Le conseil consultatif national d'éthique (CCNE) a rendu le 1er  juillet 2013 son avis sur les trois questions que le Gouvernement lui avait posées. Il aborde, en particulier, la question de la "sédation". Le mot est souvent mal compris et ne permet pas de se faire une idée sur la question sans un minimum de définition sémantique. De quoi s'agit-il?

Sources: rapport n° 121 du CCNE et du rapport de la mission Sicard

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L'éthymologie du mot "sédation"

Le mot sédation vient de "sedare", apaiser. Au 15° siècle on parlait de sédation des querelles, et au 16° siècle on a parlé de sédation de la douleur.
Avec la médecine moderne, on parle de "produits sédatifs".

 

La pratique de la sédation

Formellement, la sédation est obtenue par des médicaments de la classe des hypnotiques. Il s'agit de benzodiazépine la plupart du temps  (midazolam, lorazepam, bromazepam). Il faut également mentionner le propofol, la kétamine ou le thiopental.
Dans la pratique quotidienne, il est rare de dissocier les produits hypnotiques des produits analgésiques destinés à prendre en charge la composante douloureuse. L'analgésie est obtenue par des médicaments dérivés de la morphine : rémifentanil, sufentanil, alfentanil, fentanyl.

Plusieurs échelles dont celle de Ramsay permettent d'évaluer simplement le niveau de sédation d'un patient. Les visées de la sédation peuvent être :

  • Une somnolence provoquée chez une personne qui peut être réveillée par la parole ou par tout autre stimulus simple
  • Une perte de conscience provoquée qui peut prendre la forme :
    • d’un coma provoqué transitoire (sédation intermittente)
    • d’un coma provoqué non transitoire (sédation prolongée)

 

Le contexte légal actuel

La sédation est un acte médical qui consiste à endormir un patient pour supprimer sa souffrance physique ou psychique. Dans son principe, la sédation est réversible, temporaire ou continue, mais on ne meurt pas d’une sédation en tant que telle. Plusieurs instances ont défini la sédation et en ont fait des analyses assez proches:

La société française d’anesthésie réanimation a défini, en 2001, la sédation comme étant « l'utilisation de moyens médicamenteux ou non, destinée à assurer le confort physique et psychique du patient, et à faciliter les techniques de soins. »

La Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP) a donné une définition précise de la sédation et de ses effets: La sédation qualifie:

  • L’anxiolyse : apaisement de l’anxiété (c’est-à-dire d’un désarroi psychique face à une situation vécue difficilement) par des médicaments anxiolytiques
  • L’analgésie : apaisement de la sensibilité à la douleur physique par des traitements dits antalgiques
  • L’induction du sommeil : facilitation du sommeil par somnifères

La SFAP définit ainsi  la "sédation en phase finale":  « La sédation pour détresse en phase terminale est la recherche, par des moyens médicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience, dans le but de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par la personne malade, alors que tous les moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés ou mis en œuvre sans permettre d’obtenir le soulagement escompté »

La Haute autorité de santé a repris la définition de la SFAP en disant que ses " recommandations de bonne pratique ont reçu le label de la HAS".

 

Les risques de confusion

- Sédation létale (ou terminale) : l’expression sous-entend aujourd’hui une volonté non seulement d’endormir, mais aussi d’accélérer la survenue de la mort dans un délai rapide.

  • Le rapport Sicard suggère la « décision d’un geste létal » (c’est à dire qui provoque la mort) ou un « geste accompli par un médecin, accélérant la survenue de la mort ».
  • L’Ordre national des médecins, par une initiative inattendue, a pris position le 8 février 2013 en faveur d’« une sédation adaptée, profonde et terminale ». Dans ce projet, « le médecin peut (…) se récuser en excipant la clause de conscience » (pourquoi une clause de conscience, si ce n’est parce qu’il y a volonté de mettre fin à la vie ?) ; par ailleurs, « l’interdit fondamental de donner délibérément la mort à autrui (…) ne saurait être transgressé par un médecin agissant seul » (donc à l’inverse, on pourrait donner la mort sur la base d’une décision collégiale ?).
  • Fait assez exceptionnel, l’Académie de médecine a réagi le 28 février 2013 au texte de ses confrères : « dès lors que l’on parle de sédation terminale, le but n’est plus de soulager et d’accompagner le patient, mais de lui donner la mort ».

- Sédation en phase terminale

L’expression concerne la sédation dans les derniers jours ou les dernières semaines de la vie, sans volonté de provoquer la mort, même si les produits utilisés peuvent avoir comme conséquence indirecte un décès plus rapide (mais dans un délai impossible à mesurer précisément).

 

L'avis du CCNE

En phase terminale d’une maladie grave et incurable, « le CCNE estime qu’un patient doit pouvoir, s’il le demande, obtenir une sédation continue jusqu’à son décès. Il s’agirait d’un droit nouveau (sic) qui viendrait s’ajouter au droit de refuser tout traitement. »
En dehors des situations de fin de vie (patient gravement handicapé par exemple), la médecine devrait accompagner la personne qui « demande d’arrêter tout traitement susceptible de contribuer au maintien des fonctions vitales », avec une sédation appropriée.

 

Conclusion

En distinguant ces deux cas de figure, mais en concluant apparemment au même « droit à la sédation », l’ambiguïté demeure forte sur la question de l’alimentation et de l’hydratation : si on les considère comme un traitement que le patient a le droit d’interrompre, la sédation profonde (que le CCNE légitime) devient en réalité un acte à visée euthanasique.
Une grande vigilance s'impose à l'approche du prochain débat qui aura lieu sur l'euthanasie. malgré deux rapports très clairs (celui du Professeur Sicard et celui du CCNE) contre la légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté en France, le Président ne veut pas en prendre acte officiellement. Alors qu’il avait annoncé qu’un projet de loi serait présenté au Parlement en juin 2013, le chef de l’Etat vient de le repousser à fin 2013 au plus tôt : au terme des états généraux proposés par le CCNE, il y aurait « un projet de loi qui complètera, améliorera la loi Leonetti », ce qui laisse encore la porte ouverte à toutes les hypothèses. Reste à savoir si ce débat sera mené avec la même objectivité que celui qui a précédé la loi Taubira?