Une parabole peut offrir, sous des images insolites, un fait qui aide à progresser vers une vérité d’un autre ordre.
« Un chien nageait dans un étang, espérant y attraper un canard aux ailes brisées. A grand coup de pattes, le chien brassait les eaux pures, les mélangeant à des strates d’eaux plus troubles. Il sortit en s’ébrouant et courut vers son maître qui l’appelait au loin. S’il eut été un oiseau, il aurait volé pour le retrouver plus rapidement. N’étant qu’un quadrupède, il se faufilait entre les arbres, évitait les ronciers et passait sous les barbelés pour se précipiter au cou de son maître.Ainsi, tel un chien qui s’ébroue, l’homme doit, à travers les obstacles de la vie, se libérer de ce qui l’empêche d’aller vers Celui qui l’appelle ».
Pourquoi cette parabole avant de parler d’écologie sociale ?
Commentaire: "les2ailes.com"
Les canards volent…
Les étangs dans lesquels nous nageons sont souvent troubles. Beaucoup de canards volent dans nos marigots médiatiques et nous y pataugeons bien maladroitement. Idéologies, mensonges de toutes sortes et autres promesses de salut y circulent entre deux eaux. Les couches boueuses sont pourtant en contact avec les eaux plus propres de toutes les bonnes volontés et de ceux dont l’esprit est lucide.
Le Maître appelle! Commencer par s’ébrouer…
Certains d’entre nous, tout en nageant, se réfèrent à la théologie de la première création pour y voir clair. Mais le trouble des eaux agitées risque de nous faire rêver à un paradis perdu, cet « utérus de l’humanité » au sein duquel nous ne retournerons jamais.
Or, le Maître nous appelle à autre chose, la cité céleste. Il nous oblige à détourner les yeux de ce jardin illusoire.
Pour renoncer à nos rêves, il faut sortir de cet étang, commencer par nous secouer de tous les messianismes qui nous promettent des saluts temporels. Si nous ne nous ébrouons pas vigoureusement, nous risquons d’adorer plusieurs dieux à la fois : Gaïa et le vrai Dieu.
Il est important de commencer par nous débarrasser de tous ces discours qui entravent notre course vers le Maître. Accepter un certain scepticisme écologique a l’immense mérite de remettre « la balle au centre ». Il est en effet illusoire de croire qu'on peut sécher en ne se débarrassant que des gouttes d’eau nauséabondes et d’imaginer que nous en sortirons pur et inodore.
Acceptons de nous débarrasser de tous les concepts "fourre tout" de ce monde, de tous ces vocables aux contenus non définis: le développement durable, l’empreinte écologique, la croissance verte, la surpopulation, le principe de précaution, la biodiversité… : même si certains concepts sont signes de craintes légitimes, ils nous obscurcissent les yeux et nous empêchent de voir clair ! Libérons-nous totalement de toutes les peurs dont nous sommes esclaves et qui nous entravent pour courir en toute liberté. C’est, les yeux ouverts, que nous pourrons éviter les écueils et courir dans la bonne direction. Quelle est cette direction?
Courrons vers le Maître qui nous appelle…
"Dieu s’est fait homme pour que nous devenions Dieu" (Saint-Irénée). Voilà notre vocation ! Nous ne sommes pas simplement appelés à participer à une grande fête divine mais à devenir Dieu ! C’est cette révélation inouïe qui nous propulse en avant maintenant que le Christ nous a définitivement sortis de nos marigots habituels. Le mal est définitivement vaincu. Alors courons.
Nous serions des anges, nous volerions…
Heureusement, Dieu n’a pas voulu faire de nous des anges. Il a voulu faire mieux : nous incarner, nous donner un corps. C’est avec ce corps que nous avons été créés hommes, libres de co-créer avec Lui. Toutefois, le concile nous met en garde : « l’attente de la ”nouvelle terre”, loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller »[1]. Ce royaume vers lequel à la fois nous courons et qui, en même temps, est déjà présent ici et maintenant, nous est décrit dans le concile : « le Christ remettra à son père un royaume éternel et universel: royaume de vérité et de vie, royaume de sainteté et de grâce, royaume de justice et de paix »[2] .
Pour un royaume de Vérité
Il faut, tout en courant, nous faufiler entre les arbres et les ronciers, car c’est la réalité de la vie dans laquelle nous sommes incarnés. Acceptons les réalités. Evitons les confusions mentales, véritables ronciers desquels on a du mal à se sortir. En matière écologique, c’est alors qu’avec un esprit ouvert et plus clairvoyant, nous pourrons contribuer à discerner les signes des temps et à répondre aux questions de ce monde :
- Les OGM sont-ils dangereux ?
- La problématique de l’eau n’est-elle pas économique, dans le soin à apporter à l’accès à l’eau et à la potabilité, plus qu’écologique ?
- Le réchauffement climatique a–t-il une cause humaine ?
- La planète pourra-t-elle nourrir 9 milliards d’habitants en 2050… voire plus ensuite ? Et combien en 2200 ?
- L’écologisme n’est-il pas, trop souvent, le cheval de Troie d’une gouvernance mondiale excluant tout principe de subsidiarité ?
Certes ces réalités matérielles n'englobent pas les dimensions plus métaphysiques de la Vérité, mais comment pourrions nous nous élever vers la contemplation de cette Vérité, qui est Dieu lui-même, dit le Christ, si notre raison est déjà entravée par de simples contrevérités matérielles?
Pour un royaume de justice et d’amour
Tout en courant, il nous faut également passer sous les nombreux barbelés qui protègent d’immenses territoires d’égoïsme et d’injustice. En matière écologique, ce n’est que si nous nous sommes complètement ébroués, que nous pourrons construire le royaume de justice et répondre aux questions de ce monde:
- Avec le concept d’ « empreinte écologique », ne sommes-nous pas devant un grand égoïsme des pays du nord vis-à-vis des pays pauvres ?
- Quelle place laissons-nous à l’économie du don et de la gratuité dans nos organisations économiques?
- Est-il juste vis-à-vis des générations futures de ne pas investir dans des alternatives énergétiques économiquement rentables ?
- L’agriculture biologique ne risque-t-elle pas d’être injuste ou de n’être qu’un concept relevant de ce qu’appelle Mgr. Vingt-Trois, un « esthétisme de luxe »?
- L’Organisation Mondiale du Commerce n’est-elle pas la cause des déficits alimentaires dans les pays pauvres, en plaçant leurs agricultures dans une concurrence injuste avec celles des pays du Nord?
- Qu’est-ce qu’une « croissance verte » ? N’est-elle pas une « fausse croissance », injuste car économiquement impossible à soutenir?
- Peut-on avoir accès, de façon juste aux « biens universels », dans une société qui néglige le « bien commun » ?
Certes il ne faut pas imaginer que le royaume de justice se limite aux seules contingences terrestres, mais comment pourrions nous nous élever vers la contemplation de la Justice ultime, celle du Dieu qui est l'Amour, si nous avons le coeur entravé par des injustices de ce monde?
Se précipiter au cou de notre Maître
Le Credo, qui nous anime, est la source de notre vie et nous conduit au Père, peut se lire ainsi :
- Croire en un seul Dieu
Les prophètes, pendant toute l’histoire de la Bible, ont dénoncé les dérives du peuple d’Israël à chaque fois qu’il adorait les faux dieux ou, pire, lorsqu’il rendait des cultes à plusieurs dieux à la fois, Yahvé et Baal. De même, aujourd’hui, nous ne pouvons pas adorer à la fois Dieu et Gaïa, sans risquer d’être victimes de toutes sortes de dérives syncrétistes. Le syncrétisme est généralement véhiculé par de faux prophètes. Croire que la frugalité sauvera la planète, c’est en quelque sorte rendre un culte à Gaïa. Or la frugalité n’a pour objectif que de nous aider à nous rapprocher de Dieu pour mieux l’entendre. Comment discerner ces faux prophètes si ce n’est par la mauvaise qualité des fruits qu’ils donnent ?
- Croire en Dieu créateur du ciel et de la terre
La Genèse nous révèle un Dieu créateur. Or un certain écologiquement correct nous fait oublier notre condition de créature, voire met à bas l’idée même de création. Les idées darwinistes ont contribué à donner trop d’importance à notre origine animale. A l’inverse, les découvertes relatives au "Big-bang" peuvent nous entraîner dans des idées créationnistes faisant oublier que seul l’Esprit d’amour a été et est encore créateur.
- Croire en Dieu tout puissant
Beaucoup, aujourd’hui, préfèrent croire en "l’homme tout puissant". Le meilleur exemple de toute puissance humaine, ne se manifeste-t-il pas dans les velléités du monde à mettre en place une gouvernance mondiale ? Les questions environnementales sont souvent prétextes à faire avancer cette idée. Le juge Samuel explique pourtant au peuple élu les risques qu’il encourt à instaurer une royauté humaine toute puissante plutôt que de voir nommé un nouveau juge. Les questions nécessitant aujourd’hui une concertation internationale ne peuvent être licites que si elles sont régies selon le principe de subsidiarité. Reste encore à bien comprendre les significations éthiques, anthropologiques, théologiques, philosophiques et sociopolitiques de ce principe. Les questions comme celles de la démographie, de la sécurité alimentaire mondiale, des désordres monétaires, de la biodiversité, du climat ou de l’eau doivent nous interroger: est-il fondé d’imaginer qu’à problème global il y aurait une réponse mondiale ? Ce n’est pas aussi évident qu’il y paraît. Par ailleurs, croire en la toute puissance de Dieu, c’est reconnaître notre vulnérabilité. L’Eglise nous explique que nous devons assumer cette vulnérabilité, et cela, jusque dans notre foi elle-même.
- Croire en Jésus Christ qui s’est fait homme, est mort et ressuscité… et attendre la résurrection des morts et la vie du monde à venir
L’Eglise a retenu, pour la liturgie de la veillée pascale, les textes de la création. Pâques nous renvoie, en effet, à la "seconde création", celle de la résurrection qui nous conduit vers la "terre nouvelle". L’Apocalypse n’est ni une illusion, ni la menace annoncée par l’écologisme. C’est une promesse divine. Il ne s’agit donc pas, comme nous y pousse un certain écologisme, de rêver à un paradis définitivement perdu.
- Croire en Jésus Christ qui reviendra pour juger les vivants et les morts.
En attendant Son retour, nous avons à vivre et serons jugés sur actes. C’est sur la façon dont nous "cultiverons" la terre que nous serons jugés. Les prophètes dans toute l’histoire de la Bible, ont exprimé la colère de Dieu quand le peuple s’éloignait de la justice. Or, un certain écologisme, par le malthusianisme qu’il véhicule, relève de l’injustice ou de l’égoïsme.
- Croire en l’Esprit Saint, en l’Eglise catholique et apostolique.
L’Eglise est ainsi un précieux guide d’action. Encore faut-il l’écouter et étudier les textes de son magistère. Elle nous fournit de merveilleuses grilles de lecture, en particulier avec son "Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise". On y retrouve à la fois des réflexions concrètes et l’expression de grands principes doctrinaux comme ceux du "bien commun" et de la "destination universelle des biens". L’Eglise nous encourage à faire l’exercice approfondi de notre raison. En combinant foi et raison, elle nous permet de ne pas mélanger
* l’écologie humaine, y compris dans sa dimension louable de défense de la vie et de la famille
* et les réponses de soi-disant experts devenus complices, consciemment ou non, de la culture de mort ambiante.
- Croire en l’Eglise Une et Sainte.
Nous croyons que l’Eglise est sainte, tout en étant appelée à le devenir. L’Eglise est sainte parce que corps du Christ, mais appelée à devenir sainte, parce que les membres de ce corps sont eux-mêmes sur ce chemin de sainteté.
Seule l’unité entre ses membres contribue à la sainteté de l’Eglise. Il nous faut donc dépasser nos différentes sensibilités en matière d’écologie, si nous voulons rester en Eglise.
[1] Concile Vatican II, l’Eglise dans le monde de ce temps, n° 39
[2] Concile Vatican II, l’Eglise dans le monde de ce temps, n° 39