Le Comité de Recherche et d’Informations Indépendantes sur le Génie Génétique (Crii-gen) avait publié le 8 juillet 2009, un communiqué de presse prétendant que « une étude menée par huit chercheurs internationaux met en cause la fiabilité des tests de l'Autorité Européenne de la Sécurité Alimentaire (EFSA) et de son équivalent américain la FDA pour évaluer les risques sur la santé des OGM et des pesticides ». Les lecteurs de notre site savent que cette étude était sans fondement.
On veut nous faire peur en disant aujourd’hui que des « résultats observés dans les reins et les foies pourraient signifier l’apparition de maladies chroniques ».
Tout cela ressort d’un nouveau communiqué du Crii-gen daté du le 8 juillet 2011.
Aurons nous droit à cette pseudo science chaque 8 juillet ?

Source : AGRA Presse Hebdo – N° 3310 – Lundi 18 juillet 2011
              Environnemental Sciences Europe http://www.enveurope.com/content/23/1/10

Commentaire "les2ailes.com" 

Que dit le communiqué du CRIIGEN ?

Une étude française portant sur 19 OGM autorisés à l’importation pour l’alimentation en Europe relève des « signes de toxicité sur les foies et les reins » des animaux qui en ont consommé, ont affirmé le 8 juillet ses auteurs. Les scientifiques des universités de Caen, de Rouen et du CRIIGEN (Conseil scientifique du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique) ont travaillé à partir de données fournies par les entreprises qui produisent ces 19 OGM. Mais ils les ont « compilées » de façon plus poussée que les industriels, a expliqué Gilles-Eric Séralini, professeur à l’université de Caen et président CRIIGEN. Ces 19 OGM « représentent plus de 80% de tous les OGM cultivés à travers le monde », précise le Comité dans un communiqué.
« Les tests ne prouvent pas une toxicité chronique des OGM puisqu’ils se limitent à une durée trop courte, choisie par les industriels, de 90 jours », mais « les résultats observés dans les reins et les foies pourraient signifier l’apparition de maladies chroniques », selon le communiqué.
Pour ces chercheurs, il faut donc que « des études prolongées et plus détaillées soient menées ». L’étude a été publiée dans la revue Environnemental sciences Europe le 1.3.2011

Des allégations sans preuves :

Déjà en 2008, le CRIIGEN avait publié un communiqué parlant d’une étude mettant en cause les décisions des agences sanitaires européennes et américaines.
Cette étude du CRIGEN, pas plus que celle qui est maintenant annoncée, n’en sont pas.
Ni celle de 2008, ni celle de 2011 ne sont pas des études de laboratoires. Le communiqué de presse  du CRIIGEN évoque l’examen de « 19 études sur les mammifères nourris avec du soja génétiquement modifié ». On pourrait imaginer qu’il s’agit d’essais épidémiologiques qui seraient la seule manière d’apporter des éléments nouveaux. On en est loin puisque  la méthodologie du CRIIGEN consiste simplement à recenser des études et à les « critiquer » à l’aune d’autres études. Malheureusement, ces études de références ne sont absolument pas contradictoires. Le CRIIGEN, pour prouver ce qu’il prétend, utilise les études de son propre directeur scientifique : sur les 48 études citées, M. Séralini est l’auteur de  10 d’entre elles[1] ! On n’est jamais si bien servi que par soi-même !
Malgré cela, l’étude précise que « plusieurs facteurs convergents semblent indiquer des problèmes du foie et des reins comme points de fin de régime alimentaire des effets des OGM dans ces expériences » [2] . On est en plein conditionnel !
Le  Professeur. A. de Weck [3] qualifie ce genre d’exercice de « pseudo-science »….

Une science « dissidente » non crédible

Le Professeur de Weck explique en détail sa vision des choses. Nous reprenons l’essentiel de son article paru dans la revue de l’ « Associaition Française pour l’Information Scientifique »[4].
« Pendant près de 150 ans, la recherche et le progrès scientifique, particulièrement en biologie et médecine, se sont déroulés selon un schéma assez rigide. Les chercheurs n’avaient pour faire connaître leurs travaux et acquérir une certaine renommée qu’une seule voie : la présentation à leurs pairs et la publication dans des revues scientifiques, publication soumise à l’approbation d’un comité de lecture, généralement anonyme. Ce procédé, toujours en vigueur, reste celui qui génère la majorité des nouvelles connaissances. Certes, il ne garantit pas que toutes les notions acquises de cette manière correspondent à la vérité absolue. Mais il offre à tout le moins une forme de contrôle et, de par sa diversité, d’auto-vérification. C’est ce que certains appellent la « vraie science » et que j’appellerais la science contrôlée.
Mais qu’advient-il des chercheurs dont les travaux sont jugés insuffisants, peu crédibles ou provocateurs par la filière de contrôle ? Autrefois, ils n’avaient pas beaucoup d’alternatives. De nos jours, grâce à Internet et à l’attraction des médias pour les rebelles de tout poil, ils peuvent publier leurs travaux sur la toile sans aucun contrôle et attirer des disciples anonymes, dont la compétence scientifique ne peut être mise en cause par personne. Ils peuvent en un tournemain et sans le moindre investissement créer un « institut » au nom ronflant sur la toile et se prévaloir d’une « indépendance » plus ou moins réelle, laissant entendre que leurs contradicteurs sont forcément vendus à quelque lobby. Ils peuvent aussi, bien plus facilement que par le passé, créer leurs propres réseaux de publications, où les comités de lecture sont désormais formés d’adhérents acquis à la cause. Ceci est vraiment un phénomène nouveau dans l’histoire de la science. Il en émerge toute une catégorie de martyrs mais aussi de faux prophètes, dont la crédibilité est rarement remise en cause par ceux qui les suivent. Les « pseudo-sciences classiques » y trouvent place, mais ce phénomène va bien au-delà.
On ne saurait mettre tous les dissidents de la science dans le même paquet. Certains peuvent faire valoir une éducation scientifique sans faille et même des travaux de très haut niveau, leur ayant valu réputation internationale, jusqu’au prix Nobel. Jusqu’au moment où ils s’achoppent à une idée, prennent le contrepied de l’opinion scientifique du moment et pensent avoir découvert une nouvelle voie. Le doute qu’ils expriment est souvent légitime : le doute est à la base de la plupart des découvertes. Mais lorsque le doute s’avère injustifié (cela arrive aussi et souvent !), de par leurs propres résultats et surtout par celui d’autres qui ont tenté de vérifier leur idée, et s’ils s’obstinent dans leurs conclusions contre l’évidence et contre leurs pairs, là commence la dissidence. À ce stade, le problème ne devient souvent plus une question de vérité objective ou d’intelligence mais un problème de caractère.
Un autre groupe de dissidents est moins respectable, c’est celui dont les références d’éducation et de formation scientifiques sont impeccables, mais dont les accomplissements dans des domaines classiques ne leur ont pas apporté la réputation ou les avantages espérés. Pour certains d’entre eux, la voie de la dissidence devient, surtout de nos jours, une autre manière d’exister.
La notion de « lanceur d’alerte » (whistleblower) a récemment subi une sorte d’ennoblissement médiatique. Certes, il est des cas où la révélation de scandales cachés par une autorité ou une industrie réclame courage civique et mériterait protection. Mais la simple divergence scientifique avec la majorité de vos pairs et le fait d’ameuter l’opinion publique à ce sujet méritent-ils un traitement de faveur ? Il n’est pas rare que le lanceur d’alerte utilise en fait sa capacité scientifique à des fins essentiellement politiques. Le lanceur d’alerte de ce type doit-il s’étonner de se voir rejeter par la main qui le nourrit et qu’il a mordue ?...
...En France le désamour pour la science contrôlée et ceux qui la représentent a pris récemment, dans la question des OGM, une proportion inquiétante. Il suffit de surfer sur Internet pour constater à quel point intolérance, fausses affirmations, invectives, obscurantisme, partis pris et refus d’une évaluation sans préjugés dominent le débat et aveuglent ceux qui s’expriment.
À ce compte, l’avis d’une science, certes faillible mais contrôlée, me semble moins inquiétant que celui d’une « démocratie participative » devenue la loi de la rue. Quand on voit des parlementaires s’abstenir parce que « la communauté scientifique n’est pas claire sur le sujet des OGM »[5], on réalise à quel point le mal est devenu profond et à quel point opinion publique et autorités politiques ont de plus en plus de peine à faire la différence entre ce qui est un jugement scientifique contrôlé, par nature complexe et nuancé, et un argumentaire tendancieux et unilatéral, qui se déguise en sauveur de la patrie.
Pour l’instant en tout cas, les OGM ont eu un effet nuisible évident sur la santé humaine, celui d’attiser l’angoisse et de créer une obsession allant jusqu’à la paranoïa chez beaucoup de citoyens. Il est vrai qu’à court terme, une interdiction totale des OGM en France, même scientifiquement infondée, ne tuerait personne. Elle ne ferait qu’obliger un certain nombre d’agriculteurs et de chercheurs à émigrer ou changer de métier. Seul l’avenir pourra dire si une telle interdiction contribuera, à terme, à aggraver ou non la faim dans le monde. Il y a de toute façon fort à parier que l’Europe soit elle aussi envahie, de bon ou mauvais gré, d’aliments OGM d’ici 10 à 20 ans et que le problème sera devenu alors en grande partie caduc.
Mais la profonde modification de l’environnement scientifique, politique et médiatique, elle, ne va pas disparaître et la prochaine pomme de discorde pointe déjà à l’horizon : la nanotechnologie. Il est donc très actuel que la communauté scientifique traditionnelle s’organise de manière plus efficace pour affronter la montée médiatique des sciences sauvages et son effet imprévisible sur l’opinion publique et politique ».

Un simple bon sens permettrait de dénoncer la manipulation du CRIIGEN.

Qui peut croire que la mise sur le marché d'OGM présentant une toxicité ne serait pas réprimée de manière vigoureuse aux USA? Car bien sûr, de telles altérations du foie, des reins, etc., seraient constatées par les éleveurs, les bouchers, les consommateurs... qui porteraient plainte immédiatement!

Une opération de communication

La mise en cause des OGM n'est pas basée sur des faits, elle est décidée à l'avance (ce qui n'est pas condamnable en soi, puisque cela participe au débat). Une autre caractéristique de la "science" parallèle est d'être imperméable aux critiques du reste de la communauté scientifique.
Seule compte la médiatisation de l'opération: il ne s'agit pas de convaincre les autres scientifiques, le but de toute publication scientifique traditionnelle, mais de réaliser une opération de com'. Opération d'autant plus efficace qu'elle s'approprie pour les non-initiés le prestige d'une démarche "scientifique" et qu'elle bénéficie de relais médiatiques influents.
Les allégations du lobby écologiste sont toujours répercutées de manière zélée par l’AFP. Qu'une poignée de journalistes, en position stratégique à l'AFP, aient droit de vie ou de mort sur des communiqués de presse, créant ainsi un obstacle insurmontable à l'expression pluraliste sur les biotechnologies vertes, n'est pas sans poser un réel problème de démocratie.

Un CRIIGEN moins indépendant qu’il n’y parait

C’est ce que prétend Marcel Kuntz, biologiste, directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire de Physiologie Cellulaire Végétale et enseignant à l’Université Joseph Fourier, Grenoble.
Il souligne les « liens du groupe du Criigen et la société Sevene Pharma qui commercialise des préparations homéopathiques à base de plantes qui, soi-disant, pourraient "détoxifier" divers produits toxiques...
D'autre part, le Criigen a été fondé avec le soutien financier de Carrefour qui a aussi contribué à financer certains travaux de Séralini et coll. Or cette enseigne de grande distribution commercialise des produits labélisés "sans OGM"... »[6]


[1] Etudes n° 2,3,4,5,6,10,21,22,23,31 citées en bas de pages de l’article de la revue « Environnemental Sciences Europe »

[2] Etudes n° 15,16 citées en bas de pages de l’article de la revue « Environnemental Sciences Europe »

[3] Alain de Weck est professeur émérite d’immunologie et d’allergologie aux Universités de Berne (Suisse) et de Navarre (Espagne). Il est membre associé étranger de l’Académie nationale de médecine (Paris).

[4] SPS n° 282, juillet 2008  http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article975

[5] « OGM. Les députés qui ont fait basculer le vote s’expriment ». Le Figaro, 14.05.2008

[6] http://www.marcel-kuntz-ogm.fr/article-nouvel-opus-78905152.html