« Rio 2012 » approche ! Il s’agit du 20ème anniversaire du sommet de la terre qui s’était tenu à Rio en 1992. La partie qui se jouera n’oppose pas les nations entre elles. Une élite autoproclamée s’est constituée qui  manifeste une défiance méprisante vis-à-vis de la démocratie. C’est explicite dans « The First Global Revolution », le livre qu’ont publié en 1991 le Président du Club de Rome, Alexander King, et son secrétaire général, Bertrand Schneider. La lecture de ce rapport est édifiante : « Le véritable ennemi, c’est l’humanité » dit le rapport ! On n’est pas dans la science économique, mais en pleine philosophie. Laquelle?

Source : « The first Global revolution – A report by the Council of the Club de Rome ».

Commentaire “les2ailes.com”

Le Club de Rome s’est souvent présenté comme un ensemble d’économistes, experts en modélisations soi-disant prédictives. Or un modèle ne sert souvent qu’à justifier un système de pensée philosophique sous-jacent. Dès lors la difficulté est de découvrir les paradigmes développés par les dits-experts.

Un peu d’histoire: “le club de Rome”

Le Club de Rome est un groupe de réflexion réunissant des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires nationaux et internationaux, ainsi que des industriels de 53 pays, préoccupés des problèmes complexes auxquels doivent faire face toutes les sociétés, tant industrialisées qu'en développement.
Piloté, à sa création, par Aurelio Peccei, un Italien membre du conseil d'administration de Fiat, et Alexander King, un scientifique et fonctionnaire écossais, le Club de Rome doit son nom au lieu de sa première réunion à Rome, à l' Accademia dei Lincei le 8 avril 1968.

Le « Club de Rome » : des modèles économiques largement contestés

Le club de Rome, déjà dans les années 1970, annonçait la famine généralisée pour 2000. Cela s’est avéré faux. Quels sont les principaux tenants et aboutissements de son rapport et qu’en retenir ? Ce « rapport Meadows (1972) », commandé par le Club de Rome,  n’était en fait que celui d’une équipe du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il avait pour titre français « Halte à la croissance ? ».
Qu’avait analysé le « rapport Meadows » ? Il s’était limité à des corrélations entre seulement cinq variables: la population, le PIB/Habitant, la ration alimentaire/personne/an, la pollution, et, enfin, les ressources non renouvelables.  Le rapport avait modélisé les évolutions en appliquant une loi dite « loi des rendements décroissants » énoncée en 1817 et publiée en 1821 par David Ricardo, dans ses « Principes de l'économie politique et de l'impôt ». Ce concept des rendements décroissants –qui date, on le voit,  quelque peu- s'accordait bien avec l'idée malthusienne selon laquelle plus la population augmente, plus les ressources disponibles par habitant se réduisent. Nulle part on ne trouvait de prévisions dument datées.

Toutefois la lecture des courbes[1], montre que si les tendances s’étaient maintenues, tout devait s’effondrer vers les années 2005. Etant donné ce qu’on a constaté, on ne peut qu’émettre des doutes sur la validité du modèle. Le rapport modélisait l’effondrement de notre civilisation, même avec une régulation parfaite des naissances, stabilisant la population mondiale aux 4 milliards d'habitants de 1975, par une égalité des taux de mortalité et de natalité !

Alors que faire ? Le « rapport Meadows » proposait de combiner des  changements de technologie avec des changements de valeur, afin de réduire les tendances à la croissance à l'intérieur du système.

De très nombreux scientifiques ont contesté les fondements du raisonnement. Ainsi, Samuel Farfari[2] a résumé les critiques qu’il convient de faire au rapport Meadows: « La principale raison pour laquelle ce club …s'est fourvoyé sur cette question comme sur d'autres, c'est parce qu'il pensait à une évolution linéaire de la technologie et estimait que les évolutions de la démographie, de la pollution et des besoins suivaient une tendance exponentielle. Cela ne pouvait que conduire à une interprétation catastrophique du futur. Petite erreur d'hypothèse mais grande divergence quant aux résultats ».

Quelles sont, concrètement, les critiques faites au rapport Meadows? « Il lui est d’abord reproché d’avoir fondé son modèle sur  l’agrégation qui a toujours été considérée comme une démarche appauvrissante bien qu’inévitable en macroéconomie et qui, de ce fait ignore largement les problèmes de structure. Il est également reproché d’avoir appliqué un « principe d’accélération », qui veut qu’un output soit proportionnel à son stock en capital. Il est reproché d’avoir (implicitement) supposé que la même proportionnalité prévalait pour la pollution - qui est aussi un output ! La dernière critique faite est de ne pas avoir prix en compte les phénomènes de prix dans la mesure de la rareté des ressource et d’avoir retenu une hypothèse de croissance exponentielle de la technologie ».

Un club de Rome toujours très actif

Malgré ces critiques, le rapport Meadows a fait l’objet, en 1992, d’une première mise à jour, intitulée « Beyond the Limits », mais n’a pas pris en compte les critiques dont la première édition avait été l’objet. Enfin, en 2004, paraissait une seconde mise à jour qui, jusqu’ici, n’a pas été traduite en français : « Limits to Growth. The 30-Year Update ». Les auteurs ont jugé cette mise à jour nécessaire  pour souligner la gravité de la situation actuelle. Les auteurs s’appuient largement sur la notion d’ « empreinte écologique » et sur le travail de Mathis Wackernagel dans la création de cet indicateur. Au cœur de leur mise à jour se trouve le concept d’ « overshoot »,  qui signifie que nous serions déjà au-delà des limites de la planète.

Ce rapide historique sur le Club de Rome est indispensable, même si beaucoup s’imaginent que c’est une organisation disparue. Il existe toujours et est très actif. Les tenants de la décroissance voient dans le Club de Rome les précurseurs des notions de « développement durable » et d' « empreinte écologique ».
Ce club est toujours actif et est dirigé, depuis septembre 2007, par deux co-présidents très influents :

  • Ashok Khosla, né en Inde en 1940,  est Président de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN) qui est la plus vaste alliance mondiale d’organismes et de groupes d’intérêts dédiés à l’environnement, que ce soient des états souverains, des organismes gouvernementaux ou des ONG de la société civile. Ancien Directeur du programme des Nations unies pour l’environnement, il a présidé le Forum des ONG lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992.
  • Eberhard von Koerber , allemand,  a été Vice-Président exécutif d'ABB Ltd. Il est membre de l’ERT (European Round Table), Club dont les membres représentent une quarantaine de gigantesques multinationales au chiffre d’affaires total de 800 milliards d’euros avec plus de 4 millions d’employés à travers le monde [3].

Le Club de Rome : Un nouveau paradigme grâce à « la première révolution globale »

Le rapport “The first Global revolution” a deux auteurs qui ne sont pas des inconnus puisqu’il s’agit de Alexander King est un des co-fondateurs du Club de Rome et de son secrétaire, Bertrand Schneider.

Nous nous proposons de parcourir, pas à pas, le contenu de ce rapport pour voir quel est le paradigme proposé par le Club de Rome. Le rapport est articulé autour d’un plan simple : Quelle est la problématique mondiale actuelle et quelle est la solution proposée ?

a) La problématique

  • Le rapport commence par lister un véritable tourbillion de changements, les changements économiques, l’interdépendance des nations,  le réveil des minorités et des nationalismes, la croissance urbaine, le développement, l’explosion de la population, l’environnement (diffusion de substances toxiques, Acidification des lacs et destruction des forêts causés par les effluents, macro-pollutions de la haute atmosphère par les CFCs, l’effet de serre, …), le progrès des hautes technologies, la perte des valeurs (religions, éthiques, indiscipline sociale, vandalismes, …), les nouveaux fléaux (Mafias, SIDA, etc..)

  • Les sujets de préoccupation les plus aiguës sont décrits comme étant ceux relatifs à la croissance de l’activité humaine, au  réchauffement climatique et ses implications, à la sécurité alimentaire mondiale, au contrecoup démographique et à la société informatique. La conclusion immédiate de cela serait que « ce qui est nécessaire, c'est une attaque simultanée sur tous les éléments dans une stratégie coordonnée  mondiale (p. 48) ». Il y a là un a priori qui n’est pas démontré. La doctrine sociale de l’Eglise insiste toujours sur le principe de subsidiarité : « les corps sociaux intermédiaires peuvent remplir de manière appropriée les fonctions qui leur reviennent, sans devoir les céder injustement à d'autres groupes sociaux de niveau supérieur, lesquels finiraient par les absorber et les remplacer et, à la fin, leur nieraient leur dignité et leur espace vital » (Compendium de la DES § 186). Ce n’est à l’évidence pas le point de vue du Club de Rome qui prône le parti pris inverse : tous les problèmes, quels qu’ils soient, doivent faire l’objet d’ « une stratégie coordonnée mondiale ». Peu importe que certains puissent être mieux résolus à des niveaux plus locaux. Benoit XVI, dans son encyclique  Caritas in Veritate insistait encore plus. «  La sagesse et la prudence nous suggèrent de ne pas proclamer trop hâtivement la fin de l’État. » ( § 41).

  • La mauvaise gestion internationale de l'économie mondiale
    L’argument majeur pour, justement en finir avec les états, c’est de faire une description négative de leur capacité à résoudre les problèmes. Ce chapitre fournit un bref aperçu des principales questions ayant une incidence sur l'économie mondiale  d'aujourd'hui, axée sur les pays clés :
    * Les USA : « les déficits budgétaires et de la balance commerciale limiteront l'efficacité des États-Unis dans les affaires mondiales à un moment où leur participation pleine et entière sera absolument nécessaire » (p. 53)
    * Le Japon : « La fragilité des relations commerciales, la structure changeante de la population japonaise et une évolution progressive des attitudes au travail et de nouvelles attentes pour l'amélioration des conditions de la vie quotidienne, va progressivement affecter la dynamique de l'économie japonaise » (p. 54)
    * La Communauté européenne : Elle séduit le Club de Rome : « Les rapides changements réalisés en Europe de l’Est sont si profonds que le futur rôle de la Communauté européenne ne peut être ignoré »… mais c’est pour en conclure aussitôt que « L’UE, le Japon et les USA devront développer de nouveaux modèles pour relever les défis globaux des années à venir » (p. 56)
    * L’Union soviétique et les pays d’Europe de l’est : « La réduction des tensions et des menaces de guerre est peut-être la seule grande opportunité pour consolider le progrès » (p. 62)
    * Les Pays en voie de développement. Ils doivent faire face à des problèmes de dettes, de pauvreté, de développement, de participation à l’économie mondiale. « Une nouvelle réflexion est absolument nécessaire. Ignorer la question mènera à la catastrophe... La ligne suivie par les économies occidentales n'est pas une stratégie viable et respectueuse de l'environnement » (p. 60). On retrouve là une problématique typiquement égoïste des pays du Nord vis-à-vis des pays du Sud. Il ne faudrait pas appliquer les modèles de développement des pays du Nord au Sud. Comment pourront-ils donc sortir de leur pauvreté ? Rien n’est proposé… si ce n’est la réduction de leurs populations comme cela sera expliqué plus loin. Pourtant, la doctrine sociale de l’Eglise n’hésite pas à parler d’un droit au développement pour les pays les plus pauvres : « il faut trouver des voies pour ne pas compromettre le droit fondamental des peuples à leur subsistance et à leur progrès » [4].
  • L’intimation de la solidarité
    Pour justifier la gouvernance mondiale et ne pas mettre en exergue cet égoïsme, les auteurs ont bien entendu la main sur le cœur : ce qui est en jeu, c’est un devoir de solidarité, mais on ne dit pas comment. L’accent est, comme toujours,  mis sur le slogan habituel: « la reconnaissance mondiale de la faible importance des droits de l'homme a été-une caractéristique positive de ces dernières années » (p. 66).
  • Le vide.
    Le rapport développe une théorie pour justifier la gouvernance mondiale, celle du « grand vide » :« L'approche actuelle à la vie sociale est superficielle, basée sur des événements actuels et la crise du gouvernement qui tente d'éliminer les symptômes sans diagnostic des causes des problèmes. C'est la façon dont nous mettons en place la scène pour la destruction de notre planèteC'est une loi de la nature, que tout vide sera rempli et éliminé donc, sauf si, physiquement cela est empêché. «La Nature» comme dit le proverbe, « a horreur du vide». » (p. 68-69).
    C’est à ce stade du raisonnement que le rapport révèle sa véritable pensée philosophique, les sociétés doivent avoir des ennemis, et le principal ennemi est l’homme lui-même ! : « Il n'est pas facile de stimuler un débat universel sur les idées, mais le manque de tentatives de le faire dépend en outre d'un vide. Il y a un besoin pressant pour un tel débat, et la fréquence des conférences et réunions internationales, avec leurs discussions multi-culturelles, devrait ouvrir une réflexion nouvelle et plus globale.
    Cette période d'absence de pensée et de vision commune, non pas sur ce que le monde de demain sera, mais sur ce que nous voulons qu'il soit et sur la forme que nous pouvons lui donner.... Comme c'était simple, ou aurait dû l'être, pour la France et la Grande-Bretagne, qui avaient leur grand ennemi commun nazi. N'était-il pas évident, au cours de la période de la guerre froide, que les nations occidentales devaient accomplir une mission diplomatique, une mobilisation économique et technologique contre l'Union soviétique et ses pays satellites? Encore une fois, les combattants de la liberté, malgré leurs différences tribales et idéologiques, étaient en mesure de trouver l'unité et de renforcer le patriotisme dans la lutte pour l'indépendance de leur ennemi commun, les puissances coloniales. 
    Il semblerait que les hommes et les femmes ont besoin d'une motivation commune, à savoir un adversaire commun contre lequel ils peuvent s'organiser et agir ensemble. Dans le vide actuel, de telles motivations semblent avoir disparu - ou ne pas encore avoir été trouvées. 
    La nécessité d'ennemis semble être un facteur historique commun. Certains États se sont efforcés de surmonter l'échec interne et les contradictions internes en blâmant des ennemis extérieurs. Le stratagème consistant à trouver un bouc émissaire est aussi vieille que l'humanité elle-même; quand les choses deviennent trop difficiles à la maison, on détourne l'attention sur une aventure à l'étranger. Le but est d'apporter une cohérence à la nation divisée. Avec la disparition de l'ennemi traditionnel, la tentation est d'utiliser des minorités religieuses ou ethniques comme des boucs émissaires, en particulier ceux dont les différences avec la majorité sont inquiétantes.
    Peut-on vivre sans ennemis? Chaque Etat a été tellement habitué à classer ses voisins comme ami ou ennemi, que l'absence soudaine d'adversaires traditionnels a laissé les gouvernements et l'opinion publique avec un grand vide à combler. 
    De nouveaux ennemis doivent être identifiés, de nouvelles stratégies imaginées, et de nouvelles armes mises au point. Les nouveaux ennemis sont différents dans leur nature et leur positionnement, mais ils ne sont pas moins réels. Ils menacent la race humaine tout entière, et leurs noms sont la pollution, pénurie d'eau, la famine, la malnutrition, l'analphabétisme et le chômage. Cependant, il semble que la sensibilisation des nouveaux ennemis, soit encore insuffisantes pour réaliser la cohésion et la solidarité mondiale dans cette lutte. L'échec de nombreuses idéologies a supprimé certains des points de référence nécessaires
    » (p. 70-71).

    C’est alors que le rapport en arrive à un tournant, celui des « limites de la démocratie » (p. 71) : « La démocratie n’est pas une panacée. Elle ne peut pas tout organiser, et elle ne connaît pas ses propres limites. Il faut regarder ces faits en face, pour sacrilège que cette injonction puisse paraître. Telle qu’on la pratique aujourd’hui, la démocratie n’est plus adaptée aux tâches qui nous attendent. La complexité et la nature technique de beaucoup de problèmes d’aujourd’hui ne permettent pas toujours à des représentants élus de prendre une décision compétente au bon moment. Parmi les hommes politiques au pouvoir, peu sont suffisamment avertis du caractère mondial des problèmes à régler et très peu, sinon aucun, sont conscients des interactions entre ces problèmes ». Tout cela rappelle étrangement une citation qu’on prête à David Rockefeller lors d’une assemblée de la Trilatérale, en 1991 « La souveraineté supranationale d’une élite intellectuelle et de banquiers mondiaux est surement préférable à l’autodétermination nationale pratiquée aux siècles passés ». Quel mépris pour la démocratie!

    C’est fort de sa théorie selon laquelle une société a besoin d’ennemis que le rapport propose cette conclusion étonnante : « Dans la recherche d'un ennemi commun contre lequel nous pouvons nous unir, nous sommes arrivés avec l'idée que la pollution, la menace du réchauffement climatique, les pénuries d'eau, la famine et autres, ferait l'affaire. Dans leur totalité et de leurs interactions ces phénomènes constituent une menace commune qui doit être confrontée à tout le monde ensemble. Mais en désignant ces dangers "ennemis", nous tombons dans le piège, dont nous avons déjà mis en garde les lecteurs, à savoir la confusion entre les symptômes et les causes. Tous ces dangers sont causés par l'intervention humaine dans les processus naturels, et ce n'est qu'à travers un changement d'attitude et de comportement qu'ils peuvent être surmontés. Le véritable ennemi, alors, c'est l'humanité elle-même » (p. 75).

    On devine à demi mot que le problème n’est donc pas de savoir si « la pollution, la menace du réchauffement climatique, les pénuries d'eau, la famine » sont ou non de vrais problèmes. Ce qui importe c’est de se servir de la peur comme d’une vertu agglutinante pour les sociétés et de s’en servir pour faire avancer la cause de la « gouvernance mondiale ».
    Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si on attribue cet aveu à Timothy Wirth, l’homme placé à la présidence de la Fondation des Nations Unies par Ted Turner, Maurice Strong et Al Gore  : « Nous devons conduire cette affaire de réchauffement global. Même si la théorie du réchauffement global est fausse, nous allons faire ce qu’il convient en termes de politique économique et environnementale ». Ce "qu'il convient", c'est de servir l'objectif, celui d'une gouvernance mondiale!
  • Le malaise humain.
    Les auteurs du Club poursuivent l’analyse : « Il y a tellement de raisons de douter et de désespoir: la disparition d'entreprises établies et les points de valeurs de référence, .. problèmes non résolus comme la détérioration continuelle de l’environnement,… Souvent, l'impact des médias de masse fonctionne comme une loupe pour une réalité déprimante... (p. 76) »
    Le rapport annonce que tout cela va mener à « un monde schizophrénique » (p.80), dans lequel il ne ferait « aucun doute que les tendances actuelles et les menaces  auxquelles nous devons faire face sont induites par un état d'esprit influencé par la globalité de ces deux situations contemporaines, et les craintes et l'agressivité de nos frères humains” (p.82). On est en plein pessimisme. Le malaise vient du cœur de l’homme lui-même. Dès lors que personne ne s’efforce de redonner un sens à sa propre existence, dès lors que « le véritable ennemi, c'est l'humanité elle-même », comment l’homme pourrait-il vivre autrement que de façon schizophrénique ? Le Club de Rome se garde bien de montrer que c’est sa propre analyse, relayée par tous les organes internationaux, qui est la cause de ce « malaise humain ».

b) La solution

  • Le rapport retient trois urgences en termes d’action : restaurer un environnement pour survivre, revoir toute la problématique du développement versus le sous développement et mener une "politique de population":  « Il y a indubitablement  un besoin urgent de  ces pays à adopter des politiques  humanitaires de régulation de la population, et des mesures visant à encourager la planification familiale qui viendrait compléter …une meilleure hygiène ». On retrouve ici la sémantique classique de « santé reproductive » proposée par l’ONU. Elle cache, on le sait, les politiques que proposent d’ailleurs les auteurs : « …. L'un des plus sûrs moyens d'atteindre des taux de fécondité inférieurs est de favoriser le développement économique; mais dans de nombreux endroits c'est un espoir lointain, surtout là où le taux élevé de croissance de la population crée ainsi un cercle vicieux.
    Une percée scientifique en technologie contraceptive est en retard, en particulier dans la production de contraceptifs largement disponibles à bas prix et d'autres par voie orale ou qui serait facilité contrôle de la population ...»
    (p. 105). Ce qu’il y a de paradoxal, c’est qu’en matière économique, les auteurs, on l’a vu, disent que « ... La ligne suivie par les économies occidentales n'est pas une stratégie viable ». Mais alors, si le développement économique occidental n’a pas été un modèle, au nom de quoi les mœurs familiales occidentales, utilisant massivement la contraception, seraient-elles un modèle pour le Sud ?Tout cela est totalement contradictoire avec la Doctrine sociale de l’Eglise qui affirme  « que la croissance démographique est pleinement compatible avec un développement intégral et solidaire »[5].

  • Gouvernance et capacité de gouverner.
    Ce sont bien sûr les propositions clefs du rapport : Une nouvelle dimension du problème de gouvernance doit se substituer à une soi-disant inadéquation des réponses étatiques aux problèmes actuels.
  • Les agents de ces solutions.
    Tout sera bon pour faire avancer la gouvernance mondiale: s’appuyer sur un enseignement adequat des plus jeunes, faire appel à la science et aux technologies, et, bien sûr, se servir  des medias.

  • Motivations et valeurs
    C’est tout un paradigme qu’il faut revoir, avec en particulier “une nouvelle base de valeurs morales et spirituelles ». Les auteurs buttent bien entendu sur une question difficile : Comment les systèmes de valeurs traditionnels et modernes, collectifs et individuels, peuvent-ils coexister avec la société et les droits individuels ? Qu’importe ! « La dimension spirituelle et éthique n'est plus un objet de mépris ou d'indifférence, elle est perçue comme une nécessité qui devrait conduire à un nouvel humain » (p. 153). Le nouvel ordre mondial passe bien par un nouveau paradigme, un « nouvel humain » !
  • Pour faire l’apprentissage de ce chemin vers une nouvelle ère, le rapport propose enfin de jouer avec les interactions du global et du local puis du local et de l’individuel, de faire émerger un secteur informel, celui des ONG, et de faire preuve d’innovation dans le langage, l’analyse et dans les approches.
    On retrouve là les thématiques largement développées dans notre ouvrage « les contrevérités de l’écologisme » ( Stanislas de Larminat, éditions Salvator).

Conclusion

Le rapport du Club de Rome est très loin de la problématique de gouvernance mondiale proposée par la Doctrine sociale de l’Eglise. Pour elle, les valeurs de référence qui devraient guider la réforme de l’ONU, doivent avoir le souci du bien commun, c'est-à-dire de « s’engager pour la promotion d’un authentique développement humain intégral qui s’inspire des valeurs de l’amour et de la vérité »[6]. Cette doctrine se résume en une phrase très dense: « Le développement intégral des peuples et la collaboration internationale exigent que soit institué un degré supérieur d’organisation à l’échelle internationale de type subsidiaire pour la gouvernance de la mondialisation et que soit finalement mis en place un ordre social conforme à l’ordre moral et au lien entre les sphères morale et sociale, entre le politique et la sphère économique et civile que prévoyait déjà le Statut des Nations Unies ». Tout  est évoqué dans cette conclusion : le « développement intégral », une organisation qui doit être d’ « échelle internationale », mais « de type subsidiaire », l’« ordre moral », etc…

Benoit XVI est conscient qu’en l’absence de ces conditions, « le droit international … risquerait en fait d’être conditionné par les équilibres de pouvoir entre les plus puissants »[7].


[1] "Halte à la croissance ?" (Ecologie - Fayard – 2nd T 1972) - (Figure 31)

[2] Enseigne la géopolitique de l'énergie à l'Université libre de Bruxelles; docteur en Sciences appliquées; fonctionnaire à la Commission UE

[3] Dans le cadre des politiques relevant de la gouvernance globale, la définition de la société civile est donc, fondamentale. Cette dernière se compose d’ONG, qui signifie “organisations non gouvernementales”. Cependant, au sein des ONG, les Anglo-saxons distinguent deux sous catégories: les GONGOS, qui désigne les ONG travaillant directement pour les intérêts des Etats et  les BINGOS (Business International Non-Governmental Organizations) qui sont des organisations privées à vocation économique (Smouts, 1995: 13). Il s’agit par exemple d’associations d’industriels, tel que l’European Round table.

[4] « Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise », 2 avril 2004, § 450

[5] Ibid, § 483

[6] Encyclique de Benoit XVI du 29 juin 2009, « Caritas in veritate »  § 67

[7] Ibid, § 67