter les engrais azotés n’empêche pas de compenser les besoins agricoles par l’usage de résidus verts. C’est oublier que les dosages ne sont pas aussi précis avec des fumiers et composts divers dont les teneurs azotées sont imprécises et que les dégâts éventuels à l’environnement sont donc encore plus difficiles à éviter.

Certes, la fixation d’azote anthropique est pratiquement égale à la fixation biologique naturelle par les autres êtres vivants. Mais, cette fixation ne représente pas 0,001% de l’azote de l’air. Cela revient à considérer que l’homme peut accélérer la rotation de la fixation de l’azote atmosphérique. Rappelons que, depuis l’apparition de la vie sur terre, chaque molécule d’azote a été incorporée en moyenne seulement 1000 fois dans un être vivant. Pourquoi, au fur et à mesure que la population augmente, l’homme n’aurait-il pas la maîtrise d’accélérer très légèrement ce rythme ?

L’homme, en définitive accélère le volume des cycles et en accélère la rotation.
Fixer des limites, c’est à l’évidence, revenir sur la productivité agricole.
L’étude s’en tient donc à une déclaration incantatoire en disant « que la principale perturbation anthropique des deux cycles N et P découle de l'application d'engrais » et conclut, on ne sait sur quelle base, que les « limites seront atteintes en 2033 ».

L’étude "PB" n’évoque pas les moyens modernes de l’agriculture raisonnée qui permettent de plus en plus de considérer chaque parcelle comme un milieu hétérogène et de gérer ponctuellement les apports d’intrants par l’utilisation de machines sophistiquées, dotées de capteurs et de systèmes automatisés. Des informations spatiales sont recueillies pour mettre en évidence les diverses variabilités intra-parcellaires (composition des sols, comportement hydrique, incidence topographique, hétérogénéités de rendement de la récolte précédente, …). Ces informations, alliées aux images satellites et au GPS permettent des apports d’engrais très précis éliminant tout risque d’eutrophisation de l’environnement proche. Il ne s’agit plus d’agriculture raisonnée, mais d’une agriculture de haute précision environnementale.


[1] La notion de ressources naturelles est dynamique. Elle n’est pas synonyme de réserves de minerai. Les réserves ne sont pas renouvelables, mais les ressources le sont (sous-produits, recyclages de déchets, ...). Ainsi, les ressources peuvent devenir des réserves.
Les réserves dépendent de la profondeur, de leur origine continentale ou off-shore, des coûts d’extraction, des technologies d’extraction, des conditions de marché à 10/15 ans,
Sources : http://firt.org/sites/default/files/SteveVanKauwenbergh_World_Phosphate_Rock_Reserve.pdf

[2]

[3] source : UVED et Chimie de l’environnement

[4] D. J. Greenwood, T. V. Karpinets, K. Zhang, A. Bosh-Serra, A. Boldrini, L. Karawulova, A unifying concept for the dependence of whole-crop N : P ratio on biomass: theory and experiment. Ann. Bot. (Lond.) 102, 967–977 (2008). 10.1093/aob/mcn188 Medline doi:10.1093/aob/mcn188

[5] D. J. Greenwood, T. V. Karpinets, K. Zhang, A. Bosh-Serra, A. Boldrini, L. Karawulova, A unifying concept for the dependence of whole-crop N : P ratio on biomass: theory and experiment. Ann. Bot. (Lond.) 102, 967–977 (2008). 10.1093/aob/mcn188 Medline doi:10.1093/aob/mcn188

[6] Courrier de l’environnement de l’INRA n°48, février 2003, page 15

[7] Source : Ifremer , paru dans OCEANOLOGICA ACTA 1980- VOL. 3- No 1 p. 140

[8] Colloque « Nitrate ‐ Nitrite ‐ Oxyde Nitrique » du 31.3.2011 sous le patronage de l’Académie Nationale de Médecine.

[9] Colloque « Nitrate ‐ Nitrite ‐ Oxyde Nitrique » du 31.3.2011 sous le patronage de l’Académie Nationale de Médecine.