Le Rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, a critiqué, dans un rapport du 16 novembre 2011, l’approche de la sécurité alimentaire de l’OMC qui se base sur des règles de commerce entre les pays sans prendre en considération les besoins des populations vulnérables. C’est l’agence « Algérie Presse Service » qui fait état de cette analyse. On regrette que l’Agence France Presse n'ait pas relayé cette information. Voilà un fait révélateur de la différence d’analyse entre le Nord et le Sud sur l’Organisation Mondiale du Commerce Agricole…., fait largement analysé dans l'ouvrage "Les contrevérités de l'écologisme" (Stanislas de Larminat - Ed. Salvator - pp. 109 à 121)

Source : Agence Algérie Presse Service du 17 décembre 2011

Commentaire "les2ailes.com"

Olivier De Schutter a été nommé, en mai 2008, Rapporteur Spécial sur le droit à l’alimentation par le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies. Il est indépendant de tout gouvernement et de toute organisation. Il s’est exprimé dans une note intitulée « The World Trade Organization and the Post-Global Food Crisis Agend” le 16 novembre 2011

 ’’Un système de sécurité alimentaire qui approfondit la faille entre le surplus alimentaire et le déficit alimentaire n’est simplement pas acceptable’’, a soutenu M. De Schutter.
Pour garantir la sécurité alimentaire, ’’il est nécessaire de prendre en compte tous les facteurs de production, de prix et de répercussions économiques, sociales et environnementales de la production’’, selon lui.
’’Le droit à l’alimentation n’est pas un produit commercial, il faut cesser de le voir comme tel’’, a souligné M. De Schutter qui a fait part de cette critique au Directeur général de l’OMC, Pascal Lamy. Pour lui, ’’il faut reconnaître les dangers qui existent pour les pays pauvres qui dépendent excessivement du commerce, comme il faut évaluer la comptabilité des mesures de discipline et des accords de Doha avec les impératifs de la sécurité alimentaire’’.
Sans cette réévaluation fondamentale, a-t-il poursuivi, ’’nous resterons dans un système où les producteurs les plus efficaces avec les plus fortes économies d’échelle sont nécessaires pour nourrir les régions avec un déficit alimentaire, et où la faille s’étend’’.
Dans ce sens, il a indiqué que ’’cela ressemble peut-être à la sécurité alimentaire sur le papier, mais c’est une approche qui a échoué de façon spectaculaire’’, ajoutant que ’’la réalité sur le terrain est que les populations vulnérables sont consignées à la faim et à la pauvreté endémique’’.
Dans les chiffres qu’il a avancés, les dépenses alimentaires des pays les moins développés se sont multipliées par cinq ou six entre 1992 et 2008, alors que les importations représentent actuellement 25% de leur consommation actuelle.
’’Ces pays sont pris dans un cercle vicieux. A mesure qu’ils deviennent de plus en plus dépendants sur le commerce, ils sont de moins en moins capables d’investir dans leurs propres productions agricoles, et cela accentue leur dépendance sur le commerce’’, a-t-il noté. Dans le contexte actuel, a poursuivi cet expert, ’’cela veut dire qu’on crée une dépendance sur des importations de céréales dont les prix sont historiquement volatiles’’, précisant qu’en 2011 seulement, la facture pour les pays les moins développés a flambé d’un tiers.
Par ailleurs, il a affirmé qu’en promouvant l’approche purement commerciale, ’’le développement local est sapé’’. A ce propos, il a fait valoir que les politiques mises en place par le régime commercial international ’’ne soutiennent pas les petits producteurs agricoles qui ne profitent pas des bénéfices d’un marché ouvert, mais sont victimes d’une pression toujours accrue sur les terres, sur l’eau et sur les ressources naturelles dont ils dépendent par une concurrence avec le secteur d’exportation agricole mondial…. À long terme, on n’aidera pas les pays pauvres importateurs de produits alimentaires en les nourrissant. Ils s’aideront s’ils sont capables de se nourrir eux même’’.

Réplique de Pascal Lamy[1]

Dans une lettre ouverte mise en ligne le 14 décembre  2011, le directeur général de l’OMC, Pascal Lamy, a longuement répliqué au rapporteur spécial de l’ONU afin de justifier l’approche actuelle dans les négociations agricoles multilatérales. S'adressant à Olivier de Schutter, il écrit : « Je suis fondamentalement en désaccord avec votre assertion selon laquelle les pays ont besoin de limiter leur dépendance au commerce international pour atteindre leurs objectifs de sécurité alimentaire »

M. Lamy s’appuie notamment sur des études commandées par le G20 pour dire que le commerce est un élément important pour arriver à une plus grande sécurité alimentaire. Les signaux de prix permettent un ajustement de l’offre, qui peut être salutaire en cas de manque de nourriture. M. Lamy soutient que des aides qui faussent le marché, les subventions à l’exportation et des mesures imprévisibles de restrictions des importations et des exportations sont justement parmi les causes de la hausse du prix des aliments en 2008 et en 2010.


[1] Source : France Agricole du 15 décembre 2011