"Ton créateur t'épousera"
(Lectio divina pour le 2ème Dimanche Ordinaire Année C, Is.62, 1-5 1Cor.12, 4-11 Jn.2, 1-11)
Un sculpteur de Chartres propose aux regards des chrétiens, les deux visages du Christ et d’Adam, l’un à côté de l’autre d’une grande ressemblance entre eux. Or le Christ s'est fait homme pour que l'homme devienne dieu (Saint-Irénée). "Les2ailes.com" proposent ici une réflexion sur "l'économie divine" qui conduit au concept "d'écologie divine".
Réflexion: "les2ailes.com"
1- Introduction :
a) Ecologie ou Economie ?
L’étymologie des deux mots a une racine commune grecque:
- "Ecologie" vient de "Oikos", maison et de "logos", science, connaissance,
- "Economie" vient également de "oikos", maison et de "nomos", gérer, administrer, légiférer.
L’écologie précède dont l’économie.
Or, en théologie, on parle d’économie divine. De quoi s’agit-il ? La déclaration ”Dominus Iesus” du 6.8.2000 l’explique: « Pour cette raison le Magistère récent de l'Église a ... rappelé la vérité sur l'unique économie divine: “La présence et l'activité de l'Esprit ne concernent pas seulement les individus, mais la société et l'histoire, les peuples, les cultures, les religions [...]. Le Christ ressuscité agit désormais dans le cœur des hommes par la puissance de son Esprit [...]. C'est encore l'Esprit qui répand les “semences du Verbe”, présentes dans les rites et les cultures, et les prépare à leur maturation dans le Christ” »[1]. L’économie divine est donc bien celle de “l’activité de l’Esprit Saint”, de la manière que “le Christ agit” dans le coeur des hommes.
Mais, la déclaration “Dominus Iesus” précise bien que « ce même Esprit ... ne remplit pas une sorte de vide, comme, suivant une hypothèse parfois avancée, il en existerait entre le Christ et le Logos. Ce que l'Esprit fait dans le cœur des hommes et dans l'histoire des peuples, dans les cultures et les religions, remplit une fonction de préparation évangélique et cela ne peut pas être sans relation au Christ ».
Cette fonction de préparation montre bien que le Logos précède bien l’économie divine. En ce sens on peut prendre le risque de parler d’une “écologie divine” qui précèderait “l’économie divine”.
b) Qu’est-ce qu’un écosystème ?
Ce concept est défini par Larousse comme « un système formé par un environnement et les espèces qui y vivent, s’y nourrissent, et s’y reproduisent ».
Mais ce concept doit être étendu au sens des relations interactives qui régissent ces espaces de vie.
Le vocabulaire du magistère est centré sur les concepts d’écologie de l’homme et l’écologie sociale
Rappelons ce que dit Larousse : Un écosystème est comme « un système formé par un environnement et les espèces qui y vivent, s’y nourrissent, et s’y reproduisent ». Pour l’homme quel est l’environnement primordial pour vivre, se nourrir et se reproduire, si ce n’est la famille ? Comment peut-on avoir un discours écologique, vouloir défendre les écosystèmes, sans associer à cette cause la défense de la famille ?
C’est ce que Jean-Paul II dit dans la suite de son encyclique: « Il faut en revenir à considérer la famille comme le sanctuaire de la vie.… Dans ce domaine, le génie de l'homme semble s'employer plus à limiter, à supprimer ou à annuler les sources de la vie, en recourant même à l'avortement,… qu'à défendre et à élargir les possibilités de la vie elle-même. Dans l'encyclique Sollicitudo rei socialis[2], ont été dénoncées les campagnes systématiques contre la natalité qui, fondées sur une conception faussée du problème démographique dans un climat de "manque absolu de respect pour la liberté de décision des personnes intéressées", les soumettent fréquemment "à d'intolérables pressions pour les plier à cette forme nouvelle d'oppressio". Il s'agit de politiques qui étendent leur champ d'action avec des techniques nouvelles jusqu'à parvenir, comme dans une "guerre chimique", à empoisonner la vie de millions d'êtres humains sans défense…. » [3].
Une conception du "développement durable" qui va jusqu’à mener des campagnes systématiques contre la natalité est donc contraire à une véritable "écologie de l’homme".
Jean-Paul II distingue, mais n’oppose pas "l’écologie humaine" et "l’écologie de la nature". Il le rappelait à l’ambassadeur de Nouvelle Zélande en 2000: « …il est vital de respecter l'écologie de la nature, si nous voulons éviter de provoquer de graves dommages au monde que les générations futures recevront de nous. Encore plus urgent, et plus difficile, est le besoin d'apprendre à respecter l'écologie du monde humain, par lequel j'entends la vérité de la personne humaine et ses implications sociales. L'action du Saint-Siège, dans le domaine international, provient de sa conviction selon laquelle certains éléments fondamentaux de cette écologie humaine doivent absolument être compris et défendus ». Il rappelait ce jour là que les meilleurs indicateurs de cette écologie humaine sont la considération donnée à la famille « union à vie solennelle entre un homme et une femme, visant à mettre au monde et à éduquer des enfants », ainsi que « l'inviolabilité de la vie humaine, en particulier au début et au terme de celle-ci »[4].
Mais ce concept doit être étendu au sens des relations interactives qui régissent ces espaces de vie. Il faut donc réfléchir aux interactions de l’homme avec son milieu, c'est-à-dire, le travail et à celles entre les hommes eux-mêmes, c'est-à-dire la dimension sociale. Sans travail, ni solidarité sociale, sans souci du bien commun, il ne peut y avoir d’écologie sociale.
Jean-Paul II établit un lien étroit entre "écologie humaine" et "écologie sociale": « on s'engage trop peu dans la sauvegarde des conditions morales d'une "écologie humaine" authentique…, [et d’]une "écologie sociale" du travail »[5].
On sait que la mission de l’Eglise, est, entre autres et comme le dit le Concile, « de scruter à tout moment les signes des temps » et « de connaître et de comprendre ce monde dans lequel nous vivons, ses attentes, ses aspirations, son caractère souvent dramatique » (Gaudium et Spes § 4-1). Dans son approche de l’écologie humaine et de l’écologie sociale, on devine qu’elle a le souci de répondre aux préoccupations de nos contemporains, tout en les aidant à élargir leur regard sur l’homme pour qu’ils ne se focalisent pas seulement sur la planète.
A une époque où fleurissent un peu partout des éco-musées, et où la sémantique écologique ne parle que de « maintenir » les équilibres écologiques, l’historien se plait à rechercher les traces des écosystèmes antérieurs, bien différents de ce que nous observons actuellement.
- La vie naissante dans les premiers temps après le big bang,
- La vie des dinosaures dans une végétation luxuriante
- La vie humaine à l’époque des glaciations
Le scientifique, pour comprendre l’équilibre d’un écosystème, doit porter son regard sur le passépour mieux regarder le futur. Mais est-il pertinent de commencer à ouvrir les yeux à partir du « big-bang » et de vouloir s’arrêter aux équilibres d’aujourd’hui? Les débats, souvent stériles, qui entourent la question climatique, montre à quel point le scientifique a du mal à se projeter au-delà d’une ou deux décennies.
Nous nous proposons ici de placer notre réflexion sur l’écologie chrétienne en la replaçant, nous aussi, dans l’histoire, mais en embrassant toute l’histoire du salut. Notre foi nous permet d’avoir un regard, antérieur au Big-bang et jusqu’à l’au-delà proches.
Nous verrons que l’écologie ne peut pas se contenter d’être « Jahviste ». Si nous ne voulons pas tomber dans toute sorte de syncrétisme, nous verrons qu’elle doit avoir une véritable dimension « Christique ». Ces qualificatifs peuvent surprendre, et nous nous irons jusqu’à prendre le risque de dire que l’eucharistie est en quelque sorte le sacrement de cette écologie Christique.
Il s’agit ici, non seulement d’une lecture « théologique », mais également « téléologique », c'est-à-dire qui considère la destination ultime de l’homme et de la création, leur « télos » c'est-à-dire de leur « but ».
Ce n’est qu’après ces réflexions, que nous pourrons porter notre regard sur les questions concrètes que se posent nos contemporains en matière d’écologie. Ce que nous vivons aujourd’hui est une anticipation de ce qui se dira de la fin.
2- Une écologie « vétéro-testamentaire » ?
La vision chrétienne de l’écologie passe par la théologie de la création. La Genèse nous aide à comprendre le sens de l’homme dans la nature tel qu’il a été voulu par Dieu. Loin de nous l’idée de négliger cette approche essentielle. Nous ne reprendrons pas ici ce qui est l’objet de consensus évidents.
- Le rapport de l’homme avec le Seigneur
- Le rapport de l’homme avec l’autre
- Le rapport de l’homme avec le monde
- Le péché et le mal
- La fidélité de Dieu
Mais les concepts qui en découlent, influencés par le modernisme, laissent beaucoup de chrétiens mal à l’aise.
- En effet, Dieu donne un ordre: « Soumettez-la ». C’est un ordre au double sens de l’ordre-impératif et de l’ordre-des-choses. Mais, jusqu’où aller en matière de domination de la nature ? Une chose est sûre: l’homme doit soumettre la matière et la vie animale ou végétale et non l’inverse ! Ce n’est pas la matière qui doit dominer l’homme ! Faut-il alors se laisser aller à la tentation de nous restreindre dans notre activité co-créatrice.
- Ensuite, Dieu confie cette création à l’homme en lui donnant un second ordre: « Fructifiez et multipliez-vous, remplissez la terre » (Gen 1, 28).
Là aussi, nous ressentons un malaise ! Jusqu’où aller en matière de "remplissage" de la terre ? Dieu n’aimera-t-il pas autant les 2 milliards d’hommes supplémentaires attendus d’ici 2050, autant que les 7 milliards actuels ? Dirait-il: « Non ! Ces 2 milliards là, je n’en voulais pas. Ils sont devenus fous ! » ? Faut-il alors se laisser aller à la tentation du malthusianisme et à toutes les formes actuelles de réduction, souvent contraignantes, de la démographie ?
- Et puis, il y a un troisième malaise; c’est cette phrase reprise par certains courants écologistes chrétiens: « Yahvé Dieu prit l’homme et l’installa dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder » (Gen 2,15). Faut-il alors se laisser aller à la tentation de garder la nature en l’état, d’en faire une sorte d’éco-musée, voire de revenir en arrière et de s’activer autour de ce qui a inspiré Jean-Christophe Rufin dans son roman "le parfum d’Adam" ?
Arrêtons-nous donc sur quelques mises en garde sur une théologie de la création qui pourrait être erronée. La tentation est grande de laisser se développer chez les chrétiens un certain nombre de syncrétismes :
a) Un exemple de syncrétisme : faut-il "garder" le jardin en l’état ?
Certes, il faut prendre soin de la "maison", de l’"Oikos", dans laquelle habite l’homme. Mais faut-il aller jusqu’à dire que la "cultivation", au sens anglais du mot, est une "pollution" ? La Genèse précise bien qu’il « n’y avait encore sur la terre aucun buisson des champs, et aucune herbe des champs n’avait encore poussé, car Yahvé Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre, et il n’y avait pas d’homme pour cultiver le sol » (Gen 2-5). C’est ce qui fait dire à Rachi[6] que c’est parce qu’il n’y avait pas d’homme pour travailler le sol que le Seigneur ne faisait pas pleuvoir et « le Seigneur ne faisait pas pleuvoir car il n’y avait encore personne qui sache reconnaître les dons de Dieu ».
Que veut dire "garder"? Garder en l’état, comme le disent les tenants de la décroissance et du retour au "paradis perdu" ? Ou n’est-ce pas "garder" le jardin au sens d’en être le "gardien", en particulier contre l’intrus, ce maudit serpent que l’homme n’aurait pas empêché de rentrer ? Cette vision, non plus, n’est probablement pas exacte, car, dans la Bible, le serpent n’incarne pas toujours le mal.
Une chose est certaine: dans la Bible, le mot "garder" n’a jamais signifié "conserver en l’état". De manière constante, la Bible utilise le même mot pour garder, observer, au sens d’« observer les commandements » (Deut 6, 17), ou de « se garder de l’idolâtrie ». Le mot "garder" au sens de la Genèse entre dans la problématique du bien et du mal, non pas au sens moral, mais celui d’éviter le "tout et n’importe". Dans le deutéronome, le mot "garder" est également juxtaposé à celui de "observer et écouter" l’ordre donné par Dieu de cultiver (Deut 12, 28). Ainsi il s’agit d’une "mise en pratique" qui renvoie au mot "cultiver". En langue hébraïque, le superlatif n’existe pas et utilise ce type de juxtaposition pour amplifier l’importance d’un mot: "Croissez et multipliez" ! "Cultiver et garder".
D’ailleurs, le mot hébreux "jardin" de la Genèse a été traduit en grec par "Paradeisos" qui renvoie à la fois aux concepts de "parvis" et de "jardin clos". Dans les deux cas, il s’agit d’espaces qu’il faut "garder" contre la mort, contre les vents desséchants ou contre toute forme d’agression contre la vie. Le véritable sens du mot garder n’est donc pas celui que la vision écologiste veut lui donner, mais bien celle d’une dynamique, celle de cultiver, tout en "protégeant" la création contre le mal et la mort.
Tout le livre de la Genèse ne cherche pas à nous expliquer la création, mais est surtout une réflexion sur ce qu’est l’homme, son rapport au Créateur, son rapport au mal et sa responsabilité face à ce mal.
C’est le sens qu’a retenu le Pape François, lors de sa messe d’intronisation. Il a consacré toute son homélie au sens qu’il donnait à l’expression "garder la création". Certes, a-t-il dit: « La vocation de garder… a une dimension …qui est simplement humaine,… de garder la création tout entière, la beauté de la création… Comme nous l’a montré saint François d’Assise: c’est le fait d’avoir du respect pour toute créature de Dieu et pour l’environnement dans lequel nous vivons ». Mais, immédiatement après, le Pape François élargit ce qu’il entend, à la fois par "création" et par "garder". La création concerne "toute créature", mais d’abord l’homme: « C’est le fait de garder les gens, d’avoir soin de tous, de chaque personne, avec amour, spécialement des enfants, des personnes âgées, de celles qui sont plus fragiles et qui souvent sont dans la périphérie de notre cœur ». Quant au sens du mot garder, c’est celui de "prendre soin": « C’est d’avoir soin l’un de l’autre dans la famille: les époux se gardent réciproquement, puis comme parents ils prennent soin des enfants et avec le temps aussi les enfants deviennent gardiens des parents. C’est le fait de vivre avec sincérité les amitiés, qui sont une garde réciproque dans la confiance, dans le respect et dans le bien. Au fond, tout est confié à la garde de l’homme, et c’est une responsabilité qui nous concerne tous. Soyez des gardiens des dons de Dieu ! ». Le Pape François met ensuite en garde sur ce qu’il advient quand l’homme manque à cette responsabilité: « quand nous ne prenons pas soin de la création et des frères, alors la destruction trouve une place et le cœur s’endurcit. À chaque époque de l’histoire, malheureusement, il y a des "Hérode" qui trament des desseins de mort, détruisent et défigurent le visage de l’homme et de la femme…»[7].
Une autre méprise sur le sens du mot "garder le jardin" apparaît encore plus clairement à la fin du texte de la Création: après en avoir chassé l’homme, le Seigneur « posta à l’orient du jardin d’Eden les chérubins… pour garder le chemin de l’arbre de vie » (Gen. 3, 24). Ce n’est pas le Jardin que Dieu veut garder en l’état et protéger. C’est le "chemin de l’arbre de vie" que les Chérubins sont chargés de "garder". L’iconographie nous montre les chérubins comme de gentils petits anges infantiles. Or l’archéologie nous enseigne que les kerûbîm, pluriel du terme hébreux kerûb, désignaient, en Mésopotamie, des êtres tétra-morphes avec une tête d’homme sur un corps avant de taureau et un arrière train de lion, le tout magnifiquement ailé[8]. Comment ne pas être fasciné de voir qu’il s’agit des quatre vivants décrits par Saint-Jean dans l’Apocalypse et repris comme les quatre symboles des évangélistes[9] ? Comme si le "chemin de l’arbre de vie" de la Genèse anticipait le chemin qui conduit à l’arbre de vie qu’est la croix du Christ révélée par les quatre évangélistes. Le chemin qui nous est montré n’est pas celui d’un retour au "jardin d’Eden" que Dieu nous garderait, mais bien celui vers une "Jérusalem céleste".
Ce à quoi nous sommes appelés n’est pas donc tant de "garder" le jardin en l’état, mais d’être les « "gardiens" de la création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l’autre, de l’environnement; ne permettons pas que des signes de destruction et de mort accompagnent la marche de notre monde ! Mais pour "garder" nous devons aussi avoir soin de nous-mêmes ! Rappelons-nous que la haine, l’envie, l’orgueil souillent la vie ! Garder veut dire alors veiller sur nos sentiments, sur notre cœur, parce que c’est de là que sortent les intentions bonnes et mauvaises: celles qui construisent et celles qui détruisent ! »[10]
b) Le rêve de retour au Paradis perdu ?
"Oubliant ce qui est derrière moi et me portant de tout moi-même vers ce qui est en avant, je cours droit au but" (Phil. 3,13)
Notre foi en la création ne nous appelle donc pas à recréer le paradis perdu. A vouloir récupérer la Genèse de façon inexacte, certains chrétiens risquent de faire le jeu des manipulations mises en place par l’idéologie écologiste.
Jean-Paul II était conscient de ces risques de manipulation quand, en 1990, il mettait en garde contre ce concept de "paradis perdu" que nous reprendrons souvent dans ces pages: « L'éducation à la responsabilité écologique est donc nécessaire et urgente: responsabilité envers soi-même, responsabilité à l'égard des autres, responsabilité à l'égard de l'environnement. C'est une éducation qui ne peut être fondée simplement sur l'affectivité ou sur des velléités mal définies. Son objectif ne peut être ni idéologique ni politique, et sa conception ne peut s'appuyer sur le refus du monde moderne ou le désir vague d'un retour au "paradis perdu". La véritable éducation à la responsabilité suppose une conversion authentique dans la façon de penser et dans le comportement. Dans ce domaine, les Eglises et les autres institutions religieuses, les Organisations Gouvernementales et Non Gouvernementales, et aussi toutes les composantes de la société ont un rôle précis à remplir. Toutefois, la première éducatrice demeure la famille, dans laquelle l'enfant apprend à respecter son prochain et à aimer la nature ». Attention à l’exploitation d’une "affectivité mal définie" et aux stratégies idéologiques qui cherchent ainsi à faire naître un « désir vague d'un retour au "paradis perdu" ».
Pour éviter ces pièges, il nous semble qu’il faut approfondir le concept d’une « écologie Christique » :
3- Pour une écologie « Christique » !
Si le chrétien veut appuyer sa réflexion écologique sur la théologie de la création, il ne peut pas faire l’impasse de la « seconde création ».
Or, on a pris l’habitude de séparer la création et la rédemption, en centrant l’histoire humaine autour du péché. Or le mal pourrait bien n’être que second dans l’histoire du salut !
Lors de la "première création", « la terre était vide » et « Dieu dit "que la lumière soit", et la lumière fut ». Le jour de Pâques, « le tombeau était vide », et comme dit le cantique, « la lumière a jailli du tombeau ». Nous voyons comment cette "seconde création" nous projette dans un avenir radicalement nouveau: nous sommes appelés à une Terre Nouvelle et à la résurrection, et non à cette nostalgie d’un "avant" paradisiaque auquel nous renvoient certains écologismes.
Dieu n’a pas créé l’univers sans que le Christ n’en soit la raison véritable puisque « en Lui tout fut créé » (Col 1,16), et puisque « tout est maintenu en Lui » (Col 1,17).
a) Pâques: une nouvelle création
Peut-on parler, avec Pâques, d’une seconde création ? Cette expression a été contestée. Certains craignent que cela puisse signifier que la première n’aurait pas été bonne alors que Dieu en avait dit « que cela était très bon ». Mais pourtant, comme le dit le Cardinal Ratzinger dans son ouvrage "Viens Esprit-Saint": « Ce n’est que dans cette seconde création que l’homme est sauvé »[11]. Benoit XVI reprend en interrogeant les jeunes aux JMJ de 2008: « A quelles conditions l’Esprit vivifiant de la première création, et surtout de la seconde création,… peut-il devenir l’âme nouvelle de l’humanité »[12]?
Pâques est donc une nouvelle création comme Benoit XVI le dit dans son homélie de Pâques 2012: « Pâques est la fête de la nouvelle création … Jésus est ressuscité et ne meurt plus. Il a enfoncé la porte vers une vie nouvelle qui ne connaît plus ni maladie ni mort. Il a pris l’homme en Dieu lui-même …Une nouvelle dimension s’est ouverte pour l’homme. La création est devenue plus grande et plus vaste. Pâques est le jour d’une nouvelle création, c’est la raison pour laquelle en ce jour l’Église commence la liturgie par l’ancienne création, afin que nous apprenions à bien comprendre la nouvelle ». C’est pourquoi, au début de la liturgie de la Parole durant la vigile pascale, on lit le récit de la création du monde.
- "La création recommence, entièrement nouvelle"
Reprenons intégralement la conclusion de l’homélie de Benoit XVI: « A Pâques, au matin du premier jour de la semaine, Dieu a dit de nouveau: "Que la lumière soit!". Auparavant il y avait eu la nuit du Mont des Oliviers, l’éclipse solaire de la passion et de la mort de Jésus, la nuit du sépulcre. Mais désormais c’est de nouveau le premier jour; la création recommence entièrement nouvelle. "Que la lumière soit !", dit Dieu, "et la lumière fut". Jésus se lève du tombeau. La vie est plus forte que la mort. Le bien est plus fort que le mal. L’amour est plus fort que la haine. La vérité est plus forte que le mensonge. L’obscurité des jours passés est dissipée au moment où Jésus ressuscite du tombeau et devient, lui-même, pure lumière de Dieu. Ceci, toutefois, ne se réfère pas seulement à lui ni à l’obscurité de ces jours. Avec la résurrection de Jésus, la lumière elle-même est créée de façon nouvelle. Il nous attire tous derrière lui dans la nouvelle vie de la résurrection et vainc toute forme d’obscurité. Il est le nouveau jour de Dieu, qui vaut pour nous tous.
Mais comment cela peut-il arriver? Comment tout cela peut-il parvenir jusqu’à nous de façon que cela ne reste pas seulement parole, mais devienne une réalité dans laquelle nous sommes impliqués? Par le sacrement du Baptême et la profession de foi, le Seigneur a construit un pont vers nous, par lequel le nouveau jour vient à nous. Dans le Baptême, le Seigneur dit à celui qui le reçoit: Fiat lux que la lumière soit. Le nouveau jour, le jour de la vie indestructible vient aussi à nous. Le Christ te prend par la main. Désormais tu seras soutenu par lui et tu entreras ainsi dans la lumière, dans la vraie vie. Pour cette raison, l’Église primitive a appelé le Baptême "photismos" illumination » [13].
Nous voyons ici l’importance de notre Credo: croire en Jésus-Christ, Dieu fait homme, rassemblant en sa personne toute l’humanité, toute la création. Ce Dieu fait homme, mort et ressuscité entraîne avec lui l’humanité dans une seconde création. La lumière de Pâques transcende à jamais nos vies et nos réflexions sur l’écologie.
Poursuivons maintenant notre réflexion sur cette "économie divine" voulue comme un élan allant de la Genèse à Pâques.
- Une "seconde création", prévue dès les origines
Nous nous proposons ici de relire la Bible, pas à pas:
"Au commencement…" (Gen. 1.1)
Au commencement, la terre était vide et vague. Elle était informe.
A Pâques, la vie jaillit à nouveau d’un tombeau vide. Le pasteur genevois Philippe Chanson, aumônier de l'université, risque une comparaison forte: le tombeau vide est comme « l'un de ces trous noirs que les scientifiques ont découverts dans l'espace, et dont on sait aujourd'hui qu'ils sont remplis d'énergie ». Pour lui, la foi chrétienne repose sur le mystère de ce vide plein de sens et d'une promesse qui dépasse l'ordre du monde, à savoir la résurrection du Christ. La mort n'est plus l'horizon de la vie.
"Un vent tournoyait sur les eaux…" (Gen. 1.2)
Ce vent qui tournoie sur les eaux est le signe embryonnaire de l’action créatrice de l’Esprit créateur que nous prions.
Lors de la vigile pascale, il nous fait renaître, par le Baptême, et nous renouvelle dans l’Esprit Saint (Ti 3,5).
"que la lumière soit…" (Gen. 1.3)
Dieu créa la lumière, mais ne crée pas les ténèbres qui ne sont que le résultat d’une séparation.
A Pâques, la résurrection est lumière. Les ténèbres, le mensonge sont définitivement abolis.
"Dieu créa le ciel et la terre…" (Gen. 1.6)
Pour créer la terre, il sépare les eaux d’en haut, c'est-à-dire dans la tradition juive, le monde divin, des eaux d’en bas, c'est-à-dire le monde créé.
A Pâques, le ciel et la terre, au contraire, se connectent mystérieusement.
"A l’image de Dieu, il créa l’homme…" (Gen. 1.27)
Dieu créé Adam, à l’image de Dieu. A Pâques, le Christ, second ou dernier Adam, nous donne la vie éternelle: « De même, en effet, que tous meurent en Adam, ainsi, tous reprendront vie dans le Christ... Le premier homme, Adam, parut en âme vivante; le dernier Adam, en esprit qui fait vivre » (1 Co 15, 22 et 45).
Avec Pâques, l’homme n’est plus seulement « à l’image de Dieu », mais c’est, comme le dit le théologien Bernard Sesboüé, une « égalité-devenue » qui est « instaurée entre Dieu et l’homme ». Nous reviendrons en détail sur ce point dans notre prochain chapitre V.
Une homélie pour le Samedi saint d’un père de l’Eglise anonyme du IVème siècle compare le Christ à Adam avec ce dialogue du Christ descendu aux enfers pour aller à sa rencontre: « [Tu] t’es endormi dans le paradis et, de ton côté, tu as donné naissance à Eve. Je me suis endormi sur la croix et la lance a pénétré dans mon côté... Mon côté a guéri la douleur de ton côté ; mon sommeil va te tirer du sommeil des enfers ».
"Dieu chôma après tout l’ouvrage" (Gen. 2.2)
Le septième jour, Dieu se repose.
Pâques, c’est le huitième jour de la semaine[14], à la fois hors du temps et en même temps premier jour de la nouvelle création.
"Il fit pousser l’arbre de vie…" (Gen. 2.9)
Au commencement, Dieu place l’arbre de vie au milieu du jardin.
A Pâques, le Christ se donne sur la Croix, nouvel arbre de vie qui prend place au centre de notre propre vie. La croix est plantée en terre, comme l’arbre de vie, comme pour nous révéler la présence cachée de Dieu là où il semble, paradoxalement, complètement absent.
"Le serpent était le plus rusé…" (Gen. 3.1)
Le malin se cache derrière le mensonge.
A Pâques, la vérité est lumière.
"Ils étaient nus…" (Gen. 3.7)
La chute conduit l’homme, nu, à avoir peur de lui-même.
Après la résurrection, au cénacle, le Christ dit aux apôtres: « n’ayez pas peur ». Nous sommes appelés à déverrouiller les portes de notre humanité derrière lesquelles nous sommes enfermés.
"Passe le Jourdain que voici…" (Jos. 1.2)
Après l’exode, le Seigneur dit à Josué: « passe le Jourdain que voici, toi et tout ce peuple, vers le pays que je leur donne ». Ils traversèrent au point le plus bas de la terre pour s’établir en Canaan.
A Pâques, le peuple chrétien entier descend dans les eaux du baptême et remonte vers la vie nouvelle, peuple ressuscité, envoyé partout dans le monde pour témoigner de ce salut.
- Le mal est vaincu, définitivement
La Bonne Nouvelle, la Croix et la Résurrection du Christ, sont la victoire du bien sur le mal. « [Dieu] nous a délivré du pouvoir des ténèbres et transférés dans le Royaume du Fils de son amour » (Col 1, 13).
Mais alors, comment expliquer le mal qui nous entoure, ces atteintes à la Vie, à la Liberté, et à la Vérité ? Osons l’explication des "cours Alpha": nous vivons une période « un peu comme entre le débarquement du 6 juin 1944, … jour où la guerre fut véritablement gagnée et le jour de la victoire, le 8 mai 1945 quand la guerre fut terminée. Nous sommes, maintenant, dans cette période des opérations de nettoyage »[15]. Et, pendant ces opérations de nettoyage, l’ennemi continue à résister. Le mal fait encore des dégâts, de véritables ravages, même. Mais, l’issue est inéluctable.
Par la Croix et la Résurrection, nous avons été arrachés au contrôle des puissances des ténèbres, nous avons été transférés dans le Royaume de Dieu où nous sommes. Nous vivons entre la Croix et la "Parousie", la deuxième venue du Christ. Satan a été désarmé et définitivement vaincu par la Croix, même s’il tente encore de perpétuer le mal.
b) L’homme, appelé à la vie divine ?
Nous avons retenu l’idée de replacer notre vision écologique à l’aune de l’histoire du salut. On devine qu’une théologie limitée à celle de la première création ferait trop vite l’impasse sur la résurrection des corps. Or, à quoi sommes nous appelés ?
La foi en la résurrection tire son origine du cycle des saisons, dans le contexte agraire de l’époque d’Osée: « il nous fera revivre après deux jours, le troisième jour, il nous relèvera et nous vivrons devant Lui… Il viendra pour nous… comme la pluie de printemps qui arrose la terre » (Os. 6, 2-3). Osée parle ainsi, aux israéliens en exil pour évoquer la restauration d’Israël.
La rencontre de cette conviction avec la culture helléniste donne de nouvelles possibilités d’expression comme celle de l’immortalité de l’âme. Daniel, pendant l’occupation grecque, peut écrire: « Beaucoup de ceux qui dorment au pays de la poussière se réveilleront, ceux-ci pour la vie éternelle, et ceux-là pour l’opprobre, pour l’horreur éternelle » (Daniel 12,1-3). Pourtant, chez les grecs, les morts ne peuvent s’échapper du Shéol, l’Hadès grec.
Avec la crise maccabéenne, la notion de résurrection devient l’espérance des justes, fidèles à la loi de Dieu. Le Shéol ne peut retenir à jamais les justes. L’initiative de Dieu est jalousement conservée: « Aussi bien, le Créateur du monde, qui a façonné l’homme à l’origine et qui a présidé à l’origine de toutes choses, vous rendra-t-il, dans sa miséricorde, et le souffle et la vie… » (2 Mac 7, 23). L’immortalité du souffle est liée au souffle donné par le Créateur. Seul Dieu donne l’immortalité.
- …ou désir d’immortalité ?
Le désir de résurrection n’est pas un simple désir d’immortalité. C’est parce que Jésus remet son esprit à Dieu qu’il ressuscite. Et, ce n’est qu’après la pentecôte, que les apôtres comprendront ce qu’il en est de l’homme après la résurrection.
Adam a-t-il été créé immortel ? Ysabel de Andia[16] s’appuie sur la théologie de Saint-Irénée pour écrire: « Par nature l’homme n’était pas plus mortel qu’immortel. S’il avait été créé dès le principe immortel, il eut été créé Dieu. …S’il avait été créé mortel, il eût semblé que Dieu fût la cause se sa mort. Ce n’est donc ni mortel qu’il a été créé, ni immortel, mais capable des deux.
Ainsi penchait-il vers la voie de l’immortalité en suivant le commandement de Dieu ? Il en devait recevoir l’immortalité pour récompense et devenir Dieu. Se tournait-il vers les œuvres de mort en désobéissant à Dieu ? Lui-même devenait cause de sa propre mort. En effet, Dieu avait créé l’homme libre et maître de lui »[17]. Pour Théophile d’Antioche et pour Irénée, l’immortalité d’Adam au paradis est conditionnée par son obéissance au commandement de Dieu
Créé potentiellement immortel au paradis, séduit « sous prétexte d’immortalité »[18] et rejeté de l’immortalité par son péché, l’homme est appelé par la résurrection du Verbe, à retrouver l’immortalité.
Le destin de l’homme est non seulement d’être immortel, mais bel et bien d’être divinisé. C’est ce que Ysabel de Andia appelle le « principe de progrès » qui voulait, dès la création, « à la fois la progression jusqu’à être proclamé Dieu, c'est-à-dire divinisé, et l’élévation d’Adam du paradis au ciel. Le paradis est un stade intermédiaire entre les deux »[19].
Ce dessein voulu par Dieu d’appeler l’homme à la divinisation est affirmé par le Christ: « Vous êtes des dieux » (Jean 10, 34 en référence au psaume 82).
Ce mystère de la déification de l’homme sera développé par les pères de l’Eglise et approfondi par les Pères grecs des premiers siècles qui parlent de "theosis", mot grec qui désigne la divinisation, déification ou le fait de rendre divin.
C’est probablement le premier à avoir développé cette vision: "Deus homo factus est ut homo fieret Deus", nous dit Saint-Irénée ! « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait dieu »[20]. François Varillon commente ce texte: c’est « l’essentiel de l’essentiel… S’il n’en était pas ainsi, l’incarnation de Dieu ne serait qu’une visite de Dieu sur terre, comme on en voit dans toutes les mythologies païennes, où les dieux se "baladent" sur terre, sous des déguisements »[21]. Non, l’incarnation n’est pas une simple péripétie de Dieu sur terre: « Dieu a tant aimé le monde »[22] qu’il a voulu vivre ce monde dans toute ses dimensions, y compris en ayant à « se réaliser dans un devenir historique et d’avoir à jouer son destin dans un avenir inconnu… et en s’assujettissant aux servitudes d’une humanité limitée »[23].
Saint-Irénée sera repris et suivi par les pères de l’Eglise en Occident et en Orient.
- Saint-Athanase d’Alexandrie (298-373)
Pour l’évêque d’Alexandrie, « Dieu s'est fait homme afin que l'homme devienne dieu »[24]. Ces propos ont été repris, dans leurs termes mêmes, par Saint-Augustin[25] puis par Saint-Thomas d’Aquin: « C’est vous, Fils de Dieu, qui …vous vous êtes fait homme pour que les hommes deviennent dieux »[26].
- Saint Basile de Césarée (+ 379)
Pour cet évêque de Césarée, l'homme est une créature qui a reçu l'ordre de devenir dieu. C’est par la médiation du Christ que nous parviendrons à accomplir cette instruction.
- Maxime le confesseur (580-662)
Cette doctrine trouvera sa formulation théologique la plus solide dans les "Ambigua" de saint Maxime le Confesseur[27], grand penseur byzantin de la déification. Pour lui, tout être humain a pour vocation de parvenir à Dieu, selon un trajet idéal fixé par ce dernier dans son logos et les logoi qui lui sont associés. Doué du libre arbitre, l’homme peut ou non les suivre. S'il s'en écarte, il déchoit de lui-même et s'éloigne de Dieu. S'il les suit, il devient une part de Dieu et un dieu par participation. Seul Jésus-Christ, le Verbe Incarné, rend possible la déification, dans la mesure où, en lui, la nature humaine a été déifiée par la nature divine[28].
- Saint-Jean Damascène (650-750)
Saint-Jean Damascène[29], a prêché plusieurs fois sur ce thème expliquant qu’en prenant la condition humaine, le Christ lui apporte le salut et « appelle l’être humain à partager la vie divine, à connaître la déification »[30]. La déification ne signifie pas une évacuation de l’humain qui serait remplacé par le divin, mais une transfiguration, un accomplissement, une plénitude du divin.
- Grégoire Palamas (1296 - 1359)
Grégoire Palamas[31] a développé dans sa pensée cet adage des Pères, selon lequel Dieu s'est fait homme, pour que l'homme devienne dieu. Grégoire Palamas explique que Dieu transcende, surpasse, est au-dessus du don déifiant qu’il fait à l’homme, de la divinité qu’il communique à ceux qui en sont dignes. Il dépasse ce don déifiant, parce qu’il en est l’origine, la source, la cause éternelle. Cette grâce déifiante est, tout comme Dieu, incréée et éternelle. Contrairement aux êtres vivants et au monde, aux créatures et à la création, cette grâce n’a pas de commencement dans le temps. Elle existe depuis toujours en Dieu. L’homme, par lui-même, est incapable de se déifier. Il faut que l’homme veuille être sauvé et que Dieu veuille le sauver, il faut, en l’homme, une synergie de son activité et de celle de Dieu par le biais du don permanent de la grâce et de l’Esprit répandu en lui.
Le jésuite allemand affirme, dans son ouvrage "De incarnatione", que « Le Fils de Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne dieu ».
Ce théologien jésuite parle lui aussi de divinisation de l’homme: Jésus, par « la vérité de Son devenir-homme, nous garantit la vérité de notre divinisation »[32]. Comment cela est-il possible ? « Grâce à cette médiation, s’instaure une "égalité-devenue", une "égalité-communiquée" entre Dieu et l’homme ». Pourquoi ? Parce que, explique-t-il, « l’inégalité absolue de Dieu et de l’homme est assumée ».
Ce prieur de la communauté monastique de Bose, près de Turin, écrit : « La création est d’abord et avant tout acte de divinisation en Christ [33]….Dieu, par ses dons, a voulu nous créer… dans le but de nous déifier en faisant de nous ses fils[34] … Dans son amour, Dieu ne pouvait pas créer l’homme sans lui offrir de le diviniser [35]».
L'orthodoxie insiste particulièrement sur la puissance transformante de la grâce divine, la concevant comme déification. Le père Raniero Cantalamessa, dans une prédication de l’avent[36] devant Benoit XVI, expliqua bien que « en dépassant toutes les hypothèques que l'utilisation païenne avait accumulées sur le concept de déification (theosis), les Pères grecs en ont fait la base de leur spiritualité. La théologie latine a moins insisté sur cela. "Le but de la vie visé par les chrétiens grecs -lit-on dans le Dictionnaire de Spiritualité- demeure la divinisation. Celui que poursuivent les chrétiens d'Occident est l'acquisition de la sainteté..."».
La spiritualité des Pères grecs a toujours été reçue par l’Eglise latine comme une richesse de sa théologie. Ils sont toujours vénérés comme de très grands saints.
- Un plan divin prévu de tout temps
Ce destin divin est si merveilleux qu’il ne pouvait qu’être prévu de tout temps, bien avant la chute originelle de l’homme. C’est ce que Saint-Paul affirme au début de sa lettre aux Ephésiens: « C‘est ainsi que [Dieu] nous a choisis en [Jésus Christ], avant la fondation du monde, … prédestinés à être pour lui des fils adoptifs par Jésus-Christ » (Eph 1, 4-5). Il le rappelle également aux Romains: « Car ceux que d’avance Il a connus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, pour qu’il soit un premier-né parmi de nombreux frères » (Rom 8, 29).
Saint-Pierre nous le dit aussi: « Christ [était] désigné dès avant la fondation du monde, et manifesté à la fin des temps à cause de vous. » (1 Pierre 1,20).
Si donc je crois vraiment que la nature de l’homme est d’être déifiée, le péché devient presque "secondaire". Le propos peut paraître osé, d’autant que la tradition catholique a plutôt reconnu en Jésus Christ le rédempteur du péché alors que la tradition orthodoxe a continué, derrière les pères de l’Eglise à proclamer la nature divine à laquelle l’homme est appelé. Le péché n’est donc pas "secondaire" au sens où il serait accessoire. Non ! Le mal est trop objet de scandale. Mais il est secondaire au sens où il apparait en "second lieu" après notre création. Comme le dit Saint-Paul, notre destin divin était déterminé d’avance.
C’est ce qu’explique Enzo Bianchi, prieur de la communauté monastique de Bose : « Le péché n’explique pas l’incarnation, pas plus qu’il n’en n’est le fondement » [37]. Il ajoute que « la Création est la première œuvre du salut, le commencement du salut » [38]. Gustave Martelet ajoute : « Le Christ n’est donc pas donné d’abord à cause du péché, mais au titre de notre humanité » [39]
Dès lors, dans cette dynamique divine, le Christ nous sauve également du péché ! Comment en serait-il autrement ? Les hommes, en Adam, ont été créés à l’image de Dieu, mais cette image s’accomplit de façon sublime par notre union à l’incarnation et à la résurrection du Christ. Cette intermédiation nous donne le pouvoir, en Lui, d’user de notre liberté pour nous unir à la vie de Celui qui est devenu vrai homme. Cette union à Sa vie pleinement humaine qu’Il a assumée sans pécher, nous permet de devenir des dieux, seuls dieux créés par le seul Dieu éternel non créé.
Le dessein de Dieu, en nous créant, a été de nous donner au Christ. On ne peut donc comprendre la première création qu’à travers la seconde. Gustave Martelet résume cette réalité par la clé suivante : « Creavit dues Adam et posuit eum in paradiso, id est in Christo » c'est-à-dire : « Dieu créa Adam et le plaça dans le paradis, autrement dit en Christ »[40]. Le Paradis, c’était déjà le Christ lui-même. Le jardin d’Eden n’est donc pas un lieu géographique, mais un état de communion avec Dieu : ce lieu, c’est le Christ lui-même.
C’est ce qui a pu amener un sculpteur de Chartres à proposer aux regards des chrétiens, les deux visages du Christ et d’Adam, l’un à côté de l’autre d’une grande ressemblance entre eux.
Dans une telle économie divine, le péché doit-il être obsessionnel pour nous? C’est tout l’enjeu de notre vie ici bas. Désormais, par notre baptême, Jésus-Christ nous appelle à suivre son chemin.
- Pour un écologisme respectueux de la nature "déifiable" de l’homme
Ce mot "deifiable" peut étonner. Grégoire de Nysse parlait pourtant de l’homme comme d’un animal "deifiable"[41]. Ce mot nous aide à méditer le mystère de notre divinisation. Dès lors, nos discours écologistes paraissent bien étriqués. Bien sûr, en attendant cette "Terre nouvelle", nous sommes, appelés à préparer la voie du retour du Christ. Nous ne devons donc pas considérer les questions de protection de l’environnement comme accessoires. Mais nos préoccupations écologistes doivent être secondes au sens où nous l’entendions précédemment.
Benoit XVI avait dit: « Le respect pour l'être humain et le respect pour la nature ne font qu'un, mais tous deux ne peuvent grandir et avoir leur juste mesure que si nous respectons dans la créature humaine et dans la nature, le Créateur et sa création »[42], nous aurions envie d’ajouter qu’il est indispensable de respecter également la nature "déifiable" de l’homme. En effet, la plus grande pollution que l’écologisme ne dénonce pas, est celle des esprits. Or c’est une réelle pollution que de nous faire perdre de vue que nous sommes appelés à être divinisés . Il est urgent que nos visions écologistes décollent vers des "cieux nouveaux". Nos perspectives seraient d’une toute autre profondeur si elles arrêtaient de nous faire rêver à un retour au "paradis perdu". Après la chute, il a placé les chérubins à la porte du jardin pour empêcher l’homme d’y retourner et de l’obliger à avoir le regard tourné vers son véritable destin, vers le "chemin de l’arbre de vie". Il faut repenser toutes nos réflexions écologistes à l’aune de Pâques, des "temps nouveaux" et de notre déification potentielle
c) L’Eucharistie, un sacrement de l’écologie ?
Toute la vie sacramentelle est le signe visible d’une mystérieuse relation entre Dieu et les hommes. Avant d’oser parler de l’eucharistie, sacrement de l’écologie, nous voudrions reprendre les principales dimensions du mystère de ce sacrement.
- L’Eucharistie, sacrement de l’Incarnation:
- Le verbe de Dieu, vrai homme, nait d’une vierge
- et les hommes, par le baptême, naissent à la vie spirituelle de fils de Dieu.
- L’Eucharistie, sacrement de la Vérité:
Dieu « se fait nourriture pour l'homme assoiffé de vérité »[43].
- Pour cela, le Christ fait l’offrande complète de sa vie divine
- et les hommes en font mémoire en faisant l’offrande de leur vie, aussi imparfaite soit-elle.
- L’Eucharistie, sacrement de l’Unité:
« Le sacrement de l'Eucharistie est l'unité des fidèles dans la communion ecclésiale… L'unicité et l'indivisibilité du Corps eucharistique du Seigneur impliquent l'unicité de son Corps mystique, qui est l'Église une et indivisible »[44]. C’est cette union mystique qui permet au Christ de faire définitivement barrage au mal. La présence réelle eucharistique est le mystère de l’expérience de l’union,
- du corps du Christ,
- avec les membres du corps du Christ que nous sommes.
Cette union réelle et terrestre, préfigure l’union éternelle entre
- Dieu fait homme,
- et l’homme devenu dieu (Saint-Irénée).
C’est ce que préfigure le prêtre, lorsqu’il verse le vin et un peu d’eau dans le calice, avec cette prière: « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité ».
- L’Eucharistie, sacrement de la Charité:
- Le Christ, fait don de Sa vie sur la Croix pour les hommes
- Et chaque homme meurt à lui-même en se donnant aux autres.
Chaque baptisé, dit le concile, est membre de la communauté sacerdotale qui fait de lui un prêtre, qui, comme le Christ, est à la fois temple, prêtre et victime: « Le baptisé est consacré pour être une demeure spirituelle, …un sacerdoce saint… Il s’offre en victime vivante ». Toutes « les activités du chrétien sont autant de sacrifices spirituels » ("Lumen gentium" § 10-a). Sans cette communion à nos frères, le mystère de la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie perdrait son sens plénier.
Dans l'Eucharistie nous nous faisons "pain rompu" pour les autres[45]. Nous les reconnaissons comme des frères pour lesquels le Seigneur a donné sa vie en les aimant "jusqu'à la fin" (Jn 13,1). Nos frères, dans l’Eucharistie, sont un don pour nous, et nous-mêmes sommes dons pour nos frères. Dans l’Eucharistie, nous nous nourrissons les uns les autres, tout imparfaits que nous soyons. Comment les espèces offertes, constituées de pain et de vin, pourraient-elles être pures quand elles sont le signe vivant et réel de nous-mêmes, personnes blessées ? Le Christ, Lui-même, vrai homme quand il meurt sur la Croix, est un homme blessé et son corps est celui d’une humanité humiliée et abandonnée !
Nous voudrions méditer cette dimension du sacrement de la Charité en approfondissant le texte du concile qui évoque la mission sacerdotale du laïc. De la même manière que le Christ est à la fois le temple, le grand-prêtre et la victime, Lumen gentium §10-11 nous montre que le laïc est appelé à imiter le Christ :
- Tout baptisé est « temple » : il est consacré pour être une demeure spirituelle (LG § 10-a). Le propos est celui déjà développé par St-Pierre : « vous-mêmes, comme pierres vivantes, prêtez-vous à l’édification d’un édifice spirituel ….» (1P 2,5)
- Tout baptisé est « prêtre » : il est consacré pour être un sacerdoce saint (LG § 10-a). St-Pierre le disait également : « … pour un sacerdoce saint… » (1P2,5)
- Enfin tout baptisé est victime: Il s’offre en victime vivante (LG § 10-a). St-Pierre précisait : « en vue d’offrir des sacrifices spirituels agréables à Dieu, par J.C. » (1P2,5)
Ce troisième point nous aide à discerner le mystère de la présence réelle dans l’eucharistie. Etant membre du corps mystique du Christ, chaque baptisé est en quelque sorte présent, avec le Christ, dans l’eucharistie. Il est unis à tous ses frères qui, dans une autre célébration eucharistique, s’offre, de son côté, en victime vivante.
- L’Eucharistie, sacrement de l’écologie ?
Dans l’eucharistie, nous côtoyons donc mystérieusement l’ensemble de nos frères et la personne même du Christ.
Nous voudrions méditer ce mystère, sans nous arrêter à ce qui pourrait être perçu comme un jeu de mots. L’eucharistie nous projette, on le devine, dans l’environnement « écologique » que nous serons appelés à partager dans la Jérusalem céleste. Nous y vivrons en communion complète avec le Christ et avec nos frères déifiés. Nous y vivrons en dieux créés par le seul Dieu non créé.
Il y a, au cœur de l’eucharistie, une unité entre le début et la fin, entre la création et la rédemption :
- A l’offrande du pain et du vin, fruits de la terre et de la bénédiction que Dieu accorde au travail, correspond en quelque sorte, l’« économie de la création »,
- A ce pain et ce vin, devenus corps et sang du Seigneur, correspondent une « économie de la rédemption ».
Notre méditation nous projette dans un au-delà qui ne doit pas, pour autant, nous faire oublier notre quotidien :
4- Une écologie "royale".
Les questions fondamentales que nous posent l’écologie, doivent toujours être ramenées à cette dimension royale de l’homme, qui, comme le dit le concile est appelé à être, non seulement Prêtre, mais également Prophète et Roi. Dès lors, les questions doivent se poser en termes de Vérité, de Justice et d’amour.
Oui, c’est notre Credo qui nous anime, est la source de notre vie et nous conduit au Père. Ce credo, c’est :
Les prophètes, pendant toute l’histoire de la Bible, ont dénoncé les dérives du peuple d’Israël à chaque fois qu’il adorait les faux dieux ou, pire, lorsqu’il rendait des cultes à plusieurs dieux à la fois, Yahvé et Baal. De même, aujourd’hui, nous ne pouvons pas adorer à la fois Dieu et Gaïa, sans risquer de tomber victime de toutes sortes de dérives syncrétistes. Le syncrétisme est généralement véhiculé par de faux prophètes. Croire que la frugalité sauvera la planète, c’est en quelque sorte adorer Gaïa, alors que la frugalité a pour objectif de mettre notre corps dans des dispositions telles que nous puissions nous rapprocher de Dieu et Le laisser se rapprocher de nous. Comment discerner ces faux prophètes si ce n’est par la mauvaise qualité des fruits qu’ils donnent ?
- Croire en Dieu créateur du ciel et de la terre
La Genèse nous révèle un Dieu créateur et nous rappelle notre nature créée. Or un certain écologiquement correct nous fait oublier notre condition de créature, voire met à bas l’idée même de création. Les idées darwinistes ont contribué à donner trop d’importance à notre origine animale. A l’inverse, les découvertes relatives au "Big-bang" peuvent nous entraîner dans des idées créationnistes faisant oublier que seul l’Esprit d’amour a été et est encore créateur.
- Croire en Dieu tout puissant
Beaucoup, aujourd’hui, préfèrent croire en "l’homme tout puissant". Le meilleur exemple de toute puissance humaine, ne se manifeste-t-il pas dans les velléités du monde à mettre en place une gouvernance mondiale. Les questions environnementales sont souvent prétextes à faire avancer cette idée. Le juge Samuel explique pourtant au peuple élu les risques qu’il encourt à instaurer une royauté humaine toute puissante plutôt que de voir nommé un nouveau juge. Les questions nécessitant aujourd’hui une concertation internationale ne peuvent être licites que si elles sont régies selon le principe de subsidiarité. Reste encore à bien comprendre les significations éthiques, anthropologiques, théologiques, philosophiques et sociopolitiques de ce principe. Les questions comme celles de la démographie, de la sécurité alimentaire mondiale, des désordres monétaires, de la biodiversité, du climat ou de l’eau doivent nous interroger: est-il fondé d’imaginer qu’à problème global il y aurait une réponse mondiale ? Ce n’est pas si évident qu’il y paraît. Par ailleurs, croire en la toute puissance de Dieu, c’est reconnaître notre vulnérabilité. L’Eglise nous explique que nous devons assumer cette vulnérabilité, et cela, jusque dans notre foi elle-même.
- Croire en Jésus Christ qui s’est fait homme, est mort et ressuscité… et attendre la résurrection des morts et la vie du monde à venir
L’Eglise a retenu, pour la liturgie de la veillée pascale, les textes de la création. Pâques nous renvoie, en effet, à la "seconde création", celle de la résurrection qui nous conduit vers la "terre nouvelle". L’Apocalypse n’est ni une illusion, ni une menace annoncée par l’écologisme. C’est une promesse divine. Il ne s’agit donc pas, comme nous y pousse un certain écologisme, de rêver à un paradis définitivement perdu.
- Croire en Jésus Christ qui reviendra pour juger les vivants et les morts.
En attendant Son retour, nous avons à vivre et serons jugés sur actes. C’est sur la façon dont nous "cultiverons" la terre que nous serons jugés. Les prophètes dans toute l’histoire de la Bible, ont exprimé la colère de Dieu quand le peuple s’éloignait de la justice. Or, un certain écologisme, par le malthusianisme qu’il véhicule, relève de l’injustice ou de l’égoïsme.
- Croire en l’Esprit Saint, en l’Eglise catholique et apostolique.
L’Eglise est ainsi un précieux guide d’action. Encore faut-il L’écouter et étudier les textes de son magistère. Elle nous fournit de merveilleuses grilles de lecture, en particulier avec son "Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise". On y retrouve à la fois des réflexions concrètes et l’expression de grands principes doctrinaux comme ceux du "bien commun" et de la "destination universelle des biens". L’Eglise nous encourage à faire l’exercice approfondi de notre raison. En combinant foi et raison, elle nous permet de ne pas mélanger
- l’écologie humaine, y compris dans sa dimension louable de défense de la vie et de la famille,
- et les réponses de soi-disant experts devenus complices, consciemment ou non, de la culture de mort ambiante.
- Croire en l’Eglise Une et Sainte.
Nous croyons que l’Eglise est sainte, tout en étant appelée à le devenir. L’Eglise est sainte parce que corps du Christ, mais appelée à devenir sainte, parce que les membres de ce corps sont eux-mêmes sur ce chemin de sainteté.
Seule l’unité entre ses membres contribue à la sainteté de l’Eglise. Il nous faut donc dépasser nos différentes sensibilités en matière d’écologie, si nous voulons rester en Eglise.
C’est en méditant sans cesse notre Credo que nous pourrons répondre aux questions de notre temps. Les réponses, si elles ne respectent pas la nature déïfiable de l’homme seront toujours illusoires et nous ferons courir vers des illusions.
5- Conclusion
Chaque époque a donné sa propre façon de comprendre la Création. On sait, par l’étude historico-critique de l’ancien testament, que les chapitres 1 et 2 de la Genèse, appartiennent à des traditions et des époques différentes :
- Celle de Genèse 1, appelé « récit sacerdotal », qui rend compte de la réalité créée du cosmos et de l’homme. C’est le plus récent, probablement écrit pendant l’Exil à Babylone vers 590 av. JC
- Celle de Genèse 2, appelé « récit Yhaviste », qui donne un exposé plus détaillé de la création de l’homme. C’est le récit le plus ancien, probablement écrit sous le règne de Salomon, vers 950 av. JC
La Création n’est donc pas une œuvre définie une fois pour toutes dans la Bible.
L’écologie moderne, malgré ses visions souvent idéologiques et matérialistes, a au moins le mérite de nous obliger, en quelque sorte à avoir une « vision écologique » -celle de la Jérusalem Céleste- qui précède l’« économie divine » -celle de l’Eden dans la Genèse-. Cette approche dont la forme est inhabituelle trouve en réalité sa source dans la révélation définitivement révélée par les écritures et la tradition de l’Eglise.
Notre nature, parce que créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, est fondatrice de tous les grands principes de l’"écologie de l’homme". Cela correspond au dessein divin, à l’ordre des choses que le Créateur a voulu. Ce concept d’"ordre des choses" est intéressant. Mgr. d’Ornellas l’a expliqué au cours d’un débat à Sainte Clotilde en reprenant la sémantique de Saint-Augustin avec le mot "ordinatissima". Cette forme superlative de l’adjectif latin, ordinatus: "réglé, en ordre" indique que beaucoup de choses "plus que parfaites" nous dépassent, et qu’elles sont les éléments d’un ordonnancement voulu par Dieu... Aujourd’hui, Saint-Augustin parlerait peut-être d’"écosystèmes".
Et Mgr. d’Ornellas expliquait très bien « qu'il existe un "écosystème", c'est à dire un "ordre plus que parfait" dans le monde extérieur ». Mais il ajoutait qu’il faut comprendre « que nous sommes, nous-mêmes, un "écosystème" ». Et c’est comme cela, dit-il, « qu'il n'y a pas d'écologie sans bioéthique et qu'il n'y a pas de bioéthique sans écologie.. ».
Ainsi, "Gaudium et spes" rappelle que « tout sur terre doit être ordonné à l’homme comme à son centre et à son sommet ». Cette notion d’ordonnancement se retrouve aujourd’hui dans le concept d’écosystème puisqu’il s’agit là de la manière dont les relations du monde vivant sont ordonnancées avec son environnement.
Or l’environnement auquel nous sommes appelés est celui de la « Jérusalem céleste ». Cela fait partie de « l’ordre des choses » voulu de tout temps par Dieu.
Pour nous en convaincre, terminons par cette merveilleuse homélie pour le samedi saint d’un père de l’Eglise anonyme du IVème siècle: Que se passe-t-il cette nuit là ? « Aujourd’hui, grand silence sur la terre …Dieu est mort dans la chair et le séjour des morts s’est mis à trembler. …C’est vers Adam captif, en même temps que vers Eve, captive elle aussi, que Dieu se dirige…: "Lève-toi, partons d’ici. L’ennemi t’a fait sortir de la terre du paradis; moi je ne t’installerai plus dans le paradis, mais sur un trône céleste. Je t’ai écarté de l’arbre symbolique de la vie; mais voici que moi, qui suis la vie, je ne fais qu’un avec toi. J’ai posté les chérubins pour qu’ils te gardent comme un serviteur; je fais maintenant que les chérubins t’adorent comme un Dieu. Le trône des chérubins est préparé, les porteurs sont alertés, le lit nuptial est dressé, les aliments sont apprêtés, les tentes et les demeures éternelles le sont aussi. Les trésors du bonheur sont ouverts et le royaume des cieux est prêt de toute éternité" ». Oui ! Voilà notre destin : les "Chérubins nous adoreront comme un Dieu". Et pour cela, l’écologisme doit ne pas nous faire oublier que le Christ ne souhaite plus "nous installer dans le paradis".
[1] Source: Déclaration ”Dominus Iesus” de la congrégation pour la Doctrine de la Foi du 6.8.2000 § 12
[2] Encyclique "Sollicitudo rei socialis" de Jean-Paul II du 30.12.1987
[3] Jean-Paul II: 1.05.1991 « centesimus annus » § 38
[4] Discours- 25.05.2000- Jean-Paul II à Mme C. Heather Bogle, ambassadeur de Nouvelle Zélande.
[5] Jean-Paul II: 1 mai 1991 "Centesimus annus" § 38
[6] Nom de Rabbi Schlomo Yitzaq, rabbin champenois de Troyes (1040-1105) qui fut un éminent commentateur du Talmud et un des rares savants juifs à avoir influencé le monde chrétien, son exégèse biblique ayant influencé la traduction de la Bible.
[7] Pape François – Homélie de sa messe d’intronisation le 19.3.2013
[8] Une magnifique sculpture a été trouvée en Samarie datant du VIIIe siècle. Elle est exposée au Musée d’Israël (Jérusalem).
[9] St-Jean a une vision de ces quatre animaux: « Autour du trône, quatre Vivants... Le premier Vivant est semblable à un lion, et le deuxième Vivant est semblable à un jeune taureau et le troisième Vivant a la face comme d’un homme et le quatrième Vivant est semblable à un aigle qui vole. Et les quatre Vivants, ont chacun d’eux six ailes… et ils n’ont de repo, jour et nuit, ils disent: "Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, Celui-qui-était, et Celui-qui-est, et Celui-qui-vient! " » (Ap. 4, 6-8).
Pour Saint-Irénée, les quatre vivants caractérisent le Christ lui-même (source: Adversus Haereses III-11,8):
- Le lion "caractérise la puissance, la prééminence et la royauté du Fils de Dieu"
- "le jeune taureau …manifeste sa fonction de sacrificateur et de prêtre";
- l’homme "évoque clairement Sa venue humaine"
- "l’aigle …indique le don de l’Esprit volant sur l’Eglise".
Pour St-Jérôme, les Évangiles seront eux aussi en accord avec ces quatre vivants sur lesquels siège le Christ Jésus (source: préface de sa traduction de la Vulgate):
- Matthieu est représenté par l'homme parce qu’il commence son Evangile par la généalogie du Christ (Mt 1,1).
- Luc est représenté par le taureau, animal du sacrifice pour l’allusion que l’évangéliste fait au sacrifice offert par Zacharie (Luc 1, 5);
- Marc est désigné par le lion car dès les premières lignes de son récit, il nous parle de la voix qui crie dans le désert (Marc 1, 3).
- Jean enfin, est figuré par l'aigle, car son texte nous place, dès le début, en face du Verbe, "vraie lumière" (Jean 1, 1-4). De plus, l’aigle est le seul animal à pouvoir regarder le soleil en face.
[10] Pape François – Homélie de sa messe d’intronisation le 19.3.2013
[11] Source: Cardinal Ratzinger, "Viens Esprit Saint –Homélies de Pentecôte" (Ed. Parole et Silence) - 2008
[12] Message préparatoire du 20.07.2007, un an avant les JMJ de 2008 à Sydney (§7)
[13] Homélie de Benoit XVI –Samedi saint 7.4.2012
[14] Le huitième jour nous renvoie également à la circoncision d’Isaac, voulue par Abraham "le huitième jour". Ce rite est le signe de l’alliance entre Abraham et le Seigneur. Pâques est également la "nouvelle alliance" par excellence entre Dieu et nous.
[15] Association Cours Alpha France: "Comment résister au mal ?" Vidéo d’exposés 18.07.2005 - P. 10 de 15
[16] Ysabel de Andia est docteur en théologie patristique, agrégée de philosophie, membre de l'Académie pontificale de théologie.
[17] Ysabel de Andia: "Homo Vivens. Incorruptibilité et divinisation de l’homme selon Irénée de Lyon" (Editions ‘Etudes Augustiniennes’-1986), p. 100
[18] Ibid -Ysabel de Andia- pages 112
[19] Ibid -Ysabel de Andia- pages 94
[20] "Car telle est la raison pour laquelle le Verbe s’est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de l’homme: c’est pour que l’homme, en entrant en communion avec le Verbe et en recevant ainsi la filiation divine, devienne fils de Dieu" (S. Irénée, hær. 3, 19, 1)
[21] Source: "extraits de ses conférences" dans "Joie de croire, joie de vivre" (p 17-18)
[22] (Jean 3, 16)
[23] "Jésus Christ dans la tradition de l’Eglise" de Bernard Sesboüé (Ed Desclée, p 177)
[24] Source: "Sur l’incarnation" (54:3 PG 25:192B)
[25] Source: III 1.2
[26] Acte de Foi de Saint Thomas d’Aquin
[27] Théologien byzantin, saint célébré par les catholiques et les orthodoxes. Premier secrétaire de l’empereur byzantin Héraclius, il serait devenu moine en 613.
[28] Source: Olivier Souan 11.5.2010
[29] Père de l’Eglise (650-750), auteur de "Source de la Connaissance", il fut l’un des premiers à avoir dialogué avec l’Islam, son père ayant été un des hauts fonctionnaires du Calife de Damas.
[30] Source: Marie-Anne Vannier dans la revue "Esprit et vie" n° 20, octobre 2000.
[31] Grégoire Palamas, métropolite de Thessalonique, saint de l'Église orthodoxe et reconnu par l'Église catholique romaine (fêté le14 novembre)
[32] Source: "Jésus-Christ dans la tradition de l’Eglise" de Bernard Sesboüé, (Desclée, p.127)
[33] Source : « Adam, où es-tu ? » Le Cerf 1998, page 26
[34] Source : « Adam, où es-tu ? » Le Cerf 1998, page 320
[35] Source : « Adam, où es-tu ? » Le Cerf 1998, page 325
[36] Prédication au Vatican le 3.12.2010
[37] Source : « Adam, où es-tu ? » Le Cerf 1998, page 27
[38] Source : « Adam, où es-tu ? » Le Cerf 1998, page 53
[39] G. Martelet « libre réponse à un scandale » (1986, p.135)
[40] G. Martelet « « libre réponse à un scandale » (1986, p.49)
[41] Source: article du 12.3.2011- "Foi orthodoxe et Sciences naturelles" du Père George Metallinos, doyen de la faculté de théologie de l’université d’Athènes
[42] Benoit XVI - Discours de réception de la "Fondation Sorella Natura" 29.11.2011
[43] Benoit XVI- Exhort. apostolique post Synodale "Sacramentum Caritatis" du 22.02.2007 (§ 2)
[44] Ibid. "Sacramentum Caritatis" du 22.02.2007 (§ 15)
[45] Père Antoine Vidalin (17.09.2011 -paroisse Saint-Séverin)
[46] Concile Vatican II, l’Eglise dans le monde de ce temps, n° 39
[47] Concile Vatican II, l’Eglise dans le monde de ce temps, n° 39