C’était le titre retenu par le journaliste Antoine Reverchon pour son dossier du journal « le Monde – Economie ». Il réfléchissait à des idées de « nouveaux indicateurs pour changer de modèle »  et pour «  intégrer l’impact des pratiques environnementales et sociales des entreprises dans leurs bilans financiers ». Le dossier rassemblé avait le mérite de donner des idées. Mais on voit combien l’exercice est un vœu pieux s’il n’y a pas un consensus sur les valeurs à prendre en compte en matière économique.
Balayons quelques unes de ces idées.

Source : Le Monde-Economie » du 21 septembre 2010

Commentaire de « les2ailes.com »

La création d’une norme ISO 26000 relative à la « responsabilité sociétale des organisations »

Elle a été adoptée le 13 mai 2010 par 72 états. Elle « fournit des lignes directrices sur les principes sous-jacents de la responsabilité sociétale, les questions centrales et les domaines d’action relatifs à la responsabilité sociétale ainsi que les moyens d’intégrer un comportement sociétalement responsable dans les stratégies, systèmes, pratiques et processus adoptés par les entreprises ». Mais, les USA et l’Inde ont voté contre ce texte. Par ailleurs, elles n’ont pas de caractère contraignant puisque elles ne font pas l’objet d’une certification comme c’était le cas de la norme qualité « Iso 9001 ». Des sociétés d'audit et de certification proposent des prestations aux organismes qui le souhaitent. Ces derniers peuvent alors faire état d'un certificat de conformité à ISO 9001.

Et même lorsqu’existe la possibilité de faire certifier les pratiques d’une entreprise, il ne faut malheureusement jamais oublier que les agences de contrôle ont pour clientes les entreprises analysées. La sincérité des résultats est sujette à caution.
La norme ISO 26000 se déclare elle-même comme ayant l’avantage de « se référer et de rassembler tous les textes de références des organisations internationales étatiques (OIT, ONU, OCDE…) en un seul document. Le texte de la norme ISO 26000 ne sera connu qu’en novembre 2010. Il faudra l’étudier avec attention.

La mise en place de nouveaux indicateurs dans les bilans d’entreprise

Plusieurs entreprises, parmi les plus prestigieuses, semblent s’y casser les dents : Nestlé, EDF, Tata, Aviva, HSBC et quatre cabinets d’audit (Deloitte, Ernst&Young, KPMG et PwC), ont lancé le 4 août 2010 un comité international chargé de proposer au G20 une réforme des normes comptables internationales intégrant les thèmes de l’environnement, du social et de la gouvernance.
En langage comptable, il s’agirait « d’intégrer, dans le bilan des entreprises, les coûts et les actifs sociaux et environnementaux ».

L’objectif d’un bilan est de donner une « photo » de la valeur en € d’une entreprise à un moment donné. Mais, Antoine Reverchon montre bien que une « comptabilité durable »  devrait chiffrer de nombreuses données dont l’ « immatérialité les rende peu mesurables » et dont « leur temporalité en rende l’amortissement trop difficile à calculer ».

On envisage l’introduction, dans le bilan des entreprises, d’un « client fictif » qui serait la « planète » ou « les générations futures ». Mais quelles dettes prendre en compte et comment mesurer ce qui serait du par l’entreprise à ces clients ? Par exemple, en matière de consommation d’énergie, le compte d’exploitation prend en compte les coûts engagés mesurés par une valeur de marché. Mais quel serait le coût de régénération du stock des ressources naturelles ainsi mis en œuvre si la réduction dudit stock est irréversible ? Quelle serait la valeur du stock conservé si la technicité évolue et rend son utilisation obsolète dans le futur ? Quelle serait la réalité d’un actif de tourbe qui aurait été valorisé par une entreprise des années 1850 ?

De la même manière, comment évaluer le capital humain d’une entreprise ? Comment valoriser les compétences de chacun ?

On peut toujours regretter que, dans le libéralisme, une valeur est nulle si elle n’est pas fixée par le marché. Mais si ce n’est pas le cas, il faudrait « fixer cette valeur par consultation des parties prenantes ». Qui représenterait les générations futures ? Des ONG ? On voit trop à quels dogmatismes on s’exposerait. Ou alors il faudrait fixer certaines valeurs par le biais de taxes ou de subventions. On a vu ce qu’ donné le projet de taxe CO² ! Ce sont des considérations budgétaires qui avaient pris le dessus et non la protection des générations futures ! Antoine Reverchon conclue lui-même : « Le problème d’une valeur de référence, indispensable pour fixer le coût, négatif ou positif, d’un actif, demeure entier … le chemin vers la comptabilité verte sera long ! ».

L’utilisation des « Indicateurs de Développement Humain »

C’est l’exemple de McDonald’s France qui est cité dans le dossier : « Nous allons appliquer les résultats offerts par les IDE [‘’Indicateurs de Développement Humain’’] et IDH [‘’Indicateurs de Développement Humain’’] à la comptabilité 2009 » explique l’entreprise. Le problème de ces indices développés par l’ONU ou d’autres économistes est connu. Il revient à confier à des instances politiques des critères de bonheur. Remplacer le Produit National Brut (PNB), par celui de Bonheur National Brut (BNB), n’est pas un simple jeu de mots. Même le très sérieux prix Nobel, Joseph Stiglitz s’est laissé aller à ce jeu. Mais quelles sont les valeurs qui sous-tendent lesdits critères ?

Le problème reste entier.