Pierre Feillet, directeur de recherche honoraire à l'Inra, a publié en avril 2014 un livre: « Quel futur pour notre alimentation ? » (Éditions Quae). L'utilisation des insectes dans l'alimentation animale ne parait pas impossible à l'auteur.
Voilà bien un  paradoxe:
- d'un côté, les milieux écologistes crient haro contre la consommation de viande et verraient d'un œil favorable que l'homme se nourrisse d'insectes,
- de l'autre côté, les mêmes refuseraient l'idée qu'on puisse nourrir des animaux avec  des insectes!
Ce livre tombe au moment où vient d'être annoncé un non lieu dans le procès qu'on avait pompeusement appelé le scandale de la vache folle pour des producteurs qui avaient proposé de la farine animale à des animaux.
Qu'en est-il?.

Source: newsletter "Campagne et environnement"

Commentaire "les2ailes.com"

Le regard de Pierre Feillet

Pierre Feillet place ses espoirs dans l'innovation : agriculture de précision, biotechnologies... sans exclure les OGM, qui sont pour lui « un atout parmi d'autres ».
L'auteur relance le débat relatif à nos sources en protéines: Création artificielle de viande, insectes, ... Pierre Feillet ne croit pas en ces pistes: « A l'heure actuelle, un steak créé artificiellement coûte environ 350 000 € » rappelle-t-il. Quant à la consommation directe d'insectes, il évoque des problèmes sanitaires, les insectes étant porteurs de parasites, mais également des problèmes technologiques. « Pour produire l'équivalent de 100 grammes de blanc de poulet, il faut 50 chenilles alors qu'une production industrielle d'insectes n'est pas encore possible. »
En revanche, l'utilisation des insectes dans l'alimentation animale ne parait pas impossible à l'auteur.

Faire consommer des insectes en occident ?

Pourtant la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) avait recommandé en 2008 de consommer des insectes plutôt que de la viande, pour des considérations à la fois économiques et écologiques! L'argument mis en avant serait que la production d’un kilo d’insecte ne demande, au plus, que deux kilos de végétaux. Pour un kilo de viande, il faut en compter dix…
Le discours est récurent dans les milieux écologistes. La consommation humaine de viande animale serait une pollution ! Les arguments ont été déjà dénoncés ici!
Certes, dans près de 100 pays, l'entomophagie est une pratique courante et on évoque plus de 1400 espèces comestibles consommées quotidiennement en Afrique, en Asie ou en Amérique centrale par près de 2,5 milliards de personnes...
Mais cette analyse ne prend pas en compte deux questions. Pourquoi vouloir imposer des modèles alimentaires uniformément autour de la planète? Mais surtout, pourquoi partir de l'idée qu'un bovin ne doit consommer que des végétaux? Pierre Feillet propose une réponse: l'utilisation des insectes dans l'alimentation animale ne lui parait pas impossible.

Faire consommer des insectes aux animaux... la leçon de la vache folle!

La question s'était déjà posée au moment de l'affaire de la "vache folle": on avait accusé l'utilisation de "farines animales"...  dans la nourriture animale !
Y avait-il vraiment danger sanitaire?
Le Parquet de Paris a demandé un non-lieu général dans l'affaire de la vache folle[1]. Dix-sept ans après l'ouverture d'une enquête au pôle de santé publique de Paris, on aura accumulé les dossiers, appelé de nombreux témoins à l'instruction, mené des heures et des heures d'enquête. Et finalement, l'issue tient en un mot : non lieu. Les quatre responsables d'usines d'aliments pour bovins pour avoir propagé la funeste encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) devraient donc être définitivement blanchis. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir cherché des coupables dans un procès pourtant mené à charge.

Conclusion

Alors, pourquoi vouloir donner à manger des insectes aux hommes plutôt qu' aux animaux?
On en revient à la question éthique: est-il contre nature de produire des OGM avec un gène animal, ou de donner à des ruminants des compléments protéiques d'origine animale -car l'insecte appartient bien au règne animal?
Faut-il en rester à des réflexes émotifs consistant à percevoir la vache comme carnivore et par extension cannibale[2]?
Faut-il accepter que la création soit au service de l'homme? Pourquoi ne pas mettre à la disposition de l'homme ce qui lui permettra de se nourrir agréablement quand nous serons 10 milliards d'habitants en 2050... et pourquoi pas 20 milliards dans un, deux, ou quatre siècles?


[1] Sources: Le Dauphiné.com 15 avril 2014

 

[2] Sources: revue Terrain - mars 2002