L'intoxication allemande par une souche d’E. coli ne doit malheureusement pas surprendre: Déjà, en 1996 une étude menée par le Centre de contrôle des maladies infectieuses d’Atlanta (Etats-Unis) avait démontré qu’« un tiers des décès [liés à une infection par une souche pathogène d’E. coli] était dû à la consommation de produits issus de l’agriculture biologique, alors que ceux-ci ne représentent que 1% des aliments consommés aux Etats-Unis ».
Quelles en sont les raisons?

Source : Agriculture et environnement – 30.6.2011

Commentaire :  "les2ailes.com"

Rappelons que l’intoxication allemande via des graines germées bio (lentilles, soja et petits pois) a en effet provoqué le décès de plus de 35 personnes et entraîné près de 1 000 cas de syndrome hémolytique et urémique (SHU). Certains de ces malades auront des séquelles à vie, notamment des insuffisances rénales.
Nous devons les informations suivantes à deux articles d’un observateur de grande qualité, Gil Rivière-Wekstein. Nous devions déjà à ce journaliste une remarque enquète sur le rôle de la "Ford Foundation" dans le financement de la "Fondation pour le Progrès de l'homme" et de "Inf'OGM"  que nous avons repris, dans notre ouvrage "les contrevérités de l'écologisme" (pages 200 à 202) [1]. Nous prenons donc le parti de reprendre intégralement ses articles sous les titres qu’il a retenus :

Escherichia coli : Clarification à l’égard de la filière bio.

« La revue Politis tente de dédouaner la filière bio, qui serait « accusée àtort ». « C’est un amalgame scandaleux », s’insurge Julian Adda, délégué général de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). Il ajoute : « [La contamination] touche aujourd’hui la filière bio, mais le risque n’a rien à voir avec nos pratiques ». Ces propos sont faux.
Comme l’est la déclaration précipitée de Dominique Marion, le président de la Fnab, qui a tout récemment affirmé qu’« en agriculture biologique, il n’est pas possible d’avoir une telle infection ».

Deux raisons expliquent pourquoi la filière bio est davantage exposée que les filières conventionnelles à ce type d’infections bactériennes.

1- D’une part, l’usage de matières organiques animales ou humaines accentue le risque. Comme le rappelle Jean-François Briat, chercheur au CNRS, une étude menée en 1996 par le Centre de contrôle des maladies infectieuses d’Atlanta (Center for Disease Control d’Atlanta-CDC- Etats-Unis) a démontré qu’« un tiers des décès [liés à une infection par une souche pathogène d’E. coli] était dû à la consommation de produits issus de l’agriculture biologique, alors que ceux-ci ne représentent que 1% des aliments consommés aux Etats-Unis ».
Certes, la  Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) a dénoncé dans un communiqué du 28 juillet 2011 que ces attaques étaient basées sur des études scientifiques qui n’existent pas. Contacté par la FNAB, un des scientifiques n'aurait pu donner la référence de cette étude. Selon la FNAB, des cadres dirigeants du CDC auraient nié "vigoureusement avoir conduit de tels travaux comparant le risque d'infection par E. Coli en fonction du mode de production, bio ou non bio". 
Lorsque le compostage est correctement effectué, il est ainsi censé éradiquer les bactéries pathogènes. Mais personne n’est à l’abri d’un accident. En conventionnel, ce risque est éliminé dans la mesure où les engrais apportés aux cultures sont de synthèse. Reste un risque commun aux deux types de cultures : celui d’une eau contaminée.

 

2- D’autre part – et cela n’a curieusement été évoqué dans aucun article de presse –, le processus même de la germination des graines semble aujourd’hui poser un véritable problème pour la filière bio. En effet, l’exploitation biologique allemande, premier foyer de l’épidémie, possède un équipement moderne, et aucune erreur n’a été relevée par les autorités sanitaires allemandes. Par conséquent, des graines contaminées en amont n’auraient pas été détectées lors des analyses microbiennes (ce qui est d’autant moins surprenant que la souche O104:H4 n’est pas recherchée). Ensuite, le système de stérilisation bactérienne des graines n’aurait pas tué la souche. Sachant que l’agriculture biologique interdit l’usage d’eau chlorée et de moyens physiques tel que l’irradiation, les seules alternatives préconisées en bio sont soit le trempage pendant quelques minutes des graines dans de l’eau chauffée, soit l’utilisation de vinaigre bio. Or, Philippe Bourgois, patron de Germ’line, l’un des trois plus grands producteurs de graines germées bio de France, admet que l’eau n’est réchauffée qu’à 65°, alors que l’OMS recommande un chauffage à 70° minimum ! Une immersion de quelques minutes dans de l’eau à 65° suffit-elle pour rendre inactives les bactéries ? « Ce n’est pas certain », estime David Tribe, professeur au département de microbiologie et immunologie de l’Université de Melbourne (Australie). « Cela dépend également du temps, de la quantité de graines et de la charge bactérienne initiale », poursuit le spécialiste, qui estime qu’une immersion dans de l’eau à 65° « pendant quelques minutes » est clairement trop risquée. « Des germes pathogènes piégés sur des graines pourraient parfaitement résister à ces traitements », ajoute le Dr Tribe, qui reconnaît qu’on ne connaît pas aujourd’hui la tolérance à la chaleur de la souche O104:H4. Elle pourrait différer de celle d’autres souches...

Il n’est pas étonnant que l’ensemble des foyers d’intoxication par E. coli O104:H04 constatés depuis mai 2011 soient, dans un cas, une exploitation bio, et dans les autres, des particuliers ayant procédé eux-mêmes à la germination des graines, les sachets de graines ne contenant en général aucune indication concernant la nécessité d’opérer une stérilisation bactérienne des graines avant germination..
Enfin, mettre en cause les élevages intensifs – et les antibiotiques utilisés dans les élevages – témoigne d’un manque de connaissance du dossier : la souche E. coli O104:H4 n’a jamais été retrouvée chez des animaux ! En revanche, elle circule en Europe chez les êtres humains depuis 2001 (et non 2005, comme le prétend Politis)...

Dès lors, pourquoi 60 millions de consommateurs voit-il le bio en rose ?

Dans son Guide du Bio, la revue 60 millions de consommateurs chante les louanges du bio. « Les Français sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les produis issus de l’agriculture biologique », note la brochure, qui précise : « Ils seraient environ 7% à en consommer tous les jours ». Sauf que selon les propres documents de l’Agence Bio, ils étaient 9 % il y a deux ans ! Ce recul n’est pas vraiment un signe de l’« engouement » que croit percevoir le mensuel, qui réaffirme au passage que « le bio respecte l’environnement en n’utilisant pas de produits chimiques ; en conséquence, il est meilleur pour notre santé ».
Pour preuve, le guide mentionne un rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) de 2003, qui « va plutôt dans ce sens ». Ce qui est parfaitement faux ! Il suffit de lire les conclusions de ce rapport : « L’ensemble des données examinées dans le cadre de cette évaluation a montré, de manière générale, peu de différences significatives, et reproductibles, entre la composition chimique des matières premières issues de l’agriculture biologique et de celles issues de l’agriculture conventionnelle. Les résultats des études sont parfois contradictoires. Les nombreux facteurs de variation intervenant dans la composition chimique et la valeur nutritionnelle des aliments (variété/race, saison, climat, stade de maturité ou de développement, stockage, conduite d’élevage…) sont souvent plus importants que l’impact des facteurs liés strictement au mode d’agriculture (nature de la fertilisation, des traitements sanitaires…). »
Enfin, le Guide du Bio met également en cause le chiffre de 20,7% concernant la présence de résidus de pesticides dans les produits bio. Une donnée révélée par le livre Bio, fausses promesses et vrai marketing [1bis]. Il s’agirait d’« une mauvaise interprétation » du rapport de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui affirmerait aujourd’hui que le pourcentage des échantillons de produits bio présentant des résidus de pesticides en 2007 ne serait « que » de 10,2%. Curieuse affirmation : dans son rapport, la DGCCRF ne mentionne nulle part 10,2%, mais bien 20,7%. Voici ce qu’elle écrit : « Sur 256 échantillons de produits biologiques, 203 échantillons ne présentent aucun résidu de pesticides. 45 échantillons sont positifs en dessous de la LMR et 8 échantillons sont positifs au dessus des teneurs maximales autorisées. En tenant compte de l’ensemble des échantillons positifs, le taux de non conformité est de 20,7 % ». Ce chiffre de 20,7 % n’est d’ailleurs pas surprenant. D’autres études réalisées à l’étranger, notamment les travaux conduits entre 2002 et 2008 par l’équipe allemande d’Eberhard Schüle, relèvent une présence de résidus détectables dans les denrées bio assez similaire (comprise entre 23% et 30 % [2]).
Interrogé par A&E, le rédacteur en chef adjoint de 60 millions de Consommateur, Jean Jacques Nerdenne précise que, selon la DGCCRF, « le chiffre de 20% incluait les produits contenant du PBO (pipéronyl butoxide), qui n’est pas un pesticide, mais qui est un synergiste des pyrèthres ». En clair, sur les 20,7%, 10% des échantillons contenaient un produit chimique de synthèse; Ce qui veut dire que 10 % des échantillons contenaient un produit chimique de synthèse ; une information qu’y aurait mérité de figurer dans l’article...
Enfin, le Guide du Bio reconnaît que l’agriculture biologique utilise des pesticides dangereux pour la santé… tout en minimisant les risques. Ainsi, la roténone, qui « heureusement pour la santé des cultivateurs, est interdite depuis le 30 avril dernier », ne serait pas dangereuse pour le consommateur « car elle a une rémanence très faible ». Certes, mais le même raisonnement est valable pour de très nombreux pesticides de synthèse. Pour leur part, le pyrèthre et le cuivre seraient sans danger, car si ces deux produits « ont montré des effets sur l’animal, rien ne laisse penser qu’ils puissent en avoir sur l’homme ». Voici un discours bien rassurant, qui en toute logique devrait également s’appliquer aux pesticides de la famille des pyréthrinoïdes, puisque leur mode d’action est identique à celui du pyrèthre.

Conclusion

Nous partageons le commentaire de deux biologistes, Francis-André Wollman et Jean-François Briat, paru dans libération.fr :
« Imaginons le traitement médiatique et l’émotion de l’opinion publique si on avait dénombré 38 morts à l’issue d’une intoxication chimique par un mauvais usage de produits phytosanitaires ou pire encore, d’une intoxication par un produit issue d’une filière OGM…Loin de s’éteindre avec l’identification de la source de la crise sanitaire, le débat aurait probablement été relancé avec d’autant plus d’émotion, n’en doutant pas, sur la nécessité de revisiter de toute urgence nos pratiques agricoles.
A contrario, le silence sidérant consécutif à l’identification de l’infection dans la production d’une ferme biologique évoque irrésistiblement la crainte de contribuer à un débat considéré aujourd’hui comme politiquement incorrect. Dans le débat public concernant les filières de production agricole, nous avons toujours plaidé pour une approche dépassionnée et raisonnée qui prennent pour première considération, le rapport risque/bénéfice de chaque modalité de production »[3].


[1] Nous avions oublié de le citer en source dans notre livre et nous en excusons auprès de lui en lui rendant ici ce qui lui revient.

[1bis] Livre de Gil Rivière-Wekstein.

[2] Eberhard Schüle, « Pesticides residues monitoring of organic food and crops », Séminaire Fytolab, 20 octobre 2009.

[3] Libération.fr – « Sciences » du 16 juin 2011